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[H] Le Présent Daedrique

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#1 Ozzymander

Ozzymander

Posté 18 juin 2013 - 19:49

Le Présent Daedrique,

par Ozzymänder


Prologue.


4E 201, jour inconnu, mois inconnu.

La nuit commence à tomber. J’ai à peine eu le temps de trouver une cabane abandonnée que le soleil s’inclinait déjà face à Masser et Secunda. Par chance, il semble que tout soit en état, aussi bien mon paquetage que le mobilier de cette cabane perdue. Son ancien propriétaire devait être des plus maniaques quant au rangement. Tant mieux, cela m’a permis de pouvoir trouver une bougie et de l’allumer. Une bougie seulement, pas de feu. Oh, il y a bien ici ce qu’on pourrait appeler un âtre, mais je ne peux me risquer à l’allumer. Ma présence en ces lieux ne doit pas être découverte. Ils sont là, tout autour, je le sais. Cela fait maintenant trois jours qu’ils passent Haafingar au peigne fin pour me retrouver. Peut-être même que certains rodent près de cette cabane, attendant que la faible lumière de la bougie s’éteigne pour venir me porter le coup de grâce. Quoi qu’il en soit, je ne peux faire autrement, je dois écrire ces lignes, transmettre ce que je sais pour que ceux qui suivront ne commettent pas l’erreur qui va certainement m’être fatale.
Je m’appelle Krinmec, je suis un simple impérial, quand bien même je porte un nom argonien et comme vous l’aurez certainement remarqué, je me trouve dans une bien piètre situation. Je suis là à me cacher, tel un fugitif en cavale.
Je n’ai commis aucun crime. Pourtant, j’en suis réduit à arpenter les forets sombres et la toundra gelée de Bordeciel, à me cacher sans cesse, à chercher de quoi me nourrir. Mais je ne suis pas un Elfe bon sang ! Je ne connais rien à la nature, je ne sais pas comment chasser, comment préparer des plantes pour panser mes blessures. Je ne suis pas fait pour cette vie. Je n’avais auparavant jamais eu à me nourrir par mes propres moyens. Jusque là, les servantes se chargeaient de tout et je ne manquais de rien. Pour autant, je ne suis pas de haute naissance voyez-vous. Avant de rejoindre les divins, ma mère me déposa dans un orphelinat de la cité impériale, en Cyrodiil, où je fus recueilli par une famille véritablement aisée. La vie était paisible. J’aurais peut-être du rester là-bas.
Mais il me fallait changer d’air, découvrir autre chose. Sans être un aventurier dans l’âme, je voulais partir et explorer Tamriel. Les hautes murailles de la cité impériale que j’avais toujours considérées comme un rempart protecteur contre le Mal, étaient peu à peu devenues semblables à des grilles de prison, véritables entraves à la liberté à laquelle je commençais à aspirer. Mes parents adoptifs semblaient se contenter du monde qu’ils connaissaient en lisant des livres. Moi je voulais comparer leur monde des mots à celui des sens. Voir, sentir, toucher, entendre, gouter ce qu’ils n’avaient fait qu’imaginer. Ainsi, par un beau matin de Vifazur, je suis parti. Oh je n’étais pas seul dans ce périple. J’avais avec moi quelques amis ainsi qu’une poignée de mercenaires coloviens que nous avions engagée à Chorrol.
Et deux ans plus tard, me voici seul, à me terrer comme une taupe, pour tenter d’éviter la mort. Ou peut-être autre chose. Ce médecin de Solitude m’avait prévenu d’un mal pire encore que le trépas. Il aurait peut-être pu tenter de me guérir si les autres ne m’avaient pas retrouvé et mis la ville à feu et à sang (ce qui me laissa je dois l’admettre, le temps de m’enfuir).
Je les entends. Des bruits de pas dans la neige. Des murmures dans les ténèbres. Ils m’ont trouvé ! Combien y en a-t-il ? Ils sont tout autour, ils encerclent la cabane. Divins, venez moi en aide !
Je ne rêvais que d’explorer le monde et apparemment, mes voyages m’ont conduit bien trop loin, dans des lieux qu’aucun être vivant ne devrait connaitre.
J’aurais du faire demi-tour, ne jamais chercher à entrer dans ce château. La herse de la porte principale était abaissée, j’aurais du en tenir compte et ne pas chercher à m’aventurer au-delà. Mais il a fallu que ma curiosité l’emporte, qu’elle me fasse faire le tour de l’ile à la nage pour chercher une entrée secrète.
Entrée que j’ai malheureusement fini par trouver. On m’avait pourtant prévenu de ne jamais pénétrer dans ce lieu maudit mais je me suis entêté.
Ma toute jeune soif d’aventure avait pris le pas sur ma raison et m’avait poussé à ma perte, ce jour où j’investis une forteresse que d’aucuns considéraient comme le berceau du Mal :
Volkihar.







