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[H] Resdayn, 1E668


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9 réponses à ce sujet

#1 Raven Dumron

Raven Dumron

Posté 18 février 2010 - 18:27

Important ! Il existe une version plus récente du récit (beaucoup moins de faute d'orthographes, certains dialogues sont améliorés, il y a plus de vouvoiements là où ils étaient nécessaires...) ; si jamais cela vous intéresse, demandez-la moi par mp, je vous l'enverrai par mail (format pdf).






Resdayn,
1E 668





Image IPB




Prologue




«... puis broyer une baie de houx à l’aide d’un mortier et d’un pilon...»
Voryn Dagoth leva les yeux de l’ouvrage d’alchimie. Une baie de houx ? Voilà qui s’annonçait comme un épineux problème. C’était un ingrédient rare en Resdayn ; au mieux, il pourrait en faire venir du nord-est du pays. Au pire... Il devrait envoyer quelques uns des siens sur la terre des barbares pour en récupérer.
Il observa le bol dans lequel gisaient les divers ingrédients de la potion.
« Allons, tu ne vas pas m’obliger à créer un incident diplomatique si près du but ? ... Râh, si seulement ces humains pouvaient rester dans leurs cavernes ! »
Le chimer s’enfonça paresseusement dans son fauteuil. Il n’avait certes pas à se plaindre ; au moins, ça faisait plus de deux siècles que ces moins-que-rien n’avaient plus pu poser un pied sur Resdayn - et encore moins essayer d’y imposer leur loi ! Enfin, si l’on pouvait appeler leur conception primitive de la société « une loi ».
Malheureusement, pour autant primitifs qu’ils puissent être, ils faisaient de redoutables adversaires. Et Voryn n’avait aucun doute quant à la réaction de Nérévar, s‘il s‘avisait de risquer une guerre, juste pour concocter une potion. Les chimers n’avaient pas besoin d’une deuxième guerre.
Voryn soupira, puis repoussa le livre un peu plus loin sur son bureau. Un autre projet abandonné.

Quelques minutes à peine après s'être décidé à passer à autre chose, Voryn fut interrompu par des coups à sa porte. Il grommela, puis invita l’inconnu à entrer ; son exaspération disparu lorsqu’il reconnu le nouvel arrivant.

- Tiens, Uthol, qu’est-ce qui t’amène ici ?

L’autre chimer lui sourit brièvement.

- Des mauvaises nouvelles, j’en ai peur, seigneur Dagoth.

Voyant l’air intrigué de Voryn, Uthol reprit.

- C’est au sujet des dwemers ; c’est un peu long à expliquer, aussi en ai-je consigné le plus gros là-dessus.

Voryn prit le parchemin d’une main troublée.





Chapitre 1





Loin de là, dans un modeste campement de Cendrais, Nérévar Indoril émergeait lentement du sommeil. Il mit un bref instant à réaliser où il se trouvait. Une fois ce moment de doute passé, il se leva du mince matelas qui lui avait servit de lit, et s’étira. Il était dans une yourte de bonne taille, que le khan des Cendres avait fait ériger en son honneur. Nérévar avait apprécié la générosité de l’offre, même si le confort de la yourte était plutôt limité. Cependant, il ne songeait pas à s’en plaindre ; avoir une telle yourte à sa disposition était un honneur dont peu parmi son peuple pouvaient se vanter.
Il prit le temps de s’habiller correctement ; une tenue simple, mais suffisamment belle pour qu’elle honore ses différents titres.
Nérévar sourit. Roi des chimers, hortator des grandes Maisons, grand khan des Cendres... Seul ce dernier titre avait une quelconque valeur, ici, auprès des Cendrais. Pourtant, ils étaient tout autant chimer que lui ; mais cela faisait déjà bien longtemps qu’eux avaient choisis de rester nomade, vivant de la chasse, de la cueillette, et parfois de la pêche. Ils avaient fait le choix d’une vie simple, et en tiraient une certaine fierté. Un choix qu’il n’aurait certes pas fait, mais qu’il trouvait néanmoins respectable.

Nérévar chercha soudain du regard l’Astre-Lune, qu’il trouva finalement posé sur une petite table basse. C’était un anneau en or blanc, en forme de croissant de lune surmonté d’une étoile.
Les Cendrais l’appelait plus volontiers « Un-seul-clan-sous-l’Astre-Lune », et ce depuis qu’ils avaient remis le titre de grand khan des Cendres à Nérévar. C’était sur cet anneau que ce dernier avait juré de respecter les traditions des Cendrais ; en contrepartie de quoi les Cendrais s’étaient engagés à l’aider à repousser les envahisseurs humains hors de Resdayn.
Depuis, Nérévar était reconnu parmi tous les clans grâce à ce seul anneau.
Il sourit devant l’étrange destin de l’Astre-Lune ; il sourit, en pensant qu’un simple anneau pouvait être l’emblème de l’alliance des dwemers et des chimers, sédentaires et nomades, en Resdayn.

Enfin, il se saisit de Viveflamme, son cimeterre, et l’attacha à sa ceinture. Son port était symbolique ; il y avait certes peu de chance qu’il ait à s’en servir, mais il faisait partie de son image de libérateur.
Définitivement prêt, il repoussa un pan de tenture pour s’avancer au dehors. C’était déjà le milieu de la matinée, et les Cendrais s’activaient tout autour du camp.

- Bonjour, mon seigneur.

Nérévar se tourna vers son garde du corps.

- Bonjour, Alandro. Rassure-moi... Le khan ne m’attend pas ?

Alandro Sul lui fit signe que non.

- Cependant, il me semble qu’il est déjà levé... Peut-être aimeriez-vous savoir s’il est disposé à vous recevoir ?

- Oui, merci, répondit Nérévar en souriant. Allez, ne t’inquiète pas, je saurai me défendre si jamais on tente quoi que ce soit.

Alandro hocha la tête. Pendant qu’il s’éloignait, Nérévar songea qu’il avait de la chance d’avoir Alandro pour garde du corps ; il avait beau ne pas être très versé dans la culture des Cendrais, il était suffisamment prudent pour que rien dans son attitude ne les offense.
Il inspira profondément. L’air était lourd, dans cette région des Terres-Cendres. Souvent, il s’était demandé comment les Cendrais pouvaient vivre sur une terre aussi inhospitalière - et généralement, il en arrivait à la conclusion qu’ils y étaient tout simplement trop attachés pour se soucier de la cendre qui la recouvrait. Il les admirait d’ailleurs d’autant plus qu’ils avaient beau être nomades et vivre sur des terres battues par les tempêtes de cendres, ils parvenaient à vivre de façon presque aussi prospère que les sédentaires et leurs grandes Maisons.
Il fut interrompu dans ses réflexions par le retour d’Alandro.

- Le khan des Cendres désire vous recevoir, mon seigneur.


*


Voryn Dagoth ne cessait de pester. Une nouvelle fois, Nérévar était absent, parti honorer son alliance auprès des Cendrais. Il tournait en rond dans une des salles du palais de Narsis, attendant l’arrivée du haut-conseiller du roi. Lorsque celui-ci se montra enfin, il manqua de se jeter sur lui.

- Seht ! Il était temps. N’avais-je pas fait préciser que c’était urgent ?

- Pardon, j’étais retenu par une autre affaire, je t’assure que j’ai fait aussi vite que je pouvais. Qu’y a-t-il ?

- J’ai des nouvelles importantes à communiquer à Nérévar. Ca concerne les dwemers.

- Ah ? Et qu’est-ce donc ?

Voryn fixa un instant le conseiller royal. Il maudit à nouveau Nérévar, cette fois-ci pour l‘obliger à traiter avec Seht. Il se doutait que le conseiller finirait par être au courant. Cependant, il ne voulait pas passer par des intermédiaires. Tant qu’à faire, encore moins par lui.

- Il me faut en parler directement à Nérévar, et c’est pour ça que je t’ai appelé ; si tu voulais bien me dire où il se trouve...

- N’aies crainte, je lui transmettrais directement ce que tu dois lui dire.

Seht souriait tout en le provoquant. Voryn pesta intérieurement contre ce jeu ridicule auquel ils jouaient ; il savait bien que Seht était un virtuose dans l’art de percer les secrets. Chose qui l’agaçait tout autant qu’il y avait beaucoup de secrets qu’il n’avait pas pu percer chez le conseiller. De surcroit, Seht était lui aussi un mage de talent, et il existait de fait un profond sentiment de rivalité entre les deux chimers.
Il aurait vraiment préféré que ce soit quelqu’un d’autre qui sache où se trouvait Nérévar - même Ayem lui aurait fait plus plaisir.
Enfin, il se décida ; Seht aurait droit à une semi-vérité.

- Je les soupçonne de préparer une trahison.

Le visage de Seht changea. De provocateur, il passa à intrigué.

- C’est une accusation grave. Et pas du genre qui plait à Nérévar.

- J’ai des preuves. Que je ne montrerai qu’au roi en personne.

Il avait ajouté cette dernière phrase en voyant que Seht s’apprêtait à prendre la parole. Comme il s’y était attendu, ce dernier n’apprécia guère - mais opina.

- Tu es têtu, Voryn. Tu le trouveras au camp des Ershilasum, à quelques kilomètres au nord-est du Mont Khand.

Voryn le remercia, soulagé qu’il ait abandonné avec autant de facilité. Il se doutait que Seht s’emploierait dès qu’il le pourrait à apprendre ce qu’il allait dire à Nérévar ; mais ce ne serait alors plus vraiment son affaire.
Sans plus attendre, il tourna le dos au conseiller et s’en fut.


*



Nérévar émergea pensif de la yourte du Khan des cendres. Les discussions avec ce dernier s’étaient souvent révélées être source de réflexion pour lui, tant il s'apercevait du gouffre qui séparait les Cendrais de la culture des grandes Maisons.
Sans vraiment y songer, il traversa le camp pour rentrer dans sa yourte, sous l’oeil alerte d’Alandro. Il hésitait sur quoi faire, désormais ; rester encore un peu, et profiter du calme du camp Cendrais, ou bien rentrer, et retrouver le palais et ses intrigues. Il soupira. Cela avait beau faire des années qu’il avait unifié les grandes Maisons sous sa bannière, il n’arrivait toujours pas à obtenir d’elles de s’entendre sans cacher des poignards dans leurs manches. A croire que leur seul but était de s’entre-déchirer. Heureusement, elles avaient quelques points en commun, tels que le culte des ancêtres, des Daedras, et du prophète, Véloth, ainsi que l’attachement à Resdayn ; sans cela, il ne faisait aucun doute que  le grand Conseil n’aurait pas duré plus longtemps que la guerre. Quant aux dwemers... C’était une lutte permanente pour que les Maisons acceptent de rester leurs alliés. Sans les efforts conjugués de Nérévar et Dumac Nain-Orc, seigneur des dwemers, il y aurait déjà longtemps que l’alliance aurait volé en éclat, et les conflits entre les deux peuples recommencé de plus belle.

Ainsi, de fil en aiguille, la pensée de Nérévar dérivait, tandis que lui s’agitait, rassemblant ses affaires, puis les disséminant un peu partout dans la yourte. Enfin, il convint qu’il n’était visiblement pas encore disposé à partir, et s’installa sur un coussin, laissant libre court à ses réflexions.

Et c'est ainsi, c’est presque ainsi que Voryn le trouva, plusieurs heures plus tard ; Nérévar était alors absorbé par la lecture d’un livre en dwemeri. Un sourire s’étira sur son visage lorsqu’il reconnu son visiteur.

- Voryn, quelle surprise ! Qu’est-ce donc qui t’amène si loin des tiens ?

- Une affaire urgente que je n’ai pas pu me résoudre à confier à Seht.

- Allons bon, si urgente que tu viens me trouver en plein coeur des Terres-Cendres, dans un campement Cendrais dont je suis sûr que tu ne soupçonnais même pas l’existence, et ce en délaissant toutes les affaires de la Maison Dagoth ? Oh, et d’ailleurs, j’espère que tu n’as pas commis de bêtises avec les Cendrais ? Rentrer dans une yourte sans y avoir été invité, comme tu viens de le faire avec moi, est très, très mal perçu.

- Alandro m’a laissé passer sans problèmes ; et non, je ne suis allé parler à aucun de ces... vagabonds, avant de venir vous voir. Et oui, l’affaire est très urgente.

- Bien.

Nérévar se leva, contourna Voryn, puis écarta le pan de tenture pour glisser quelques mots à l’oreille d’Alandro, avant de revenir.

- Tu peux parler.

- Merci. C’est à propos des dwemers ; mon cousin Uthol m’a rapporté des propos très étrange à leur sujet... Etranges, et inquiétants.

Nérévar fronça les sourcils, puis lui fit signe de poursuivre.

- Bien, hum... Vous souvenez-vous de Kagrénac ?

- Comment pourrais-je l’oublier ? Je porte chaque jour l’anneau qu’il m’a forgé.

- Et bien, Uthol l’a rencontré il y a un mois, alors qu’il rendait visite à un autre ami dwemer, et a longuement discuté avec lui. Il n’a pas été  très loquace - remarquez, c’est un dwemer -, mais il semblait étrangement préoccupé par quelque chose. Il n‘a pas rien dit à Uthol sur ce que ça pouvait être, mais ça a pour le moins piqué sa curiosité.

- Oui, et donc ?

- Et donc Uthol a essayé de découvrir ce qui le tracassait. Or il s‘est vite révélé que Kagrénac travaillait sur un gros projet. En fouillant davantage, Uthol s‘est rendu compte que c'était toute une petite équipe qui y travaillait, mais qu'aucun de ces collaborateurs n'était enclin à expliquer quoi que ce soit.

- Inhabituel, c‘est vrai, mais pas surprenant outre mesure ; les dwemer n‘aiment pas trop qu‘on fouille dans leurs affaires. J‘imagine que ce n‘est pas tout ?

- Non, bien entendu. Uthol ne s’est pas arrêté là. Il a poussé ses recherches plus loin, et a fini par découvrir ce qui absorbe tant Kagrénac et ses associés... Et c’est là que ça devient intéressant.

- Hum, attends. Comment il s‘y est prit pour apprendre ce que trame Kagrénac, si ni lui ni ses assistants n‘étaient prêts à expliquer ce dont il s‘agit ?

Voryn fit la grimace.

- Il a mis la main sur le journal de Kagrénac.

- Et il ne s’en est pas rendu compte ?

- Surement a-t-il remarqué le vol, mais en tous cas, il n‘est pas remonté jusqu’à lui.

- Très bien. Continue.

- Bien, voyons... Commençons par le commencement ; il y a de cela plusieurs années - voir décennies, le journal n’apporte aucune précisions là-dessus - les dwemers ont trouvé un objet étrange au coeur du Mont Ecarlate. Ca ressemblait à une pierre, à ceci prêt qu’elle était animée. Elle «battait», comme un coeur. Autant dire que ça les a plutôt titillé. Aussi, en tant que grand prêtre, Kagrénac a été chargé de l’étudier. Après de longues recherches, celui-ci en est venue à la conclusion qu’ils avaient trouvé le coeur de Lorkhan.

Nérévar eut un sourire complaisant.

- Lorkhan, le dieu fourbe ? C‘est une blague ?

- Pas du tout. Et il va sans dire que la puissance magique d’un tel objet est phénoménale...

- J’ai du mal à y croire... Le coeur de Lorkhan est un mythe.

- Pourtant... Et ce n’est pas tout. Apparemment, Kagrénac aurait réussi à créer des outils avec lesquels il vole de l'énergie au coeur et la redistribue aux dwemers ; apparemment, il espère ainsi les rendre immortels. Le journal ne dit pas clairement si ça a marché ou pas, mais il est vrai que je n’ai jamais entendu parler du moindre Dwemer qui soit mort depuis quelques années...

Nérévar sonda Voryn du regard. Son ami n‘avait aucune bonne raison de mentir. Pourtant, c‘était tout bonnement démentiel.
Voryn soupira.

- Malheureusement, ça ne s’arrête pas là ; apparemment, Kagrénac travaille sur un autre projet. Et le moins qu‘on puisse en dire, c‘est qu‘il est encore plus fou que le précédant : il espère créer un dieu, une sorte de golem de métal géant alimenté par le coeur.

Cette fois-ci, Nérévar failli rire.

- Non. Ca ne rimerait à rien... Et c’est complètement insensé. Je n’imagine pas Dumac cautionner un projet de ce genre.

- Je n’en suis pas aussi convaincu. Les dwemers ont toujours été déraisonnables, dès qu’il s’agissait de magie. Et puis, ils ont déjà abandonné toutes nos anciennes croyances au profit de la magie et du progrès... Alors un dieu façonné de leurs mains, pourquoi pas ?

- Mais un dieu de métal... Allons Voryn, c’est quand même autre chose que leur foi aveugle en la technologie ! Non, ce ne sont que des inepties.

- Mais c‘est le journal de Kagrénac lui-même ! Dans le genre, je vois mal ce qui pourrait constituer une preuve plus convaincante ; s‘il y a un endroit où l‘on dit la vérité, c‘est bien dans son journal. Et de toutes façon, Uthol est allé vérifier, et...

Voryn marqua une pause.

- ... Et ?

- Et il a envouté un de ses assistants. Il a tout avoué.

- Par les Altesses Daedriques, j‘espère qu‘il a fait attention en faisant ça.

Voryn aquiesça.

- Dans quel embarras nous a-t-il fourré... reprit Nérévar. Enfin, c‘est fait maintenant. Mais je maintiens que c’est démentiel. Pourquoi les dwemers iraient-ils s’ériger un dieu ? La foi n‘aurait alors aucun intérêt.

Voryn le fixa un instant sans répondre, avant de reprendre la parole.

- En fait, j‘utilise le terme de dieu parce que c‘est ainsi qu‘il est désigné dans le journal, mais apparemment, Kagrénac le considérerait surtout comme une arme... Un moyen de conquérir tout Resdayn pour le seul peuple dwemer.

Nérévar planta son regard dans celui de Voryn.

- Impossible. Jamais Dumac ne laisserait faire une folie pareille.

- C’est pourtant ce qui est écrit. Tiens, lis donc.

Le roi des Chimers hésita à prendre le journal que lui tendait Voryn. Il avait du mal à accepter ce qu’il lui affirmait. Cependant, il savait que Voryn n’était pas idiot. S’il disait cela, c’est qu’il y croyait fermement. La maison Dagoth avait par ailleurs toujours joui d’une confiance privilégiée de la part des dwemers, et elle n’avait vraisemblablement aucune raison de la trahir.
Pourtant, cela lui semblait tout bonnement irrationnel. Et il était certain que Dumac était quelqu’un de rationnel. De surcroit, Dumac s’était toujours battu pour que dure la paix entre dwemers et chimers.
Mais il ne pouvait ignorer la risque. Il prit l’ouvrage, et en commença la lecture sous le regard attentif de Voreyn.

Pendant que Nérévar se concentrait sur la traduction de l’ouvrage, Voryn détailla l’intérieur de la yourte. Un mobilier réduit, posé à même le sol - la cendre avait été enlevée et la terre battue - un carillon en bambou, ainsi que quelques coussins et un matelas, lui aussi posé par terre.
« Comment peuvent-ils vivre là-dedans ? »

- Voryn...

- Oui, seigneur ?

- Fais réunir le conseil au plus vite. À l’exception des dwemers, bien entendu. Je vais prévenir le khan des Cendres, et je vous rejoins au palais de Narsis.

Voryn hocha la tête, puis, usant d’un sort de rappel, disparut. Nérévar se retrouva seul dans la yourte.

Modifié par Raven Dumron, 31 mai 2011 - 14:03.


#2 Raven Dumron

Raven Dumron

Posté 23 février 2010 - 16:58

Chapitre 2



Il ne fallut pas plus d’une heure à Nérévar pour être au palais ; rassembler ses affaires, prévenir le Khan de son départ, et enfin lancer un rappel. En une fraction de seconde, il se retrouva à plusieurs centaines de kilomètres au sud-ouest du campement, à Narsis, capitale des chimers sédentaires. Il aurait pu choisir d’arriver dans la réception du palais, ou dans la salle du trône, mais il y avait préféré ses appartements. Il avait particulièrement horreur de devoir sans arrêt informer ses sujets de ses moindres déplacements.
Une minute après son arrivée, Alandro se matérialisa à ses côtés.

- Tu en as mis, du temps. Tu as de la chance qu’il n’y ait eu personne pour m’attendre, l’arme en main.

- Je suis désolé. J’ai dû m’y reprendre à deux fois pour réussir le sort.

Nérévar sourit de ses déboires. Il n’était pas un grand maître de la magie, mais son garde du corps l’était assurément encore moins.

- Pourrais-tu aller me chercher Seht, ou Ayem, s’il-te-plaît ? J’aimerais m’entretenir avec l’un d’entre eux.

- Oui, bien sûr. Je m’en charge tout de suite.

Tandis qu’Alandro sortait de la chambre, Nérévar entreprit de ranger ses affaires. Habituellement, c’était ses serviteurs qui s’en chargeaient, mais lorsqu’il était pressé, il le faisait lui-même. Du temps de l’occupation humaine, c’était lui, le serviteur.

Nérévar n’entendit pas Alandro revenir ; pourtant, une demi-heure plus tard, Ayem entra dans sa chambre.

