Nenfëa, le 04.08.2007 à 22:37, dit :
Voilà un point sur lequel nous ne sommes pas d'accord : les sentiments sont universels, oui, mais la manière de les susciter dépend de tout un chacun.
Question d'éducation artistique !
Aujourd'hui, un Français ne peut savourer certains poèmes, certaines musiques anciennes, ou certaines pièces de théâtre, que s'il a reçu un minimum d'éducation artistique. Cela peut paraître élitiste, je sais, mais c'est pourtant ainsi. L'art est une forme élevée d'expression qu'il faut connaître pour apprécier.
Pour l'art étranger, c'est pareil. L'opéra Chinois (j'entends le chant, pas les acrobaties) est sûrement insupportable à 90% des Français. Pourtant, avec un peu d'écoute et d'intérêt, on peut finir par apprécier. Puis, si tu parlais la langue, tu découvrirais alors que les histoires qui sont racontées se rapprochent souvent de nos drames grecs, et tu pourrais aller écouter un opéra chinois avec autant de plaisir que si tu allais voir un film un samedi soir au Gaumont.
Tout est question d'éducation artistique. Apprécier certaines formes d'art, ce n'est pas inné, cela s'apprend. Donc la manière de susciter des sentiments s'éduque. Prends le premier collégien qui passe dans la rue et envoie-le voir un pièce de Corneille au théâtre, tu es à peu près sûr qu'il va s'ennuyer.
On pourrait d'ailleurs faire le reproche dans un sens inverse : à ceux qui dénigrent les jeux vidéos, parce que c'est un moyen qui ne leur parle pas, avec un peu de patience on pourrait les convaincre que le scénario d'un Final Fantasy vaut largement quelques grandes saga du cinéma.
Citation
L'art se définirait-il par le fait qu'il soit passé à la postérité ? Si Van Gogh avait brûlé toutes ses toiles dans sa folie, celà n'en aurait-il plus été de l'art ?
Non. Mais c'est un indice qui en général ne trompe pas. Jusqu'à preuve du contraire, les mauvais livres, les mauvais films, les mauvais chanteurs, à part quelques "fortunés", ne passent pas l'épreuve du temps. Combien de mauvais poètes du XVIIIe siècle français connais-tu ? Combien de starlettes de la chanson ont aussitôt disparu après leur tube de l'été ces dernières décennies ?
Citation
Définir l'art à son seul public ou à sa seule notoriété me semble perdre toute la partie "création" de l'oeuvre, un peu comme si on ne s'intéressait qu'à la partie émergée de l'iceberg sans chercher à savoir ce qui se trouve en dessous.
Je suis d'accord. Mais pour éviter les raisonnements qui tournent à vide, l'épreuve du temps ou de la renommée permet d'imposer une limite. Car, en dernier ressort, c'est le public qui juge. Mais que chaque siècle ait sont lot d'artistes méconnus, cela ne fait aucun doute.
Citation
Finalement, dans la Capoeira, il n'y a pas de combat au sens propre du terme. Ce n'est ni plus ni moins qu'une vision du combat, qui entre pleinement dans ma définition de l'art, et ne me semble à priori pas en contradiction avec la tienne.
C'est possible. Je me méfie de la capoiera car c'est un art/une danse qui est brutalement venue à la mode, et comme tout les produits à la mode, ont tend souvent à leur trouver des justifications postérieures (historiques, symboliques). Mais je suis peut-être mauvaise langue !
Je ne cacherais pas, par contre, pour avoir vu de la capoiera en plusieurs occasions, que les mouvements me paraissent assez pauvres et répétitifs (tout comme le karate artistique). Fausse impression ?
Citation
Je verrais plutôt la chose sous l'angle opposé : pour moi, c'est vouloir ne caser l'art que dans sa définition académique qui est réducteur.