Chapitre 1.






« Reylon, on ne devrait pas faire ça ! ».

La voix de Kelly résonnait dans les bois alors que les deux adolescents couraient vers la lisière, Reylon en tête. La nuit venait de tomber et il ne faisait pas bon s’aventurer dans les bois coloviens à cette heure-ci. Ce qui effrayait le plus Kelly n’était pas ce qui pourrait leur arriver mais bien ce qu’ils étaient sur le point de faire.
Une fois sorti de la foret, Reylon marqua une pause, qui permit à Kelly de le rattraper enfin.
-   Reylon, tu m’écoutes ? On n’a pas le droit !
-   Chut ! Accroupis-toi !
Le Khajiit montra l’exemple et bientôt, les deux silhouettes se fondirent complètement dans le buisson. A quelques dizaines de mètres devant eux se dressait le domaine de Clairbois, une vaste propriété seigneuriale gardée disait-on en ville, par des démons.
-   Reylon, tu sais très bien que si mon père nous trouve, on aura de gros ennuis ! Déjà qu’il ne t’a pas spécialement à la bonne…
-   Je n’ai rien à perdre dans ce cas !
-   Mais moi si ! S’il l’apprend, je passerai le reste de l’année enfermée à la maison et toi dans une geôle !
-   Sauf qu’il n’en saura rien et quand nous sortirons de là, on sera assez riches pour fuir cette ville pourrie et vivre la grande vie !
Kelly ne croyait pas ce qu’elle entendait, l’homme chat n’avait pas la voix d’un petit garçon rêveur. Il parlait comme le jeune adulte qu’il était, avec conviction et détermination. Il pensait réellement ce qu’il disait et c’était bien ça qui faisait peur à la jeune Nordique.
Elle tenta une dernière fois de le dissuader : « On dit que le domaine est protégé par des Drémoras, tu le savais ? ».
-   Les Drémoras ne sont pas un problème.
-   On dit aussi que la salle du trésor de Lord Brenton est gardée par une horde de Chaurus !
Le Khajiit se retourna violemment et écarquilla les yeux. Kelly savait qu’elle venait de toucher juste : Reylon souffre depuis l’enfance d’une phobie très violente à l’endroit des crabes venimeux.
-   Tu viens juste de l’inventer ! se ressaisit-il.
Le visage de Kelly perdit soudain toute son assurance tandis qu’elle baissa la tête, ne pouvant s’empêcher de laisser échapper un petit sourire gêné. C’était bien son problème, elle ne savait pas mentir.
Balle au centre, se dit le Khajiit.
-   Reylon…
-   Chut !
L’agacement de son amie n’avait plus l’air d’affecter l’homme chat qui résolut de se concentrer sur leur mission. Il plissa les yeux pour analyser les mouvements autour du porche. Son excellente vision nocturne lui assurait une compréhension parfaite des trajectoires de chaque silhouette qui sortait de la zone éclairée par les torches au dessus de l’entrée pour entrer dans des ténèbres que la nuit aurait dissimulés aux yeux de n’importe quel humain.
« Mais que fais-tu donc ?! » s’enquit sa compagne.
« J’observe la ronde des gardes ! » La voix de Reylon n’aurait pu être plus agacée. « Trente-huit secondes ! » Poursuivit-il.
-   Trente-huit secondes pour faire le tour de la baraque ? Demanda Kelly.
-   Non ! Trente-huit secondes pour passer de la lumière à l’obscurité. Regarde les bien ! Il y a deux gardes qui surveillent le porche et chacun longe le mur d’enceinte pour croiser l’autre devant la porte principale et seule celle-ci est éclairée. Ils mettent pile poil trente-huit secondes pour sortir de cette zone. C’est pendant ce laps de temps qu’on devra entrer.