- Bonjour, Nérévar.

Surpris, il se tourna vers son interlocutrice, et la dévisagea. C’était une magnifique chimer ; le visage harmonieux, elle avait des yeux couleurs ambre et de longs cheveux roux, attachés en une coiffure sophistiquée. Seules quelques mèches retombaient librement, formant d’élégantes boucles. Elle avait un regard fier, et un maintiens très droit. Le port d’une reine.
Nérévar adressa une esquisse de sourire à son épouse.

- Très chère... Désolé de revenir de façon aussi impromptue. Tu vas bien ?

- Parfaitement. Et toi ? Qu’est-ce qui te ramène à la civilisation aussi soudainement ?

- Allons, ne me dis pas que tu n’en as aucune idée. Je suis sûr que tu as déjà ta théorie.

- Et bien, voyons... Je sais que tu veux réunir le conseil - ou du moins que Voryn pense que tu veux le réunir, mais vu que tu es là, j’imagine qu’il a raison... Mais ça ne me dit pas pourquoi. Qu’est-ce qui peut bien t’être passé par la tête pour tous nous convoquer aussi brusquement ?

- Voryn aurait omis de te le dire ?

Ayem eut un sourire mi-figue mi-raisin.

- On dirait bien. Heureusement, Seht était là pour me tenir au courant.

- Ah oui ? Que t’a-t-il dit ?

- Il m’a dit que Voryn était venu le voir, il y a quelques heures, et qu’il voulait te parler de quelque chose d’important au sujet des dwemers. Et là, comme par magie, tu fais convoquer le conseil au grand complet... A l’exception de nos amis dont Voryn tenait tant à te parler. J’imagine qu’il y a une raison.. ?

- Bien vu. Seht ne t’a rien dit d’autre ?

- Seht ne savait rien d’autre. Et maintenant, arrête d’esquiver. Que se passe-t-il avec les dwemers ?

Nérévar observa son épouse. En effet, il voyait à son visage qu’il était temps d’arrêter le jeu. Il soupira, sachant quelle allait être la suite.

- J’ai peur qu’ils soient sur le point de nous trahir.

Comme prévu, un sourire en coin apparu le visage d’Ayem.

- Et bien Nérévar... Finalement, on dirait que j’avais raison.

- Ca n’a encore rien de certain, Ayem. Tout ce que je veux faire pour le moment, c’est en prévenir le conseil, et voir comment il va réagir à cette annonce. Ensuite, j’irai voir Dumac, et je tirai ça au clair avec lui.

- Dumac ne te dira rien, c’est clair. Par contre, si tu as raison, tu lui donneras une bonne occasion de se débarrasser de toi.

- Pas si je suis bien accompagné.

Ayem le toisa.

- Très bien. Mais je veux en être.

- Ce n’est pas vraiment ce que je voulais dire, Ayem.

- Et pourquoi pas ?

- Je te l’interdis. Tu es la reine, et s’il m’arrive quelque chose, c’est à toi de prendre ma place.

Ayem accueilli l’ordre avec froideur, mais accepta.

- Parfait, reprit Nérévar. Maintenant, si tu le veux bien, je vais finir mon rangement, puis prendre un bain, et enfin profiter d’un bon déjeuner... Une fois cela fait, j’aimerais que nous discutions dans mes quartiers privés, que tu m’apprennes tout ce qui a pu se passer en mon absence. Par ailleurs, si tu pouvais t’arranger pour que Seht et mes généraux soient aussi présent, ce n’en serait que mieux. Est-ce d’accord ?

Ayem hocha la tête, s’inclina, puis sortit.


*



Vehk était en train de s’exercer au maniement de l’épée quand Ayem fit irruption dans la salle d’entrainement. La reconnaissant, il congédia d’un signe de main les officiers présents dans la salle ; une fois que tous furent partis, il s’inclina et lui baisa la main.

- Quel plaisir de vous voir ici, majesté... Désirez-vous vous entrainer avec moi ?

- Pas pour l’instant, j’en ai peur. Nérévar vient de rentrer.

Le visage de Vehk s’assombrit.

- C’est bien dommage, je...

- Ne t’inquiète pas, nous nous entrainerons ensemble plus tard. Pour l’instant, il y a des choses plus urgentes qui requièrent notre intérêt. Nérévar a fait convoquer le grand Conseil. Cependant, il voudrait d’abord s’entretenir avec nous.

Vehk haussa un sourcil.

- Juste nous deux ?

- Non, bien sûr, répondit-elle en souriant. C’est juste un préambule au conseil, entre le roi, la reine, le conseiller, et les généraux. Ni plus ni moins. Rassuré ?

- Oui, merci. Mais dites-moi... Il s’est passé quelque chose de grave ?

- Tu verras bien. En attendant, faisons ensemble le chemin jusqu’à la salle de réunion, veux-tu ? J’ai déjà prévenu tous les autres.

Vehk la fixa un moment, puis sourit.

- Avec plaisir.


*



Quand Nérévar arriva dans la salle, il trouva une dizaine de chimer en train de discuter tranquillement. Comme prévu, il était le dernier.

- Bonjour, et bienvenue à vous. Merci d’avoir été aussi rapides à venir. J’imagine qu’Ayem vous a déjà laissé entendre pourquoi je vous ai fait rassembler, en préliminaire au Conseil de cet après-midi. Au cas où ce ne serait pas le cas, sachez tout simplement que je tiens à être au fait de tout ce qui s’est passé à Resdayn durant mes trois jours d’absence. Commençons par le rapport du général Vehk. Quelle est la situation, en Vvardenfell ?

- Tout est comme d’habitude, répondit l’intéressé ; la région est paisible. Le moral des soldats est assez bon, même s’ils n’ont pas grand chose pour s’occuper. L’événement le plus notable était une battue , que nous avons organisée hier - nous cherchions une meute de chiens de nix enragés, et nous sommes tombés sur une bandes de brigands. Une perte à déplorer, ainsi que quelques blessés.

- Très bien. Et du côté des dwemers, pas de problèmes de cohabitation majeur ?

- Non, guère plus que d’habitude. Ils ne se montrent pas extrêmement accueillants, mais ne sont jamais ouvertement hostiles, et globalement, ils ne s’intéressent pas trop à ce que nous pouvons faire. Aucun incident notable.

- Parfait... Maintenant, passons à la région des montagnes Velothi...

Les généraux prirent la parole les uns après les autres. Globalement, il ne s’était rien passé de particulièrement alarmant durant les trois derniers jours. Seht et Ayem furent les derniers à parler, évoquant une querelle entre deux nobles, l’un membre de la maison Rédoran, l’autre de la maison Indoril, qui avait aboutit sur un bain de sang.
Nérévar prit note, puis, satisfait, les congédia, leur donnant rendez-vous au Conseil.


*



L’impatience montait dans la salle du trône. Certains, parmi les différents membres du Conseil, étaient déjà présents depuis plus d’une heure, tandis que d’autre étaient arrivés plus tardivement. Cependant, ils étaient désormais presque au complet ; il ne manquait plus que Nérévar. Pour s’occuper, les maitres des grandes Maisons discutaient entre eux, avec plus ou moins de retenu en fonction des personnalités et affinités, tandis que les khans s’étaient rassemblés dans un coin de la salle, parlant à voix basse. Les généraux, quant à eux, observaient l’ensemble, tout aussi alertes que les gardes. Le principal sujet de discussion - l’absence des Dwemers - suscitait de nombreux ragots.
Enfin cependant, Nérévar arriva, suivi d’Ayem, qui pour l’occasion portait une de ses plus belles tenues, ainsi que de Seht. Nérévar se plaça devant son trône, Ayem s’installa à sa droite, et Seht à sa gauche. Le silence se fit peu à peu dans la salle. Lorsque toutes les discutions eurent cessé, Nérévar prit la parole.

- Merci à vous de vous être rassemblés aussi vite. Merci à vous, maitres des grandes Maisons, d’avoir délaissé vos affaires pour venir. Merci à vous, khans des Cendres, d’avoir accepté d'abandonner vos clans aux mains des Sages-Femmes, afin écouter ce que j’avais à vous dire. Merci à vous, enfin, mes généraux, d’être venu et d’avoir accepté de déléguer vos obligations à vos subordonnés. J’imagine que ma demande a dû poser problème à plusieurs d’entre vous. Je m’en excuse, et vous remercie d’autant plus fort d’être néanmoins venus. En compensation, je vous promets que ce qui sera dit en ce lieu en valait la peine.

Nérévar fit une pause, s’assurant que son auditoire était attentif, puis reprit.

- Je ne veux pas perdre de temps en palabres interminables, aussi vais-je en venir directement aux faits. Nombre d’entre vous ont dû déjà remarquer l’absence des dwemers à ce Conseil. La raison en est simple. Vous avez été rassemblés ici, parce que nous les soupçonnons de fomenter une trahison.

De nombreuses voix s’élevèrent au même moment. Avant même que Nérévar n’ait pu leur en dire plus, l’assemblé était déjà déchainée. En quelques fractions de secondes, tous les conflits qui pouvait exister entre chimers et dwemers avaient refait surface. La plupart clamaient, indignés, que les dwemers, ces gens qui ne juraient que par le métal et la raison, ne pouvaient être dignes de confiance. Même les khans des Cendres, qui habituellement se montraient récalcitrant à s’entendre avec les sédentaires, firent comprendre qu’ils désapprouvaient depuis longtemps l’alliance avec le peuple des profondeurs.
Nérévar soupira, puis demanda le silence. Lorsqu’enfin il fut exhaussé, il reprit la parole.

- Par pitié, un peu de calme. L’existence d’un complot n’est pas encore un fait avéré. Nous ne nous basons que sur des suppositions ; cependant, il semble probable, voir même presque certain, que les dwemers possèdent un pouvoir qu’ils nous ont caché pendant des années ; et c’est à partir de ce pouvoir, qu’ils seraient en train de créer une arme avec laquelle il escomptent nous écraser.

De nombreux murmures traversèrent la salle.

- Je ne suis pas sans savoir que nombre d’entre vous ne portent pas les dwemers dans leur coeur. Cependant, je vous demande de réfléchir calmement. Car si je vous ai fait venir ici, c’est pour deux raison : tout d’abord, car j’estime que le Conseil doit être informé, afin de pouvoir réagir vite, si par malheur nos suppositions s'avéraient exactes. Ensuite, parce que je ne veux pas me rendre auprès de Dumac Nain-Orc, sans connaître au préalable la réaction que vous jugeriez appropriée en cas de trahison. C’est pourquoi j’insiste, pour que vous réfléchissiez calmement sur ce que vous estimez juste et approprié pour le bien de notre peuple, sans que votre conduite ne soit dictée par les vieilles querelles qui gisent dans nos coeur.

Nérévar s’assit, laissant les membres du Conseil s’exprimer. Comme il fallait s’y attendre, les divers représentants du peuple Chimer ne purent se résoudre à oublier leur haine.
Ils firent un effort, certes ; mais malgré cela, il restait difficile d’arriver à une entente. Le plus grand nombre d’entre eux, en particulier les généraux, prônaient la guerre en cas de trahison. Aucune pitié, selon eux, ne pouvait être accordée à ceux qui voulaient les poignarder dans le dos. Certains, comme la maison Telvanni, traditionnellement neutre, ne se prononcèrent pas. D’autres enfin, parmi lesquels quelques clans de Cendrais pacifiques, la maison Dagoth, et la maison Indoril, désiraient essayer de négocier avec les dwemers.
Pendant que les différentes parties proposaient et contre-proposaient des solutions, Nérévar s’entretenait à voix basse avec Seht et Ayem. Il profitait du bruit ambiant pour leur expliquer quel pouvoir était entre les mains des Dwemers, ainsi que leurs intentions. A son grand damne, il réalisa que ni l’un ni l’autre n’étaient disposés à négocier avec les Dwemers.

- Non Nérévar, c’est impossible. Ils sont allés bien trop loin. Utiliser le coeur de Lorkhan ainsi est de la folie. Nous ne pouvons le laisser entre leurs mains. S’ils n’y renoncent pas - et je doute qu’ils le fassent - nous devrons le leur enlever par la force. Dans tous les cas, nous ne pourrons pas les laisser impunis. Sincèrement, je crains que nous ne devions en venir à la guerre, si cela est vrai.

Nérévar détourna les yeux de Seht, essayant d’admettre que son conseiller avait raison. Il se rendit soudain compte à quel point les conversations avaient enflé, et que s’il n’intervenait pas vite, il perdrait bientôt la maitrise du Conseil.

- Silence, je vous prie ! Je vois bien que vous ne pouvez vous défaire de vos griefs vis-à-vis des dwemers. Cependant, je ne veux pas qu’à cause de quelques différences entre nos deux peuples, notamment religieuses, nous en venions à la guerre à la première occasion venue. Je vous ai écouté, et ai noté vos propos. J’ai compris votre désir de punir les dwemers, si jamais il s’avérait vrai qu’il préparent une trahison. Tout cela, je m’en souviendrais au moment de prendre une décision. Cependant, il me faut auparavant m’assurer de la véracité de nos suppositions. J’irai m’entretenir personnellement avec Dumac. Je découvrirai si vraiment il y a trahison ou non. Et si c’est le cas, alors, je vous le promet, les dwemers auront la guerre. Maintenant, je déclare ce Conseil terminé. Vous pouvez disposer.

De nombreux membres hochèrent la tête docilement à sa déclaration. Certains, relativement satisfaits, ne tardèrent pas à se lever. D’autre préférèrent rester pour discuter encore un peu. Le coeur lourd, Nérévar quitta la salle.


*



Ayem resta un moment pensive, tandis que le Conseil se dispersait. Enfin, lorsqu’il ne resta plus que peu de membres dans la salle, elle remarqua que Vehk était toujours là, silencieux. Elle se leva, et se dirigea vers lui.

Modifié par Raven Dumron, 23 mars 2010 - 20:39.


#3 Raven Dumron

Raven Dumron

Posté 02 mars 2010 - 16:35

Chapitre 3




Nérévar observa longuement son reflet dans le miroir, ce soir là. Sa peau, habituellement d’un doré éclatant, avait légèrement pâli. A ce rythme là, on le prendrait bientôt pour un humain.
Du reste, son aspect restait relativement habituel : un visage assez fin, des yeux noisettes, et des cheveux roux foncés coupés mi-longs.
Soudain, il vit le reflet d’Ayem apparaître dans le miroir.

- Et bien Nérévar... Toujours tracassé par les dwemers.

- Bien entendu.

Nérévar se détourna du miroir, puis se laissa tomber dans un fauteuil.

- J’espère sincèrement que Voryn a tort. Je ne veux pas avoir à me battre contre Dumac. Cela nous coûterait beaucoup trop.

Ayem s’assit tranquillement à son tour, et le détailla silencieusement

- Je t’avoue que tu me surprends, parfois, Nérévar. Dis-moi... Pourquoi as-tu peur de déclarer la guerre aux Dwemers ? C’est bien toi qui a mené la révolte contre les humains, non ?

- Ca n’a rien à voir. Les humains sont des sauvages, des esclaves qui se sont pris pour les maîtres. Les dwemers, eux, sont nos frères de sang. Ce sont des Mers, et ils se sont tout autant battus que nous pour libérer Resdayn. Et pourtant, nous en restons à de vieilles querelles, et sautons sur le premier prétexte venu pour nous déclarer la guerre. Tu l’as bien vu : ils n’ont pas même pris la peine de réfléchir plus de dix minutes, avant d’exiger le massacre. C’est à peine s’il y en avait quelques-uns pour évoquer la voie diplomatique.

- Ah, ton éternelle voie diplomatique... Allons Nérévar, tu sais très bien que cette alliance avec les Dwemers n’était qu’une alliance de circonstances ! Et puis, par tous les Daedras, ce n’est pas comme si c’était nous qui étions en train de les trahir !

- Certes Ayem, ne va pas croire que je l’oublie. Seulement, je me refuse d’envoyer des milliers de chimers à la guerre parce qu’un soupçon a été formulé contre nos alliés. J’attendrai d’avoir des preuves tangibles.

La reine soupira.

- Parfait, attends. Donnons-leur le temps dont ils ont besoin pour être prêts. Mais n’espère pas que je te plaigne quand ils t’égorgeront.

Nérévar ne lui répondit pas.

- Bien. En attendant, je vais me coucher. Bonne nuit.

Il hocha la tête, et la regarda sortir de sa chambre. Il eut un pincement au coeur en songeant à la froideur qui s’était installée entre eux. Il reconnaissait n’avoir pas souvent été là pour elle. Ils ne dormaient même plus dans le même lit...
Il se laissa encore aller à sa nostalgie un moment, avant d’aller finalement se coucher.


*



Nérévar se leva de bonne heure, le lendemain. Reposé, mais guère apaisé. Il s’habilla relativement rapidement, pour un roi qui s’apprête à aller en rencontrer un autre. De même, il s’arrangea pour que rien ne traîne ; le plus tôt il serait chez Dumac, le mieux cela serait pour lui. Cependant, il prit son temps pour choisir ceux qui allaient l’accompagner. Finalement, il pencha pour Seht, dont la sagesse pourrait être utile, Voryn, qui inspirait la confiance aux dwemers, Vehk, général en charge de Vvardenfell, la région où ils se rendaient, ainsi que quelques-uns de ses plus fidèles gardes, dont Alandro. Enfin, au dernier instant, il se décida à emmener également Ayem, pour se faire pardonner de la soirée précédente.
Satisfait, il envoya un messager prévenir Dumac de son arrivé imminente ; durant le temps qui s’écoula à attendre une réponse, il expliqua à ses gardes et à Vehk ce qu’il savait sur le coeur et les intentions des dwemers, après leur avoir fait promettre de garder le secret.
Finalement, le messager revint au bout d’une demi-heure, annonçant que Dumac était disposé à les recevoir. Soulagé que tout se déroule aussi vite et sans encombres, Nérévar ordonna aussitôt à ses mages de les transporter jusqu’à la citadelle de Dumac.

Quelques seconde plus tard, le roi et son escorte se retrouvèrent dans le cratère du Mont Ecarlate, l’immense volcan qui dominait la région de Vvardenfell. Bien qu’elle soit principalement souterraine, comme la plupart des installations dwemers, la forteresse de Dumac se remarquait aux tours et cheminées de métal qui s’élevaient hors du cratère.
Dumac attendait déjà à l’extérieur, accompagné de plusieurs garde. C’était un dwemer très solidement bâtit, portant l’abondante barbe des gens de son peuple, et ayant le teint pâle de ceux qui ne voient que rarement la lumière du jour.

- Nérévar, Nérévar Indoril, le Nérévar au Lunétoile, mon ami ! Cela faisait si longtemps que je ne t’avais plus accueillit au coeur de ma forteresse, et encore tellement plus longtemps que tu n’étais pas venu aussi bien accompagné. Qu’est-ce donc qui t’amène ainsi, revêtu de ta plus belle armure, et suivi des meilleurs de ton peuple, en mon humble demeure ?

Nérévar sourit de la rhétorique de Dumac. Il avait toujours aimé gonfler ses discours, les rendre pour ainsi dire « plus ronflants ». D’une façon plus générale, Nérévar avait constaté que beaucoup parmi les dwemers avaient pris cette habitude, quitte à ce que cela les amène parfois à déformer la vérité. En effet, dans ses souvenirs, la citadelle ne correspondait guère à la vision qu’il avait d’une « humble » demeure.

- Salut à toi, Dumac Nain-Orc, seigneur des dwemers, de la roche et du métal. Cela faisait en effet longtemps, et je suis honoré de pouvoir à nouveau venir en ce haut-lieu. Cependant, l’affaire qui m’amène est de nature très particulière, aussi, j’aimerais pouvoir m’en entretenir avec toi dans un lieu mieux... Isolé.

Dumac hocha la tête, puis les invita à entrer. A son tour, Nérévar acquiesça, et lui et sa suite pénétrèrent dans les sombres couloirs de la forteresse. En effet, bien que les dwemers ne semblaient s’en soucier, les dédales de leurs cités enfouies sous terre était terriblement mal éclairés. Y étant habitué, Nérévar n‘y accordait pas particulièrement d‘importance, mais il savait que certains parmi ses gardes devaient en être franchement gênés.
C’était une vieille habitude que les dwemers avaient : ils ne perçaient que le stricte minimum en aérations, la lumière leur étant fourni par d’étranges cylindres de verre. Ces cylindres étaient disposés à intervalles réguliers dans les corridors et pièces qui formaient leurs citées, et semblaient fonctionner grâce à une magie typiquement dwemer. Nérévar soupçonnait par ailleurs que cela soit dû à leur « vapeur », grâce à laquelle ils faisaient fonctionner nombre de leurs inventions.
Durant leur descente dans les profondeurs du Mont Ecarlate, ils croisèrent de nombreux dwemer s’affairant de-ci, de-là. Certains étaient recouverts d’étranges armures de métal de la tête aux pieds, tandis que d’autres préféraient porter leurs tenues traditionnelles, sortes de longues robes assez droites. Parfois, accompagnants les dwemers, il rencontrait d’étranges machines : des araignées mécaniques, des sphères surmontées d’un buste de métal, des golems de rouages... L’impression qui s’en dégageait était celle d’une culture étrange ; active, mais très centrée sur son propre développement.
Enfin, Dumac les invita à entrer dans une grande salle vide, posta plusieurs gardes à l’extérieur, puis fit fermer les portes.

