Discipline
30 soufflegivre 3E425, 13h
— HAH ! força la bretonne, ses doigts en sang pointés vers le firmament, accusant le coup tandis que la fabuleuse décharge d'énergie repartait vers le haut, dans un vrombissement inouï.
Dans le ciel, d'un azur uni, le soleil était à son apogée, son Zénith brillant de mille feux sur les eaux du lac Rumare. Deux silhouettes lévitaient au dessus des flots : la première et la plus bas située était celle d'une petite femme, vêtue d'une simple chemise de lin et de braies en toile à sac. Une cinquantaine de pieds au dessus d'elle était la seconde, celle d'un mage sévère en robe bleue, bouc et moustaches blanches.
Alors que l'onde télékinétique atteignait le vieux mage, celui-ci eut un petit rictus.
— Allons, jouvencelle, c'est tout ce que tu as en magasin ? répliqua Aragir Dreslobet, sans se départir de son pittoresque accent. Il fit tourner sa main droite et la volumineuse décharge le contourna docilement pour reprendre la direction... du lac, au grand dam de Maelicia.
— Mais... professeur ! Ca fait DEUX FOIS que j'la renvoie !? J'ai les poignets en compote !!
— Vous auriez les bras brisés que vos adversaires n'hésiteraient pas une seconde ! En garde, pimprenelle !
Le troisième renvoi fut plus dur, plus douloureux, et l'étudiante perdit plusieurs mètres d'altitude en retournant le sortilège à son envoyeur. Ses articulations émirent d'inquiétants craquements, et les larmes lui vinrent aux yeux. Aussi pâlit-elle lorsqu'elle vit que son tortionnaire n'avait nulle intention de faire cesser le supplice.
— S'il vous plaît... stop, gémit-elle, en levant les yeux au ciel.
— Non, répondit simplement Aragir, d'une voix dont avait disparu tout accent.
Face à l'ennemi, tu ne ploieras pas...
Il vola légèrement sur la gauche, et éleva les deux bras. La massive colonne le dépassa, puis s'arrêta. L'onde grandit, forcit et prit des proportions dantesques. Enfin, il se plia en deux, et ce fut un véritable ouragan qui fondit vers l'apprentie.
— Ouïlle, anticipa celle-ci, tout en préparant mentalement son renvoi de sort.
Il y eut un gigantesque *PLOUF*, accompagné d'une respectable gerbe d'eau, et la rouquine se retrouva sous les eaux, les yeux en croix, complètement sonnée.
— Elle a encore perdu, commenta Jim l'anguille.
— Si ça continue, elle va vraiment toucher le fond, renchérit Tom, le poulpe.
La carpe, Buma, ne répondit pas. De toute façon, elle ne disait jamais rien, la carpe.
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20 Sombreciel 3E425, 17h
La grotte était sombre, et traversée par un léger souffle, semblable à du vent. Maelicia, les yeux plissés, ne bougeait pas, osant à peine respirer.
Soudain, elle sentit sa présence, là, juste à sa droite ! Elle fit immédiatement volte-face : là, Aragir, faisant pleuvoir une pluie de boules feu dans sa direction, si vite qu'on n'apercevait même plus ses mains. Déterminée, l'étudiante serra les dents.
Toutes les sphéres de feu furent renvoyées vers leur point d'origine, mais lorsqu'elles le rencontrèrent, le vieux mage n'était plus là. Il réapparut juste dérrière Maelicia, mais le temps qu'il la saisisse celle-ci s'était volatilisée. Il donna un minuscule coup de coude vers l'arrière.
— Ouch, reçut la bretonne, en se tenant la mâchoire.
— Oh, pardon... fit-il, en riant.
Il y eut un bruit d'explosion provenant du fond de l'anfractuosité, puis un hurlement féroce et animal. L'instant d'après, un troll furieux et au derrière encore fumant fonçait sur eux.
— Cela constituerait un bon entraînement, jouvencelle, remarqua le vieil homme.
