http://img231.imageshack.us/img231/9492/cimn7.jpg
Partie I — Cité Impériale
Spoiler
« Viens, viens étranger, admirer la cité des Empereurs et des gueux, des justes et des corrompus, des pieux et des profanes. Blanche paraît-elle dis-tu, noire elle est, je te réponds. Viens, suis Causant le barde ; et pour quelques sonnantes piécettes, il te fera partager les secrets du marbre blanc des Septim...
Namira te bénisse, Pèlerin, ton don ne sera pas inutile.
A présent, laisse moi te guider, et devant tes yeux émerveillés, révéler les secrets... du joyau de Cyrodiil.
Contemple, voyageur, l'Empire dans toute sa grandeur : faste, richesse, élégance - bien qu'un peu rance - beauté et oisiveté. Eblouir tes mirettes dès ton arrivée, voilà le désir, fort peu dissimulé, du père Septim et de sa lignée. Allons, ne sois pas timide, franchis donc cette imposante arche et ses innombrables colonnades, et délecte-toi des merveilles de la place Talos !
Oh, oh ! Que voilà un drôle d'oiseau ! Dominant son territoire, dressé fièrement sur son perchoir, admire donc un moment le noble dragon des Septim... Gloire, puissance, mais aussi justice symbolise-t-il, mais comme le répète souvent Causant, « à nobles valeurs, réalité tout autre ». Ainsi, tout autour du grand reptile cohabitent volatiles et rapaces d'un tout autre acabit.
Regarde-les donc crapahuter, étranger, ces nobles bouffis dans la gangue de leurs habits. Ici, sur l'esplanade, face au tribunal, en voici un du clan Imbel. Palabre-t-il amicalement avec un magistrat puant ? Glisse-t-il au fonctionnaire véreux un pot-de-vin généreux ? Mais faisons silence à présent, car voilà qu'arrivent des gardes d'Umbacano. Et, comme le dit la chanson : « sur la place Talos, aux nobles la loi et à la garde les os ».
Allons, voyageur, faisons place au riche cortège que voici, et laissons aux curieux le soin d'acclamer l'arrivée de ce haut dignitaire, aussi quelconque que ceux que reçoivent chaque semaine nos fiers dirigeants. Suis-moi, fendons la clameur de la foule, et poursuivons vers un lieu où tu pourras t'extasier tout ton soûl...
Au delà d'arcades sévères s'ouvre une sylve luxuriante, où sous tes yeux ébahis, arbres et édifices entremêlent de leurs tiges le marbre fin. Entends-tu le chant scintillant de l'eau, cascadant sur de sublimes fontaines ? C’est que par les aqueducs des murailles s'acheminent les flots du Rumare, adroitement exploités par les jardiniers des Septim.
Nous sommes dans les Jardins Elfiques, voyageur, et là encore perdure l'héritage Ayléïde. Vois lierre et lianes splendides s'enlacer avec volupté et délice, en des motifs délicats autour des blanches villas : la fraîcheur de l'Alkanet vient y disputer aux pavés la sensualité de la marche, et le gazouillis des oiseaux, merveilleux et naturel, égaye nos oreilles.
Eh bien ne t'y trompe pas, étranger, et ne te fie pas à l'Eden floral qui parcourt les allées. Des habitants de ce paradis, il n'en est qui ne soient inféodés à de puissants liens du sang. Kvinchav et Sintav, malgré d'hypocrites politesses, s'y livrent une impitoyable guerre. Car sous leur coupe s'échangent d'illégales richesses, tandis que le sang des moins vigilants abreuve le pied des rosiers...
Quelle animation, n'est-ce pas étranger ? A cet égard, la place du marché de la cité impériale n'a pas d'égal dans tout Tamriel... Vois l'architecture novatrice de ces pyramides de caisses, sens cette odeur de pain chaud, entends le chant des marteaux sur l'acier, goûte la poussière soulevée par les balayeurs, sens vibrer ces pavés souillés et glissants sous tes sandales.
Ca et là, des étals germent par dizaines, tenus par des marchands ambulants qui tentent de vendre leur camelote en racolant tout passant à portée de voix ou de bras, et en s'accrochant, tels des sangsues, à leurs pauvres victimes. A l'autre bout de la place, se dressent élégamment de hauts bâtiments, où les artisans les plus experts en la matière proposent des marchandises de qualité à des prix plus élevés.
Qu'ils vendent des épices, des armes, des vêtements ou des ouvrages, qu'ils soient novices ou bien vétérans, tous les commerçants - ambulants ou non - sont dans cette cité soumis à l'autorité du bureau du commerce impérial. Les fonctionnaires y travaillant règlent les prix, régulent les arrivages des docks et de l'extérieur de la cité, et surtout arbitrent les querelles quotidiennes opposant les habitants du quartier. Mais ne t'y laisse pas tromper, étranger, car contre quelques septims dorés, ces fourbes n'hésitent pas à fermer les yeux sur quelque commerce illégal que ce soit, comme celui du skouma, qui fleurit davantage chaque nuit...
Echouées dans le quartier, quelques tavernes renommées offrent le gîte, le couvert, mais aussi la bière. La Musette est, à mon goût, la plus animée, et sans doute la meilleure du quartier. Bardes brétons, conteurs nordiques, et quelques autres artistes ambulants s'y arrêtent régulièrement, et contre un repas chaud servi par le sympathique tavernier, font le plus grand plaisir des clients. Mais ne nous attardons pas davantage, car tu auras, pendant ton séjour, tout loisir de goûter par toi-même à ces divertissements...
Approche toi maintenant, voyageur, tends l'oreille, savoure les cris guerriers de l'acier ainsi que les hurlements sauvages des armes. Aperçois tu, surplombant les toits des bâtiments, le colossal amphithéâtre de l'Arène ?
A l'intérieur de ses murs, rudes et pierreux, s'affrontent les meilleurs gladiateurs de Cyrodiil. Certaines des plus fines lames de Tamriel viennent y croiser le fer, mais toutes ne sont pas affranchies : Uriel est un gouverneur pragmatique, et l'asile de nos prisons peut paraître insupportable aux plus désespérés...
Serais-ce le dégoût que je lis sur tes traits, noble pèlerin ? Rassure toi, et sache que le sang n'est pas seul commerce céans : peut-être jouerais-tu au dés quelques drakes ; à moins, qu'entre deux nuages de poussière, tu ne préfères miser ton or sur chevaux et cavaliers ? Versatile est notre cirque, mais ne t’y aventures pas de nuit : car aux plaisirs des jeux et des chants des troubadours, s'ajoutent parfois d’orgiaques mais festives décadences…
Ah, existe-t-il plus idyllique décor dans la cité que l'arboretum impérial ? Dans un musical ramage et sous de larges feuillages, laisser vagabonder son esprit est chose tellement aisée... Sous le paternel regard des neufs vénérés immortels, d'aucun - j'en suis témoin - vont jusqu'à songer avec nostalgie à la folie qui les a poussée à quitter, un beau jour, leur sylvestre paradis.