- Bien, ici nous pourrons parler librement. C’est une pièce à laquelle peu ont accès - et de toute façon, ceux qui peuvent y venir seront poliment éconduits. Je t’en prie Nérévar, explique-moi donc ce qui t’amène ici.

L’intéressé fixa un instant Dumac.

- Parle-moi du coeur de Lorkhan.

Dumac parut décontenancé.

- Pardon ?

- Surpris Dumac ? Je sais qu’il se trouve quelque part, ici. Je veux savoir pourquoi tu ne m’en as jamais parlé, ce que vous en avez fait, ce que vous en faites, et ce que vous prévoyez d’en faire.

- Tu sais qu’il est ici ?

Ayem intervint.

- Nous avons des preuves, seigneur, inutile de nier. Dîtes-nous plutôt pourquoi vous nous l’avez caché pendant tout ce temps, voulez-vous ?

Dumac se tourna vers son interlocutrice.

- Ah, Ayem, votre tempérament n’a pas changé. Vive et passionnée. C’est d’ailleurs de là que vient le nom du cimeterre que je vous ai offert à votre mariage, Vifespoir. Vous l’avez toujours ?

Puis, sans attendre de réponse, il se tourna vers Nérévar.

- Quant à toi, je dois dire que Viveflamme te va bien aussi... Il y a toujours en toi ce feu vengeur qui a réussi à soulever les Mers, il a déjà deux siècles de cela...

Nérévar ne cilla pas.

- Réponds plutôt à nos assertions, Dumac.

- Quelle impatience, Nérévar. Mais tu es le roi des chimers, et mon ami. Alors, en gage de confiance, je veux bien l’admettre : oui, en effet, nous détenons ici un objet que nous supposons être le coeur de Lorkhan.

- Bien. Puis-je maintenant savoir pourquoi tu ne m’en as jamais parlé ?

- Toute personne a des secrets ; un peuple en a donc aussi, à fortiori. Le miens ne fait pas exception, et il m’est avis que le tiens non plus.

- Nous n’avons rien d’aussi grave à vous cacher. Mais passons ; explique-moi plutôt ce que Kagrénac et toi en faites.

- Tu sais donc aussi que c’est Kagrénac qui s’en occupe ? Je vois que tes espions sont bien informés... Dis-moi plutôt ce que tu veux savoir de plus ? Je suis sûr que tu as encore d’autres de nos secrets en réserve.

Nérévar le jaugea du regard.

- Est-ce vrai, que vous volez de l’énergie au coeur pour vous rendre immortels ?

Dumac éclata de rire.

- Si seulement cela pouvait être aussi simple... Non, nous essayons qu’il en soit ainsi, mais je peux t’assurer que nous en sommes encore loin. Et de toutes façons, les avis de nos spécialistes sont assez partagés à ce sujet. Si certains voient certes notre salut dans le coeur, d’autres sont d’avis que son utilisation est trop dangereuse ; c’est pourquoi Kagrénac est extrêmement précautionneux avec cet objet.

- Et qu’en est-il de ce projet de créer un dieu artificiel à partir du coeur ?

Le roi dwemer redevint brutalement grave.

- Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?

- Cela simplifierait vraiment les choses si tu nous expliquais, plutôt que de nier.

- Mais c’est un mensonge ! Je ne sais pas d’où vous vient cette idée, mais ce n’est qu’une divagation.

- Ah vraiment ? Peux-tu nous le prouver ?

- Difficilement... Mais je peux faire venir Kagrénac, si tu le désires.

- Ce serait déjà un bon début.

Dumac se tourna vers un de ses gardes, et lui ordonna de partir à la recherche de  Kagrénac.
Les minutes qui suivirent sont départ furent longue. Nérévar et Dumac échangeaient des banalités entrecoupées de longs silences, tandis que les compagnons du roi Chimer discutaient à voix basse. Une sensation de malaise emplissait la salle.
Aussi, l’arrivée de Kagrénac fut un soulagement. C’était un dwemer d’âge vénérable, très mince, et au visage sec.

- Votre Altesse a exigé ma présence ?

- Oui, Kagrénac, en effet. Je suppose que tu te souviens de Nérévar et de Voryn ? Du reste, je ne puis te présenter qu’Ayem, reine des chimers, Seht, le conseiller royal, et Alandro Sul, souvent surnommé « le Bouclier de Nérévar ». Les autres me sont inconnus.

Kagrénac les observa les uns après les autres, puis s’inclina autant qu’il le pouvait.

- Je vous salue, grands noms des chimers.

- Et nous te saluons, Kagrénac, déclara Nérévar, grand-prêtre des dwemers, maitre forgeron parmi les maitres forgerons, gardien du coeur de Lorkhan.

Kagrénac sembla se figer sur place.

- Le coeur de Lorkhan ? Expliquez-vous je vous prie.

Dumac intervint.

- Ah, Kagrénac... Mieux vaut être franc avec eux. Ils savent, pour le coeur. Et ils souhaitaient te poser quelques questions.

Kagrénac se redressa légèrement.

- Et bien, quelles sont donc ces questions ?

Seht s’avança.

- Nous avons entendu parler d‘un grand projet, sous la montagne... Un grand projet, dont vous auriez la direction. Il semblerait que vous soyez en train de puiser dans les ressources du coeur de Lorkhan, pour créer un dieu. Est-ce vrai ?

Kagrénac détailla le conseiller du roi, et lui adressa un sourire vaguement ironique.

- La rhétorique ne prend pas, chimer. Et vous vous trompez. J’ignore si vous avez quelque connaissance en matière de magie, mais sachez toutefois que ce dont vous parlez est littéralement impossible, même avec la puissance du coeur de Lorkhan. On ne peut créer un dieu, et nous n’avons aucunement l’intention de nous y risquer.

Sur quoi Dumac sourit, apparemment satisfait.

- Bien. Voilà qui vous répond. Pouvons-nous maintenant clore ce malentendu ?

Nérévar fronça les sourcils tout en observant le roi des dwemers. Que cachait-il sous son air enjoué ? Mentait-il ?
Il fixa son regard dans celui de Dumac.

- Pourquoi ne nous montrerais-tu pas le coeur ?

Kagrénac se crispa brusquement, et parla avant que Dumac ne l’y ait invité.

- Folie ! Le coeur est bien trop dangereux pour pouvoir être approché ainsi ! Mes disciples et moi-même tissons des enchantements très complexe pour pouvoir le manipuler, et le roi lui-même n’est plus allé le voir depuis des décennies. Non, vous ne le verrez pas. Aucun étranger ne doit approcher le coeur.

Dumac hocha la tête, et ajouta à l’adresse de Nérévar et ses compagnons :

- Kagrénac a parlé. Il est le grand prêtre, et s’il juge que cela est nécessaire, alors je ne vous laisserait pas approcher le coeur. Je suis désolé.

- Tu sais pourtant ce que ça pourrait signifier, Dumac. Votre refus nous empêcherait de tirer tout cela au clair, et détériorerait énormément nos relations.

Le visage de Dumac s’assombrit.

- Est-ce donc ainsi, mon ami, toi qui nous as apporté la paix, que tu t’adresses à moi ? Tu me menaces sous mon propre toit ?

- J’en suis sincèrement attristé, Dumac. J’ai été le premier à vous défendre, dans cette affaire. Malheureusement, votre refus pèse en votre défaveur sur la balance.

- Et bien qu’il en soit ainsi ! Mais sache que je trouve regrettable que tu trahisses aussi vite tes promesses, « un-seul-clan-sous-l’Astre-Lune ». Maintenant, laisse-moi, et retourne à ton palais. Tu n’apporteras pas la guerre ici. Au revoir.

Sur ces mots, Dumac ordonna à ses garde de reconduire Nérévar et sa suite jusqu’à la sortie.

#4 Raven Dumron

Raven Dumron

Posté 10 mars 2010 - 00:08

Chapitre 4




Pendant les jours qui suivirent, Nérévar passa le plus clair de son temps en allers et venues à travers le palais, demandant à s’entretenir avec tel conseiller, puis tel autre général. Cependant, il ne semblait toujours pas prendre de décision. Plus le temps passait, plus ses conseillers les plus proches - Seht et Ayem - l’engageaient à déclarer la guerre, désormais certains que les Dwemers complotaient contre eux. Seul Voryn Dagoth, son plus ancien ami, semblait lui aussi réticent à en venir aux hostilités.

- Le plus délicat dans l’affaire, lui dit-il un jour, est que même si nous leur déclarions la guerre, rien ne nous assure que nous y gagnerions ; car s’ils disposent véritablement du coeur de Lorkhan, ils auront beau être en infériorité numérique, ce sera pour eux un énorme avantage ; et par ailleurs, leurs forteresses pourraient très vite s'avérer difficile à prendre - sans compter toutes ces étranges machines dont ils disposent.

A cela, Nérévar ne pouvait qu'acquiescer tristement.
Cependant, après des jours de discussions et de vas-et-viens, Nérévar prit une décision inattendue ; il invoquerait la sagesse d’Azura, princesse Daedra de l’aube et du crépuscule, dans son sanctuaire d‘Holamayan.

Dès lors, Nérévar n’attendit plus guère longtemps ; il passa l‘après-midi qui suivit à se préparer, et alors que le soleil venait à peine de se coucher, il fut transporté avec Alandro au temple sacré d’Azura.

Le temple se situait à la limite de la région de Vvardenfell, creusé dans une falaise faisant face à l’orient. A son sommet, une gigantesque statue d’Azura, les bras écartés, tenait dans une main une étoile, et dans l’autre un croissant de lune. La seul moyen d’accéder au temple était d’emprunter un mince sentier qui courait depuis le bas de la falaise jusqu’à la porte du temple.
Heureusement pour Nérévar et Alandro, les mages du palais les avaient fait se matérialiser directement à l’intérieur du temple. Un prêtre, informé au préalable de leur arrivée, les y attendait.

- Bienvenue, seigneur Nérévar. Nous sommes toujours heureux de vous accueillir dans notre temple.

- Merci beaucoup. C’est avec plaisir que je me rends une nouvelle fois en ce lieu.

Le prêtre s’inclina, puis les invita à pénétrer dans la salle principale, vide, à l’exception d’une grande statue d’Azura.

- On m’a dit que vous souhaitiez vous adresser à la princesse le plus tôt possible ; je suis désolé, mais j‘ai bien peur qu‘il ne vous faille attendre demain matin.

Nérévar se renfrogna. Il savait que la princesse Daedra ne se manifesterait qu’à l‘aube ou au crépuscule, mais il avait quand même espéré qu’il serait possible de lui parler juste après le coucher du soleil.

- Vous pouvez dormir ici, si vous le souhaitez, proposa le prêtre. Nous avons de bon lits pour les visiteurs de marque.

A regret, Nérévar acquiesça.


*



Pendant ce temps, à Narsis, Voryn pestait, à peu près certain que Nérévar allait finir par céder. Comment pouvait-il en être autrement, lorsque tous ses alliés l’incitaient à déclarer la guerre ? Pourtant, Voryn ne voulait s’y résoudre. Il n’aimait certes pas les dwemers autant que Nérévar, mais il était réaliste : s’il devait y avoir une guerre entre les deux peuples, ils en ressortiraient tous affaiblis. Pire, ce serait offrir aux barbares humains une voie royale pour s’emparer de Resdayn, profitant de leur faiblesse. Mais personne ne l’écoutait, estimant que les chimers était désormais assez forts et nombreux pour écraser les dwemers. Quant aux hommes, c’était à peine si les siens réalisaient qu’ils étaient toujours en vie. Comme si l’ombre seule de Nérévar pouvait les repousser indéfiniment...
  Voryn était devenu particulièrement morose.

Cependant, cette soirée-là, son humeur changea radicalement. En effet, cette soirée-là, Ayem vint le voir à l’improviste dans ses appartements. Ne l’ayant pas entendu venir, il failli lui lancer un sort lorsqu’il la vit.

- Ayem ! Tu m’as fait une de ces peurs ! Pourquoi donc ne t’es-tu pas faite annoncer ?

Elle lui sourit poliment.

- Parce que je dois m’entretenir d’un sujet important avec toi.

Elle jeta un regard tout autour d’elle.

- Pas ici, cependant. J’aimerais que tu me rejoignes dans mes appartements ; ils sont bien plus sûrs. Veux-tu bien te libérer pour moi ?

- Si c’est vraiment important...

- Ca l’est. D’ailleurs, si tu pouvais éviter d’en parler à qui que ce soit... Ca doit rester entre nous.

- Très bien, c’est entendu. Je t’y rejoins.

Tandis qu’Ayem s’éclipsait, Voryn fronça les sourcils. Il s’assit, pensif, et resta ainsi un moment, le regard dans le vide. Après quoi, il se leva, et pris la direction des appartements d’Ayem.

Aucun garde n’attendait à l’entrée. Il frappa, et attendit ; Ayem vint lui ouvrir quelques secondes plus tard.

- Entre, je t’en prie. Tu n‘as qu’à aller t’assoir là bas.

D’un signe de main, elle désigna un canapé aux allures confortables. Elle s’assit dans un sofa lui faisant face, puis tendit la main vers une bouteille posé sur une table basse.

- Un peu de sujuma, Voryn ?

L’intéressé aquiesça, notant qu’elle le servait elle-même. Pendant qu‘elle versait la boisson dans son verre, Voryn observa la salle. C’était une pièce assez vaste et richement décorée, une antichambre dont la reine se servait généralement pour recevoir ses invités. Etrangement, il n’entendait aucun bruit venant des pièces adjacentes, pas même le pas lourd d’un serviteur. Sans mot dire, il reporta son attention sur Ayem.

- Bien, déclara la reine. Alors dis-moi, comment ça va, pour la maison Dagoth ?

- Par rapport à cette crise, tu veux dire ? Moyennement bien. Les dwemers ont réduits les échanges, sous l’impulsion de Dumac j’imagine, et c’est donc nous qui en pâtissons. Difficile de dire si c‘est parce qu‘ils sont outrés, ou parce qu‘ils préparent une guerre.

Ayem opina.

- Les dwemers sont des êtres étranges. D‘abord, ils s‘éloignent des Daedras pour du métal, et maintenant, nous apprenons qu‘il y aurait ce coeur...

Voryn opina doucement.

- Excuse moi de te presser, Ayem, mais j‘aimerais que tu en viennes aux faits. J‘ai pas mal d‘affaires qui retiennent mon attention, en ce moment.

- Bien sûr, excuse-moi. De toutes façons, j‘y venais - car ça concerne précisément les dwemers.

- Ah ?

- En fait, j‘aurais souhaité te confier une mission inhabituelle, qui découle des événements récents.

- Je t‘écoute.

- Tout d‘abord, sache que c‘est plutôt délicat, et que j‘ai hésité avant de faire appel à toi. Cependant, pour mener cette mission à bien, il faut quelqu‘un qui connaisse bien les dwemers.. Et qui jouisse de leur confiance.

Voryn s‘enfonça dans le sofa.

- De l‘espionnage ?

- Pas tout à fait... En fait, j‘aimerais que tu essaies de dérober le coeur aux dwemers.

Voryn se ravança brusquement.

- Tu es sérieuse ?

- Bien entendu. Je me doute que tu dois te dire que c‘est inutilement risqué, mais je pense que c‘est nécessaire. Il semble clair que les dwemers manigancent quelque chose. Plus nous attendrons, plus nous prendrons le risque de nous faire dépasser - et tu le sais. Il nous faut agir.

Voryn prit un instant pour réfléchir.

- Ca va à l‘encontre de la politique actuelle de Nérévar.

Ayem ne tiqua pas. Au contraire, elle sembla se radoucir.

- Certes. Mais Nérévar doit faire façade. Il est le roi, c‘est sur lui que se posent tous les regards. Il ne peut agir précipitamment, et cela aussi, tu le sais.

- Mais malgré cela, ce dont tu me parles n’as pas l’assentiment de Nérévar, je me trompe ?

Cette fois-là, en revanche, Ayem marqua un début de grimace.

- Non, c’est vrai. Nérévar hésite encore, malgré toutes mes supplications. Mais tu comprends bien la nécessité qui est la notre : il nous faut agir vite, si nous ne voulons pas nous faire doubler. Les dwemers ne laisseront certainement pas passer une si belle occasion. C‘est pourquoi je te demande humblement d‘aider les chimers de Resdayn, Voryn. En privant les dwemers du coeur, nous nous assurons de ne pas le regretter par la suite. De plus, ils n‘oseront plus déclencher de guerre s‘ils savent que le coeur est entre nos mains - du moins si son pouvoir est véritablement aussi grand qu‘on peut le croire.

Le regard de Voryn se fit insondable pendant de longues secondes.

- Ce n‘est pas aussi simple que ça. Je doute que le coeur soit facile à dominer. Cependant je comprends ce que tu veux dire. Mais dis-moi... Que comptez-vous faire du coeur une fois que vous l’aurez ?

Ayem sembla vaguement mal à l‘aise.

- C‘est une question que j‘aurais aimé aborder avec toi un peu plus tard... Mais pour être honnête, nous espérions nous en servir pour le bien des chimers.

- Qu’entends-tu par là ?

- Difficile à dire. Nous rendre plus puissants ? Offrir de meilleures conditions de vie au plus pauvres, qu‘en sais-je ? Conquérir de nouveau territoires ?

Voryn grimaça.

- C‘est risqué, et difficile. Mais ça peut en valoir le coup. Veux-tu bien juste me laisser quelques minutes pour réfléchir ?

Ayem hocha la tête, puis s‘installa confortablement dans le sofa, observant patiemment son hôte. Bien qu‘elle se doutait qu‘il était en train de réfléchir, Voryn n‘en laissait rien paraître. Il se contentait de siroter silencieusement son verre de sujuma.
Enfin, au bout de plusieurs minutes, il reprit la parole.

- C‘est d‘accord.

La reine soupira de contentement.

- Parfait. Quand penses-tu pouvoir être prêt ?

Voryn sourit.

- Je vais faire au plus vite. Laisse-moi juste le temps de régler quelques affaires, pour que mon départ n’ai pas l’air trop précipité, puis je m’en charge.

- C‘est parfait. Cela dit, j‘imagine que tu voudrais commencer dès maintenant ?

- Effectivement. Je te remercie pour le verre, Ayem.

- Non, c’est moi qui te remercie. A bientôt, Voryn.

- A bientôt.


*



Gilvoth Dagoth était en train d‘écrire un rapport sur les activités récentes des dwemers quand il vit Voryn entrer dans son bureau, l‘air suspicieux. Sous ses yeux intrigués, il vit son chef inspecter minutieusement la porte, puis regarder dans la direction du mur, comme s‘il cherchait à voir à travers.

- Quelque chose ne va pas, seigneur ?

Voryn lui adressa un regard perçant.

- Tu attends quelqu‘un ?

- Euh, non...

- Parfait, le coupa Voryn. Dans ce cas, écoute attentivement, car j‘ai quelque chose à te demander.

- Oui, très bien, mais...

Voryn le coupa à nouveau.

- Pas le temps. Déjà, je veux savoir si je peux avoir pleinement confiance en toi.

- Bien entendu.

- J‘insiste. Ce n‘est pas qu‘une question de forme. Ce que je vais te demander est très délicat, et je veux que tu t‘en occupes avec le plus grand soin.

- Oui, seigneur. Vous avez ma parole.

- Parfait. Dans ce cas, je ne vais pas y aller par quatre chemin : je veux que tu suives la reine.

- Je vous demande pardon ?

- Tu as bien entendu. Elle m‘a approché il y a une heure en me disant qu‘elle voulait me parler. En réalité, elle m‘a demandé d‘effectuer une mission qui dépasse de beaucoup les volonté du roi. Et s‘il y a bien une chose de dangereuse pour le monarque, c‘est qu‘un de ses proches commence à prendre des décisions dans son dos. Peu importe qui est le proche. Il va falloir que tu surveilles étroitement la reine. Je veux savoir qui elle rencontre lorsqu‘elle n‘est pas censé être avec qui que ce soit. Je ne pense pas qu‘elle entreprenne ce dont elle me parlait seule. Si elle veut faire quelque chose dans l‘ombre du roi, elle doit nécessairement avoir l‘appui d‘autres personnes. C‘est les noms de ces personnes que je veux.

Gilvoth sembla chanceler un instant sous le flot d‘information que lui donnait Voryn, puis se ressaisit.

- Puis-je vous demander ce qu‘elle voulait ?

Voryn le sonda du moment du regard.

- Je suis désolé, mais je préfère ne pas te l‘expliquer. Du moins, pas maintenant. C‘est une affaire assez sensible, et qu’il vaudrait mieux tenir secrète. Et puis, tu finiras bien vite par l‘apprendre, si tu arrives à faire ce que je te demande. En attendant, acceptes-tu de t’en occuper ?

- Bien entendu.

Sur ces mots, Gilvoth sourit, écrit encore quelques ligne sur son rapport, puis s’en alla.