— Bien maître, céda Maelicia, résignée. Et de préparer son sortilège...
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Une forme sombre et massive se matérialisa dans le lac Rumare. A y regarder de près, on aurait dit un Troll.
— Tiens, qu'est-ce qu'il fait là, celui-la ? s'exclama Jim.
Buma resta bouche-bée. Comme d'habitude en fait.
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Cri Primal
20 Soirétoile 3E425, 15h45
Tout se déroulait comme prévu, songea Jeraselm, un sourire moqueur accroché au visage. Maelicia semblait avoir mordu à l'hameçon, et examinait maintenant Flavius sans se douter que trois d'entre eux, sous le couvert d'un charme de caméléon, convergeaient vers elle. Il ignorait encore comment elle avait fait pour les semer, bon nombre de Traqueurs s'étant retrouvés dans le Rumare en tentant de suivre la cicatrice de téléportation. Mais elle avait fait l'erreur de faire une débauche inconsidérée de pouvoir, et la Wyverne était équipée pour pister ce type d'erreur.
Il prépara sa sphère de givre majeure, et ses deux complices firent de même. Elle était cuite ! Et le lézard serait à eux.
Il se passa ensuite un certain nombre de choses simultanément. D'abord, un ustensile divers explosa en plein milieu d'eux, laissant la place à une satanée fumée noire opaque comme de la poix. Puis le lézard disparut de sa trame de détection magique. Une forme sombre et indistincte, plus sombre que les ténèbres même du carbone en combustion se mouvait dans le nuage noir. Jeraselm sentit le néant de sa trame foncer vers Demetrius.
— A ta droite ! beugla-t'il, mais étrangement Demetrius ne réagit pas. Il détectait pourtant la vie aussi bien que lui, mais il semblait ailleurs, comme distrait ou confus. Arriva ce qui devait arriver : le mage-soldat poussa un cri de surprise, et Jeraselm l'entendit s'effondrer.
Il fallait reprendre rapidement le contrôle de la situation.
— Balançe par terre !! hurla-t'il, en précipitant lui même la sphère de glace entre lui et Demetrius, puis bondissant vivement sur le côté. Hébrard fit de même, et en percutant le sol les deux sphères explosèrent, gagnant soudainement en amplitude jusqu'à couvrir plusieurs mètres en l'espace de quelques secondes, le souffle glaçial dissipant brutalement la fumée.
Demetrius était congelé, mais, entre le groupe de la magicienne, interloquée, et les deux traqueurs, un beau bloc de glaces aux allures de reptile s'était produit. Une sorte de dard en émergeait.
Maelicia, réagissant, commença à attirer télékinétiquement le bonhomme de neige à elle, ce qui déplut fortement aux deux Traqueurs restants.
— Neutralise la, on récupèrera le lézard après ! ordonna le magelame.
Hébrard projeta un magnifique rayon paralysant, puis se jeta au sol juste après alors que ledit rayon revenait. Jeraselm jura, puis jeta dans la nasse un sortilège de silence qui dévia illico. Les trois mages se tenaient désormais en triangle, le traqueur et son agresseur, congelés, trônant au milieu d'eux. Un artiste aurait pu remarquer qu'il était équilatéral.
Ils étaient deux, et elle seule : ils n'avaient qu'à la submerger ! D'un commun et tacite accord, les deux guerriers firent pleuvoir une pluie de sortilèges sur la magicienne. Alternant ondes de paralysie, rayons de silence et sphères de fardeau, ils déchaînèrent sur elle un véritable déluge de maléfices, incantant à tour de bras pour profiter de leur nombre.
Le mage blond crut qu'il hallucinait : la rouquine tenait encore ! Bien que transpirant à grosses gouttes, elle parvenait à bloquer, dévier ou renvoyer la quasi-totalité de leurs attaques ! Cependant non seulement ne pouvait-elle pas les attaquer, mais, au fur et à mesure se contentait-elle juste de les bloquer de ses gantelets. Elle fatiguait !