Mais penser que ces jardins sont simplement conçus pour divaguer, voilà qui serait une hérésie... Ici bouillent les esprits, voyageur, ici flambent les théories ! Laisseras-tu libre cours à ton imagination, ou disserteras-tu sur la nature de la raison ? Acteurs, musiciens, créateurs comme magiciens, jouent tous en ces rues des pieds et des mains, mais surtout - c'est important - s'expriment avec leur coeur. L'humble Causant n'est certes pas omniscient, mais crois-en, voyageur, les dires d'un barde baroudeur qui, s'il n'a désormais plus de troupe, jouait, il fut un temps, dans un tel groupe : dans ce métier, le coeur est aussi nécessaire à l'ardeur qu'une plume bien acérée...
Ici, étranger, les artistes côtoient les fabulistes, les jongleurs côtoient les professeurs, et face aux théâtres se dressent écoles de quartier et université. Les érudits dispensent leurs cours, les philosophes en débattent. Mais, aussi cultivée soit-elle, l'élite impériale ne peut assimiler toutes ces connaissances, accumulées depuis un temps immémorial. Tous ces savoirs, qu'ils soient ancestraux ou bien nouveaux, sont consignés dans une foule d'ouvrages, stockés dans les immenses rayonnages d'une bibliothèque sans âge. Quoi que tu cherches, tu l'y trouveras, aussi sûrement que dans le plan d'Hermaeus Mora...
Mais il est temps de poursuivre, voyageur, aussi avançons-nous maintenant vers un quartier nettement moins accueillant...
Qu'est ce qui fait la puissance de l'Empire, étranger ? Tu l'auras aisément deviné, c'est son armée. Te voici à présent dans la forteresse principale, le titanesque quartier général de notre puissante légion impériale, voyageur, te voici dans la forteresse Tiber Septim.
Coups de taille, parades : sans relâche le maître d'armes et ses recrues ferraillent. D'autres tirent à la cible, sous l'oeil attentif du maître-archer au regard perçant. Ici s'entraînent les membres de la garde, ici sont formés les légionnaires qui sillonneront le pays, protègeront la cité impériale, ou partiront guerroyer en de lointaines contrées.
Capitaines de la garde, généraux et autres officiers y sont également formés à commander, par les meilleurs stratèges de notre glorieux Empire. L'élite de la nation se doit elle aussi d'être formée à l'Art de la guerre, et de jeunes gens, puissants ou influents, étudient ici sans jamais se mélanger aux hommes du rang.
La forteresse abrite également un lieu des moins plaisants, Causant te le dit de but en blanc pour y avoir d'ailleurs séjourné quelques temps : la prison impériale. Elle s'étend en un tentaculaire réseau souterrain, relié aux égouts en plusieurs points. Malgré le nombre impressionnant de cellules, elles sont en grande partie vides, du fait des nécessités de l'arène et de la corruption du système judiciaire. Cependant, ça n'empêche pas les petites gens sans importance - comme l'humble Causant - d'y moisir un moment...
Tu ne me tiendras point rigueur, je l'espère, de ne pouvoir te faire visiter davantage les lieux, mais je doute que les geôliers soient des plus heureux de revoir leur ami Causant...
Une spire babylonienne, inouïe et incommensurable, miroir Ayleïde d’un ivoire sculpté dans une solaire lumière, resplendit devant tes yeux. La fascination qu’on y lit, je l’ai vue dans le regard de bien des errants. Quelle autre réaction face à telle merveille ?
Cette massive citadelle de roche, haute comme trois tours et large telle une basilique, abrite notre vénérable empereur, Uriel VII. Sous ses innombrables étages y siègent le Conseil et ses Anciens, comploteurs et cupides, tandis que de vastes dépendances la jouxtent pour abriter les nécessités d’une Cour impériale…
Ici, surveillés par les iris aveugles de la Phalène, s’écrivent le destin de Tamriel et les Parchemins Anciens. L’endroit est beau et suscite le respect, ayant incité nombre de Septim à y enfouir les cadavres encore tièdes de leurs ancêtres. Cependant, les plus réfractaires au charme de leurs ossements seront bien vite réduits au silence, l’efficace et menaçante garde personnelle d’Uriel étant étincelante de discipline.
Viens, quittons ce lieu magnifique, afin que dans ton intérêt tu n’y sois point vu en ma compagnie.
Un sanctuaire d’un autre genre nous attend maintenant.
Observe les habitations, et la morne blancheur de leurs murs minéraux. C’est là tout ce que nos citoyens ont trouvé pour faire écho au Temple de l’Unique, l'austère bâtiment sacerdotal que tu vois sur ta droite. D’écoeurantes processions prêchant conversion et repentance lui font régulièrement honneur, par d’inlassables et répétés pèlerinages.
Mon cynisme t’étonne ? Regarde autour de toi, étranger, et dis-moi quand tu verras une seule de ces bonnes âmes s’aventurer dans la fange. Dans ces venelles, pauvres et sales, nul ne daigne prodiguer pain quotidien aux plaintives légions des mendiants. Quoi, tu cilles ? Rassure toi, ton don à Causant n’est pas passé inaperçu : infirmes, traîne-misère et vagabonds, rien ne nous échappe dans NOTRE cité.
Ces gens n’ont peur que de leur reflet, des yeux qui traînent lorsque l’époux rejoint la lanterne rouge de la maison close, et des ouïes qui se tendent lorsque le marchand négocie la perte d’un rival. La propreté des thermes, et la pureté de ses corps, recèlent bien des souillures pour les esprits tourmentés. Notre ville est pourrie, voyageur, et son éclat extérieur n’a d’égal que la noirceur de son âme. La misère y est seule vérité.
Autour de la cité et de ses riches quartiers, par-delà ces fiers remparts, se côtoient joyeusement malheur et désespoir. Paysans, pêcheurs, mendiants et cultivateurs, tous ici bas tentent de survivre à la seule force de leurs bras. Tandis que, sur les quais, les navires se délestent de toutes sortes de denrées, les marins profitent à pleines mains de gueuses fort généreuses.
Les quartiers extérieurs sont si mal famés que même les gardes répugnent à y mettre le pied. Bien avisés sont-ils, d'éviter ainsi les coupe-jarrets ou de s'en protéger en n'arpentant jamais ces ruelles seuls ou isolés. Ici, voyageur, ce sont les habitants qui font la loi, et ce malgré les descentes groupées de soldats ou les saisies de skouma. La nuit, les couteaux quittent les fourreaux pour égorger, les affaires fonctionnent à plein régime pour les contrebandiers...
Vois, étranger, comme ces quartiers s'étendent tout autour du lac de la cité. De petites communautés y sont éparpillées, et nous approvisionnent en poissons et en céréales au fil des moissons. Ces hameaux, bien plus tranquilles que la zone portuaire, sont le lieu idéal pour obtenir à petit prix un lit bien chaud, et tiennent lieu, à l'abri du tumulte de la cité, d'agricoles et paisibles sanctuaires... Mais laissons cela, à présent, mon ami, car déjà le jour cède place à la nuit...
Alors que nos pas nous mènent à l’austère cité des enchanteurs, l'appel du quotidien sonne le glas de notre compagnonnage, et je dois te quitter. Toutefois, peut-être as-tu tiré avantage de la vision des rejetés, différente en tout point de l’orgueilleux regard qu’on voudrait t’imposer.