*



Ayem rencontra Vehk dans un petit jardin du palais, au clair de lune. Tous deux étaient en partie cachés par un sort de caméléon.
Le général n‘attendit pas longtemps pour en venir aux faits.

- Alors, Dagoth a accepté ?

Ayem sourit.

- Oui.

Vehk poussa un soupir de contentement.

- Parfait. Il n‘a pas posé de conditions particulières ?

- Non, non. Je ne sais pas s‘il a accepté pour les chimers ou pour lui-même, mais il a accepté.

- Et bien tu vois, tu t‘étais trompée sur son compte. En tous cas, il va me falloir prévenir Seht. Mais avant, que dirais-tu d‘une petite promenade ?

- C‘est gentil, Vehk, mais il ne vaut mieux pas que nous restions ensemble trop longtemps, le soir. Cela suffira. Nous nous reverrons demain, de toutes façons.

A regret, Vehk aquiesça, puis ils se souhaitèrent une bonne nuit. Ayem s‘en alla sous le regard mélancolique de Vehk, puis ce dernier se détourna pour s‘en aller à son tour. Par mesure de précaution, il utilisa son amulette de détection de vie.
A sa grande surprise, il réalisa que quelqu‘un se tenait non loin, invisible. Se maudissant de ne pas avoir utilisé l‘enchantement plus tôt, il s‘approcha tranquillement de l‘intrus. Au dernier moment, il sortit sa dague et la planta dans l‘invisible, qui poussa un cri, puis recula. Le chimer redevint visible, et un bref instant, Vehk reconnu le visage de l‘un des serviteurs de Voryn ; mais avant qu‘il n‘ait pu faire quoi que ce soit, ce dernier lança un sort et s‘évapora sous ses yeux.


*



Gilvoth Dagoth apparu couvert de sang auprès de Voryn. Ce dernier réagit instantanément en lui lançant des sorts de soin. Dès qu’il  se fut remis, Voryn lui posa la question qui lui brûlait les lèvres :

- As-tu pu obtenir des noms ?

- Vehk... Elle rencontrait Vehk, le général de Vvardenfell... Et ils ont aussi mentionné Seht. C‘est tout.

Voryn aquiesça.

- C‘est elle qui t‘a infligé ça ?

- Non, Vehk... J‘ai peur qu‘il ne vienne bientôt nous chercher.

- Pas de problème, j‘ai assez de noms pour l‘instant. Il est temps de se rendre à Kogorhun. Pars tout de suite, et demande à ce que les lieux soient préparés. Je vais prévenir les autres.

Gilvoth hocha la tête.


*



Nérévar se leva tôt le lendemain pour consulter la princesse Daedra. Aussi se retrouva-t-il debout devant la statue d‘Azura aux alentours de six heures du matin, revêtu d‘une robe bleu clair, couleur qu‘affectait la princesse. Le prêtre lui avait également remis quelques grammes d’une poussière scintillante, qui constitueraient l’offrande.

Conformément à ce qu‘on lui disait de faire, Nérévar s’avança vers la statue et déposa la poussière à ses pieds, invoquant la princesse dans un murmure.
Tout d’abord, seul le silence lui répondit ; pourtant, dès que le prêtre se fut retiré, la poussière disparut, et une voix sans âge s’éleva de la statue.

- Ah, Nérévar... Je m’étais attendue à t’entendre bientôt. Je sais ce qui trouble ton coeur. A vrai dire, même nous, princes Daedras, sommes troublés par les travaux des dwemers. Il ne faut aucun doute qu’il doit y être mis un terme. Car Kagrénac et les siens sont bel et bien en train d’essayer de créer un dieu artificiel. Cependant, nous ne pouvons intervenir à notre guise, en Nirn. Aussi, je suis ravie que tu viennes solliciter mon avis, Nérévar. Car c’est à toi que je souhaitais que revienne la tâche de les arrêter. Je sais que tu es assez noble pour ne pas utiliser pour le coeur pour toi même ; c’est donc à toi que cette tâche est dévolue. Déclare la guerre aux dwemers, Nérévar. Sois sans pitié. Et fait cesser cette folie. Sers-moi bien, et sois certain que tes efforts seront récompensés. Maintenant, va Nérévar. Tu as ma bénédiction.

Nérévar ferma les yeux, et inclina la tête. Les dwemers auraient la guerre.


*



Vehk avait passé la nuit et le début de la matinée à la recherche de Voryn, Gilvoth, ou même un quelconque autre membre des Dagoths. Pourtant, ceux-ci semblaient avoir déserté le palais.
Il était épuisé, et maudissait Voryn, qui était probablement derrière cet espionnage nocturne.
Alors qu’il commençait à désespérer, Seht vint le trouver.

- Arrête les recherche. C’est trop tard, ils ne sont surement déjà plus dans le palais, et de toutes façons, Nérévar vient de rentrer. Nous devons aller l’accueillir. Prépare-toi cependant à intercepter Voryn ou Gilvoth s’ils devaient se manifester alors. Tue-les sans hésitation. Nous dirons qu’il attenté à la vie de la reine, cette nuit, heureusement sans succès.

Vehk opina, puis pris la direction de la salle du trône. Il était furieux. Voryn les avait roulé dans la farine, et s’était de surcroit enfuit ! Dans des circonstances pareilles, ce dernier - et, plus globalement, l’ensemble de la maison Dagoth - représentait une sérieuse menace pour leurs plans. Il se mit à réfléchir.
Dans la position où ils étaient, Voryn et les plus hauts-placés de la Maison Dagoth ne se risqueraient surement plus à Narsis avant un certain temps ; la reine, le conseiller du roi et un général faisaient après tout des adversaires conséquents. Il était par ailleurs probable que Voryn essaie de contacter Nérévar... Et le cas échéant, Seht pourrait l’intercepter assez vite - il était assez puissant pour cela.
Mais pour plus de tranquillité, l’idéal était encore de discréditer la maison Dagoth aux yeux de tous. Peut-être pourraient-ils se servir de cette fuite pour prétendre que les Dagoth avaient décidé de se ranger dans le camp des Dwemers ? Ceci avec la pseudo-tentative d’assassinat de la reine, et la maison Dagoth pourrait vite être déclarée ennemi publique. Peut-être même - qui sait ? - Voryn finirait tué par un garde un peu trop zélé.
Oui, cela serait vraiment l’idéal pour eux.

Alors même que Vehk en venait à cette conclusion, il pénétra dans la salle du trône par une porte latérale. Nérévar et plusieurs membres du grand Conseil étaient déjà présents. Le roi , revêtu de son armure d’apparat, avait déjà entamé un discours.

- ... Et Azura m’a alors confirmé ce que nous avions tous craint : les dwemers préparent bel et bien une arme pour nous anéantir - ce que nous ne pouvons tolérer. Aussi, j’ai le regret de vous annoncer, que c’est à nous qu’échoie la tâche de mettre fin à leur folie. A compter de ce jour, le peuple chimer, en ma personne, déclare donc officiellement la guerre aux dwemers, et ce jusqu’à leur capitulation.

Vehk sourit. La journée n’était pas si mauvaise que cela, finalement.

Modifié par Raven Dumron, 10 mars 2010 - 00:09.


#5 Raven Dumron

Raven Dumron

Posté 16 mars 2010 - 08:18

Chapitre 5





Nérévar avait du mal à encaisser. En une journée, tout ce en quoi ils croyait semblait avoir basculé. Lui qui s’était toujours battu pour la paix, se voyait soudain contraint à déclarer la guerre à ses anciens alliés ; et voilà qu’Ayem lui apprenait que son plus fidèle ami, Voryn, avait essayé de l’assassiner pendant son absence, pour ensuite prendre la fuite et rejoindre les dwemers ?
C’était complètement insensé. Pourquoi aurait-il fait ça ? Il était proche des dwemers, certes, mais pas au point de prendre leur parti contre son propre peuple ! Non, il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond dans tout cela. Pourtant, Ayem et Seht étaient formels.
Et de fait, comment pouvait-il remettre leurs propos en cause ? Il avait envoyé plusieurs messager dans les différentes bases et villes dirigées par la maison Dagoth ; tous étaient revenus en déclarant que les Dagoths avaient déserté. Tous, sauf un. Celui qui s’était rendu à leur ville-siège, Kogorhun. Celui-là n’était pas encore revenu, et commençait sérieusement à inquiéter Nérévar.
« Mais bon sang Voryn qu’est-ce que tu trames ? »


*



Le sang d’Ayem bouillonnait. Elle ne parvenait pas à déterminer si c’était de colère ou d’excitation. D’un côté, elle était furieuse que Voryn ai réussi à s’échapper. De l’autre, Nérévar avait enfin pris la décision d’entrer en guerre. S’ils manoeuvraient bien, le conflit serait réglé rapidement ; mais il resterait encore le problème de son mari. Peut-être tomberait-il au combat ? Elle aurait alors libre court d’utiliser le coeur comme il devait l’être... Et de se remarier avec Vehk.
Vehk... Elle ne savait vraiment pas ce qu’elle serait devenu, sans lui. Une mollassonne, comme Nérévar ? Ce Nérévar, qu’elle avait aimé si flamboyant... Et elle avait fini avec un roi qui l’abandonnait sans cesse, entretenant des alliances qui n’avaient plus lieu d’être. Ne pouvait-il pas au moins s’occuper de son peuple, s’il ne s’occupait pas d’elle ? ... Il l’avait tant déçue, tant faite souffrir.
Mais Vehk... Il était différent. Elle le sentait. Il savait peut-être moins bien galvaniser les chimers que Nérévar, mais il avait une vision de Resdayn qui était autrement plus grande que celle de son époux. Nérévar voyait son royaume comme une terre où chimers et dwemers pouvaient vivre en harmonie - futile idylle - ; Vehk, lui, voyait bien au delà. Il partageait la même vision qu’elle de Resdayn : celle d’une terre où les chimers pourraient enfin régner en maitres.
Elle avait rencontré Vehk par hasard, un jour où elle s’exerçait au maniement de l’épée. Impressionné par ses qualités d’escrimeuse, il lui avait présenté ses respects - et avait engagé la conversation avec elle.
Elle ne doutait pas qu’il n’ai nullement cherché à la séduire - elle était l’épouse du roi, après tout - mais elle était tombé sous le charme de son être, de la flamme qui brulait en lui, de cet esprit qui semblait allier sans complexe le guerrier et le poète.
Depuis, elle le fréquentait souvent ; tantôt au grand jour, tantôt en secret. Pour beaucoup, il était son compagnon d’escrime, et se révélait être un adversaire de talent. Pour elle, il était un amant passionné. Ensemble, ils rendraient enfin leur gloire aux chimers. En temps que reine et roi.

Elle soupira.

Dire que Seht n’avait pas mis plus d’une semaine à percer le secret. Heureusement pour eux, c’était un chimer intelligent. Très intelligent. Il savait bien que garder le secret lui donnait bien plus d’emprise sur la reine que s’il l’avait éventé dès le premier jour.
Mais ni Ayem ni Vehk n’appréciaient de laisser autant de pouvoir dans les mains du conseiller. Et c’est ainsi qu’elle avait fini par lui faire la proposition de les aider, Vehk et elle-même. Il aurait de toutes façons fini par le savoir. En allant lui proposer, son égo s’était senti flatté, et il avait accepté de l’aider.
Cependant, elle ignorait ce qui l’intéressait vraiment : le seul bien des chimers, ou une certaine attirance par les pouvoirs occultes du coeur. Les mages avaient toujours eu un faible pour le pouvoir.

Sauf Voryn, semblait-il.

En un sens, elle comprenait la réaction de Voryn. C’était dangereux, voir même très dangereux. Et cela pouvait sembler être de la folie.
Pourtant, ils ne faisaient pas cela que pour le pouvoir. Certes, le coeur était une arme puissante, mais ils n’avaient pas l’intention d’en abuser. Il ne l’utiliseraient que pour le bien de Resdayn. C’était leur devoir de chefs, après tout...


*



Kogorhun était en effervescence. Chaque heure, d’autres Dagoth arrivaient. C’était désormais une quasi-certitude pour Voryn : d’un moment à l’autre, les traitres allaient trouver un moyen de les déclarer hors-la-loi. Ils en avaient largement les moyens, et Nérévar serait probablement trop occupé par la guerre à venir pour faire obstacle.
La guerre... Il avait peine à croire que le simple avis d’une princesse Daedra avait pu changer la donne aussi vite. Soit son espion du palais royal lui avait mal rapporté les propos de Nérévar, soit... Plus il y réfléchissais, plus il lui semblait possible que Nérévar ait fini par céder aux traitres. C’était encore le plus probable. Certes, la princesse Daedra l’avait peut-être incité dans ce sens ; mais il tenait trop à la paix pour que ce ne soit qu’à cause d’elle.
Ils en avaient fait leur marionnette.
Aussi avait-il prit la décision de faire rassembler la totalité des Dagoth à Kogorhun, quitte à éreinter les quelques mages transporteurs dont ils disposaient. Il semblait d’ailleurs que bien lui en avait pris : des rumeurs circulaient comme quoi ils étaient recherchés dans tout le royaume.

Odross Dagoth rentra soudain dans la pièce.

- Les troupes des grandes Maisons commencent à se rassembler, maitre. En revanche, les Cendrais ne semblent pas encore se mobiliser.

Voryn soupira sans répondre. Nérévar aurait beau rassembler toutes ses troupes, il savait que la bataille ne serait pas pour autant aisé. Grâce à leurs réseaux de souterrains, les dwemers pourraient soutenir un siège sans difficulté, voir même parvenir à les harceler avec des tactiques de guérilla. Et même s’ils pénétraient dans la forteresse, il leur faudrait encore affronter toutes les machines des dwemers...
L‘inévitable affrontement entre chimers et dwemers serait meurtrier.
Soudain, Voryn écarquilla les yeux. Inévitable, vraiment ?


*



- Tu vois bien, ces traitres ont fuit, et probablement assassiné le messager que nous avions envoyé à Kogorhun.

Nérévar jeta un regard noir à Ayem.

- Mais c’est insensé ! Quelles raisons Voryn aurait-il de faire ça ?

- Les Dagoth ont toujours été plus proche que nous des dwemers. Je ne sais pas pourquoi, mais en tout cas, ils ont fait le choix d’offrir leur allégeance au mauvais camp. On ne peut plus les laisser courir dans la nature ainsi. Je ne veux pas les laisser courir dans la nature, pas après que leur chef ait tenté de m’assassiner. Et plus nous attendons, plus nous prenons le risque qu’ils se servent des souterrains de Kogorhun pour rejoindre les dwemers. Nous ne pouvons pas le permettre. La guerre sera déjà suffisamment sanglante sans que nous ayons à nous battre contre les nôtres. Déclare-les hors-la-loi, Nérévar, et lançons une attaque contre Kogorhun.

Le roi inspira profondément. Ses arguments étaient logique. Quelles que soient ses raisons, Voryn avait un choix qu’il ne pouvait lui permettre de prendre. Et puis, s’ils arrivaient à mettre la main sur lui, Nérévar pourrait peut-être obtenir les véritables motifs de Voryn.

- Bien. Il en sera fait ainsi. Mais je veux que Voryn et ses conseillers soient capturés vivants. Ils ont certainement des raisons qui valent la peine d’être entendues.

Ayem ne trahit aucune émotion.

- Très bien. Je vais m’arranger pour que le nécessaire soit fait.

- Merci, Ayem.

Elle se força à sourire.

- Mais de rien.


*



- Mais c’est de la folie ! Nous sommes épuisés, nous ne pouvons pas tous les transporter une nouvelle fois !

Voryn fixa le mage droit dans les yeux.

- C’est un ordre.


*



Seht n’avait pas perdu un instant ; dès qu’Ayem l’avait informé de l’accord de Nérévar, il avait fait préparer une expédition pour Kogorhun. Vehk avait été chargé de la diriger.

Cela faisait quatre heures qu’ils étaient partis. Seht faisait de son mieux pour ne rien laisser paraître, mais il ne pouvait s’empêcher de s’impatienter. Cette fois-ci, ils ne devaient pas échouer. Vehk devait impérativement tous les exterminer. Tant pis pour la demande de Nérévar. Ils n’auraient qu’à annoncer que Dagoth Ur et ses conseillers s’étaient à nouveau enfuis, laissant tous les autres à leur sort. De toutes façons, Seht avait pris soin de choisir des soldats qui ne connaissaient pas les membres hauts-placés de la maison Dagoth. Ainsi, ils étaient obligés de se fier à la seule foi de Vehk pour les dénicher et les capturer.
Enfin, un de ses assistants vint le trouver pour lui annoncer leur retour. Il le renvoya aussitôt chercher Vehk.

Quelques minutes plus tard, le général frappa à sa porte.

- Entrez.

Vehk ne se fit pas prier. Le conseiller nota qu’il avait l’air plutôt énervé.

- Alors ? demanda Seht. Tu les as eu ?

Le général secoua la tête de droite à gauche.

- Non, malheureusement. Kogorhun était désert. Aux traces, ils se sont enfuis quelques heures avant notre arrivée.

Seht jura.

- Tu en es certain ?

- Absolument. J’ai fait fouiller toute la forteresse, souterrains compris. Personne.

- Encore une fois, ils nous échappent... Nous n’aurions jamais dû lui faire cette proposition.

Vehk aquiesça.

- Nous nous sommes laissé griser par la perspective de gagner la guerre facilement. Avec le recul, je ne pense pas qu’il y avait la moindre chance qu’il accepte sincèrement ; il est trop lié d’amitié avec Nérévar.

- Oui, je le pense aussi... Il n’y avait aucun signe d’où il a pu fuir ?

- Non, il ne restait que des babioles, sur place.

Les yeux de Seht se perdirent dans le vide tandis qu’il réfléchissait. Sentant qu’il n’ajouterait plus rien avant un moment, Vehk annonça qu’il allait prévenir Ayem et Nérévar, puis se retira.


*



Il neigeait. Plus jeune, Voryn aurait adoré ce spectacle. Désormais, tout ce qui lui importait, c’était de quitter Resdayn le plus vite possible. Malheureusement pour lui, il ne connaissait guère le chemin pour franchir les montagnes d’Ald Velothi, aussi devait-il suivre le rythme de son guide.
De temps en temps, il regrettait de ne pas être avec les siens, même s’ils ne faisaient rien de plus que de se cacher dans un village isolé. Au moins, eux n’avaient pas à affronter le froid et les dangers des montagnes. Et encore, Voryn n’avait pas à se plaindre ; les vêtements qu’il portait étaient enchantés pour repousser une partie du froid...

Son calvaire dura une journée et demi. Une journée et demi pendant laquelle il n’eut pour seul compagnon qu’un jeune éclaireur chimer, intéressé uniquement par la belle récompense qu’il lui avait promis s’il le menait là où il le désirait. Guère loquace, de surcroit. Pour ne rien arranger, le temps restait tout aussi neigeux, à tel point qu’ils durent faire demi-tour plusieurs fois pour retrouver un chemin praticable.
Enfin cependant, ils furent en vue d’un groupe de chaumières plutôt rustiques. Satisfait, Voryn se tourna vers l’éclaireur, et lui lança un sort de rappel. Veynim s’occuperait de lui donner sa récompense.
« Bien, maintenant, le plus drôle... »

Voryn se lança un sort d’invisibilité, puis s’avança vers les chaumières. A première vue, elles lui semblaient plutôt miteuses ; pas vraiment là où il allait trouver ce qu’il désirait. Il lui faudrait cependant faire avec... Et au moins, il aurait de nouveaux guides.
De plus près, il pu constater qu’elles étaient bel et bien dans un assez mauvais état. Apparemment, ils se trouvaient tous à l’intérieur. Il jeta un regard à travers la fenêtre.
En effet, un petit groupe d’humains se pressait autour de l’âtre de la cheminée. Le feu brûlait très faiblement...
Voryn s’écarta de la fenêtre, sentant que son sort d’invisibilité allait bientôt prendre fin. Il réfléchit ; le plus dur allait évidement être de les approcher. Pour cela, il lui faudrait surement utiliser un sort de charme. Une fois qu’ils auraient accepté de le laisser entrer en contact avec eux, quelques babioles magiques devraient les convaincre qu’il n’avait pas de mauvaises intentions...

Modifié par Raven Dumron, 16 mars 2010 - 08:19.


#6 Raven Dumron

Raven Dumron

Posté 23 mars 2010 - 09:49

Chapitre 6



Tous trois s’étaient rassemblés dans les appartements d’Ayem. Il n’y avait guère que là qu’ils pouvaient se rencontrer sans être vus ; cependant, cela la forçait également à inviter de nombreuses autres personnes durant la journée, afin que la compagnie de Vehk et Seht ne soit pas plus suspecte que celle des autres. Et pour aussi simple que cela pouvait sembler, passer son temps à recevoir des gens était éreintant, au moins pour l’esprit.
Pourtant, le silence des trois compagnons n’était pas à attribuer à la fatigue ; ce silence là n’était dû qu’à une colère à peine contenue.

- Tu es sûr de toi, Vehk ?

- Oui Ayem. Impossible de remonter jusqu’à lui pour le moment, et nous ne pouvons plus nous permettre de continuer à le traquer maintenant.

Seht intervint.