Oui la définition académique est réductrice. La littérature, par exemple, n'est pas considérée comme une forme artistique par la définition académique (le romancier n'est pas un artiste, c'est un écrivain). Cela tient, je crois, au fait que les genres littéraires sont fort variés et se croisent facilement, de la correspondance, à l'essai biographique ou à la fiction (de genres plus littéraires à des genres moins littéraires). Seule la poésie est considérée comme un Art. Pourtant, cette définition reste, à mon sens, encore la plus acceptable (malgré qu'elle soit elle aussi multiple et controversée). Je n'en vois aucune autre sérieuse pour la concurrencer. Pour l'instant celles qui ont été proposées ici me paraissent peu convaincantes.
Citation
Si l'histoire qu'à écrite le maître du jeu de rôle est de l'art, pourquoi pas ? Pour nous mettre d'accord : il ne sera jamais un artiste reconnu, c'est sur. Mais ça ne lui dénie en rien le "droit" d'avoir fait, à son petit niveau, avec ses compétences (peut-être) limitées, ce que je qualifierai tout de même d'art. Pas au sens académique, mais au sens où il a mis de lui même dans sa création, au sens où "l'oeuvre" reflète sa façon de voir.
Notre problème est l'acception du mot Art. Si tu ne prends pas la définition académique, quelle définition retiens-tu ?
A priori, là où nous sommes d'accord :
- qu'il ne gagne pas de renommée ne prouve rien en soi
- qu'il ait fait un véritable travail créatif, fait preuve d'originalité
- que son scénario reflète sa façon de voir (c'est obligé...)
- si on veut parler d'art au sens le plus banal du terme (tout comme le cuisinier, le conteur), pourquoi pas ?
Là où je ne suis pas d'accord puisque je discerne l'Art (déf. académique) de toutes les formes d'arts/techniques/savoir faire :
- pour parler d'Art, je n'en vois pas la nécessité. N'est-ce pas assez de dire que son scénario est original, bien ficelé, admirablement mené ? Ne peut-on pas seulement dire qu'il a quelques talents de maître de jeu ? Aussi créatif soit-il, ce n'est qu'une somme d'idées qui n'utilisent aucun moyen de réalisation, dont la finalité est l'amusement, et qui ne s'adresse à un petit groupe réduit de personnes partageant la même passion, au sein d'un univers virtuel et chimérique... Dès lors, quelle est la portée de son action "artistique" ? Qui peut-elle toucher, émouvoir, autre que les 4 joueurs qui s'amusent ? Son universalité et sa représentation ne sont-elles pas, par avance, réduites et condamnées par la forme même imposée par le jeu dans un univers replié sur lui-même ?
Ce que l'on peut m'objecter :
- un bon scénario n'est-ce pas comme un bon roman, un bon film, une bonne pièce de théâtre ?
Je réponds : pour que l'on puisse en juger, il faudrait qu'il le mette à l'écrit, ou qu'il se soumette à la critique. Mais dans tous les cas, même un scénariste de film n'est pas considéré comme un "artiste", jusqu'à preuve du contraire.
- son travail n'est-il pas comparable à celui d'un homme de théâtre ? ou à l'art oratoire ?
Je réponds : dans le théâtre ou l'art oratoire, la forme conte autant le fond, donc on revient à la question du contenu...
Supposition nulle :
- Supposons maintenant que le MJ soit un grand acteur formé au théâtre, que son scénario ait été écrit par un dramaturge reconnu, sur un background libéré des elfes et des dragons, et joué par des acteurs professionnels, cela deviendrait-il de l'art, voire une nouvelle forme d'art ? Certainement, oui. Mais restons sur terre : il y a peu de chance que cela arrive, nous le savons. La réalité est toute autre pour diverses raisons : d'abord les JdR ne sont ancrées dans aucune tradition artistique, ils ne sont pas un lieu de culture (et l'on voit mal comment ils le deviendraient) et les arts ont besoin, pour se développer, d'un fond culturel commun. Enfin, ils sont un jeu et non une forme d'expression artistique (connaissons-nous bcp de jeux qui se soient changés en Art au cours de l'histoire ?), et ils n'ont que des règles de jeux, pas ou peu de règles encadrant leur réalisation. Bref...