Tu t’es montré généreux envers moi, aussi un dernier conseil, vais-je te prodiguer : ne t’aventures pas près des mages, en ces temps troublés. D’antiques puissances sont de retour, et elles sont plus noires encore que ces Ayléïdes, que nous sommes devenus…
Namira te bénisse, Pèlerin…
ж ж ж
Cité Impériale
« Viens, viens étranger, admirer la cité des Empereurs et des gueux, des justes et des corrompus, des pieux et des profanes. Blanche paraît-elle dis-tu, noire elle est, je te réponds. Viens, suis Causant le barde ; et pour quelques sonnantes piécettes, il te fera partager les secrets du marbre blanc des Septim...
Namira te bénisse, Pèlerin, ton don ne sera pas inutile.
A présent, laisse moi te guider, et devant tes yeux émerveillés, révéler les secrets... du joyau de Cyrodiil.
жж Quartier de Talos жж
Contemple, voyageur, l'Empire dans toute sa grandeur : faste, richesse, élégance - bien qu'un peu rance - beauté et oisiveté. Eblouir tes mirettes dès ton arrivée, voilà le désir, fort peu dissimulé, du père Septim et de sa lignée. Allons, ne sois pas timide, franchis donc cette imposante arche et ses innombrables colonnades, et délecte-toi des merveilles de la place Talos !
Oh, oh ! Que voilà un drôle d'oiseau ! Dominant son territoire, dressé fièrement sur son perchoir, admire donc un moment le noble dragon des Septim... Gloire, puissance, mais aussi justice symbolise-t-il, mais comme le répète souvent Causant, « à nobles valeurs, réalité tout autre ». Ainsi, tout autour du grand reptile cohabitent volatiles et rapaces d'un tout autre acabit.
Regarde-les donc crapahuter, étranger, ces nobles bouffis dans la gangue de leurs habits. Ici, sur l'esplanade, face au tribunal, en voici un du clan Imbel. Palabre-t-il amicalement avec un magistrat puant ? Glisse-t-il au fonctionnaire véreux un pot-de-vin généreux ? Mais faisons silence à présent, car voilà qu'arrivent des gardes d'Umbacano. Et, comme le dit la chanson : « sur la place Talos, aux nobles la loi et à la garde les os ».
Allons, voyageur, faisons place au riche cortège que voici, et laissons aux curieux le soin d'acclamer l'arrivée de ce haut dignitaire, aussi quelconque que ceux que reçoivent chaque semaine nos fiers dirigeants. Suis-moi, fendons la clameur de la foule, et poursuivons vers un lieu où tu pourras t'extasier tout ton soûl...
жж Jardins Elfiques жж
Au delà d'arcades sévères s'ouvre une sylve luxuriante, où sous tes yeux ébahis, arbres et édifices entremêlent de leurs tiges le marbre fin. Entends-tu le chant scintillant de l'eau, cascadant sur de sublimes fontaines ? C’est que par les aqueducs des murailles s'acheminent les flots du Rumare, adroitement exploités par les jardiniers des Septim.
Nous sommes dans les Jardins Elfiques, voyageur, et là encore perdure l'héritage Ayléïde. Vois lierre et lianes splendides s'enlacer avec volupté et délice, en des motifs délicats autour des blanches villas : la fraîcheur de l'Alkanet vient y disputer aux pavés la sensualité de la marche, et le gazouillis des oiseaux, merveilleux et naturel, égaye nos oreilles.
Eh bien ne t'y trompe pas, étranger, et ne te fie pas à l'Eden floral qui parcourt les allées. Des habitants de ce paradis, il n'en est qui ne soient inféodés à de puissants liens du sang. Kvinchav et Sintav, malgré d'hypocrites politesses, s'y livrent une impitoyable guerre. Car sous leur coupe s'échangent d'illégales richesses, tandis que le sang des moins vigilants abreuve le pied des rosiers...
жж Quartier du Marché жж
Quelle animation, n'est-ce pas étranger ? A cet égard, la place du marché de la cité impériale n'a pas d'égal dans tout Tamriel... Vois l'architecture novatrice de ces pyramides de caisses, sens cette odeur de pain chaud, entends le chant des marteaux sur l'acier, goûte la poussière soulevée par les balayeurs, sens vibrer ces pavés souillés et glissants sous tes sandales.
Ca et là, des étals germent par dizaines, tenus par des marchands ambulants qui tentent de vendre leur camelote en racolant tout passant à portée de voix ou de bras, et en s'accrochant, tels des sangsues, à leurs pauvres victimes. A l'autre bout de la place, se dressent élégamment de hauts bâtiments, où les artisans les plus experts en la matière proposent des marchandises de qualité à des prix plus élevés.
Qu'ils vendent des épices, des armes, des vêtements ou des ouvrages, qu'ils soient novices ou bien vétérans, tous les commerçants - ambulants ou non - sont dans cette cité soumis à l'autorité du bureau du commerce impérial. Les fonctionnaires y travaillant règlent les prix, régulent les arrivages des docks et de l'extérieur de la cité, et surtout arbitrent les querelles quotidiennes opposant les habitants du quartier. Mais ne t'y laisse pas tromper, étranger, car contre quelques septims dorés, ces fourbes n'hésitent pas à fermer les yeux sur quelque commerce illégal que ce soit, comme celui du skouma, qui fleurit davantage chaque nuit...
Echouées dans le quartier, quelques tavernes renommées offrent le gîte, le couvert, mais aussi la bière. La Musette est, à mon goût, la plus animée, et sans doute la meilleure du quartier. Bardes brétons, conteurs nordiques, et quelques autres artistes ambulants s'y arrêtent régulièrement, et contre un repas chaud servi par le sympathique tavernier, font le plus grand plaisir des clients. Mais ne nous attardons pas davantage, car tu auras, pendant ton séjour, tout loisir de goûter par toi-même à ces divertissements...
жж Arène жж
Approche toi maintenant, voyageur, tends l'oreille, savoure les cris guerriers de l'acier ainsi que les hurlements sauvages des armes. Aperçois tu, surplombant les toits des bâtiments, le colossal amphithéâtre de l'Arène ?
A l'intérieur de ses murs, rudes et pierreux, s'affrontent les meilleurs gladiateurs de Cyrodiil. Certaines des plus fines lames de Tamriel viennent y croiser le fer, mais toutes ne sont pas affranchies : Uriel est un gouverneur pragmatique, et l'asile de nos prisons peut paraître insupportable aux plus désespérés...
Serais-ce le dégoût que je lis sur tes traits, noble pèlerin ? Rassure toi, et sache que le sang n'est pas seul commerce céans : peut-être jouerais-tu au dés quelques drakes ; à moins, qu'entre deux nuages de poussière, tu ne préfères miser ton or sur chevaux et cavaliers ? Versatile est notre cirque, mais ne t’y aventures pas de nuit : car aux plaisirs des jeux et des chants des troubadours, s'ajoutent parfois d’orgiaques mais festives décadences…
жж Arboretum жж
Ah, existe-t-il plus idyllique décor dans la cité que l'arboretum impérial ? Dans un musical ramage et sous de larges feuillages, laisser vagabonder son esprit est chose tellement aisée... Sous le paternel regard des neufs vénérés immortels, d'aucun - j'en suis témoin - vont jusqu'à songer avec nostalgie à la folie qui les a poussée à quitter, un beau jour, leur sylvestre paradis.
