Le meurtre de Vitellius
Javale linfâme liquide avec un frisson de dégoût. Les dieux maudissent le sujamma ! Qui ma fichu une boisson aussi immonde ? Parfois, je me dis que les dunmers ont inventé ce truc rien que pour éloigner les étrangers de Vvardenfell. Quelle stupidité ! Je sais pas pour le reste de lîle, mais vu la dégaine de ce village, Seyda Nihyn, cétait vraiment pas la peine den rajouter ! Cest sale, ça pue, et une bonne moitié de la population me zyeute comme si javais la peste. Les seules personnes à peu près saines desprit dans ce bled sont les gardes. Sauf que moi, les types en armures, ça me file des boutons. Rapport sans doute avec les quelques années de prisons quils mont collé quand je vivais à Lenclume.
Franchement, cest bien la dernière fois que je fais confiance à quelquun ! « Tu vas voir, Layan ! Morrowind, cest le paradis, pour la contrebande ! Pas de légionnaires, et des millier de sites sans surveillance ! » Ah ! Il est beau le paradis ! Un type de lempire dans chaque ruelle ! Quand aux soi-disant sites sans surveillances, nen parlons pas ! Pour le coup, faut reconnaître quy a bel et bien personne. Avec raison ! On fait deux pas et des saloperies de morts-vivants nous tombent sur le râble ! Et je ne compte pas les Daedras ! Non, vraiment, je nécouterai plus personne !
Bon, faut relativiser, jai trouvé une taverne. Et dans celle-là, pas de dettes, cest déjà pas mal. De toute façon, il y a peu de chance que cet Arrile face crédit à un Rougegarde pas net comme moi. Faut dire que jai pas la gueule de lemploi. Avec ma taille de géant et ma balafre sur lil, jai une dégaine de brigand. Quelques personnes bien informées diraient sans doute que cest le cas. Je peux pas franchement leur donner tort, même si je préfère me définir comme un roublard. Cest plus nuancé.
Bref. Il est temps de se remettre en selle. Une semaine que je glande dans ce boui-boui. Je recule mon tabouret, me lève et sors. De toute façon, à part faire la causette avec ce sac à vin de Hrisskar, ya pas grand chose à faire. Dehors, lair charrie une odeur un peu particulière. On dirait un mélange de poisson pourri, de vase et déjection. Quand je vous disais que ça pue, c'était pas une exagération. Cest un type qui a passé trois année en taule qui vous le dit. Comparé à ici, les cellules de Lenclume sentent le musc dinsecte telvanni.
Je regarde un peu autour de moi, histoire de vérifier la présence de quelques gardes, et mon regard tombe sur une vieille souche en plein milieu dune mare. Comme dhabitude, je ne peux pas mempêcher déclater de rire. Que je vous explique : Un pauvre elfe des bois nommé Fargoth avais lhabitude de planquer ses petites économies dans ce tronc creux. Malheureusement pour lui, je lai surpris en train dy planquer du fric et un bel anneau magique. Inutile de vous dire que votre serviteur a tout raflé dès la nuit tombée. Mais le plus drôle, cest que cet abruti a été accuser les gardes ! Ce quils lui ont mis, je vous raconte pas ! Il était méconnaissable ! A lheure où je vous parle, il doit moisir dans les geôles de Coeurébène. Vous comprenez maintenant comment jai pu vivre une semaine à lauberge au frais du peuple Bosmer. Si on pouvait croiser des pigeons comme lui plus souvent, la vie sera moins compliquée ! Je sais, cest très mal, Vivec me punira, bla, bla, bla…
Vivec est bien mignon, mais cest pas lui qui me remplira la panse. A moins de me nourrir exclusivement de sujamma. Je préfère pas y penser. De toute façon, jaurai pas à le faire. Ya plein de crabes sur la côte. Cest pas ce quy a de meilleur, mais ça mévitera de crever de faim, cest déjà ça. Je vais donc hors de la ville, près des marécages où on ma dit que pullulait le gibier à pince.
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Une heure que je patauge dans la boue. Mon armure en cuir de netch est dégueulasse. Je commence à penser quon sest encore foutue de ma gueule. Alors que je menfonce dans un trou jusquà la taille, des éclats de voix retentissent. Ils semblent provenir de derrière les arbres qui me surplombent. A pas de loup (enfin, de crabe des vases), je me rapproche de la source du bruit. Deux humanoïdes, un Impérial et un Dunmer, sont en train de se chamailler. Lun est habillé comme un prince, lautre comme un mendiant (inutile, je pense, de préciser lequel est bien vêtu. Lenvahisseur a ses petites habitudes quon connaît bien, maintenant). Je maccroupis au pied dun arbre et tends loreille en tâchant dignorer la boue qui rentre dans mes chausses.
- Vous allez vraiment trop loin ! Gueule lelfe. Vous nous prenez tout ! Il nous reste que nos yeux pour pleurer !
- Ecoutez Foryn, répond lImpérial dun ton suffisant, je ne suis pas responsable du montant des taxes (quand je vous disais que lempire a ses petites habitudes !).