Le Khajiit se releva et entraina Kelly à sa suite. Ils coururent comme des dératés vers la clairière et stoppèrent net au signal de Reylon, à quelques mètres à peine de la maison. Il agrippa sa compagne par l’épaule et appuya dessus violement pour lui faire signe de se mettre à plat ventre.
Pas très malin, se dit Kelly, on est trop proches des gardes.
Reylon observa encore plus attentivement la ronde et attendit que les gardes soient le plus proche possible de l’entrée, puis il se tourna vers la Nordique et leva trois de ses doigts pour lui signifier le compte à rebours.
Lorsqu’il abaissa son index, ils foncèrent vers la façade transversale. Du coin de l’œil, Reylon observait encore les gardes avant qu’ils ne disparaissent de son champ de vision. Le plan fonctionnait ! Il faisait nuit noire et la lumière du porche empêcha les deux hommes de voir ce qui pouvait se passer au-delà, dans les ténèbres. Soudain, le garde arrivant d’en face plissa les yeux. Reylon se laissa glisser dans une irrégularité du terrain qui le dissimula juste à temps : Les trente-huit secondes s’étaient écoulées.
Il ne s’occupa nullement de savoir s’il avait été repéré mais chercha Kelly des yeux et finit par l’apercevoir à quelques pas de là, accroupie contre le mur adjacent. Cette fois, elle avait été la plus rapide. Il attendit une bonne minute pour que la voie soit libre et fila rejoindre sa compagne.

-   Bon et maintenant ? Demanda Kelly.
-   Maintenant tu me suis ! Il y a une porte dérobée qui devrait nous faire entrer par la cave.
Ils longèrent rapidement le mur pour trouver une trappe de bois au niveau du sol.
-   C’est pas vraiment ce qu’on pourrait appeler une « porte », s’empressa de remarquer la Nordique.
-   Ton sens de l’observation ne cessera jamais de me surprendre Kelly, on peut y aller ?

La cave de Clairbois était certainement le lieu le moins fréquentable du manoir. La puanteur

ambiante due aux tonneaux dont le contenu (quel qu’il fut) avait tourné depuis bien longtemps se mêlait à la forte humidité de l’endroit. Mais le pire restait bien sur les rats. Ces sales bestioles grouillaient sur le plancher à la recherche de nourriture et la présence de nombreuses carcasses de poulets faisandés sur la table du fond laissait à penser que les rongeurs seraient encore là pendant un bon bout de temps.
Reylon s’empressa de sortir un plan de la maison de sa poche intérieure et l’analysa.
« Il est au dernier étage ! » annonça t’il.
Kelly ne dit rien et leva sa tête au dessus de l’épaule du Khajiit pour voir où se situait l’escalier menant au rez-de-chaussée. Puis ils avancèrent vers le fond et montèrent les marches de bois pour arriver devant une petite porte qu’ils ne tardèrent pas à ouvrir.