Mais penser que ces jardins sont simplement conçus pour divaguer, voilà qui serait une hérésie... Ici bouillent les esprits, voyageur, ici flambent les théories ! Laisseras-tu libre cours à ton imagination, ou disserteras-tu sur la nature de la raison ? Acteurs, musiciens, créateurs comme magiciens, jouent tous en ces rues des pieds et des mains, mais surtout - c'est important - s'expriment avec leur coeur. L'humble Causant n'est certes pas omniscient, mais crois-en, voyageur, les dires d'un barde baroudeur qui, s'il n'a désormais plus de troupe, jouait, il fut un temps, dans un tel groupe : dans ce métier, le coeur est aussi nécessaire à l'ardeur qu'une plume bien acérée...
Ici, étranger, les artistes côtoient les fabulistes, les jongleurs côtoient les professeurs, et face aux théâtres se dressent écoles de quartier et université. Les érudits dispensent leurs cours, les philosophes en débattent. Mais, aussi cultivée soit-elle, l'élite impériale ne peut assimiler toutes ces connaissances, accumulées depuis un temps immémorial. Tous ces savoirs, qu'ils soient ancestraux ou bien nouveaux, sont consignés dans une foule d'ouvrages, stockés dans les immenses rayonnages d'une bibliothèque sans âge. Quoi que tu cherches, tu l'y trouveras, aussi sûrement que dans le plan d'Hermaeus Mora...
Mais il est temps de poursuivre, voyageur, aussi avançons-nous maintenant vers un quartier nettement moins accueillant...
жж Forteresse Tiber Septim жж
Qu'est ce qui fait la puissance de l'Empire, étranger ? Tu l'auras aisément deviné, c'est son armée. Te voici à présent dans la forteresse principale, le titanesque quartier général de notre puissante légion impériale, voyageur, te voici dans la forteresse Tiber Septim.
Coups de taille, parades : sans relâche le maître d'armes et ses recrues ferraillent. D'autres tirent à la cible, sous l'oeil attentif du maître-archer au regard perçant. Ici s'entraînent les membres de la garde, ici sont formés les légionnaires qui sillonneront le pays, protègeront la cité impériale, ou partiront guerroyer en de lointaines contrées.
Capitaines de la garde, généraux et autres officiers y sont également formés à commander, par les meilleurs stratèges de notre glorieux Empire. L'élite de la nation se doit elle aussi d'être formée à l'Art de la guerre, et de jeunes gens, puissants ou influents, étudient ici sans jamais se mélanger aux hommes du rang.
La forteresse abrite également un lieu des moins plaisants, Causant te le dit de but en blanc pour y avoir d'ailleurs séjourné quelques temps : la prison impériale. Elle s'étend en un tentaculaire réseau souterrain, relié aux égouts en plusieurs points. Malgré le nombre impressionnant de cellules, elles sont en grande partie vides, du fait des nécessités de l'arène et de la corruption du système judiciaire. Cependant, ça n'empêche pas les petites gens sans importance - comme l'humble Causant - d'y moisir un moment...
Tu ne me tiendras point rigueur, je l'espère, de ne pouvoir te faire visiter davantage les lieux, mais je doute que les geôliers soient des plus heureux de revoir leur ami Causant...
жж Palais жж
Une spire babylonienne, inouïe et incommensurable, miroir Ayleïde d’un ivoire sculpté dans une solaire lumière, resplendit devant tes yeux. La fascination qu’on y lit, je l’ai vue dans le regard de bien des errants. Quelle autre réaction face à telle merveille ?
Cette massive citadelle de roche, haute comme trois tours et large telle une basilique, abrite notre vénérable empereur, Uriel VII. Sous ses innombrables étages y siègent le Conseil et ses Anciens, comploteurs et cupides, tandis que de vastes dépendances la jouxtent pour abriter les nécessités d’une Cour impériale…
Ici, surveillés par les iris aveugles de la Phalène, s’écrivent le destin de Tamriel et les Parchemins Anciens. L’endroit est beau et suscite le respect, ayant incité nombre de Septim à y enfouir les cadavres encore tièdes de leurs ancêtres. Cependant, les plus réfractaires au charme de leurs ossements seront bien vite réduits au silence, l’efficace et menaçante garde personnelle d’Uriel étant étincelante de discipline.
Viens, quittons ce lieu magnifique, afin que dans ton intérêt tu n’y sois point vu en ma compagnie.
жж Temple жж
Un sanctuaire d’un autre genre nous attend maintenant.
Observe les habitations, et la morne blancheur de leurs murs minéraux. C’est là tout ce que nos citoyens ont trouvé pour faire écho au Temple de l’Unique, l'austère bâtiment sacerdotal que tu vois sur ta droite. D’écoeurantes processions prêchant conversion et repentance lui font régulièrement honneur, par d’inlassables et répétés pèlerinages.
Mon cynisme t’étonne ? Regarde autour de toi, étranger, et dis-moi quand tu verras une seule de ces bonnes âmes s’aventurer dans la fange. Dans ces venelles, pauvres et sales, nul ne daigne prodiguer pain quotidien aux plaintives légions des mendiants. Quoi, tu cilles ? Rassure toi, ton don à Causant n’est pas passé inaperçu : infirmes, traîne-misère et vagabonds, rien ne nous échappe dans NOTRE cité.
Ces gens n’ont peur que de leur reflet, des yeux qui traînent lorsque l’époux rejoint la lanterne rouge de la maison close, et des ouïes qui se tendent lorsque le marchand négocie la perte d’un rival. La propreté des thermes, et la pureté de ses corps, recèlent bien des souillures pour les esprits tourmentés. Notre ville est pourrie, voyageur, et son éclat extérieur n’a d’égal que la noirceur de son âme. La misère y est seule vérité.
жж Quartier portuaire & extérieur des murs жж
Autour de la cité et de ses riches quartiers, par-delà ces fiers remparts, se côtoient joyeusement malheur et désespoir. Paysans, pêcheurs, mendiants et cultivateurs, tous ici bas tentent de survivre à la seule force de leurs bras. Tandis que, sur les quais, les navires se délestent de toutes sortes de denrées, les marins profitent à pleines mains de gueuses fort généreuses.
Les quartiers extérieurs sont si mal famés que même les gardes répugnent à y mettre le pied. Bien avisés sont-ils, d'éviter ainsi les coupe-jarrets ou de s'en protéger en n'arpentant jamais ces ruelles seuls ou isolés. Ici, voyageur, ce sont les habitants qui font la loi, et ce malgré les descentes groupées de soldats ou les saisies de skouma. La nuit, les couteaux quittent les fourreaux pour égorger, les affaires fonctionnent à plein régime pour les contrebandiers...