- Mais vous êtes responsable du montant que vous nous extorquez en supplément pour votre pomme, Vitellius, non ?
- Je ne vous permets pas ! Soffusque lhumain, je suis un haut fonctionnaire mandaté par lempereur et…
- Et en temps que fidèle sujet, vous perpétuez la tradition consistant à voler aux habitants toutes leurs richesses, pas vrai !
- Cela suffit ! Jen référerai au Bureau des…
Mais il ne peut pas finir sa phrase. Le Dunmer lui décoche un direct qui lui casse le pif et lenvoi au sétaler dans la vase. Le dénommé Foryn en a pas fini. Il sassit sur le torse de lImpérial et commence à lui marteler la tronche à coup de poings. En voilà un qui a la main leste ! Ca me rappelle un peu les combats à mort aux arènes de Lenclume. Sauf que là, lelfe semble sarrêter avant de tuer sa victime. Sage décision. Tuer un collecteur de taxe lui vaudrait un aller simple pour léchafaud. Sans guère de jugement, dailleurs. En tout cas, lelfe se barre en laissant le type inconscient dans la boue.
Jai une question pour vous : quest-ce que vous feriez dans cette situation ? Moi, je vois tout de suite lopportunité. Un type a tabassé un collecteur et la laissé pour mort. Au village, on sait sûrement que ce Foryn et Vitellius ne peuvent pas se voir en peinture. Sil arrivait une bricole au second, les chances pour quon accuse le premier serait plutôt grande. Mais, me direz-vous, à quoi ça me servirait de buter cet Impérial ? Cest très simple. Les collecteurs de taxes sont toujours blindés doseille. Une vraie banque ambulante !
Je descends en contrebas et arrive au niveau de Vitellius. Il est en train de reprendre conscience en gémissant. Finalement, il ouvre les yeux (enfin, celui quil peut ouvrir) et les braque sur moi.
- Nom dun chien de Nix, mon pauvre homme ! Que vous est-il arrivé ? Lançai-je (oui, je suis bon comédien. Cest indispensable dans mon métier).
- Une saleté de Dunmer a eu du mal à accepter les lois de lEmpire, maugréé-t-il. Il va le payer cher !
- Franchement, je le comprend. A sa place, je vous aurai aussi cogné.
- Quoi ? Crie-t-il.
- Oui, pour un Dunmer, je lai trouvé plutôt sympathique. Il a même de la répartie ! Cest dommage que je doive me résoudre à lui faire du tort. Enfin ! Les temps sont dur !
Et avant que Vitellius ne puisse répliquer quoi que ce soit, je le plaque sur le sol et lécrase de tout mon poids. Il se débat faiblement. Cest presque trop facile. Avec un grognement, je lui tort le coup jusquà ce quun craquement retentisse. Il devient mou comme une poupée de chiffon. Cest vraiment pénible de tuer un homme à main nue. Jen éprouverai presque du remord. Mais je ne peux pas me permettre dutiliser mon épée. Il faut que Foryn croie à sa propre culpabilité. Avec un frisson dexcitation, je me redresse sur les genoux et commence lui faire les poches. Je finis par trouver une bourse dun poids prometteur. Je louvre fébrilement. Bingo ! Il y a là au moins trois mille septims ! Avec fébrilité, je verse la quasi-totalité de la somme dans mes fontes. Pourquoi pas tout, me direz-vous ? Je vous lai dit, Foryn doit croire à sa culpabilité ! Sil apprend quon a détroussé le cadavre, il va comprendre quil nest pas responsable de la mort de Vitellius. Cest aussi pour cela que je nemporte pas le magnifique anneau que japerçois. Enfin, je me suis fait presque deux mille cinq-cent septims. Il y a pire, comme journée. Il reste toutefois un dernier détail à régler. Je fouille encore dans les fringues ridicules du collecteur et trouve finalement ce que je cherchais. Lavis dimposition. Eh oui ! Pour quil se trimballe avec une somme pareil sur lui, il devait sûrement être en plein travail ! Avec un colorant de mon invention, je modifie les montants pour quils correspondent à la somme quil reste sur lui. Cela fait, je replace le papier et méloigne dun pas guilleret. Avec un peu de chance, les crabes des vases trouveront Vitellius avant les autorités. Ce qui permettra de dissimuler le fait quil a eu la nuque brisée intentionnellement. Mais je ne me fais pas trop de souci. Seul un examen très minutieux permettrait de le découvrir. Et les gardes sont tout sauf minutieux.
Ah ! Si seulement les collecteurs de taxes se promenaient plus souvent…
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Quatre mois plus tard, celui que nous appelons le Nérévarine exécuta Foryn Glinith pour le meurtre dont on lavait reconnu coupable. Nul ne vint jamais contredire cette sentence. Aujourdhui encore, on peut croiser dans les rues de Seyda Nihyn un grand Rougegarde balafré qui ricane tout seul en croisant la maison du sieur Glinith.
Modifié par Ja'Shir, 21 mars 2011 - 21:30.