Ils débouchèrent dans le salon principal et bien que celui-ci fût vide comme si la mort était passée avant eux, ils s’accroupirent avant d’évoluer plus avant. Ils prirent l’escalier central pour rejoindre l’étage supérieur, celui de la bibliothèque. Kelly agrippa alors son compagnon, lui signifiant qu’elle voulait y faire un détour.
-   On n’a pas le temps pour ça ! Rétorqua le Khajiit.
-   Bien sur que si !
-   Tu crois peut-être que je vais te laisser voler dans la bibliothèque de Lord Brenton ???!!
Reylon saisit le bras de Kelly pour la retenir mais elle s’en défit avec une étonnante aisance.
-   Et toi ? Tu es bien parti pour le voler dans sa propre chambre !
-   Ca n’a rien à voir Kelly, cet objet ne lui appartient pas !
-   A toi non plus, alors quitte à commettre un braquage, autant que j’en profite un peu !
Et elle fila vers la bibliothèque.
Ce que craignait le jeune Khajiit n’était pas tant que sa vertueuse amie commette quelque larcin mais plutôt que le silence qui les dissimulait jusqu’à présent ne se rompe et compromette toute leur opération…voire pire.
Bien que le manoir parut vide de la cave au grenier, l’homme-chat savait qu’on ne pouvait s’écrier victoire tant que la bataille n’était pas gagnée.
« Petite idiote ! » grogna le Khajiit, mais la jeune nordique ne l’entendait déjà plus !
Il continua son chemin, la chambre du Lord se trouvait au dernier étage, il n’avait plus qu’un seul escalier à prendre, ce n’était pas le moment de fléchir. Il traversa le petit salon, vide comme toutes les autres pièces puis chercha le dernier escalier. Il mit un bon moment pour le trouver vu que celui-ci était dissimulé par un mur de rideaux cousus d’un symbole que le Khajiit reconnut tout de suite.
« La Rose » se dit-il, écarquillant les yeux, comme en adoration. Il se fraya un passage et grimpa l’escalier. « Plus que quelques mètres ! ».

« Les Rossignols, mythe ou réalité ? ».
Ce n’était pas spécialement le bouquin qu’aurait espéré trouver Kelly sur la table de lecture de Lord Brenton. Il faut bien admettre que ce genre d’ouvrage, connu pour viser un public superstitieux et ignare, faisait contraste avec les étagères remplies de traités philosophiques et théologiques, les chroniques historiques de l’Empire et toute une section consacrée aux études et hypothèses sur Akavir.
Elle fouilla les diverses sections et finit par arrêter son regard sur un des ouvrages relié d’un cuir bordeaux très épais. Ses yeux s’illuminèrent. Elle n’avait aucune véritable idée du style de livre qu’elle aurait aimé voler en particulier mais celui-ci la captiva au point qu’elle s’assit à même le sol pour en commencer la lecture, oubliant Reylon et leur mission.
C’est un bruit soudain qui la fit sortir de sa rêverie. Le bruit familier d’un corps tombant violemment sur le plancher.
« Reylon ! ».
Elle se leva d’un bond et courut au dernier étage, traversa la chambre ouverte de Lord Brenton, poussa une paire de rideaux et découvrit le corps de son ami étendu sur le sol, au pied d’un étrange autel. Elle s’agenouilla auprès de lui pour tenter de le ranimer mais ce fut vain puisqu’il reprit rapidement connaissance.
-   Reylon, que s’est-il passé ?!
Le Khajiit mit un certain temps à retrouver ses esprits puis se leva, sans rien dire et gratifia Kelly d’un regard victorieux.
-   Je l’ai Kelly ! Je l’ai ! Maintenant on peut partir.
La jeune nordique regarda l’objet que son ami tenait du bras droit. Un long bâton épineux orné d’une magnifique rose au sommet. Un sceptre comme il n’en existe aucun autre sur toute la surface de Nirn.
« La Rose Sanghine ! » S’exclama-t-elle.



Chapitre 2.



Haafingar, 26 Sombrétoile, 4E201.