- Il a raison Ayem. Voryn représente certes un grand danger, mais nous devons penser à notre peuple avant tout. Et pour sa sécurité, nous ne pouvons pas passer notre temps à envoyer des traqueurs à sa recherche. Ces chimers seront plus utiles en temps qu’éclaireurs, pour l’armée. De même, nous ne pouvons pas non plus nous concentrer sur lui comme nous le faisons actuellement. D’autres affaires d’importance requièrent notre attention. Nous devons faire redoubler la sécurité du palais, pour qu’il ne nous prenne pas par surprise ; mais c’est là tout ce que nous pouvons faire.

Le regard d’Ayem se perdit un instant dans le vide.

- Très bien. Vous avez raison. Excusez-moi.

Vehk lui sourit, tandis que Seht hocha la tête.


*



Nérévar était épuisé. Il passait désormais toutes ses journées en conseils de guerre, élaborant sans cesse de nouvelles stratégies pour arriver à faire sortir les dwemers de leurs forteresses ; car ce serait sans aucun doute le plus délicat, dans cette guerre.
Deux siècles ! Cela faisait plus de deux siècles qu’il n’avait plus fait ce genre de chose. Ca ne lui avait guère manqué. La paix lui plaisait infiniment mieux. Le problème n’était pas de se salir les mains : il l’avait déjà fait auparavant, cela ne l’effrayait plus guère. Non, le véritable problème, c’était que la dernière fois, il se battait pour une cause qui lui tenait à coeur...
Et Voryn qui l'abandonnait en cet instant crucial ! Il avait fini par accepter l’idée qu’il ne pouvait plus compter sur lui. Tout ce qu’il espérait, c’est qu’il n’aurait pas à se battre contre lui, quand la situation s’envenimerait...


*



A des centaines de kilomètres de là, au nord-ouest, dans les montagnes des terres humaines, Voryn suivait ses nouveaux guides. Malgré le sort de charme, les humains avaient quand même fait preuve d’une forte réticence à communiquer avec lui - et pendant un instant, il avait bien cru que le mâle allait se jeter sur lui. Cependant, il avait finit par arriver à traiter avec eux, à force de sorts d'apaisement. Les humains n’étaient pas si bêtes que cela. Il suffisait juste de les calmer un peu ; une fois cela fait, il n’avait eu qu’à leur proposer deux-trois babioles magiques, et ils avaient accepté de le mener là où il voulait se rendre.
« Le plus dur aura été de leur parler dans leur langue, finalement... »


*



La guerre avait enfin commencé. Une dernière sommation avait été envoyée à Dumac, par le biais d’un messager. Il était revenu à peine une heure plus tard, porteur d’une réponse. Sans surprise, Nérévar avait constaté que Dumac refusait de cesser les activités profanes qu’ils menaient avec le coeur - et déclarait la guerre aux chimers.

Visiblement, Dumac ne tenait pas tant à la paix qu’il le croyait. Nérévar commençaient à croire que ses conseillers avaient raison.
Il eut un sourire amère. Malgré l’avis de ses conseillers, la déclaration d’Azura, et la lettre de Dumac... Malgré tout cela, il n’arrivait pas à croire que Dumac pouvait être coupable de ces crimes.
« Abruti. »


*



Son guide s’arrêta soudain. Quittant ses pensées, Voryn leva les yeux. Et sourit. Ils venaient d’arriver dans une large vallée, au centre de laquelle trônait une petite ville. Les journées de marche à travers les montagnes avaient finalement payé. Comme promis, il donna leurs récompenses à ses guides, puis continua son chemin seul.


En l’absence de l’humain, sa progression se révéla bien plus difficile ; jamais il ne s’était rendu dans ces montagnes. Il lui fallu près de trois heures pour parvenir jusqu’à la ville.
Plusieurs fois, il dû avoir recourt à un sort de lévitation pour franchir un terrain impraticable à pied.
Cependant, même arrivé à proximité des habitation, le plus dur restait encore à faire. Les humains n’accepteraient jamais qu’il pénètre impunément dans la ville. Il sortit une amulette enchantée de son sac, afin d‘économiser ses réserves de magie. Il espérait que l’enchantement durerait assez longtemps pour lui permettre de trouver où logeait le maître de la ville. Priant, il enclencha le sort de l’amulette. Presque instantanément, Voryn devint invisible.
« Bon, et bien allons-y. »


*



Les soldats Chimers attendaient sous les yeux d’Ayem, face à l’une des nombreuses entrées des galeries Dwemers. Vvardenfell. La Ville du Bouclier Puissant. Un mot Dwemer pour désigner l’immense réseau de galeries qui s’étendait sous cette région. Il faudrait qu’elle songe à faire changer ce nom, une fois que la région ne serait plus qu’à son seul peuple.

Et soudain, elle frémit. Quelque chose changeait dans l’air. Un frisson, une tension qu’elle n’avait pas senti depuis bien longtemps se propageait. Elle dirigea son regard vers les portes des Dwemers. Et sourit. Ils sortaient...


*




Généralement, les humains se rassemblaient dans un imposant bâtiment qu’ils appelaient « la grande salle » ; c’était là qu’il avait le plus de chance de rencontrer leur chef. Il  ne lui fallut heureusement que peu de temps pour trouver la fameuse salle ; c’était une grande construction en bois sculpté. A cette heure de la matinée, elle était peu occupée. Seuls quelques hommes allaient et venaient, préparant apparemment le lieu pour quelque évènement à venir.
Soudain, Voryn réalisa que son invisibilité était sur le point de prendre fin. Il dû prendre sa décision très vite. Il n’y avait définitivement pas assez d’ombre pour qu’il puisse se cacher ; il s’avança au centre de la salle.

Ce fut comme s’il avait profané un temple sacré. Tous les humains se mirent à crier, ceux qui disposaient d’armes s’en saisirent, et très vite il se retrouva encerclé. Les hommes vociféraient, lui ordonnant apparemment de se tenir calme. Il ne bougea pas.
Enfin, une percée se fit dans le cercle, et un homme s’avança, suivi de deux gardes. Il s’adressa à lui sur un ton menaçant, lui parlant en langue humaine.

- Que fais-tu ici, Diable ?

Malgré sa répugnance à devoir parler en langue humaine, Voryn s’efforça de se conformer aux exigences du l’humain.

- N’ayez crainte, je viens en paix. Je suis ici pour apporter une grande nouvelle à votre chef, ô noble guerrier.

L’homme fronça les sourcil.

- Je suis le chef. Quelles nouvelles portes-tu ?

Un sourire se peignit sur le visage de Voryn.

- Je sais où se trouve le Coeur de Shor.

Le chef l’observa brièvement, puis éclata de rire.

- Le Coeur de Shor ! C‘est donc un Diable fou que nous avons là. Mais dis-moi, Diable, comment connais-tu le nom de notre père créateur ?

- Mais j’ai rencontré votre père créateur ! Le coeur est en la possession de mon peuple et de celui des Nains. Ils le tiennent prisonnier dans la Montagne Rouge, afin de pouvoir vous menacer si jamais vous les attaquiez.

- Dans ce cas, pourquoi le Coeur de Shor ne nous a-t-il pas été rendu, quand Resdayn était encore notre fief ?

- Parce que vos armées étaient alors menées pas Wulfharth ; même auprès des Nains et des Diables, ce nom est craint. Ils ont alors choisi de le cacher, et votre roi n‘a jamais pu le voir. Mais désormais, dans la quiétude de la paix, les miens ont oublié la menace, et il est à nouveau accessible.

- Hum... Et pourquoi trahirais-tu les tiens ?

- Parce que les miens m’ont trahis. Notre chef était un grand chef, mais ses alliés sont des fous qui ont fini par le corrompre. Ils veulent détruire le Coeur de Shor ! Mais moi, j’ai protégé le coeur longtemps, et je savais que le Coeur était trop important pour être détruit. Je ne pouvais pas accepter cela. Alors je les trahis. C’est normal, chez nous. Les Diables se sont toujours trahis entre eux, et il en ira toujours ainsi.

- Et pourquoi ne nous trahirais-tu pas, nous ?

- Parce que je ne trahis que ce qui me trahissent. Aussi longtemps que vous ne me trahirez pas, je ne vous trahirai pas vous ; je le jure sur devant Shor et sur tous les esprit créateurs.

Le chef plissa les yeux. Voryn savait qu’il cherchait à percer son coeur. Les promesses avait énormément d’importance, chez les humains. S’il était chanceux, il aurait fait suffisamment bonne impression, et les humains penseraient qu‘il connaissait le risque de faire une fausse promesse.

- Jurerais-tu, Diable, devant Shor et tous les esprits créateurs, que le Coeur de Shor se trouve vraiment en Resdayn, et que tu nous aideras à le récupérer ? Es-tu prêt à être maudit, si tu trahis ta parole ?

Voryn sourit. Il avait gagné.

- Je le jure, moi, Voryn Dagoth, devant Shor et tous les esprits créateurs.

Une sorte de frisson parcouru l’assemblée. Visiblement, son attitude les perturbait. Enfin, le chef leva une main, et leur fit signe de ranger leurs armes.

- Le Diable a promis. Il sait à quel risque il s’expose en mentant ; c’est désormais à nous de lui faire confiance. A compter de ce jour, tu es notre hôte, Diable Dagoth. En temps que chef, moi, Ofgard Veines-de-Glace, te promet qu’aucun de mes hommes ne te causera de troubles. Nous te fournirons un lieu où dormir, ainsi que ce dont tu peux avoir besoin. En échange,  j’attends de toi que tu nous aides dans certaine tâche, notamment que tu m’en dises plus sur l’endroit où est caché le coeur, et comment le reprendre. Je vais consulter le chaman, pour connaître son avis sur tout ceci, et lui demander d’envoyer des messages à tous nos alliés. D’après mes chasseurs, Resdayn est agité, car une guerre se trame entre les Diables et les Nains. Nous devons profiter de cette occasion pour récupérer le Coeur. Il faudra donc rassembler autant de clans que possibles. Toute autre suggestion de ta part est la bienvenue, Diable Dagoth.

- Je ne savais pas que la guerre avait commencée, mais je peux facilement vous en dire la cause : le Coeur de Shor. Comme vous avez dû le comprendre, les avis sur ce que nous devons en faire sont très différents : les Nains veulent le garder, et les plus puissants de Diables veulent le détruire. Nous ne pourrons pas traiter avec les Nains, car ils ne le gardent que pour eux. Pour ce qui est des Diables, il faudra d’abord éliminer les traitres qui veulent détruire le Coeur ; ensuite seulement, une fois ceux-ci morts et le Coeur entre nos mains, nous pourront traiter avec eux. Bien entendu, je ne plaide pas pour mon peuple : s’il n’accepte pas de son propre chef la servitude, alors il faudra les y forcer. Dans tous les cas, je me range de votre côté, chef Ofgard : vous devez profiter de la guerre pour attaquer. Ils ne sauront pas quoi faire, et vos chance n’en seront que plus grandes.

Ofgard aquiesça, apparemment satisfait que Voryn soit d’accord avec lui.

Modifié par Raven Dumron, 23 mars 2010 - 09:49.


#7 Raven Dumron

Raven Dumron

Posté 29 mars 2010 - 21:15

Chapitre 7



Une nouvelle fois, c’était une nuit silencieuse. Nérévar observait avec calme les tours des dwemers ; après des semaines de siège, ils restaient obstinément enfermés. Certains de ses généraux lui signalaient des sorties occasionnelles, en divers endroits de Resdayn. Ils étaient probablement en train de tester leur réactivité.
« Ils attendent que nos troupes perdent le moral. Mais ils ne pourront pas se permettre d’attendre éternellement ; ils ont besoin d’accéder à des vivres, et pour cela, ils devront nécessairement sortir et reprendre des terres. Qu’attendent-ils donc ? »
Ils allaient les déloger. Tous ses généraux réfléchissaient à un stratagème pour les faire sortir de leur demeure ; pour l’instant, en vain.

Nérévar inspira un grand coup l’air nocturne. La fumée emplissait l’air. Les feux de camps, les torches des veilleurs... Il n’en pouvait plus de cette odeur. Il en aurait presque été ravis de pouvoir en découdre avec les dwemers, si cela pouvait le rapprocher de la fin de la guerre. Cependant, il savait pertinemment que même s’ils sortaient de leur tanière, il faudrait certainement plus d’une bataille pour pouvoir les terrasser. Son armée était dispersée, les dwemers étaient des adversaires résistants, et par dessus le marché ils se battraient aux côtés de machines dont ni ses généraux, ni ses soldats, n’avaient la moindre idée de comment les abattre. Sans compter que le Coeur restait hors de portée.
Il leva les yeux vers le Mont Ecarlate. Demain, il se rendrait là-bas. C’était Vehk qui avait été chargé des troupes sur place, le volcan étant sans conteste la région de Vvardenfell où ils devraient se montrer les plus précautionneux ; c’était une région où il était difficile de se déplacer, et où leurs adversaires auraient donc un avantage conséquent sur eux. Ils ne pouvaient pas se passer d’un général connaissant les lieux.
« C’est là qu’ils voudront nous combattre. C’est de là que nous devrons les éloigner. »


*



Voryn avait l’impression que le temps s’étirait de façon démesurée ; autant il avait été surpris de la vitesse avec laquelle les humains s’étaient ralliés à lui une fois sa parole donnée,  autant il se mordait les doigts de la lenteur avec laquelle ils se rassemblaient. Le chaman avait beau avoir confirmé ses dires - ce qui avait été un soulagement, Voryn ignorant complètement sur quoi se basait la magie humaine -, il avait encore fallu plusieurs semaines pour qu’ils fassent le tour des différents chefs du pays, même en ne s’attardant pas plus d’une journée à chaque fois. Visiblement, les quelques chamans dont ils disposaient ne connaissaient pas l’art du transport instantané.
« Fichus barbares. »
Enfin, tous leurs chefs allaient se rassembler ; si quelques un étaient sceptiques, la plupart étaient enthousiaste à l’idée de reprendre le Coeur de Shor aux Diables et aux Nains. Dans tous les cas, l’idée de reconquérir Resdayn s’était révélée très alléchante. Cependant, leur plus gros problème était encore leur manque de cohésion : suite à la révolte des Mers, l’empire humain avait fini par imploser, ne laissant que des clans épars, sans bannière sous laquelle s’unir. Le débat s’annonçait prometteur.


*



- Encore un verre, Ayem ?

La reine eut un sourire quelque peu enivré.

- Tu veux profiter de moi, Vehk.

- Allons, je ne me le permettrai pas.

Il observa son amante tout en versant un peu de Matze dans son verre. Ils pourraient. Personne ne savait qu’elle se trouvait ici, dans sa tente. Elle était venue cachée par un sort d’invisibilité, et repartirait de la même façon. La seule chose qui importait était qu’ils se séparent suffisamment tôt pour qu’on ne s'aperçoive pas qu’elle n’avait pas passé la nuit dans sa tente. Il prit un air sérieux.

- Et que fait-on de Nérévar ?

- Eh bien !... Je pense que nous allons le tuer.

Il écarquilla les yeux.

- Tu es saoule.

- Non, pas encore... Et je suis sérieuse. Certes, cette solution ne me plait pas ; mais je pense qu’elle va vite devenir nécessaire. Il n’arrive plus à motiver nos troupes. Vois la vitesse à laquelle elles se mobilisent : en deux mois de guerre,  nous n’avons même pas encore fini de couvrir toutes les issues des citadelles de l’ennemi. Je suis certaine que c’est volontaire ; il n’a plus la force nécessaire pour diriger. Il va s’opposer à nous, lorsque nous aurons le Coeur, c’est sûr. Non, vraiment, j’ai bien peur que nous ne devions le tuer. Et plus j’y réfléchis, plus cela me parait être la meilleure solution. Ainsi, c’est nous qui pourront rapporter ses dernières volontés, et je serai certaine de conserver le pouvoir. Alors nous pourrons nous marier, nous serons roi et reine, et c’en sera fini de tous ces mensonges.

Vehk resta un long moment à l‘observer, jusqu’à ce qu‘un sourire apparaisse sur ses lèvres. Il embrassa Ayem.


*



Le tertre était humide, sombre, et dégageait une sensation glaciale ; rien qui ne correspondait à l’image que Voryn s’était fait d’un tombeau royal. Pourtant, le lieu où se trouvait en était bien un. C’était d’autant plus étrange, que jamais il n’aurait cru pouvoir pénétrer dans un pareil endroit.
Pour une obscure raison, le chaman avait tenu à ce qu’il soit présent à la résurrection de Wulfharth. Il sourit. Sa résurrection... Ils ne savaient pas même utiliser la magie de transport instantané, et ils prétendaient pouvoir ressusciter l’un de leurs plus grands rois pour les mener en guerre. Les humains étaient vraiment naïfs.
Voryn croisa les bras, puis observa le rituel.
Le chaman tournait tout autour d’une stèle, gardant les yeux fixés sur le bloc de glace cristallisée qui y était posé. Il invoquait les dieux, la puissance de la terre et du ciel, la sagesse des animaux. Plusieurs fois, le nom de Shor revint dans sa bouche. Tout cela aurait pu sembler être de la mystification, et pourtant Voryn sentait l’énergie colossale que l’humain était en train d’amasser. A vrai dire, l’ensemble du tertre suintait une magie telle que Voryn n’en avait jamais ressenti - et ce à lui en donner des sueurs froides.
Soudain, le chaman se mit à scander ses propos avec une telle force que nombreux furent ceux qui crurent qu’il criait ; et soudain, il lança son sortilège.
Le vif éclat que le rituel dégagea aveugla Voryn, tandis que la puissance du sort faisait vibrer ses entrailles ; quand il eu recouvré la vue, tout était déjà fini. La glace avait volé en éclats, et un homme nu gisait maintenant sur la stèle. Il était grand, blond, et son torse se soulevait à un rythme régulier.
Des exclamations parcoururent l’assemblé, certains bénissant Shor, d’autre encore priant toutes sortes de noms qui n’évoquaient rien à Voryn. Lui ne dit rien, sidéré de ce qu’il avait sous les yeux ; non seulement, le rituel avait marché, mais il sentait une énergie impressionnante se dégager de l’humain, et - et il avait ouvert les yeux !
Le chaman aussi l’avait remarqué, et tandis que Wulfharth se levait, il lui tendit un drap pour qu’il se couvre. Le roi autrefois mort observa les vivants qui l’entouraient.

- Qui êtes-vous ?

Ofgard s’avança.

- Nous sommes les chefs des nombreux clans de Bordeciel, seigneur Wulfharth, et nous vous avons tiré de votre sommeil pour que vous soyez à nouveau notre roi. Nous avons besoin d’un véritable dirigeant, car en cette heure nous nous apprêtons à marcher sur Resdayn, pour reprendre le Coeur de Shor aux Diables et au Nains... Et pour réclamer nos anciennes terres.

- Le Coeur de Shor... Et que fait ce Diable dans mon tertre ?

L‘intéressé sortit de sa torpeur, forcé d’improviser.

- Je suis en ce lieu, Ô grand roi des hommes, car c’est moi qui suit venu annoncer à votre peuple que c’était en Resdayn que se trouvait le Coeur, et parce que je vais vous aider à le recouvrer.

Le roi le jaugea du regard. Voryn sentait quelque chose de très particulier en lui. Il y avait non seulement cette magie dont il était investit par sa résurrection... Mais ce n’était pas tout. Il y avait en lui une ancienne et puissante magie. Plus puissante que la sienne, et probablement plus puissante que celle de tous ceux qu’il avait pu rencontrer jusqu’alors.

- Et que réclames-tu en échange de ton savoir, Diable ?

- Une seule chose. La possibilité de diriger les armés à vos côté, seigneur Wulfharth, car c’est moi qui suis venu vous trouver pour vous offrir le coeur, et car je sais comment pensent les Diables et les Nains.

Un vague d’étonnement parcouru l’assemblé ; seul Wulfharth resta silencieux. Il étudiait minutieusement le chimer qui réclamait la moitié de son pouvoir. Enfin, il fit signe à l’assistance de se tenir silencieuse.

- Tu es audacieux, Diable. Puisque tu es arrivé jusqu’ici sans que les chefs de mon peuple ne t’en empêchent, je me dois de t’accorder la même confiance qu’eux. Tu auras ce que tu demandes. Mais n’oublie pas que je connais les Diables. Je sais que l’on ne peut entièrement se fier à vous. Aussi, à la moindre incartade, sache que j’aurai ta tête.

Voryn ne sourit pas, pas plus qu’il ne trahit les émotions que provoquaient les propos du roi. Il se contenta d'acquiescer.


*



Leur plan était presque prêt. Après des heures de réflexions, argumentations et contre-argumentations, Nérévar savait qu’il ne faudrait plus que peu de choses pour qu’il soit au point.
Le plus dur avait été de pouvoir concevoir la partie du plan relative au coeur sans que tous ses généraux n'apprennent son existence. Il avait alors dû multiplier les rencontres secrètes avec Seht et Ayem - pour finalement convenir qu’il se rendrait lui-même dans les profondeurs du Mont Ecarlate, accompagné d’Alandro Sul et de quelques uns de ses plus fidèles gardes. Là enfin, il pourrait prendre le Coeur aux dwemers. Une fois qu’ils l’auraient entre leurs mains, ils pourraient faire pression sur Dumac. Un plan risqué, surtout parce qu’ils seraient peu nombreux, mais qui en valait la peine. Et leur petit nombre éviterait que le secret du Coeur ne s’évente.