Vois, étranger, comme ces quartiers s'étendent tout autour du lac de la cité. De petites communautés y sont éparpillées, et nous approvisionnent en poissons et en céréales au fil des moissons. Ces hameaux, bien plus tranquilles que la zone portuaire, sont le lieu idéal pour obtenir à petit prix un lit bien chaud, et tiennent lieu, à l'abri du tumulte de la cité, d'agricoles et paisibles sanctuaires... Mais laissons cela, à présent, mon ami, car déjà le jour cède place à la nuit...
жж Cité Arcanes жж
Alors que nos pas nous mènent à l’austère cité des enchanteurs, l'appel du quotidien sonne le glas de notre compagnonnage, et je dois te quitter. Toutefois, peut-être as-tu tiré avantage de la vision des rejetés, différente en tout point de l’orgueilleux regard qu’on voudrait t’imposer.
Tu t’es montré généreux envers moi, aussi un dernier conseil, vais-je te prodiguer : ne t’aventures pas près des mages, en ces temps troublés. D’antiques puissances sont de retour, et elles sont plus noires encore que ces Ayléïdes, que nous sommes devenus…
Namira te bénisse, Pèlerin…
Partie II — Pouvoirs Anciens
Spoiler
Par une froide nuit d'automne, les ténèbres paresseuses des cieux nocturnes étendaient leurs ombres sur le pays, recouvrant de leur paisible manteau les forêts encadrant la capitale. La majeure partie de Cyrodiil était en effet restée très sauvage, si bien qu'en dehors des grands axes commerciaux, arbres et bêtes régnaient en maîtres, disputant à la civilisation chaque toise de terre que celle-ci leur concédait, et ce sur de nombreuses lieues.
Au sein d'une de ces étendues, que la blafarde lueur des deux lunes éclairait par intermittence, un petit nombre de cavaliers, secrètement issus d'un pont clandestin, tentait de rejoindre les remparts de la cité par le cadran Nord-Est. Ils filaient d'un trot rapide, en rang par deux, s'engouffrant à tour de rôle dans l'obscurité que leur tendaient chênes et peupliers pour réapparaître un peu plus loin, dans la lumière nocturne.
L’escouade était formée de dragons impériaux, cavaliers fiers et disciplinés, et les étoiles du ciel semblaient vouloir accompagner de leurs reflets leurs pâles cuirasses. Au milieu d'eux, tranchant singulièrement avec le port sévère des cavaliers, se tenait un mage courbé, emmitouflé dans une mante blanche. Il chevauchait à la tête, et surveillait sa direction tout en arborant un air suffisant. Il distrayait de temps à autres son attention pour couver du regard une forme enveloppée, allongée et boisée sanglée à l'arrière de sa selle ; puis rassuré par sa présence, souriait et reprenait son exploration.
Ils voyageaient ainsi depuis plusieurs heures, inquiètes et angoissantes, se frayant prudemment un chemin parmi les fondrières des bois. En dépit des premières semonces de la rosée, encore lointaines, une brise hivernale s'employait à les frigorifier, de son souffle mordant. L'automne avait dans sa fuite laissé bien des feuillages aux sol, secs et exsangues, si bien qu'à chaque sabot qui s'abattait, de sonores craquements troublaient avec fracas la quiétude ambiante.
Un rang en deça du magicien, le chevalier dragon Tirian Sergarus scrutait lui les environs d’un oeil passablement anxieux, tout en remuant de bien amères pensées. Ce fieffé enchanteur, cet Irlav Jarol qu'ils étaient censés escorter depuis maintenant deux jours n'avait en effet rien voulu entendre de ses conseils. Il avait eu beau lui expliquer, lentement, que chevaucher des montures fatiguées, de nuit et dans une forêt aussi dense relevait de l'erreur stratégique la plus élémentaire, il n'avait rien voulu savoir.
— Peste, ces fieffés mages seront notre perte ! jura Tirian à voix basse. N’entendent-ils donc rien à la guerre ?
— A peu près autant que des Anciens je crois, lui répondit Flarem son second, d’une voix tellement lasse qu'elle arracha un sourire à son supérieur : ils étaient l'élite de la cavalerie impériale, et avaient déjà protégé tellement de nobles énergumènes qu'un de plus ou de moins ne feraient aucune différence.
Le chevalier reporta finalement son attention sur la route, anticipant anxieusement d'éventuelles branches traîtresses, de peur d'être fauché par les plus basses d'entre elles. Le reste des lanciers suivait, en file ordonnée, observant un mutisme tout militaire. Les troncs paraissaient dresser vers eux leurs membres d'écorce, tendus pour les saisir, tandis que les pieds ferrés de leurs montures résonnaient, encore et toujours, en autant de chocs sourds et alarmants. Une impression diffuse et maladive s’imposait à eux, lentement, comme si la sylve elle même, hostile, les épiait.
Soudain, Irlav poussa un cri, et Tirian interposa aussitôt son cheval devant le sien, se manière à le prémunir de son propre corps contre une éventuelle agression. Cependant, après quelques longues secondes d’intense attente, rien ne vînt.
« Par Talos , quel taon vous a piqué, bougre de mage ?! » l’interpella-t’il, alors que ses hommes reprenaient leur respiration, soulagés. L’enchanteur ne lui répondit pas, comme figé par quelque ténébreux envoûtement, fixant l'objet qu'il transportait : une faible lueur blanche, malsaine, semblait palpiter à l'extrémité du sceptre d'ébène.
Un choc puissant mais assourdi retentit derrière la colonne. Puis un deuxième, plus proche, se propageant à travers le sol en faisant vibrer troncs et feuilles, tout autour d’eux, tel un jet de catapulte. On aurait dit que le tonnerre lui-même se déchaînait non pas au dessus de leurs têtes, mais sous leurs pieds, se faisant plus intense et plus pressant au fur et à mesure qu'il se rapprochait. Le bruit s'amplifia régulièrement, jusqu’à ce qu’il devienne suffisamment clair pour être identifiable :
« Ogre !! » s’écria le dernier des membres de la file.
— Vers la cité ! ordonna, le chevalier. Protégez le mage !
Tirian empoigna les rênes d’Irlav, qui paraissait pétrifié, et ils lancèrent leurs chevaux au galop. Mais, conformément à ses prédictions, leur fuite fut freinée par les inégalités du terrain, tant et si bien que les pas de l’ogre les poursuivaient, de leur grondement sourd et entêtant.
Les pas s’accélèrent soudain, et l’un des hommes du fond poussa un terrifiant hurlement de douleur, alors que lui et son cheval disparaissaient soudainement dans les feuillages, dans un fracas d’armure broyée. Tirian eut à peine le temps de se retourner qu’un deuxième cavalier disparaissait, dans un immonde gargouillis de chair et de sang brusquement écrasés. La végétation se teinta alors d’une sombre et pourpre gelée, tandis qu'une haute masse noire se dessinait juste derrière les autres, confusément aperçue à travers les branches.
C’en fut trop pour Tirian. Confiant d’un geste les rênes d’Irlav à son second, il fit volter son destrier, l’éperonna, et, saisissant sa lance dans un bestial cri de haine, chargea sauvagement. Cheval et cavalier se transformèrent en projectiles mortels alors que la robuste bête gagnait en vitesse, et que feuilles et branchages sifflaient sur son passage. Apercevant la massive silhouette, il propulsa son arme en un jet féroce, qui aurait transpercé jusqu’au plus épais des ogres.
