En tentant de faire le point, je risque ce qui suit :
Le roleplay est essentiellement une attitude du joueur qui se fixe à lui-même des limites pour rendre le jeu plus crédible et immersif. Ainsi un joueur peut s'imposer de n'entrer que dans une des deux églises de Morrowind pour respecter l'antagonisme manifeste (même s'il me paraît sous exploité dans ce jeu) entre Culte Impérial et Temple du Tribunal. Par opposition, le joueur n'ayant pas ces "scrupules" entrera sans vergogne dans les deux pour multiplier ses entrées journal de quête, les factions listées dans sa feuille de perso et "finir" au maximum le jeu.
Ainsi un joueur s'empressera de guider son personnage vers la plus proche auberge à la tombée de la nuit parce que coucher dehors en pleine nature est dangereux et inconfortable (même si le jeu ne fait sentir ni danger supplémentaire ni inconfort particulier, sauf si l'on emploie justement des mods destinés à accroître le réalisme)...
Est-ce à dire que Roleplay et réalisme de la simulation vont de paire ? J'en suis moins convaincu depuis quelques temps...
Comment encourager le roleplay dans un jeu vidéo (sans passer pour un simulationniste maniaque ) ?
Je me laisse dire que l'élément anti-roleplay le plus violent est le principe d'accumulation qu'on trouve dans tant de JDR. Par principe d'accumulation je parle du système de construction de perso par "passage de niveau" (c'est pas nouveau, ça date de AD&D, dans les ES il est vaguement tempéré par la coexistence avec un système de compétences... sauf qu'elles "montent" aussi selon les mêmes principes ).
C'est en effet parceque le joueur a besoin de faire "monter de niveau" son perso qu'il passe une grande partie de son temps à accomplir des actions gratuites (ou qui devraient l'être) : L'accumulation des points d'expériences
- Combattre (on met de côté l'autodéfense), chasser... (la chasse pourrait se justifier si le butin avait un peu de valeur. Or dans les ES, à part pour les alchimistes qui pourtant devaient se concevoir comme une profession d'érudits et d'expérimentateurs en chambre, elle sert surtout à gagner des XP lentement mais sans grands risques, pour peu qu'on évite les kagoutis en rut le temps des premiers niveaux)
- Faire du "dongeon crawling" (quoi de plus gratuits que tous ces lieux sans histoire ni quête associées)
- Vider un lieu exploré jusqu'à la dernière bouteille vide pour financer son ascension (avec à la clef d'interminables sessions de transport de butin qui sont loin d'enrichir le jeu !)
Principe d'accumulation toujours : le pognon ! Les ES brillent par leurs systèmes économiques hors contrôle, où le PJ peut accumuler des fortunes monstrueuses mais qui ne servent à rien (sauf justement à leveler en payant des entraîneurs, des vendeurs de sorts (quel raccourci ignoble !), des objets plus efficaces...)
En guise de contre thèse j'admets qu'il y a plaisir à "monter son perso", à partir du statut de bagnard à celui de Nérévarine adulé, voir simplement à jouer avec les petits jetons lors qu'apparaît l'écran de montée (et je me demande si un mod comme Ascension, par soucis de bien faire, ne conduit pas en fait à appauvrir le jeu en supprimant cet écran )
Ce qui m'ennuie est en fait ces systèmes "à XP" ne sont qu'un raccourci et même un encouragement à mener des petits comptes d'apothicaires (oui je me plains de la disparition de l'écran "aux jetons" et en même temps du décompte des XPs il y a un paradoxe qui m'embête )
Principe d'accumulation enfin : les jeux comme Morrowind ou Oblivion sont construit autour d'un système de quêtes "pré-cablées" dans l'esm. On peut les refuser (encore que même ça n'est pas toujours été prévu par les rédacteurs de quête) mais c'est se condamner temporairement ou définitivement à ne pas "finir le jeu". Du contenu à emporter en somme et qui est quasi imposé, ce qui détruit toute tentative de roleplay. Je peux toujours oublier cette maudite amulette au fond de mon sac à dos (parce que mon perso est un voleur et qu'un voleur sans honneur a d'autres préoccupations que les dernières volontés d'Uriel Septim. En fait je voudrais la refourguer à un receleur mais même ça c'est pas possible ). Martin m'attendra dans sa cathédrale en ruine jusqu'à la fin des temps ! Je suis condamné à la rapporter à Chorol cette #&! d'amulette, sinon la moitié du jeu passe à l'as !
J'en viens à me demander si le système des quêtes aléatoires de Daggerfall n'est pas le plus pertinent (nonobstant les limitations de la recette : quêtes façon "cadavre exquis" très limitées voire même incohérentes). Pertinent dans la mesure où le monde ne s'arrête pas pour autant si je dis flute à un donneur de quête (le jeu m'en fera "respawner" d'autres plus loin, jusqu'à ce que je trouve les quêtes qui conviennent à mon perso...)
Le problème est moins aiguë dans les JDR papiers pour peu que le MJ sache se mettre à la portée de ses joueurs (et ait dépassé le stade couloir/porte/monstre/trésor). Le bon MJ saura toujours adapter ses intrigues selon qu'il a en face de lui une bande d'assassins de la guilde locale, des mages en quête de savoir ou une troupe de mercenaires. Sauf que là j'en profite pour régler son compte à ADD et ses compagnies improbables (sous prétexte d'élargissement des champs de compétences) de paladins, magiciens, voleurs, clercs...
En tant que MJ lors d'une campagne (basée sur la mythologie arthurienne... c'était il y a longtemps et il n'est pas certain qu'aujourd'hui j'arriverais à en sortir sans que fusent les blagues à 2 balles venues d'une certaine série TV de Canal+ ) j'avais en partie éliminé le principe d'accumulation (dans sa variante monétaire) grâce à un univers où l'argent était rarissime. Un chevalier en errance ne va pas à l'auberge, son réflexe sera de demander l'hospitalité au château ou à défaut à l'abbaye... Les récompenses apparaissaient principalement sous forme de biens matériels difficilement monnayables, et aussi de prestige accru.
Le principe d'accumulation n'avait donc pas complétement disparu mais il était ramené à quelque chose de plus proche de disons ce qui motive les joueurs collectionneurs dans Obli et Morro...
Je reconnais cependant que nous n'avions pas su tordre le cou aux petits comptes de XP en fin de session de jeu
Je n'espère pas la disparition des septims dans le prochain ES (jeu américain...tout ça) mais je me demande comment un moddeur pourrait atténuer cette course à l'échalote permanente qui tue le RP parce qu'elle amène le joueur à faire n'importe quoi juste pour remplir sa feuille de perso et son journal de quêtes ? Et grand écart ultime, comment faire ça sans priver le joueur du plaisir de voir cette feuille de perso refléter une meilleure maîtrise de son destin ???
Edit : orthographe... Mais qu'est-ce qui m'arrive en ce moment ?
Modifié par abg, 14 octobre 2009 - 16:44.