Nérévar trépignait d’excitation. Demain peut-être, le plan serait prêt. Demain...


*



Cela faisait une bonne semaine qu’ils attendaient à la frontière de Resdayn. Au bout de trois jours, ils avaient été rejoins par les plus puissants mages de la maison Dagoth. Voryn avait eu beaucoup de mal à les convaincre de combattre aux côtés des humains, et contre les leurs. Or, même une fois qu’il y fut parvenu, les chimers eurent beaucoup de difficultés à s’intégrer - car les humains non plus n’étaient pas prêt à les tolérer.
Et lorsqu’enfin Voryn et les chefs des hommes eurent convaincu les deux parties de travailler ensemble, d’autres troubles survinrent, ceux-ci apportés par l’arrivée d’une autre armée alliée : des orques, venus à la demande de Wulfharth. Chimers comme humains avaient eu beaucoup de mal à y croire. Pourtant c’était bien vrai : les brutes à la peau verte et aux dents pointues étaient là - et finalement, ç’avait été eux qui s’étaient le plus vite accommodés de la présence des deux autres races.
Voryn ne put s’empêcher d’être quelque peu impressionné par Wulfharth. Même Nérévar aurait eu beaucoup de mal à forger une alliance avec des orques. De fait, le roi humain devint encore plus dangereux à ses yeux.
« Si personne ne le fait, il faudra impérativement que je l’élimine. »

Le chef des Dagoth n’eu cependant guère le temps d’y réfléchir de façon plus poussée, car il fallut se mettre en marche aussitôt. D’après les éclaireurs de Wulfharth, les armées chimers avaient été lentes à se déplacer, mais elles étaient déjà presque toutes au combat, et les derniers soldats avaient déjà fait une bonne partie du chemin depuis Narsis jusqu’au Mont Ecarlate. L’armée de Wulfharth et Voryn ne pourrait certes pas y être avant eux, mais elle pouvait espérer arriver pour la grande bataille. Car bien que de nombreux chefs jugeaient préférable d’attendre que les deux armées se soient affaiblies, Wulfharth semblait animé d’une rage de combattre complètement irrationnelle. Chose qui arrangeait bien Voryn.

Au moment de se mettre en marche, cependant, il arriva ce qui était à craindre : plusieurs chefs et leurs hommes déclarèrent qu’il refusaient de suivre Wulfharth et Voryn, et surtout qu’ils refusaient de coopérer avec des Diables et des orques.
Finalement, ce fut Wulfharth qui fut désigné pour calmer les esprit ; il s’adressa à ses hommes avec force et charisme, leur rappelant que bien au-delà de la simple conquête, c’était le Coeur de Shor qui se trouvait en Resdayn et les y attendant.
Malgré la puissance de son discours, beaucoup partirent. Les humains, d’abord majoritaires, finirent par n’être pas plus nombreux que les Orques, lorsque l’armée se remit enfin en marche.

Voryn en fut plutôt satisfait.


*



Enfin ils y étaient. Leur plan avait marché ; l’armée dwemer au grand complet était aux prises avec l’armée chimer.
C’était une bataille extrêmement violente, et qui durait depuis des heures. Les versants du volcan offraient par ailleurs un support bien faible aux combattants : chaque route, chaque chemin s’était transformé en un lieu de combats où fusaient coups, flèches et sorts. Grâce au formidable sang froid des généraux chimers, l’armée de Nérévar parvenait à encaisser les coups des dwemers et de leurs horribles machines. Par ailleurs, de nombreux prêtres et médecin appliquaient tout leur art à soigner et à soutenir les soldats, tandis que les mages s’évertuaient à mener la vie dure aux machines.

Nérévar, quant à lui, restait encore en retrait. Il devait attendre d’être certain que les dwemers engageaient bel et bien toutes leurs forces dans la bataille, car si jamais il essayait de s’introduire dans le Mont Ecarlate alors que celui-ci était encore occupé, l’expédition tournerait bien vite au désastre.
Aussi se contentait-il d’observer le Mont Ecarlate depuis sa tente, en contrebas. Il redoutait le moment où il allait devoir s’introduire dans la forteresse ; mais à la seule pensée de rester là, à ne rien faire, pendant que tout son peuple était en train de se battre dans la montagne, sa crainte était adoucie par le bouillonnement de son sang.

Il manqua de casser quelque chose lorsqu’il sentit une main se poser sur son épaule. C’était Seht, qui abordait un visage particulièrement alarmé.

- J’ai des mauvaises nouvelles mon seigneur.

- Qu’y a-t-il ?

- Nos éclaireurs signalent une armée en provenance de l’ouest - une armée composée d’hommes et d’orques.

- Te moques-tu de moi ?

- Non, ils sont formels. Ils devraient être là dans une heure.

Nérévar pâlit sensiblement. Si ce qu’ils disaient était vrai, alors ils allaient au devant de sérieux problèmes.


*



Enfin, le Mont Ecarlate. Des jours et des jours de marche à travers Resdayn, évitant tantôt les cités pour gagner du temps, tantôt les mettant à sac pour y récupérer des vivres... Et ils y étaient. Le plus dur pour Voryn allait maintenant être de s’arranger pour garder le plus possible ses soldats en laisse.

Ils n’attendirent guère longtemps ; humains comme orques, ils s’élancèrent dès qu’ils virent les combats. Voryn ne cessa de vociférer de massacrer en priorité les dwemers, tant qu’ils n’auraient pas pu s’occuper des traitres chimers. Il constata avec colère que Wulfharth était bien moins exigeant envers ses hommes.

Cependant, Voryn dû se résoudre à ne pas pouvoir les contrôler bien longtemps ; dès que la bataille fut engagé, les humains et les orques devinrent comme fous. Il perdit complètement leur contrôle, et seul les mages des Dagoth restèrent fidèles à ses ordres.

Voryn pesta. Il légua le commandement à Gilvoth, puis entreprit de partir à la recherche des traitres ; malheureusement pour lui, la montagne était grande et il n’avait probablement que peu de temps...

Modifié par Raven Dumron, 04 avril 2010 - 03:42.


#8 Raven Dumron

Raven Dumron

Posté 06 avril 2010 - 19:20

Chapitre 8



Vehk observait avec calme la violence des combats. Les flancs du volcan, habituellement couverts par la seule cendre, étaient en train de s’imbiber de sang. Les dwemers étaient des adversaires valeureux. Ils étaient peu nombreux, mais résistants ; par ailleurs, leurs machines étaient un véritable problème. Heureusement, les armées des chimers étaient redoutables, car si elles étaient certes composées d’une majorité de combattants et d’archers, elles comptaient aussi nombre de mages. Sans eux, une victoire sur les dwemers aurait été presque inimaginable.
Il tressaillit soudain. Un groupe de dwemer avait fait une percée et s’avançait vers lui et ses gardes, armes aux poings. Froidement, Vehk se saisit d’une arme et de son casque.


*



A force d’abuser de ses sorts, Voryn commençait à se sentir fortement éreinté. Il n’avait cependant pas le choix ; sans eux, il était beaucoup plus lent.
Enfin, il finit par trouver un groupe de chimers isolés, et leur demanda où se trouvait le roi. Les soldats l’observèrent comme s’il sortait d’un autre monde.

- Je suis complètement perdu, et je dois absolument lui remettre un message important !

A son grand damne, ils ne l’aidèrent que vaguement ; tout ce qu’ils purent lui dirent, c’était qu’il leur semblait qu’il avait fait ériger sa tente dans la Fayoda Momaca, qui se trouvait selon eux au sud-est de là où ils étaient.
Voryn les remercia en grommelant, puis reprit sa course.
« Fayoda Momaca... A quoi songe-t-il ? C’est l’un des endroits d’où il est le plus exposé... A moins de vouloir aller directement jusqu’au cratère, ce n’est vraiment pas le meilleur endroit pour installer un campement. »
Il se frappa soudain le front.
« Le cratère ! A tous les coups, ce fou attend une occasion pour se faufiler dans la citadelle pendant que les dwemers sont occupés par les combats... Il veut le coeur ! »
Voryn changea brusquement de direction, optant pour l'ascension jusqu’au sommet du volcan.


*



Tout autour de lui, les combats faisaient rages. Dwemers, chimers, orques, humains... Nérévar avait l’impression d’être retourné deux-cent ans auparavant. Cette fois-ci cependant, il ne participait pas aux combats. Couverts d’un sort d’invisibilité, ses gardes et lui venaient d’arriver au sommet du Mont Ecarlate. Cette zone était principalement tenue par les dwemers ; là, ils avaient installés de lourdes balistes enchantés. Des armes redoutables, que les mages des chimers avaient rapidement pris pour cible. Avec l’arrivée des orques et des hommes cependant, chimers et dwemers avaient plus ou moins cessé de s’affronter, dirigeant toute leur attention sur leurs ennemis ancestraux. Nérévar en aurait presque ressenti une certaine joie, s’il ne savait pas déjà que dès qu’ils n’auraient plus d’ennemi commun, les deux peuples s’affronteraient à nouveau. Ils devaient faire main-basse sur le coeur.
« Mais par tous les Daedras, que font ces barbares ici ? »


*



Wulfharth brûla sans pitié le Nain qui osait lui tenir tête. C’était le dernier qui se dressait encore entre lui et les portes de la citadelle. Le Coeur de Shor se trouvait au plus profond de la Montagne Rouge, selon le Diable Dagoth. C’était donc là qu’il se rendrait, et là qu’il le reprendrait aux Diables et aux Nains. D’un sort, il fracassa les portes de la forteresse.


*



Voryn circulait dans le dédale souterrain depuis déjà près d’une demi-heure. Il avait trouvé les portes éventrées, sans garde. Seuls quelques Dwemers allaient et venaient, affolés. La plupart des soldats étaient à l’extérieur, et les femmes et les enfants semblaient avoir été transportés en un autre lieu. C’était à peine si les couloirs étaient encore éclairés. Il réalisa soudain qu’il entendait de faibles bruits de combats, non loin.
Il accéléra le rythme, pour finalement déboucher sur une large pièce éclairée par de nombreuses torches ; des gardes gisaient morts à l’entrée, tandis qu’à l’intérieur les combats continuaient. Le sang de Voryn ne fit qu’un tour quand il aperçu une lame nimbée de flammes aller et venir. Nérévar, accompagné de quelques autres chimers, affrontait Dumac et sa garde.
Voryn lança un sort d’invisibilité et dégaina sa dague. Il devait faire attention à la cible qu’il choisissait : un sort d’invisibilité était facile à lancer, mais s’interrompait généralement à la moindre action violente.
Contournant autant que possible les combattants, il s’arrêta derrière sa proie.

*



Nérévar ressentait de plus en plus la fatigue. Malgré la puissance des enchantements qui le soulageaient de sa peine, il lançait tant d’énergie dans le combat qu’il s’épuisait.
Enfin, son adversaire laissa apparaître une faille dans sa garde ; Nérévar lui porta le coup fatal, et le dwemer s’effondra.

En tournant les yeux, Nérévar vit que Dumac avait jeté Alandro à terre et s’apprêtait à l’achever. Nérévar lança précipitamment un sort, qui déséquilibra le roi dwemer. Ce dernier jeta un regard haineux à Nérévar.
Soudain, ses traits se déformèrent, il cracha du sang, et s’effondra. Voryn se tenait derrière lui, dague en main.


*



Le seigneur des Dagoth sourit en voyant l’air éberlué de Nérévar, puis se rendit à nouveau invisible. Les dwemers combattaient avec hargne. Il s’approcha du plus proche de lui, et lui planta sa dague dans le cou. Sa victime s’effondra aussitôt.
Brusquement, Voryn se sentit tiré en arrière. Surpris, il ne pu enlever la dague du corps du dwemer, et se retrouva sans défense. Il se retourna violemment, prêt à lancer un sort - et s’interrompit net. C’était Nérévar.

- Mais par les Daedras qu’est-ce que tu fais ici, Voryn ?

L’interpelé eut un rictus.

- C’est pas vraiment le moment. On en reparle après, tu veux ?

Il repartit au combat sans attendre de réponse.


*



Les gardes de Dumac furent bientôt tous défaits ; dès qu’ils eurent réalisé la mort du roi, il perdirent confiance, et se firent peu à peu décimer par les chimer.
Nérévar accorda une pause au groupe, puis entraina Voryn à l’écart.

- Bon, est-ce que maintenant je peux savoir qu’est-ce que c’est que cette histoire ?

Voryn tiqua au ton de Nérévar, puis fit une révérence moqueuse.

- A vos ordres, mon seigneur. Je suis venu vous aider ; y a-t-il un problème ?

- Le problème, Voryn, est que je trouve pour le moins un peu gros que tu ne te décides à resurgir que maintenant !

- Allons, ne soit pas ingrat. Tu préférais que je débarque avant, ou après que Dumac et les siens ne t’aient abattu ?

- J’aurais préféré que tu ne fuies pas comme cela, sans explications, avec tous les Dagoth, alors que nous étions au bord de la guerre !

Voryn haussa un sourcil, et ouvrit la bouche, avant de s’arrêter subitement. Son expression avait changé. Il regardait par delà l’épaule de Nérévar.


*



- C’est donc bien cela, Diable Dagoth. Tu es de mèche avec nos ennemis.

Wulfharth vit tous les regards converger vers lui. Il était couvert de sang de la tête aux pieds, l’air dément. Son regard allait et venait d’un soldat à un autre, lui souriant, sans mot dire. Et brusquement, sans le moindre signe avant-coureur, il lança un sort.


*



Le premier réflexe d’Alandro fut de se placer devant Nérévar et Voryn, bouclier levé. Bien que protégé par les enchantements de l’objet, Alandro fut aveuglé par la lueur des éclairs. Il entendit plusieurs Chimers hurler autour de lui, puis s’effondrer. Dès qu‘il eut recouvré la vu, il se tourna vers son roi, pour constater qu’il n’avait rien. Il inspira profondément, puis dirigea son regard vers Wulfharth.
Quelque chose clochait. En deux siècles, l‘humain n’avait pas pris une ride. Même pour un Mer, c‘était inconcevable. Et Wulfharth était sensé être mort...

Il réalisa que ce dernier l’observait avec curiosité.

- Je me souviens de ton visage, Diable. Nous nous sommes déjà affrontés, il y a deux cents ans, n’est-ce pas ?

Alandro aquiesça lentement.

- Et tu devrais être mort ; pourtant, tu es là, vivant.

L’humain sourit.

- Impressionné, Diablotin ?

Alandro se contenta d’hausser les épaules, faussement dédaigneux.

- Ca ne te donne jamais qu’une deuxième chance. Je doute que tu puisses échapper à la mort deux fois.

- C‘est un duel que tu me proposes ? demanda l’humain avec un sourire carnassier.

- Cela va de soi.

Wulfharth se fendit d’un sourire encore plus large.

- Très bien ! Mais n’espère pas me battre, Diable.

Le bouclier de Nérévar sourit brièvement, puis tourna légèrement sa tête vers le roi chimer et son compagnon.

- Profitez-en pour faire ce que vous avez à faire. Je me charge de lui.

Le roi chimer hocha la tête, puis intima à Voryn de le suivre.


*



Wulfharth observa silencieusement les deux chimers quitter la salle, puis reporta son attention sur Alandro. Il connaissait le Diable qu’il allait affronter, pour avoir déjà croisé le fer avec lui.  Il était certes un combattant hors pairs, mais il bénéficiait également de la protection d’un bouclier capable d’absorber tous les sorts ; certains allaient même jusqu’à dire qu’il avait été béni par Azura elle-même.
Une proie de choix.
Wulfharth se mit en garde.


*



Vehk se trouvait désormais au coeur des combats. Il commençait à ne plus sentir ses bras, et avait plusieurs blessures assez mineure. Heureusement, il avait été rejoins par tout un bataillons de chimers, mené par Ayem. La reine elle aussi avait décidé de combattre, faisant fier usage de Vifespoir. Nom plus qu‘approprié ; à la vue du cimeterre à la flamme bleutée, la plupart des soldats avaient redoublés d’efforts. Pour sa part, Vehk admettait de bon coeur que c’était la présence d’Ayem plus que tout autre chose qui le galvanisait ; quoi qu’il avait peur pour elle. Il avait finalement fait un compromis entre ses craintes et son réconfort en ne la lâchant pas d’un pouce.
A chaque instant, il songeait qu’Ayem aurait dû se trouver dans la forteresse, avec Nérévar.
« Non, surtout pas, lui aurait-elle dit. Nérévar doit s’y rendre accompagné de peu de chimers, et y mourir en héros. Au bout d’une heure, Seht alerte les autres généraux de sa disparition, puis nous nous y rendons nous même. Nous trouvons son cadavre, ou s’il est encore en vie, nous l’achevons. Nous récupérons le coeur, et nous en servons pour anéantir les dwemers. Enfin seulement, nous annonçons sa mort tragique, et je reprends les rênes. C’est ainsi que cela devra se passer, et pas autrement. »



*



Après avoir laissé Alandro seul face au roi humain, Voryn et Nérévar ne s’étaient presque plus parlés. Ce dernier était encore sous le choc d’avoir vu revenir d’entre les morts l’ancien tyran, et le seigneur Dagoth ne voulait surtout pas pousser Nérévar à lui poser davantage de questions.
Par ailleurs, Voryn s’inquiétait. Du peu que son roi lui en avait dit en chemin, il semblait clair qu’il allait essayer de prendre le coeur et de le garder. Or Voryn savait parfaitement que le coeur devait être détruit. Il était la source de trop nombreuses tentations pour rester ainsi. Patiemment, Voryn attendait l‘heure de contester la décision de Nérévar. Chaque chose en son temps. Pour l‘instant, priorité était donnée à la localisation du coeur...


*



Alandro avait oublié combien Wulfharth était redoutable. Déjà épuisé par le combat contre Dumac, le Bouclier de Nérévar sentait que cet affrontement serait son dernier. Il avait beau utiliser tout son talent d’escrimeur, jeter toute sa force dans chacun de ses coups, l’humain tenait bon. Il avait réussi à le blesser, certes ; mais à chaque fois, son ennemi se soignait presque aussitôt avec sa magie. Il devait absolument l’en priver s’il voulait le battre. Malheureusement, il n’était pas spécialement doué avec ce genre de sorts - et il avait bien un objet qui pourrait saper son énergie, mais il ne pourrait l’utiliser qu’une seule fois. Aussi se tenait-il prêt à saisir la moindre occasion.
Soudain, celle-ci se présenta : pour la première fois depuis le début du combat, Wulfharth commit une faute sérieuse, laissant une faille dans sa garde. Alandro en profita pour glisser le long de sa lame, et juste avant de percuter le colosse, il se saisit de l’amulette, la plaqua contre son adversaire, et libéra l’enchantement. En un instant, il sentit une force considérable s’évacuer du petit objet, et son ennemi se mit à chanceler ; sachant qu’il n’aurait peut-être pas d’autre occasion, Alandro se jeta une nouvel fois sur lui et plongea sa lame dans le corps du roi.
Wulfharth hurla de rage, et avant qu’Alandro n’ait eu le temps de se retirer, il enfonça ses doigts dans les yeux du Diable.
La douleur submergea Alandro, qui tomba à genoux, aveugle.


*



Ayem et Vehk avaient réussis à se sortir de la masse des combats, pour finalement retrouver Seht au campement principal. Nérévar était déjà parti depuis un certain temps, sans donner de nouvelles. Ayem se reposait momentanément dans les bras de Vehk, sous le regard indéchiffrable de Seht. Le conseiller brisa soudain le silence.

- Il va être temps de nous rendre dans la forteresse. Je vais faire circuler le message que Nérévar est porté disparu, et que la reine et moi-même nous lançons à sa recherche, accompagnés du général qui connaît les environs. Je vais également ordonner qu’ils continuent les combats jusqu’à nouvel ordre, en mettant la priorité à repousser les barbares ; ensuite nous nous occuperons des dwemers.

Vehk et Ayem acquiescèrent silencieusement.


*



La douleur causée par la blessure était en train de submerger Wulfharth. Privé de sa magie par la ruse du diable, il ne pouvait pas même se soigner. Il jeta un regard haineux à son adversaire. Celui-ci se tordait au sol, les mains sur les yeux. Si Wulfharth voulait l’achever, c’était maintenant... Son visage se déforma, une atroce souffrance lui vrillant la poitrine. La lame était encore en lui. Mais s’il l’enlevait, il pouvait être certain d’y perdre tout son sang.
Il eut un rictus. Il ne survivrait pas, c’était désormais clair. Mais au moins, il périrait en emportant son assassin dans la tombe ; il allait le tuer avec la lame qui l’avait tué, lui. Saisissant la garde de l’épée avec ses deux mains, Wulfharth la sortit brutalement de son torse - et hurla comme jamais il ne l’avait fait.
Les yeux déments, son sang coulant à flot hors de lui, le roi humain leva l’épée, et poussa un ultime râle.
Il s’effondra, incapable de porter le coup fatal ; et tandis que son esprit se perdait dans les brumes, il eut une dernière pensée pour Voryn, qu’il maudit pour les avoir entrainé, lui et les siens, dans un piège.