Mais, ce n’était pas un ogre. Le pesant javelot se cassa au tiers, tandis que le chevalier apercevait le reflet d’un métal trop dense pour être vrai : sa monture le percuta, se tuant sur le coup pendant que son maître, rebondissant miséricordieusement sur la chair du cheval, était renvoyé vers l’arrière.
Se relevant avec une héroïque promptitude, son visage se décomposa sous la surprise : face à lui se tenait un être plus haut que trois hommes, intégralement revêtu d’une massive armure d’ébonite, un espadon du même métal dans chacune de ses mains. Or seuls les plus forts des joueurs d'épée pouvaient, de leurs deux bras réunis, empoigner les deux mètres d’acier que formaient l’une de ces armes, dont une seule était réputée capable de trancher un cheval par la longueur. Un tel cauchemar ne pouvait se solder que par une mort rapide. Toutefois, la fuite était hors de question. Son sacrifice procurerait suffisamment de temps à ses hommes pour qu'ils se mettent, eux et leur précieux hôte, en sûreté ; et c'était là tout ce qui comptait.
L'abomination métallique porta le premier coup, croisant ses lames dans une ouverture tellement vaste que le chevalier ne put que rouler au sol pour les éviter, tandis que deux arbres, sectionnés net, manquaient de l'écraser, dans un tonitruant vacarme. Mais Tirian ne connaissait pas le doute, et avait déjà affronté bien d'incroyables créatures : il continua sa roulade jusqu'au dos de la bête, et la frappa derrière le genou, dans le défaut de l'armure, d'une robuste estocade de sa lame.
L'attaque porta, mais ne rencontra nulle chair et nul os, percutant l'intérieur de la genouillère dans un tintement retentissant : l'armure était vide ! Atterré, Tirian assista avec effarement à la destruction de son épée, d'une simple flexion de l'articulation de céramique. Percuté par un revers du volumineux coude, il vola sur plusieurs mètres, achevant sa course au pied d'un chêne, vaincu. Sa défaite devînt totale lorsqu'il aperçut Irlav réapparaître, sans plus de destrier qu'au jour de sa naissance, marchant vers le monstre d'un pas lent voire hanté, une lueur démente dans ses yeux absents.
Derrière la créature éclata un rire féminin, d'une froideur tellement polaire qu'elle glaça le chevalier jusqu'au sang tandis que la monstruosité reprenait sa volcanique démarche. Le soldat se saisit d'Irlav, et tenta de l'entraîner malgré lui à rebrousser chemin, mais ne parvînt qu'à peine à le coucher derrière un chêne centenaire. Cependant, en dépit de l'inefficacité de ses efforts, marche et ricanement s'interrompirent bien vite : entre les deux malheureux et le terrifiant colosse, une droite silhouette venait de jaillir du néant. A sa stature, il devait s'agir d'un homme, peut-être un impérial, bien que la robe d'un bleu profond dont il était revêtu lui dissimule le visage de son ample capuchon. D'étranges motifs semblaient danser sur celle-ci, comme si les astres du ciel y avaient élu domicile.
Le colosse et l'élégante ombre l'accompagnant marquèrent une pause, et le temps parût se figer tandis qu'ils mesuraient leur adversaire du regard. Il en émanait une présence, comme une sourde aura de pouvoir contenu, que Tirian ressentait vaguement au plus profond de lui. Quelques secondes s'écoulèrent, puis le nouveau venu prit une pose négligente, s'accoudant à l'arbre d'un air distrait.
— Auriez vous besoin d'être présentés, très chers ? les nargua-t'il d'une voix enjouée quoique légèrement éraillée, que Tirian estima aux alentours de la soixantaine.
L'effet de l'imprudent sarcasme fut immédiat : la femme vêtue de noir se rua sur lui, dague au poing, à une vitesse surhumaine. En moins de trois secondes, elle avait déjà sabré le vieil homme tellement de fois que le chevalier l'identifia immédiatement en tant que vampire. Cependant, le poignard dont jouait la morte-vivante paraissait traverser sa cible, sans lui infliger plus de dégâts qu'un poisson s'agitant contre l'océan. Brusquement et dans un geste d'une vivacité stupéfiante, le mage se saisit de la lame, l'arrêtant en pleine course de sa seule main : la réalité se tordit au point que Tirian crût qu'elle se déchirait, et une profonde entaille lacéra alors le bras de la revenante, comme si elle s'était mutilée d'elle-même.
— Mes confuses pour votre pourpoint, prompte pimprenelle, ironisa-t'il, alors que le silence se faisait, feignant l'observation attentive du vêtement de cuir de la vampire. Deux ou trois coup d'alène sur la droite, peut-être ?
Il ouvrit alors brutalement son poing devant sa victime, et ce ne fut pas une onde, mais bien une véritable explosion télékinétique qui détonna, plaquant le chevalier et son protégé au sol, tandis que l'être aux longues dents volait sur quelques dizaines de mètres, hors de combat.
Le colosse se décida à son tour, reprenant ses fracassantes enjambées en direction de l'excentrique magicien, lequel se mit à murmurer une suite complexe de psalmodies, uniquement interrompue par le tracé d'étranges motifs mystiques. Il ne paraissait nullement déconcerté par les tressaillements de son environnement, de plus en plus violents sous la puissante charge du géant. Il finit néanmoins par relever les yeux vers celui-ci, et plaqua ses deux mains comme contre un mur invisible : la créature, la masse d'air qu'elle entraînait, la terre qui se soulevait, tout parût s'inverser alors qu'elle était soudain propulsée dans une direction exactement opposée à la sienne.
Le colosse vola vers l'arrière, suivant une trajectoire de plus en plus accidentée au fur et à mesure qu'il percutait d'autres sortilèges, s'activant violement comme de leur propre chef, le renvoyant dans les airs dans une gerbe d'étincelles multicolores.
— Des contingences... murmura alors Irlav Jarol, revenu à lui, d'une voix médusée. Des chaînes de contingences !
Et effectivement, tel un galet adroitement lancé, l'armure animée ricochait de piège en piège, dans une suite de téléportations et d'éclats télékinétiques lui imprimant de brutaux changements de cap. Les deux hommes ressentaient confusément la stupéfiante puissance que le vieux mage dissipait pour maintenir la cohérence de la chaîne magique, jusqu'à son aboutissement : l'enfouissement de sa cible dans une colline lointaine. Un nuage de fumée s'éleva alors du relief géologique, et le calme revint.
Quelques longues secondes s'écoulèrent, et ils s'aperçurent que le vieil homme haletait, comme courbé par une fatigue excessive, contrecoup d'un effort trop grand. Et, alors que l'incommensurable mage faisait volte-face, là où Tirian avaient ressenti comme l'incandescente icône d'un antique pouvoir, ne se tenait plus qu'un vieillard avachi, lassé par les siècles. Ce fut néanmoins sur un ton étonnement léger, qu'il leur parla, de sa voix chaude et rocailleuse :
« Chers amis mortels, je cherche une babiole. Elle serait longue et noire, et ferait de la lumière par intermittence. Des idées ? »
Sa présentation était irrésistiblement cavalière, mais, alors que Tirian allait répondre, il se produisit alors un grondement qui alla en s'amplifiant. La butte dans laquelle avait été enterré le monstre vola soudain en éclats, et, dans un véritable séisme où terre, poussière, roche, plantes et animaux valsaient dans les airs, réapparut la forme du Disciple. Il était indemne.
