La Goule
mystère de la nature
Le sujet d'aujourd'hui est une créature infâme et méconnue, vivant dans les cryptes et cimetières de Tamriel : la Goule. Présente dans Arena, elle est absente des jeux suivants cependant, elle conserve un héritage culturel, sous forme de la mention de sa langue en tant qu'ingrédient alchimique, dans Daggerfall et de l'appellation de Goule pour un des serviteurs de Dagoth Ur dans Morrowind. Pourtant, si l'on se penche un peu sur son cas (et un pince-nez est de rigueur), on se rend compte qu'elle est une créature fascinante : son apparence ne ressemble que partiellement à des choses connues et ses moeurs ainsi que les caractéristiques magiques phénoménales de sa langue, soulèvent nombre de théories à son sujet. Intéressons-nous donc cette fois-ci à ce monstre qu'est la Goule, et cherchons à percer ses secrets. Nous commencerons pour cela par passer brièvement en revu ses caractéristiques physiques et magiques, avant d'aborder les différentes théories que son étude soulève.
I. La Goule : son étude
A) Apparence et moeurs de la Goule
Peu de détails nous ont été communiqué concernant la créature, et nous n'avons à notre disposition que ce qui apparait dans les jeux et leurs manuels :
La Goule est une créature griffue, aux oreilles pointues et au teint cireux, au ventre distendu et qui se déplace sur de larges pieds. Malgré une apparente intelligence, puisqu'elle brandit une arme rudimentaire mais inédite, elle va nue. Puissante physiquement, elle est dangereuse en groupe, même si également aperçue seule. Ses dents sont présumées similaires à celle des prédateurs, puisque la Goule se nourrit avant tout de viande, et notamment de charognes. Elle est toutefois réputée capable de mordre cruellement ses victimes.
A première vue, on pourrait donc penser à une variété particulièrement primitive de Gobelins : les oreilles pointues, les larges pieds, le comportement grégaire, les moeurs brutales et agressives, la férocité, l'intelligence rudimentaire... Comme eux, elle transporte de l'or et des babioles de peu de valeur et comme eux, elle affectionne les caves et les endroits tranquilles en marge de la civilisation. Pourtant, le manuel d'Arena nous apprend que la Goule, au lieu d'être une créature vivante, est un mort-vivant.
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B) Ses pouvoirs
Elle ne fait pas preuve de capacités magiques dans Arena mais, dans Daggerfall, sa langue est un ingrédient extrêmement précieux, puisqu'il permet de préparer des potions de langage, qui elles-même permettent de parler et de comprendre toutes les langues.
Elle est de plus, comme cité plus haut, capable de transmettre des maladies par sa morsure, à cause de son régime alimentaire à base de charognes.
Les TES cependant ne nous renseignent guère plus sur les spécificités de la Goule, et semble même adopter une approche issue directement de son grand frère, Donjons et Dragons. Dans cet univers-ci, la Goule est dépeinte comme un mort-vivant affamé de chair et doté d'une intelligence aigüe, capable de parler les langues qu'elle maîtrisait de son vivant. On note immédiatement le parallèle avec la Goule de Nirn : un mort-vivant doté d'intelligence et de ruse, puisque capable de confectionner des outils, et dont la langue contiendrait encore des traces de pouvoirs liés au langage et à la parole.
Mais si une Goule est donc une créature mort-vivante, qu'était-elle de son vivant ? Pourrait-elle être un cadavre de Gobelin, à l'image du Gobelin pourrissant du jeu Magic: The Gathering ? Elle en a une apparence proche de lui après tout, mais c'est impossible à dire. Outre qu'elle soit plus grande, elle est surtout beaucoup plus forte et résistante que lui, d'une puissance similaire à celle d'un Minotaure.
Qui plus est, d'autres pistes se révèlent beaucoup plus intéressantes.
II. Une origine humaine
On vient de le voir, le manuel d'Arena en fait une charognarde et une nécrophage. La version originale est tout aussi précise quant à leurs moeurs alimentaires, puisqu'elle dit :
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Mais ces éléments ne suffisent pas à indiquer que la Goule est avant-tout présente dans ces régions ni qu'elle était de son vivant un être humain : on peut très bien imaginer une histoire de mort-vivant dunmer ou thalmori particulièrement haineux de son vivant envers les Hommes, pour expliquer leur goût pour la chair humaine faisandée. Si cela peut se révéler un indice intéressant, cela peut tout aussi bien être un biais d'observation caché, la plupart des pouvant être des habitants desdites régions à majorité humaine, ce qui diminuerait les traces d'apparitions de Goules dans les territoires elfiques. Il est donc nécessaire d'aborder d'autres théories, et notamment une questionnant le statut de mort-vivant de la Goule. Et si c'était plus compliqué que ça ?