*



Après de longues minutes de course, Voryn sentit qu’ils approchaient ; l’air était devenu tellement lourd et chaud qu’il en était presque irrespirable, et leur environnement vibrait sous l’effet d’un puissant flux de magie.
Lorsqu’ils arrivèrent face à une porte gardée par des dwemers lourdement armés, ils surent qu’ils étaient arrivés. Les gardes voulurent les arrêter, mais rien n’y fit ; Voryn leur lança un sort si puissant qu’ils ne s’en relevèrent pas.
Pendant un bref instant, cependant, les deux chimers hésitèrent à franchir la porte. Même Nérévar, qui était loin d’être un magicien aussi talentueux que son ami, pouvait sentir que l’énergie qui circulait en ce lieu était loin d’être anodine.
Mais ils ne pouvaient laisser un tel pouvoir entre les mains des dwemers ; ils ouvrirent la porte.

La première chose qu’ils virent fut l’immense torse de métal d’un non moins immense golem ; autant dire que la vision leur paru complètement surréaliste.
Ils venaient d’entrer à peu près à mis-hauteur d’une gigantesque caverne, de forme plus ou moins la forme ovale. Le seul moyen de s’y déplacer semblait être un ensemble d’échafaudages et de rampes suspendues au dessus d’un lac de magma.
En se penchant un peu, ils purent apercevoir un pont de bois qui rejoignait la statue de métal, en contrebas. Nérévar fit signe à Voryn de les rendre invisibles, puis ils descendirent.

Kagrénac et ses assistants étaient déjà sur place, apparemment en train d’achever un rituel. Ils s’étaient rassemblés dans une alcôve ménagée dans le golem ; les assistants entouraient leur maître et psalmodiaient, tandis que celui-ci frappait quelque chose. Malheureusement, les chimers étaient encore trop loin pour pouvoir intervenir.
Soudain, alors qu’ils n’étaient plus qu’à quelques mètres des dwemers, ceux-ci se retirèrent de la statue.
Ni Voryn ni Nérévar n’osèrent faire quoi que ce soit. Tous deux sentaient que quelque chose de très étrange était en train de se passer. Ils se sentirent comme oppressés, tandis que le flux colossal d’énergie qui se dégageait de l'effigie subissait de puissantes perturbations.

Le volcan lui-même sembla trembler sur ses fondations ; la terre gronda, il y eu plusieurs violentes secousses, et, brusquement, sous leurs yeux horrifiés, la statue bougea.

#9 Raven Dumron

Raven Dumron

Posté 13 avril 2010 - 15:53

Chapitre 9




Ce fut comme si la montagne elle-même s’animait ; des flux magiques contradictoires traversèrent la salle, allant, venant, dansant à en faire perdre la tête. Et pourtant, le géant n’avait alors guère fait plus que bouger légèrement sa main. Il était visiblement encore faible.
Voryn et Nérévar sentirent que cela n’allait rien apporter de bon. Ils devaient agir vite ; ils n’avaient probablement que peu de temps avant que le faux dieu ne soit pleinement activé . S’ils parvenaient à capturer Kagrénac, ils pourraient peut-être le forcer à révéler comment l’arrêter avant que ce ne soit le cas.

Ils s’élancèrent ensemble dans la direction des prêtres dwemers. La brusquerie de l’action les rendit à nouveau visible, ce qui ne manqua pas de surprendre Kagrénac et ses assistants. Cependant, ils se reprirent vite, lançant tous les sorts qu’ils connaissaient. En vain ; Nérévar et Voryn étaient protégés par de puissants enchantements.
Les assistants, en revanche, ne se révélèrent ni protégés contre les sorts de Voryn, ni contre les coups de Nérévar. En très peu de temps, Kagrénac se retrouva seul debout, face aux chimers. Pourtant, il conservait un port très fier. Sa main droite, revêtue d’un épais gantelet, serrait une dague à la lame de cristal. Autre détail insolite, un marteau était accroché à sa ceinture.

- Alors c’est ça, hein ? Le roi et son larbin, qui s’insinuent traitreusement dans notre forteresse pour nous poignarder dans le dos ?

Nérévar le toisa avec une once de mépris.

- Garde ton venin pour toi. Tout ce que nous voulons, c’est mettre fin à cette folie.

Kagrénac eut un rictus.

- Folie ? Abrutis ! Vous n’avez aucune idée de ce que vous avez sous les yeux. Vraiment aucune. Ce n’est pas une folie que ceci, c’est l’aboutissement d’années de travaux complexes, quelque chose que vous n’avez absolument aucune chance de comprendre, et...

- Faux, l’interrompit Voryn. Je suis un mage, tout comme vous, et l’un des plus puissants parmi les chimers. Ne vas pas croire que je n’ai aucune idée de ce que représente ta création, Kagrénac. Je comprends parfaitement, je sais, combien cela peut être grisant. Mais ça, cette chose... C’est de la folie. Même moi, je souhaiterais que ce démon et le secret de sa création, quel qu’il soit, disparaissent.

Kagrénac sourit, puis souleva le poing ; la dague sembla étinceler dans le gant de bronze, et, étrangement, le geste rendit également plus visible le marteau.

- Le secret, dis-tu ? Il est là le secret ; dans ces outils. Trois petites merveilles, inventés par mon seul génie. Un marteau et une dague, Broyeur et Lamentation, pour extraire et façonner la puissance du coeur, et un gant, le Garde Spectral, qui protège et du coeur, et des deux autres objets. Les trois seuls outils au monde qui puissent permettre d’utiliser le potentiel du Coeur. Un potentiel infini. Grâce à eux, tout peut-être accompli. Tout.

Le sourire du grand prêtre disparu soudain, laissant place à un air de défis.

- Tout, et peut-être même trop. Trop pour vous. L’Anumidium a désormais prit vie. Ils ne sont plus nécessaires. Et ils ne tomberont pas entre vos mains.

Il jeta brusquement les objets dans le vide.

Nérévar et Voryn réagirent instantanément ; ils se précipitèrent vers le gouffre, et Voryn lança un sort. Juste à temps : il intercepta les objets à une vingtaine de mètre à peine de la lave. Sitôt certain que les objets n’étaient plus en danger, Nérévar se retourna. Kagrénac était en train de s’enfuir. Le roi s’élança à sa suite. Heureusement, il était un bien meilleur athlète que le prêtre ; tandis que ce dernier s’exténuaient à remonter les différentes rampes de l’échafaudage, Nérévar gagnait rapidement du terrain. Le prêtre sembla réaliser qu’il était en train de se faire rattraper, et s’arrêta soudain, se tournant vers son poursuivant.

- Alors, que voulez-vous à la fin ?

- Je te l’ai déjà dit. Je veux savoir comment arrêter cette chose.

- Tss, et tu t’imagines que je vais te le dire ?

- Non, pas directement. Mais j’imagine qu’au bout de quelques côtes brisées, tu te montreras plus conciliant.

Kagrénac eut un petit rire amère.

- Je vous ai déjà dit que ce secret ne tomberait pas entre vos mains. Désolé.

Nérévar vit un étrange sourire se dessiner sur le visage de Kagrénac. Soudain, sans qu’il puisse faire quoi que ce soit, le grand prêtre lança un sort et s’embrasa. Kagrénac mourut avant que Nérévar ai pu s’approcher de lui.

Quoi que choqué, Nérévar abandonna bien vite le cadavre du dwemer pour rejoindre son ami. L’Anumidium était toujours en train de s’agiter, de plus en plus vigoureusement. D’autre part, les trois outils gisaient aux pieds de Voryn ; il avait jugé préférable de ne pas les toucher. Le Lunétoile de Nérévar avait été créé par Kagrénac, et ce dernier l’avait enchanté pour qu’il tue quiconque autre que Nérévar oserait le toucher. Rien ne l’empêchait donc d’avoir protégé ses outils de la même manière.
Nérévar était d’accord avec la logique de Voryn. Cependant, les trois outils étaient probablement le seul moyen de reprendre le contrôle de l’Anumidium.
Ils se mirent tous deux à réfléchir sur la tactique à adopter, leurs yeux allant alternativement vers le géant, puis vers les outils. Soudain, un sourire apparu sur le visage de Voryn.

- Le gant ! Kagrénac a dit qu’il servait à protéger son porteur du coeur et des deux autres outils, non ?

Nérévar lui rendit son sourire en acquiesçant ; il prit le gant.
Voryn avait vu juste. L’objet était froid, mais ne lui fit rien de mal, au contraire ; il sentit de multiples enchantements protecteurs se tisser autour de lui. Satisfait, Nérévar se saisit du marteau, puis se tourna vers le titan d’airain. Il pouvait apercevoir le coeur battant dans l’alcôve à l’intérieur du géant où s’étaient tenus Kagrénac et ses assistants.

- Que comptes-tu faire, maintenant, Nérévar ?

- Frapper le coeur. C’est comme ça que Kagrénac a activé cette chose. C’est un peu brutal, mais ça pourrait marcher.

Voryn resta silencieux un petit moment.

- Je ne sais pas, finit-il par dire, mais dans tous les cas, ça aura un effet. Ces objets sont chargé de magie, le coeur n’y restera donc pas insensible. De toutes façons, nous n’avons pas le temps de les étudier plus en détail.

Nérévar hocha la tête, puis s’intéressa au géant. La passerelle qui permettait d'accéder à la niche s’était effondrée avec l’éveil de l’Anumidium. Le roi murmura quelque mots, et une force invisible le souleva du sol. Avec appréhension, il s’avança vers le géant. C’était vraiment une machine immense ; si jamais elle parvenait à quitter le Mont Ecarlate - ce qui n’allait guère être une partie de plaisir - elle pourrait balayer son armée en quelques coups. Cependant, pour l’instant, ses mouvements étaient encore hésitants. Il devait être encore en train de prendre conscience de son corps - et heureusement pour Nérévar, car de fait, il ne s’aperçu pas du chimer qui volait jusqu’à son coeur.

Nérévar se posa dans l’alcôve le plus doucement qu’il pu. Le coeur était là, sous ses yeux, émettant d’étranges pulsions assez régulières. C’était l’une des choses les plus bizarres qu’il lui avait jamais été donné de voir. Pendant un instant, il resta sans voix, immobile, à observer cette grosse pierre rougeâtre « battre » - jusqu’à ce qu’un mouvement du géant ne le déséquilibre, lui rappelant où il se trouvait. Il se stabilisa, fixa le coeur, et le frappa avec le marteau.
La vague d’énergie qui se déferla sur lui le subjugua. La montagne gronda, et le géant se rendit brutalement compte de sa présence ; il se saisit de Nérévar, et le jeta sur la plateforme. Le choc lui coupa la respiration ; puis une douleur fulgurante le traversa. Horrifié, Voryn accouru. Nérévar sera les dents.

- Laisse Voryn, je dois continuer.

Sans tenir compte ni des protestations de son ami, ni de la souffrance qui l’élançait, il se releva, et se saisit de la dague.
« Il me faut une autre technique. Maintenant qu’il se méfie de moi, voler ne sera pas assez rapide. »
Nérévar inspira profondément, puis se lança un sort de saut augmenté ; en un bond, il franchit le précipice et atteignit la niche. Grâce aux Daedras, l’Anumidium était trop lent pour l’arrêter. Cependant, sa réception fut difficile, et le fit particulièrement souffrir. Il se força à rester calme.
« Bon, maintenant que tu es là, bouge-toi. »
Il rassembla toutes ses forces, et frappa le coeur avec la dague. Une nouvelle fois, une énergie colossale se dégagea du coeur, et il s’évanoui.


*



Ni Vehk, ni Ayem, ni même Seht ne comprenaient ce qui s’était passé : les dwemers avaient disparus ! Il y avait eu une grande lumière, la terre avait tremblé à plusieurs reprises, et soudain, plus rien, plus un seul d’entre eux ! Sans que rien ne l’ai annoncé, ils avaient tous disparus.
Les chimers avaient d’abord regardé tout autour d’eux, redoutant une ruse des dwemers ; mais il n’en était rien. C’était littéralement incompréhensible - et pourtant, cela venait de se produire.
Malheureusement pour les chimers, ils ne purent fêter cette soudaine victoire ; les armées des dwemers avaient beau avoir été défaites, celles des orques et des hommes étaient toujours présente, et combattaient avec la force du désespoir. Il était devenus clairs pour eux qu’ils ne vaincraient pas ; ils avaient très vite perdu beaucoup des leurs, et même leur roi semblait avoir disparu. Aussi se battaient-ils pour envoyer le plus de Diables possibles avec eux dans la tombe.

Réalisant que leur peuple était toujours en danger, les trois compagnons reprirent leur chemin jusqu’à la citadelle.


*



La première chose que vit Nérévar en revenant à lui fut le visage de Voryn.

- Nérévar, tu es réveillé !

Le roi se leva en grommelant. Il sentait une douleur diffuse dans tout son corps. Ils étaient toujours dans la chambre de l’Anumidium ; la grande statue était immobile. Le coeur continuait cependant à pulser régulièrement dans sa petite alcôve, et des secousses de plus en plus inquiétantes se faisaient sentir.

- Je suis resté inconscient longtemps ?

- Non, quelques minutes seulement.

Le roi sourit.

- Merci d’avoir veillé sur moi.

Il voulu s’étirer ; tout ce qu’il parvint à faire fut une grimace, tant ses côtes l’élançaient. Alors qu’il reprenait sa respiration par à-coups, il nota que les outils gisaient non loin.

- Tu ne les as pas détruits...

- J’attendais que tu te réveilles, pour connaître ton avis sur la question. Mais effectivement, j’ai hésité à le faire.

Le roi observa longuement les trois objets.

- A vrai dire... Je ne sais pas moi même. Je pense qu’il vaudrait mieux que je consulte mes conseillers.

Les yeux de Voryn se mirent à étinceler.

- Sûrement pas !

Nérévar haussa un sourcil.

- Et pourquoi pas ?

- Parce que c’est le meilleur moyen de finir avec un poignard dans le dos.

Nérévar le regarda comme s’il était fou.

- Qu’est-ce que tu racontes ?

- Ayem m’a approché quand tu étais au temple d‘Azura ; elle voulait récupérer le coeur, même si tu t’y opposais. Méfiant, je suis rentré dans son jeu, puis l’ai espionné. J’ai appris qu’elle s’était associée avec Vehk et Seht. Or vois-tu, s’ils sont prêt à me faire passer pour un assassin afin que tu n’entendes pas parler de leurs manigances, je ne vois pas ce qui les empêcherait de se débarrasser de toi pour faire main basse sur le coeur.

L’esprit embrumé par la douleur, Nérévar rejeta toutes les assertions de son ami.

- Tu délires Voryn. Ils m’ont toujours été loyaux. Ils n’ont aucune raison de faire ça.

- Allons, Nérévar ! Je ne plaisante pas. Elle est vraiment venue me voir, et tu sais très bien comment les proches peuvent devenir dangereux, lorsqu’ils commencent à prendre leurs propres initiatives. Et quant à voler le coeur sans ton accord... On touche ici à de la trahison. Je t’en conjure, ne fais pas ça.

Nérévar fixa son ami, peinant à le croire.

- Ca ne rime à rien, Voryn. J’ai confiance en eux. Je vais leur parler. Et en attendant, j’aimerais que tu restes et que tu gardes les outils. Je ne veux pas les promener partout, et encore moins les laisser sans surveillance.

- Non ! Par pitié, écoute-moi !

- Voryn, ça suffit ! J’ai pris ma décision. Obéis, point.

- Non, non, et non ! Tu n’as pas idée de tous les sacrifices que j’ai déjà fait pour toi et Resdayn, ne m’oblige pas en plus à devoir te combattre pour t’empêcher de te jeter entre les griffes de ces goules !

- Écoute Voryn, je te suis très reconnaissant d’être revenu m’aider au cours de cette bataille, mais ce dont tu me parles...

- Des paroles en l’air, tout ça. Tu ne m’es pas reconnaissant.

- Bien sûr que si ; tu m’as sauvé la vie.

- Ah oui ? Et m’es-tu aussi reconnaissant, pour les humains et les orques ?

- Que veux-tu dire ?

- Eh bien !... Que c’est moi qui les ai amenés.

Ce fut comme si Nérévar venait de prendre une douche froide.

- Explique toi.

- Oui, tu as bien entendu, Nérévar. Je les ai amené, moi, et moi seul.

- Et pourquoi aurais-tu fait cela ?

Voryn sourit.

- Parce que seul un ennemi commun aussi haï que les humains pouvait rallier dwemers et chimers.

- Pardon ? Mais c’est de la folie ! C’est complètement démesuré !

- Et quoi ? J’avais été trahis, poursuivi pour le seul crime d’avoir refusé d’agir contre la volonté de moi roi ! Au moins, les humains, eux, étaient prêt à m’écouter.

- Mais ta Maison ? As-tu seulement pensé à la maison Dagoth ?

- Evidement ! Et dans tous les cas, celle-ci était vouée à être exterminée, dès lors que les traitres se sont arrangés pour nous faire traquer. Alors j’ai décidé de lui offrir le rôle grandiose de m’aider dans la seule entreprise qui pouvait écourter la guerre entre les Mers. J’ai prévenu  mes lieutenants, et ils ont consenti à ce sacrifice, sachant pertinemment que c’était cela, ou mourir assassiné par décret royal. Par ailleurs, je dois t’avouer que notre but principal est surtout d’éliminer les traitres dès que nous pourrons mettre la main sur eux ; car vois-tu, si j’ai été incapable de les atteindre quand ils étaient derrière les défenses du palais, je doute qu’ils soient aussi bien protégés, sur le champ de bataille. Et crois-mois, nous n’aurons aucune pitié.

Nérévar n‘écoutait déjà plus. Il était abasourdi par l’étendue de la trahison de Voryn - car quelles qu’aient pu être ses intentions, c’était véritablement là de la haute-trahison.

- Tu es fou Voryn. Ecarte-toi.

- Non !

Voryn dégaina soudain sa dague et se plaça devant le roi.

- Range cette arme, Voryn.

- Promets-moi donc que tu ne leur diras mot sur le coeur.

Nérévar plissa les yeux.

- Très bien. Tu as trahis ton royaume, et maintenant, tu trahis ton roi.

Il dégaina froidement, et attaqua.


*



Ayem posa ses doigts sur le coups d’Alandro Sul. Il était encore en vie. Cependant, au vue de ses blessures, rien ne garantissait qu’il ne le reste encore plus longtemps - sans compter qu‘il était désormais aveugle. Elle fit signe à Seht de s’approcher.

- Peux-tu le soigner ?

L’intéressé observa le garde mourant.

- Je ne suis pas un expert en soin, mais je peux au moins le rafistoler, pour qu’il tienne jusqu’à ce qu’il puisse voir un vrai médecin.

- Tu peux faire quelque chose pour ses yeux ?

- Non, désolé.

Ayem hocha gravement la tête, puis s’écarta pour le laisser soigner Alandro.


*



Voryn sentit le goût du sang dans sa bouche. Sa vue était brouillée, et il sentait le contact rugueux du bois tout le long de son corps. Il était étendu sur la plateforme, sérieusement blessé, et incapable de se relever.
Devant lui, il pouvait apercevoir l’ombre de Nérévar s’éloigner lentement, les outils en main.
Ils senti les larmes lui monter aux yeux. Tant de travail, tant d’efforts, tout cela... Pour rien. Même son amitié ne valait plus rien. Anéantie, comme tous le reste, sous les coups de Nérévar.
Il eut un hoquet douloureux, et cracha du sang. Il devait se soigner ; sans quoi, il allait mourir de ses blessures... Il rassembla ses forces, et lança un sort de guérison. Ce n’était pas de la haute magie, mais le sort eut suffisamment d’effet pour qu’il puisse reprendre un peu d’énergie et bouger.
Soudain, il sentit une pulsation le traverser, et il tourna la tête. Le coeur était toujours là, dans l’alcôve, battant à rythme régulier. Voryn eut un sourire amère en l’observant.
Il fit d’immenses efforts pour se lever, puis s’avança en titubant vers le géant inerte.


*



Nérévar arriva péniblement à la salle où il s’était battu contre Dumac. Le cadavre était toujours là, accompagné de celui de Wulfharth. Il chercha des yeux Alandro, qu’il trouva, visiblement inconscient, aux pieds de Seht, Ayem, et Vehk.
Trop éreinté pour chercher à comprendre la raison des trois chimers en ce lieu, le roi s’avança vers eux. Il avait encore l’esprit embrouillé par la douleur et le chagrin. De fait, il ne remarqua pas les regards en coin qu‘ils se firent en le voyant arriver.

- Nérévar ! l’accueillit Ayem. Je ne pensais plus te revoir ! Comment vas-tu ? Es-tu blessé ?

- Je... Oui.. Non.. Peu importe. J’ai trouvé le coeur, et...

Le visage de Nérévar se crispa momentanément sous l’effet de la douleur, puis il reprit.

- ... et trois objets. Kagrénac dit qu‘ils sont la clé pour utiliser le coeur. Je voulais savoir ce que vous en pensiez, ce que vous vouliez en faire... Ce que vous pensez qu’il faut en faire.