Le sol trembla à nouveau.
ж ж ж
Pouvoirs Anciens
10 Soufflegivre 3E425, 23h
Par une froide nuit d'automne, les ténèbres paresseuses des cieux nocturnes étendaient leurs ombres sur le pays, recouvrant de leur paisible manteau les forêts encadrant la capitale. La majeure partie de Cyrodiil était en effet restée très sauvage, si bien qu'en dehors des grands axes commerciaux, arbres et bêtes régnaient en maîtres, disputant à la civilisation chaque toise de terre que celle-ci leur concédait, et ce sur de nombreuses lieues.
Au sein d'une de ces étendues, que la blafarde lueur des deux lunes éclairait par intermittence, un petit nombre de cavaliers, secrètement issus d'un pont clandestin, tentait de rejoindre les remparts de la cité par le cadran Nord-Est. Ils filaient d'un trot rapide, en rang par deux, s'engouffrant à tour de rôle dans l'obscurité que leur tendaient chênes et peupliers pour réapparaître un peu plus loin, dans la lumière nocturne.
L’escouade était formée de dragons impériaux, cavaliers fiers et disciplinés, et les étoiles du ciel semblaient vouloir accompagner de leurs reflets leurs pâles cuirasses. Au milieu d'eux, tranchant singulièrement avec le port sévère des cavaliers, se tenait un mage courbé, emmitouflé dans une mante blanche. Il chevauchait à la tête, et surveillait sa direction tout en arborant un air suffisant. Il distrayait de temps à autres son attention pour couver du regard une forme enveloppée, allongée et boisée sanglée à l'arrière de sa selle ; puis rassuré par sa présence, souriait et reprenait son exploration.
Ils voyageaient ainsi depuis plusieurs heures, inquiètes et angoissantes, se frayant prudemment un chemin parmi les fondrières des bois. En dépit des premières semonces de la rosée, encore lointaines, une brise hivernale s'employait à les frigorifier, de son souffle mordant. L'automne avait dans sa fuite laissé bien des feuillages aux sol, secs et exsangues, si bien qu'à chaque sabot qui s'abattait, de sonores craquements troublaient avec fracas la quiétude ambiante.
Un rang en deça du magicien, le chevalier dragon Tirian Sergarus scrutait lui les environs d’un oeil passablement anxieux, tout en remuant de bien amères pensées. Ce fieffé enchanteur, cet Irlav Jarol qu'ils étaient censés escorter depuis maintenant deux jours n'avait en effet rien voulu entendre de ses conseils. Il avait eu beau lui expliquer, lentement, que chevaucher des montures fatiguées, de nuit et dans une forêt aussi dense relevait de l'erreur stratégique la plus élémentaire, il n'avait rien voulu savoir.
— Peste, ces fieffés mages seront notre perte ! jura Tirian à voix basse. N’entendent-ils donc rien à la guerre ?
— A peu près autant que des Anciens je crois, lui répondit Flarem son second, d’une voix tellement lasse qu'elle arracha un sourire à son supérieur : ils étaient l'élite de la cavalerie impériale, et avaient déjà protégé tellement de nobles énergumènes qu'un de plus ou de moins ne feraient aucune différence.
Le chevalier reporta finalement son attention sur la route, anticipant anxieusement d'éventuelles branches traîtresses, de peur d'être fauché par les plus basses d'entre elles. Le reste des lanciers suivait, en file ordonnée, observant un mutisme tout militaire. Les troncs paraissaient dresser vers eux leurs membres d'écorce, tendus pour les saisir, tandis que les pieds ferrés de leurs montures résonnaient, encore et toujours, en autant de chocs sourds et alarmants. Une impression diffuse et maladive s’imposait à eux, lentement, comme si la sylve elle même, hostile, les épiait.
Soudain, Irlav poussa un cri, et Tirian interposa aussitôt son cheval devant le sien, se manière à le prémunir de son propre corps contre une éventuelle agression. Cependant, après quelques longues secondes d’intense attente, rien ne vînt.
« Par Talos , quel taon vous a piqué, bougre de mage ?! » l’interpella-t’il, alors que ses hommes reprenaient leur respiration, soulagés. L’enchanteur ne lui répondit pas, comme figé par quelque ténébreux envoûtement, fixant l'objet qu'il transportait : une faible lueur blanche, malsaine, semblait palpiter à l'extrémité du sceptre d'ébène.
ж ж ж
Un choc puissant mais assourdi retentit derrière la colonne. Puis un deuxième, plus proche, se propageant à travers le sol en faisant vibrer troncs et feuilles, tout autour d’eux, tel un jet de catapulte. On aurait dit que le tonnerre lui-même se déchaînait non pas au dessus de leurs têtes, mais sous leurs pieds, se faisant plus intense et plus pressant au fur et à mesure qu'il se rapprochait. Le bruit s'amplifia régulièrement, jusqu’à ce qu’il devienne suffisamment clair pour être identifiable :
« Ogre !! » s’écria le dernier des membres de la file.
— Vers la cité ! ordonna, le chevalier. Protégez le mage !
Tirian empoigna les rênes d’Irlav, qui paraissait pétrifié, et ils lancèrent leurs chevaux au galop. Mais, conformément à ses prédictions, leur fuite fut freinée par les inégalités du terrain, tant et si bien que les pas de l’ogre les poursuivaient, de leur grondement sourd et entêtant.
Les pas s’accélèrent soudain, et l’un des hommes du fond poussa un terrifiant hurlement de douleur, alors que lui et son cheval disparaissaient soudainement dans les feuillages, dans un fracas d’armure broyée. Tirian eut à peine le temps de se retourner qu’un deuxième cavalier disparaissait, dans un immonde gargouillis de chair et de sang brusquement écrasés. La végétation se teinta alors d’une sombre et pourpre gelée, tandis qu'une haute masse noire se dessinait juste derrière les autres, confusément aperçue à travers les branches.
C’en fut trop pour Tirian. Confiant d’un geste les rênes d’Irlav à son second, il fit volter son destrier, l’éperonna, et, saisissant sa lance dans un bestial cri de haine, chargea sauvagement. Cheval et cavalier se transformèrent en projectiles mortels alors que la robuste bête gagnait en vitesse, et que feuilles et branchages sifflaient sur son passage. Apercevant la massive silhouette, il propulsa son arme en un jet féroce, qui aurait transpercé jusqu’au plus épais des ogres.
Mais, ce n’était pas un ogre. Le pesant javelot se cassa au tiers, tandis que le chevalier apercevait le reflet d’un métal trop dense pour être vrai : sa monture le percuta, se tuant sur le coup pendant que son maître, rebondissant miséricordieusement sur la chair du cheval, était renvoyé vers l’arrière.