Mon avis est que non seulement les JdR ont peu de chose en commun avec les arts classiques (théâtre et cinéma y compris), et qu'ils ne sont pas propices aux développements de forme d'expressions artistiques (moins que les jeux vidéo en tous cas). Le seul trait commun avec les arts, c'est en effet la création, l'imagination. Mais pour moi cela s'arrête là. Dire que le joueur est acteur (Alliop) me semble être un jeu de mot... ou alors, quand mon voisin me raconte une blague, il devient aussi acteur, et donc nous le sommes tous !
Citation
Maintenant, reléguer l'art au pur plan technique n'est pas souhaitable.
Je suis d'accord. Et c'est pourquoi j'ai du mal à classer les arts martiaux, dont la composante est principalement technique, dans cette la catégorie des "arts". La création, l'imagination, la recherche du beau, etc. tout ce que l'art recherche ou utilise n'a que peu de place dans les techniques martiales. Je ne vois pas ce que le pratiquant d'arts martiaux a de commun avec le peintre, le musicien, l'acteur de théâtre, même avec le danseur, si ce n'est l'harmonie de certains mouvements (aikido, taiji). Mais cela n'empêche pas l'existence de certains aspects esthétiques, cela n'empêche pas de parler d'un art martial, d'un art du combat, mais par "art" il faut ici entendre science, maîtrise du combat.
Citation
On oppose souvent les multiples concepts d'art sans voir qu'ils peuvent très bien cohabiter entre eux, parce qu'on est en quête d'une définition unique et absolue de l'art qui, je le pense, n'existe pas.
C'est en effet très controversé, mais si l'on gratte un peu l'histoire de l'art, il existe malgré tout un noyau commun, palpable, qui fait que certaines activités pourtant créatives n'auront jamais accès au rang d'Art, que d'autres pourront y prétendre. De nouvelles formes d'art sont toujours possibles.
Citation
Pour moi, ces formes de pression politique sont l'équivalent en ces temps des efforts de marketting actuel : le but est le même, améliorer son image pour se placer en position de force, même si les modalités diffèrent très largement.
J'ai pris l'exemple de la poésie, mais je rappelle que cela n'a duré qu'un temps. Les "pressions politiques" n'ont pas été omniprésentes dans l'Histoire de l'art, et sûrement pas au point du marketing et de l'image dans la publicité, dont c'est le principe même !
Citation
Ce qui est intéressant, c'est que tu ne doutes pas un instant que le but de l'artiste ait été de faire du beau malgré le fait qu'il se soit vu contraint de produire une toile pour des raisons bassement matérielles, tandis que tu n'imagines pas un instant que le créateur de publicité ait voulu mettre du beau dans une publicité esthétique, drôle ou touchante, parce qu'il y travaille pour gagner son salaire.
La question n'est pas là : la publicité peut se servir du beau, comme elle peut se servir du ridicule, du kitch, du banal, pour parvenir à ses fins. Elle n'a pas aucune réelle contrainte artistique, aucune portée artistique. Elle se sert de la musique, de l'image, pour faire passer
son message. Le musicien et le peintre, eux, ne se servent pas de la peinture ou de la musique, ils font de la peinture et de la musique.
Je crois que tu mélanges les contraintes extérieures (de l'artiste et de la pub), qui peuvent être parfois économiques pour l'artiste, avec les l'acte même de créer, où là, le publiciste et l'artiste ne font pas du tout le même travail, ils n'ont pas le même objectif en tête, même si le premier a souvent recours à des moyens d'expressions artistiques. Pour la pub, l'art un moyen, pour l'artiste, elle est une fin (avec des exceptions faites pour l'art engagées, la propagande, etc.).
Citation
C'était un autre temps, mais ça ne veut pas pour autant dire que tout n'est qu'argent aujourd'hui, et que tout n'était qu'art hier !
Bien sûr !
Citation
Ce que j'affirme, c'est que la publicité PEUT être une oeuvre d'art
Là aussi nos points de vue divergent. Pour moi la pub ne le sera jamais. Même si le plus grand compositeur du monde prêtait sa plume à un spot publicitaire (ce dont j'aimerais douter !), je suis persuadé que l'histoire ne retiendrait que la musique, et pas le spot !
Edit : Ortho !
(Ultra)VGM récalcitrant et moddeur allergique aux jeux vidéo.