Les trois compagnons se consultèrent du regard avec un air étonné, puis Seht pris la parole.

- C'est tout ce que Kagrénac a bien voulu dire, vous en êtes sûr ? Ces objets servent à utiliser la puissance du coeur ?

- Oui, je l’ai vu faire, il...

Il y eut soudain une secousse particulièrement violente, et Nérévar tomba à genoux. Après quelques secondes, il reprit, et leur raconta tout ce qui s’était passé dans la chambre du coeur. Les conseillers furent pour le moins interloqués. Sentant leur indécision, Nérévar émit une suggestion.

- Je pense qu’il me faut invoquer Azura... Je veux lui demander son avis...

- Bonne idée, approuva Seht, faites donc.

Nérévar hocha à peine la tête, puis se releva, et tourna le dos à ses conseillers. Il commença à étendre ses bras, appelant Azura dans de faible râles, l’implorant de venir à lui malgré l’heure et l’absence d’offrandes.

Brusquement, il sentit son être se déchirer, tandis qu’une douleur atroce s’enfonçait dans son dos.
Il hurla, puis tomba à genoux. Le choc fracassa tout son être. Presque immédiatement après, il senti une main ferme lui tirer la tête en arrière. Il vit le visage froid et déterminé de Vehk.
Seulement alors, il compris que Voryn avait raison.
Il ferma les yeux, amer.
La lame lui trancha froidement la gorge, son être coula hors de lui, puis ce fut le néant.


*



Chaque pulsation du coeur faisait vibrer un peu plus Voryn. Il laissait l’essence de cette chose le pénétrer, s’imprégner en lui, comme il ne l’aurait jamais fait en temps normal. Et soudain, il comprit ; tout ce que Kagrénac avait mis des années à assimiler prudemment, il le ressentit au plus profond de son être en s’ouvrant pleinement au coeur.
Il sourit amèrement, puis absorba le pouvoir de la chose. Au moment même où le pouvoir démentiel s’insinua en lui, il sentit son esprit s’affaiblir, et certaines parties de son être s’évaporer. Puis il ressentit le grand Tout.

#10 Raven Dumron

Raven Dumron

Posté 16 avril 2010 - 14:43

Chapitre 10




La chute de Nérévar semblait irréelle à Ayem. De nombreux sentiment contradictoire la traversaient, tandis que son époux mourrait aux pieds de son amant ; regret, soulagement, peine, amertume... Elle leva les yeux vers Vehk. Les larmes lui montaient aux yeux - mais ce qui était fait ne pouvait plus être changé. Elle ferma son coeur, en chassant Nérévar, puis soutint fermement le regard brulant de Vehk.
Celui-ci se baissa soudain, enfila le gant, puis se saisit des deux autres objets, qu’il accrocha du mieux qu’il put à sa ceinture. Il s’apprêtait à dire quelque chose quand un hurlement d’un autre monde traversa la pièce.

- Fous !

Tous trois se tournèrent en direction du cris. L’être qui avait crié se tenait caché dans la pénombre.

- Qui est là ? demanda Ayem d’une voie altérée par la surprise.

Une créature qui avait tout d’une chimer s’avança hors de l’ombre. Elle était d’une beauté sublime, et portait une fine robe bleu clair extrêmement élégante.
Les trois parias déglutirent avec peine, reconnaissant la figure vue cent fois sur les statues - Azura.

- Ce n’est pas possible ! murmura Seht. Les Altesse Daedriques ne viennent jamais sur le Nirn...

- Détrompe-toi, Seht, répondit Azura. Il nous est possible de venir jusqu’en Nirn, lorsque nous le désirons. Et j’estime que c’est nécessaire ; car vous venez d’éliminer mon champion, et ce dans le but de voler une magie qui ne vous revient pas. Et comme justement, Nérévar était en train de m’invoquer, me voici.

- Nous avons agit dans l’intérêt de Resdayn, se défendit Seht. Comment pouvez-vous jugez nos actes, vous qui régnez sur un royaume totalement différent du notre ?

- Silence ! De nous deux, ce n’est point vous le maître, conseiller perfide. Ne l’oubliez pas. Vous n’êtes qu’un traitre, un assassin, meurtrier d’un être bien plus noble que vous ne le serez jamais.  Mais n’ayez crainte ; pareille injuste ne sera pas laissée impunie. Vous avez peut-être provoqué la chute de Nérévar, fous que vous êtes ; mais moi, Azura, princesse de l’aube et du crépuscule, je serai à l’origine de la votre.

- Ah oui ? interrogea Seht, piqué au vif par les propos de la princesse daedra. Et comment comptez-vous vous y prendre, alors que nous aurons le pouvoir du coeur entre nos mains ?

Le visage d’Azura se déforma de rage, au point d’en être bien moins avenant qu’effrayant.

- Peut-être connaîtrez-vous la gloire grâce au coeur, seigneurs de l’hypocrisie. Mais de la même manière que tout soleil connaîtra le crépuscule après son zénith, vous finirez par faiblir. Et c’est à cet instant, alors que vous déclinerez, que renaîtra l’ancien astre. Le cycle se mordra la queue, et alors, vous verrez, celui que vous avez trahis reviendra.

Seht sourit.

- Même les Altesses Daedriques ne jouent pas aussi aisément avec la vie et la mort.

- Une nouvelle fois, ton arrogance te rend aveugle, Seht. Nous sommes bien plus puissants que tu ne l’imagines, et si je veux ramener Nérévar à la vie, je le ferrai. Cependant, je ne suis pas un monstre, aussi je vous laisse le choix : renoncez au pouvoir du coeur, laissez-le enfoui, et rien de tout ce que je vous ai dit n’arrivera. En d’autres termes, abandonnez votre arrogance, votre soif de pouvoir, et vos crimes vous seront pardonnés. Persistez... Et vous connaîtrez ma furie.

Sur quoi, sans même attendre de réponse, Azura disparu.


*



Au dehors, la bataille était en train de tourner en faveur des chimers ; la plupart des humains et des orques étaient déjà morts, tandis que les membre de la maison Dagoth semblaient avoir fuit.
De fait, la plupart des combats ne se déroulaient plus sur le Mont Ecarlate, mais dans les collines à ses pieds.
Ce n’était plus qu’une question d’heures avant que les envahisseurs ne soient en déroute.


*



Alandro pleurait son roi silencieusement tandis que les parias quittaient la pièce. Ils l’avaient oublié, mais lui avait tout entendu. Il était resté conscient tout du long, quoi que trop faible pour que cela ne se remarque. Cependant, ils se seraient certainement souvenu de sa présence, sans l’intervention d’Azura ; la princesse Daedra l’avait tiré dans l‘ombre, le cachant ainsi à la vue des assassins, avant d’aller leur parler. Elle lui avait même murmuré quelques mots à l’oreille, qu’il avait senti résonner dans toute son âme.
« N’oublie pas, Alandro. Ce dont tu as été témoins sera probablement l’un des événements les plus importants de cette ère. Tout cela, tu dois le rapporter aux Cendrais ; Nérévar mort, les parias ne prendront plus la peine de maintenir leur alliance avec eux. Aussi, c’est à toi qu’il revient de leur dire ce qu’il s’est véritablement passé, pour qu’au moins un peuple, si exclu soit-il, en garde le souvenir. N’oublie pas, Alandro. J‘ai confiance en toi. »
Et elle s’était avancée, le laissant seul dans l’ombre.
Il était plein de rage envers les traitres ; tout son être vibrait du désir de leur faire payer leurs actes... Mais Azura lui avait donné un autre devoir. Et lorsqu’une Altesse Daedrique exige quelque chose, mieux vaut s’y plier.
Il ferma les yeux et accepta son sort.


*



Les trois compagnons errèrent longuement dans les couloirs des dwemers avant de trouver ce qu’ils cherchaient ; bien que secoués par les paroles d’Azura, ils n’avaient pu se résoudre à ne pas aller voir le coeur.
Enfin, ils arrivèrent devant une porte qui correspondait à la description de Nérévar.
Ils rentrèrent dans la chambre du coeur avec appréhension. Le fameux Anumidium se trouvait bien là, inerte. En contrebas, dans la statue, ils pouvaient apercevoir la fameuse alcôve qu’avait évoqué le roi.  
Soudain, Seht s’adressa à Vehk, lui demandant de lui donner les objet. Le général s’exécuta, puis observa le conseiller les étudier silencieusement. Il y avait quelque chose d’étrange dans son regard. Il leva à nouveau les yeux vers ses deux compagnons.

- Allons voir le coeur, s’il-vous-plaît.

Les compagnons acquiescèrent, sans véritablement comprendre les intentions de Seht. Ils descendirent lentement le long de l’échafaudage ; l’air était lourd, empli des grondements de plus en plus menaçant de la terre. Même le magma semblait s’agiter.

La vue du coeur laissa les parias indécis. Pendant une longue minute, ils restèrent à le contempler depuis les plateformes, n’osant pas franchir le vide qui les séparait du géant inerte. Soudain, Vehk brisa leur mutisme.

- Où est Voryn ?

Un rire s’éleva dans leur dos.

- Il était temps de se réveiller, traîtres.

Tous trois se retournèrent ; Voryn était là, sous leurs yeux, un étrange sourire aux lèvres.

- Oh, vous êtes surpris ? leur lança-t-il. C’est mignon. Après m’avoir fait traquer pendant des semaines, vous sursautez en me voyant surgir devant vous. Ridicules petits êtres. Et Nérévar ne vous accompagne pas. Dois-je en déduire que vous l’avez déjà assassiné... ?

Les trois compagnons soutinrent le regard dérangé de Voryn. Il y avait quelque chose d’inhabituel en lui - et cela les conforta d’autant plus dans leur résolution de le tuer.

- Tu es étrange, Voryn, répondit Seht. Tout va bien ?

Le sourire de Voryn s’étira de manière exagérée.

- Vous l’avez donc tué. Très bien. Vraiment très bien. Cela fait de vous les dernier traîtres en vie.

Voryn lança soudain un sort qui fit s’ébranler toute la chambre de l‘Anumidium. Seuls les réflexes de Seht les sauvèrent ; presque instantanément, il activa un puissant enchantement, qui réfléchit le sort et protégea ses compagnons. Cependant, malgré toute la puissance du sort renvoyé à Voryn, ce dernier ne cilla même pas.
Seht réalisa que le seigneur des Dagoth était anormalement puissant.

- Voryn... Tu as utilisé le pouvoir du coeur.

- Ah, Voryn, murmura l’intéressé. Non, désolé, mais ce nom ne me convient plus. Il faut en changer. Pourquoi pas Ulres Dagoth ? Ou Ur Dagoth ? Oh, ça y’est, j’y suis. Dagoth Ur.

- Fais comme il te siéra, Dagoth. Tout ce que je veux savoir, c’est si oui ou non, tu as puisé dans le pouvoir du coeur.

Sans répondre, Dagoth Ur se mit à rire, d’un rire dément, instable. Aussitôt, Ayem se rua sur lui, l’arme à la main. Comprenant que c’était peut-être la seule occasion qu’ils auraient de le vaincre, Seht lança toute ses force dans un sort destiné à augmenter la rapidité de la reine.
Dagoth Ur n’eut pas le temps de réagir ; Ayem se retrouva face à lui, et Vifespoir lui rentra profondément dans le coeur.
Il hurla, et s’effondra lamentablement, inerte.

- Est-il mort ? demanda Seht.

Ayem se pencha et toucha son cou.

- Oui.

Seht et Vehk poussèrent un soupir de soulagement.

- Reste le problème du coeur, souligna Ayem. Peut-il être déplacé ?

Seht dirigea son regard vers l’artefact, l’observa longuement, puis se tourna à nouveau vers eux.

- Je pense qu’il ne vaut mieux pas. Il y a des flux de magie démentiels à l’oeuvre ici. Le déplacer serait une pure folie. Et à la réflexion... Je me demande si la brutale disparition des dwemers n’est pas liée à tout ce qui s’est passé ici. Je pense qu’il va donc falloir que nous soyons extrêmement prudents avec cet objet.

Ses deux compagnons hochèrent lentement la tête. Bien qu‘ils n’étaient guère enchantés que des complications surviennent à ce stade, ils ne pouvaient guère remettre en cause les propos du mage.
En soupirant, Seht reprit la parole.

- Je pense qu’il nous faut remonter à la surface. Je vais prendre soin de sceller ces portes ; nous reviendrons plus tard. En attendant, je suggère de ne prendre que les outils.

Les deux autres parias acquiescèrent, puis ils quittèrent la salle de l’Anumidium.


*



Dans les ténèbres qui étaient désormais siennes, Alandro entendit des bruits de pas. Toujours faible, il voulut crier pour signaler sa position, mais ne parvint qu’à émettre un faible râle. Les sons de botte foulant le sol se rapprochèrent cependant, et un espoir ténu naquit en lui ; puis il se rappela qu’il avait été caché par une Altesse Daedrique en personne, ce qui impliquait qu’il était hautement improbable qu’on le trouve. Par ailleurs, qu’est-ce qui lui disait que ce n’étaient pas les traitres qui revenaient ?

Or, justement, il se trouva que les voix qu’il entendit alors lui étaient désagréablement familières.

- Il est toujours là, fit Ayem.

- Heureusement, lui répondit Vehk.

- Il nous faut ramener son corps à la surface, ajouta Seht.

Il s’en suivit un bref moment de silence. Puis soudain :

- Où est Alandro ?

- Par tous les Daedras, tu as raison, où est-il ?

- Du calme, vous deux. Laissez-moi faire, nous allons vite voir s’il est dans les environs.

Il y eut un bruit de sortilège, puis un jurons.

- Il n’est plus là. Allons-y, peut-être le trouverons nous sur le chemin.

Sans comprendre ce qu’il venait de se passer, Alandro entendit un bruit qu’il identifia comme celui d’un objet très lourd que l’on soulève, accompagné d’un infime tintement, puis des pas s’éloignants.
Peu après, et bien qu’Alandro ne put rien en percevoir du fait de sa cécité, une forme féminine apparu dans la salle, et se pencha pour ramasser l’anneau qui avait glissé du doigt du défunt. Enfin, elle se tourna vers le chimer aveugle.
« N’oublie pas... »


*



Les trois parias furent aveuglé par l’éclat du soleil. Ils étaient les seuls être vivants dans le cratère ; de nombreux cadavres gisaient en revanche, pourrissants sous la chaleur de l’astre solaire.
Ils réalisèrent soudain qu’il n’avaient aucune idée du temps qu’ils avaient passé dans les profondeurs. Plusieurs heures vraisemblablement, à force d’errances.
Seht leur lança un sort de lévitation, facilitant ainsi de beaucoup l’escalade du cratère.  En prenant de la hauteur, ils purent constater que les combats faisaient toujours rage aux pieds du volcan.
Ils se concertèrent rapidement, puis décidèrent de se rendre au point de commandement le plus proche.


*



Ofgard Veines-de-Glace et ses hommes étaient parmi les dernier des humains debout. Les diables allaient l’emporter, cela ne faisait désormais presque plus aucun doute.
Il fracassa un dernier crâne, puis sonna la retraite.


*



La bataille fut gagnée vers la fin de l’après-midi. Les dernier des humains et des orques vivant s’étaient enfuis ; les généraux avaient décidé de les laisser faire. En revanche, nul ne put déterminer où étaient passés les mages des Dagoth.

Dans le courant de la soirée, la nouvelle de la mort du roi se propagea, accompagnée d’une étrange rumeur. En effet, il était dit qu’alors qu’il mourrait, le roi avait maudit les dwemers, et tué Dumac d’un ultime geste vengeur - après quoi la race entière s’était évanouie sous les effets de la malédiction du roi. Bien que complètement rocambolesque, la rumeur se répandit rapidement, et beaucoup y crurent, tant la disparition des dwemers avaient été subite et incompréhensible.

Tard dans la soirée, Ayem fit un discours solennel aux soldats, les félicitant tout d’abord, puis déplorant la mort tragique de feu son époux ; les funérailles auraient lieux dans la cité de Necrom, et tous les soldats y étaient invités. Enfin, elle annonça qu’elle prendrait dès le lendemain matin les rênes du pouvoir.
Sous les applaudissement de la foule, Ayem regagna sa tente, une dent plantée dans la lèvre.







Epilogue






Une semaine plus tard, Seht vint retrouver Ayem dans ses appartements. Comme il s’y était attendu, Vehk s’y trouvait déjà, et ils discutaient tranquillement de l’avenir de Resdayn.
Sans attendre qu’ils aient fini leur discussion, le conseiller posa les trois outils sur une table bien en face d’eux. Les deux amants levèrent un regard étonné vers leur compagnon.
Il leur expliqua brièvement ce qu’il avait en tête. Tous deux en restèrent sans voix.


*



Dans les profondeurs du monde, Dagoth Ur attendait patiemment. Il était faible, incapable de bouger, pouvant à peine réfléchir. Pourtant, son corps avait quitté la chambre de l’Anumidium, porté par la magie du coeur. Tout son être demandait la vengeance contre ceux qui l’avaient trahis. Ayem. Seht. Vehk. Nérévar...
Il viendrait un jour où il les verrait tous morts.


*



Les trois compagnons pénétrèrent à nouveau dans la chambre de l’Anumidium avec un silence quasi religieux. L’endroit n’avait que peu changé, depuis leur dernière visite : le coeur était toujours là, éternel, et la montagne était régulièrement ébranlée par des secousses.
Seht commença le rituel, assisté par Ayem et Vehk. Peu à peu, ils sentirent la puissance du coeur se libérer. Pourtant, ils restèrent prudent, et ne piochèrent que ce dont ils avaient besoin dans ses réserves ; malgré tout, cela restait une puissance colossal, et ils peinèrent à la supporter. Ils se sentirent transcendés par une force irréelle, bien au delà de toutes leurs attentes les plus folles.
Leur être entier en fut changé ; la force divine les emplit, les faisant hurler d’allégresse, les jetant à genoux.

Les trois créatures qui s’en relevèrent étaient assurément différents. Ni mortels, ni Daedras, ils dégageaient une aura invincible, magnifique et terrible ; ils étaient devenus des dieux vivants.
Encore émerveillés par ce miracle, ils décidèrent d’adopter de nouveaux noms, symboles de leur nouvelle nature - et ainsi, marquer à jamais leur métamorphose dans les esprits. Ayem devint dès lors Almalexia, Vehk, Vivec, et Seht, Sotha Sil.
Soudain, alors qu’ils célébraient encore leur apothéose, une secousse extrêmement violente secoua la montagne. Le volcan entrait en éruption.
Ils quittèrent aussitôt la caverne, peu désireux de mettre à l’épreuve leur nouvelle immortalité. Cependant, la surprise qui les attendait à la sortie ne les apaisa guère : Azura se tenait là, silencieuse comme la mort. Son visage était implacable - ils avaient été prévenus.


*



Partout en Resdayn, les chimer virent brutalement leur belle peau dorée se ternir, fonçant, tandis que dans leurs yeux s’allumait un brasier infernal. Horrifiés, ils réalisèrent soudain qu’ils avaient désormais un teint bleu cendré, et des yeux rouge flamboyants. Les humains les avaient appelés Diables, ils l’étaient devenus.


*



Le camp de cendrais où vivait désormais Alandro Sul était en proie à une terrible panique ; il y avait tout d’abord eut cette transformation, puis la terre s’était mise à trembler violemment... Et soudain le Mont Ecarlate avait explosé. Les cendrais courraient partout, rassemblant leurs affaires, s’apprêtant à fuir le terrible nuage de cendres qui s’avançait vers eux...

Et puis il y eu l’appel de la sage femme. Bien qu’ignorant la plupart des maux qui s’abattaient sur eux, car aveugle, Alandro y répondit comme tous les autres.
La vieille cendraise avait une voix quelque peu tremblante, mais au moins ses propos se voulurent rassurant ; elles avaient reçu une vision d’Azura, qui annonçait que tous ces maux n’étaient pas de leur fait, mais découlaient des actions des parias, désormais élevés au rang de faux-dieux. De fait, malgré ces malédictions qui semblaient s’abattre sur eux, ils devaient garder espoir - car il viendrait un temps où, comme Alandro le leur avait rapporté, Nérévar pourrait à nouveau fouler le sol de Resdayn, et rétablirait l’ordre originel, jetant à bas les faux-dieux. Pour cela, le peuple Cendrais devait garder la mémoire de ce qui s’était passé ; pour permettre à ce temps d’arriver.

Tandis qu’un murmure se répandait parmi les Cendrais, Alandro restait silencieux, songeur. Peu importait les promesses d’Azura, si les trois parias étaient devenus des dieux ; elle ne les avait déjà pas stoppé alors qu’ils étaient mortels, comment pourrait-elle le faire, maintenant qu’ils étaient ses égaux ? Et même si, véritablement, elle ramenait Nérévar à la vie, alors celui-ci devrait affronter des êtres infiniment plus puissants que lui...

Alandro sourit, amer.

« Les dieux ne valent pas mieux que les mortels ; leur meilleure arme reste les mots. Ils parlent, affirment, promettent. Et autant en emporte le vent... »

Modifié par Raven Dumron, 16 avril 2010 - 17:36.





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