Soudain, Hébrard se découvrit : empoignant un énorme sphère de fardeau, il la pointa au dessus de sa tête, comme s'il se préparait à lancer un objet trop lourd pour être vrai. La guildiste leva la main, et il fut projeté contre le mur de l'entrepôt, sonné quelques instants , sa baguette roulant à côté de lui.
Ce crétin s'était découvert, songea Jeraselm : il était tout seul à présent ! Non, Flavius, revenait à lui. Maelicia le vit, et un éclair de panique passa dans son regard. D'une main elle se mit à incanter, tandis que de l'autre, elle parait les attaques du Traqueur. Je suis dépassé, pensa Jeraselm, qui n'en revenait pas des progrès de la rouquine. Les runes se combinaient dans les gantelets de la magicienne, et comprit qu'il lui restait peu de temps pour agir. Il faut que je l'affronte sur mon terrain se dit-il, ou je suis cuit.
Dans un rugissement, il suscita une nuée de sphères d'énergie, et chargea la rouquine juste à leur suite, dans l'espoir de la renverser d'un coup d'épaule. L'un des projectiles se fit renvoyer, et il buta contre lui, chutant. Mais déja Flavius et Hébrard se relevaient : ils la tenaient, cette garce !
Mais alors que ses acolytes se redressaient, d'un coup l'incantation prit fin, et le silence s'installa. La magicienne toussota, comme si elle cherchait à s'éclaircir la voix avant un discours. Puis elle inspira profondément, gonflant sa poitrine, écartant les bras pour emplir ses poumons d'un maximum d'air... puis cria.
D'abord juste de sa petite voix aigue, en un "la" plutôt juste bien qu'un peu cassé. Puis le cri s'amplifia, devint terrible et colossal. La terre trembla, les murs grincèrent, et son souffle repoussa tous ceux qui n'étaient pas derrière elle contre les bâtiments, plaqués par un torrent de vent plus intense encore qu'un ouragan. Caisses pesantes et lourds conteneurs de bois glissaient lentement vers l'entrepôt sous la poussée. Neige et vitres de verre éclatèrent finalement, libérant l'argonien de sa prison de glace.
Mais la hauteur du cri augmentait toujours, devenant supersonique, vrillant ses tympans, massacrant ses neurones. La douleur était maintenant insoutenable, empêchant Jeraselm de bouger voire même de penser, cloué sur place par la puissance du Son. Les traqueurs étaient vaincus, incapables de faire autre chose que de se boucher vainement les ouïes contre ce bruit affreux, ce cri de banshee qui ne persistait désormais plus que dans leurs esprits.
La compagnonne s'avança promptement, prit la main de Danse-mot, et se téléporta sans demander son reste. Tout au juste Briséadius eut-il pu distinguer sur ses lèvres, un fugitif mot d'adieu.
— Dire que je croyais que ma femme gueulait, lâcha Hébrard, en retombant au sol dans un choc sourd.
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Maelicia et son passager se matérialisèrent dans une écurie, ou tout du moins dans un endroit bourré de chevaux, de paille et de crottin, ce qui revenait au même. L'argonien nota qu'un seul warp lui avait été infligé cette fois.
L'humaine se laissa choir au sol, dans la paille, le teint terreux. Danse-mot ne l'avait jamais vue aussi pâle. Sa respiration était saccadée. Elle releva une main tremblante vers le roublard.
« Là.... le cheval... aide..» elle s'interrompit un instant, roulant des yeux, cherchant son souffle.
« Montez... moi... sur le cheval, reprit-elle enfin.
Courez vite... il... vous suivra. Faut pas... rester là » acheva-t'elle, puis elle ferma les yeux et se concentra sur son souffle.
Un alezan à la robe orangée s'approcha, puis laissa tomber le foin qu'il tenait dans sa mâchoire en voyant le lézard, interdit. Sapristi, sa maîtresse s'était faite attaquer par un crocodile !
Modifié par Trias, 12 mai 2009 - 09:05.