Se relevant avec une héroïque promptitude, son visage se décomposa sous la surprise : face à lui se tenait un être plus haut que trois hommes, intégralement revêtu d’une massive armure d’ébonite, un espadon du même métal dans chacune de ses mains. Or seuls les plus forts des joueurs d'épée pouvaient, de leurs deux bras réunis, empoigner les deux mètres d’acier que formaient l’une de ces armes, dont une seule était réputée capable de trancher un cheval par la longueur. Un tel cauchemar ne pouvait se solder que par une mort rapide. Toutefois, la fuite était hors de question. Son sacrifice procurerait suffisamment de temps à ses hommes pour qu'ils se mettent, eux et leur précieux hôte, en sûreté ; et c'était là tout ce qui comptait.
L'abomination métallique porta le premier coup, croisant ses lames dans une ouverture tellement vaste que le chevalier ne put que rouler au sol pour les éviter, tandis que deux arbres, sectionnés net, manquaient de l'écraser, dans un tonitruant vacarme. Mais Tirian ne connaissait pas le doute, et avait déjà affronté bien d'incroyables créatures : il continua sa roulade jusqu'au dos de la bête, et la frappa derrière le genou, dans le défaut de l'armure, d'une robuste estocade de sa lame.
L'attaque porta, mais ne rencontra nulle chair et nul os, percutant l'intérieur de la genouillère dans un tintement retentissant : l'armure était vide ! Atterré, Tirian assista avec effarement à la destruction de son épée, d'une simple flexion de l'articulation de céramique. Percuté par un revers du volumineux coude, il vola sur plusieurs mètres, achevant sa course au pied d'un chêne, vaincu. Sa défaite devînt totale lorsqu'il aperçut Irlav réapparaître, sans plus de destrier qu'au jour de sa naissance, marchant vers le monstre d'un pas lent voire hanté, une lueur démente dans ses yeux absents.
ж ж ж
Derrière la créature éclata un rire féminin, d'une froideur tellement polaire qu'elle glaça le chevalier jusqu'au sang tandis que la monstruosité reprenait sa volcanique démarche. Le soldat se saisit d'Irlav, et tenta de l'entraîner malgré lui à rebrousser chemin, mais ne parvînt qu'à peine à le coucher derrière un chêne centenaire. Cependant, en dépit de l'inefficacité de ses efforts, marche et ricanement s'interrompirent bien vite : entre les deux malheureux et le terrifiant colosse, une droite silhouette venait de jaillir du néant. A sa stature, il devait s'agir d'un homme, peut-être un impérial, bien que la robe d'un bleu profond dont il était revêtu lui dissimule le visage de son ample capuchon. D'étranges motifs semblaient danser sur celle-ci, comme si les astres du ciel y avaient élu domicile.
Le colosse et l'élégante ombre l'accompagnant marquèrent une pause, et le temps parût se figer tandis qu'ils mesuraient leur adversaire du regard. Il en émanait une présence, comme une sourde aura de pouvoir contenu, que Tirian ressentait vaguement au plus profond de lui. Quelques secondes s'écoulèrent, puis le nouveau venu prit une pose négligente, s'accoudant à l'arbre d'un air distrait.
— Auriez vous besoin d'être présentés, très chers ? les nargua-t'il d'une voix enjouée quoique légèrement éraillée, que Tirian estima aux alentours de la soixantaine.
L'effet de l'imprudent sarcasme fut immédiat : la femme vêtue de noir se rua sur lui, dague au poing, à une vitesse surhumaine. En moins de trois secondes, elle avait déjà sabré le vieil homme tellement de fois que le chevalier l'identifia immédiatement en tant que vampire. Cependant, le poignard dont jouait la morte-vivante paraissait traverser sa cible, sans lui infliger plus de dégâts qu'un poisson s'agitant contre l'océan. Brusquement et dans un geste d'une vivacité stupéfiante, le mage se saisit de la lame, l'arrêtant en pleine course de sa seule main : la réalité se tordit au point que Tirian crût qu'elle se déchirait, et une profonde entaille lacéra alors le bras de la revenante, comme si elle s'était mutilée d'elle-même.
— Mes confuses pour votre pourpoint, prompte pimprenelle, ironisa-t'il, alors que le silence se faisait, feignant l'observation attentive du vêtement de cuir de la vampire. Deux ou trois coup d'alène sur la droite, peut-être ?
Il ouvrit alors brutalement son poing devant sa victime, et ce ne fut pas une onde, mais bien une véritable explosion télékinétique qui détonna, plaquant le chevalier et son protégé au sol, tandis que l'être aux longues dents volait sur quelques dizaines de mètres, hors de combat.
Le colosse se décida à son tour, reprenant ses fracassantes enjambées en direction de l'excentrique magicien, lequel se mit à murmurer une suite complexe de psalmodies, uniquement interrompue par le tracé d'étranges motifs mystiques. Il ne paraissait nullement déconcerté par les tressaillements de son environnement, de plus en plus violents sous la puissante charge du géant. Il finit néanmoins par relever les yeux vers celui-ci, et plaqua ses deux mains comme contre un mur invisible : la créature, la masse d'air qu'elle entraînait, la terre qui se soulevait, tout parût s'inverser alors qu'elle était soudain propulsée dans une direction exactement opposée à la sienne.
Le colosse vola vers l'arrière, suivant une trajectoire de plus en plus accidentée au fur et à mesure qu'il percutait d'autres sortilèges, s'activant violement comme de leur propre chef, le renvoyant dans les airs dans une gerbe d'étincelles multicolores.
— Des contingences... murmura alors Irlav Jarol, revenu à lui, d'une voix médusée. Des chaînes de contingences !
Et effectivement, tel un galet adroitement lancé, l'armure animée ricochait de piège en piège, dans une suite de téléportations et d'éclats télékinétiques lui imprimant de brutaux changements de cap. Les deux hommes ressentaient confusément la stupéfiante puissance que le vieux mage dissipait pour maintenir la cohérence de la chaîne magique, jusqu'à son aboutissement : l'enfouissement de sa cible dans une colline lointaine. Un nuage de fumée s'éleva alors du relief géologique, et le calme revint.
Quelques longues secondes s'écoulèrent, et ils s'aperçurent que le vieil homme haletait, comme courbé par une fatigue excessive, contrecoup d'un effort trop grand. Et, alors que l'incommensurable mage faisait volte-face, là où Tirian avaient ressenti comme l'incandescente icône d'un antique pouvoir, ne se tenait plus qu'un vieillard avachi, lassé par les siècles. Ce fut néanmoins sur un ton étonnement léger, qu'il leur parla, de sa voix chaude et rocailleuse :
« Chers amis mortels, je cherche une babiole. Elle serait longue et noire, et ferait de la lumière par intermittence. Des idées ? »
Sa présentation était irrésistiblement cavalière, mais, alors que Tirian allait répondre, il se produisit alors un grondement qui alla en s'amplifiant. La butte dans laquelle avait été enterré le monstre vola soudain en éclats, et, dans un véritable séisme où terre, poussière, roche, plantes et animaux valsaient dans les airs, réapparut la forme du Disciple. Il était indemne.
Le sol trembla à nouveau.
Modifié par Trias, 16 août 2008 - 07:30.