III. Le Semi-mort-vivant
La Goule serait ce que Donjons et Dragons appelle un "demi-mort-vivant", une créature touchée par la mort mais dont les fonctions vitales fonctionnent toujours d'une certaine façon. Cela expliquerait leur intelligence relative et, évidemment, le fait que leur langue soit récupérable en alchimie et ne soit pas un simple tas de chair en décomposition.
Je ne parle pas des
La Goule serait-elle donc réellement un mort-vivant, ou plutôt un semi-mort-vivant, sorte de cousine des Draugr ? Un des éléments sur lesquels on se base l'affirme, mais ceux-ci sont au nombre de trois, c'est donc léger. Après tout, un mort-vivant est une créature ranimée, cela suppose donc une intervention extérieure (nécromanciens, magie chaotique, etc). A défaut de mieux, le parti-pris est de considérer l'affirmation comme vraie, en attendant de nouveaux résultats. Mais si la Goule est un mort-vivant d'origine et qu'elle n'était pas humaine de son vivant, qu'était-elle à l'origine ? Une Fée ?
IV. Une origine féerique
Cette piste est liée aux pouvoirs alchimiques de sa langue. La polyglottie de la Goule permet même à ceux qui boivent les potions de langage de communiquer avec des créatures comme les Géants, les Centaures ou différentes Fées et Betmer (Nymphes, Gobelins, Harpies, Sprigganes...). Or, le langage est dans la mythologie de Nirn un don, et notamment un don d'Yffre. C'est en effet Yffre qui, le premier, "parle" pour stabiliser le monde. La parole, les mots, sont donc fortement liés aux Elnofeys, les Os de la Terre et sont une expression de leur pouvoir.
De nombreuses preuves du pouvoir du langage existe, notamment dans les mythologies humaines. Kyne et Julianos patronnent la voix et le langage, ce qui souligne leur importance, mais de nombreux pouvoirs humains sont également liés à cet organe : le thu'um, la voix de l'Empereur des Impériaux, le Shehai yoku, etc. Les mots sont plus encore selon les Tsaescis, un mécanisme cosmique créateur (la langue de la Goule est d'ailleurs biphide, comme celle des serpents et des Tsaescis, les Vampires du Langage). Le fait que la langue des Goules permette une forme de langage universel (permettant même de converser avec les Daedra dans leur langue !), pourrait donc les rattacher aux pouvoirs des humains, encore, mais aussi et surtout des Fées. Selon la discussion que nous avons eu ici et sur un précédent article, les Fées pourraient être des Elnofeys inférieurs ou subgradiés. La Goule pourrait donc être une version mort-vivante d'une fée, ou une créature particulièrement dégénérée issue de ce phylum.
Cela est de plus renforcé par des éléments extradiégétiques. Dans les traditions arabes et perses, l'al-ghoûl est un mauvais djiin, équivalent de l'Ogre européen ou de la Lamie hindoue par son occurrence dans le folklore. C'est un esprit malveillant et polymorphe (caractéristiques communes des fées, souvenez-vous du Welwa), qui se nourrit des cadavres ou des individus isolés. Une Goule pourrait donc être, si on tire le faisceau jusqu'au bout, une Fée mort-vivante, voire, si on mèle la symbolique à cela, une Fée qui doit être mort-vivante, car elle incarnerait une langue morte, figée, statique, résidu de l'ancien elnofex.
"Le secret du langage est le suivant : il est statique." disait Vivec. Or chez lui, ce qui est statique meurt. Et ce qui est mort est un silence privé de référence. Des Elnofeys et des Divins qui se sont sacrifiés pour stabiliser le monde étant liés au langage, on voit mieux pourquoi on insère les Goules dans ce modèle.
La Goule est donc une créature intrigante, qui est et restera certainement encore longtemps, mal connue. Il est difficile de trancher sur sa nature, et même son statut de mort-vivant est sujet à débat. D'où vient-elle, à partir de quelle créature est-elle ranimée, est-elle une Fée ou un cadavre plus classique ? Aucune de ces interrogations ne trouve de réponses ou n'en apporte suffisamment, même si chacun peut avoir sa préférence.
Sources :
Manuel d'Arena (disponible ici)
Mythe tsaesci de la Création
Parmis les Draugr
L'hérésie arcturienne
"Onzième Sermon de Vivec", le Livre des Heures
Modifié par Svartalfar, 20 novembre 2018 - 23:41.