Ankar revint bredouille au camp lorsque la nuit tomba. Il avait passé la moitié de la journée à arpenter la foret et les terres avoisinant Solitude, en vain. Au moins avait-il pu chasser un peu de gibier pour le ramener avec lui. Trois lapins morts étaient ficelés ensemble sur sa ceinture. « C’est au moins ça que les gars auront à manger » se dit-il.
Lorsqu’il s’approcha du feu, tous ses compères levèrent la tête vers lui sauf Khelian qui se leva :
-   Alors, où est l’impérial ?
Ankar détacha le gibier et le lança à l’un de ses compagnons avant de tourner la tête vers Khelian :
-   Avec un peu de chance, il est mort !
-   Tu n’as vraiment rien trouvé ? Même pas une piste ?
-   Rien !
Un soupir général parcourut le groupe.
-   On peut s’asseoir sur la paye alors ! Fit remarquer Khelian. Je vous avais dit qu’on ne pouvait pas se fier à un de ces foutus impériaux !
Ankar s’assit pour se réchauffer et soupira à son tour, laissant ses yeux se perdre dans la danse des flammes.
-   Si tu étais entré par effraction dans un château infesté de vampires, je pense que tu ne serais plus très fiable non plus, finit-il par ajouter.
Khelian fit la sourde oreille. Pour lui, la lâcheté de l’impérial était évidente ! Il se tourna vers le groupe :
-   Je suis sur qu’il savait ce qu’il en était ! Siger, tu étais toujours avec lui à discuter, tu lui en as forcément parlé !
Le jeune Nordique se retourna et écarquilla les yeux :
-   Moi ? Non, je ne savais rien là-dessus !
-   Oh, arrête un peu, t’es un Bordecielien, tu connaissais forcément les légendes locales !
-   Je suis Blancherivois ! Ce qui se dit à Haafingar m’est inconnu !
-   Peuh, vous êtes tous les mêmes ! C’est jamais de votre faute, foutus Nordiques !
Siger aurait bien été tenté de faire rugir l’acier de son épée face à une pareille insulte mais il savait que Khelian aurait l’appui des autres, il se contenta donc de baisser les yeux sans rien dire.
-   Tiens, au lieu de bailler aux corneilles, fais plutôt cuire la bouffe !
Le Blancherivois attrapa les lapins et les dépeça avant de les mettre sur le feu. Ce soir là au moins, ils avaient de quoi se nourrir. Certes la pitance était maigre mais toujours bienvenue. Personne ne parla au cours du repas et tout le monde se coucha relativement tôt ce soir là.
Seul Ankar resta éveillé, incapable de fermer l’œil. Il regardait tournoyer les flammes en se demandant comment ils en étaient arrivés là. Recrutés près de Chorrol, lui et ses hommes faisaient depuis la route avec leur commanditaire, accomplissant quelques besognes pas toujours agréables mais bien rémunérées. Et pour chaque quête accomplie, l’impérial promettait un bonus sur la somme finale car ce qui avait motivé Ankar et ses hommes était bien sur le salaire promis par Krinmec. Ils étaient censés aider l’impérial à retrouver un vieux trésor enfouis dans les tréfonds d’Haafingar et ne pourraient donc être payés qu’à la fin de cette quête. Cela faisait maintenant deux ans qu’ils cherchaient en vain ce trésor, fouillant chaque donjon, chaque tertre de la partie ouest de Bordeciel. Depuis le début de l’opération, Ankar avait perdu six hommes et avait lui-même échappé de peu à la mort une bonne douzaine de fois. Il comprenait donc que le groupe soit tendu, d’autant plus qu’à présent que leur commanditaire était probablement mort, ils n’avaient plus aucun espoir d’être payés.

-   Besoin d’un peu de compagnie, chef ?
Le visage fatigué de Siger interrompit ses pensées.
-   Si tu veux. Pourquoi ne dors-tu pas comme les autres ?
-   Je n’arrive toujours pas à me convaincre que je viens de perdre deux années de ma vie.
Ankar le dévisagea.
-   Et tu serais bien sot de le croire. Chacun d’entre nous a vécu beaucoup de choses depuis que nous avons quitté Cyrodiil. Nous devrions l’accepter et en remercier les divins, pas nous lamenter sur une supposée absence de finalité.
-   Cela ne te dérange pas que tout cela n’ait aucun but ?
-   Tout à un but Siger, même si nous ne le voyons pas.
-   … Même l’incident de Pondragon ?
Ankar baissa les yeux. Pourquoi fallait-il que le jeune Nordique remette ça sur le tapis ? S’il y avait bien un épisode qu’il aurait voulu oublier, c’était celui-ci.
-   Ce qui s’est passé à Pondragon doit nous apprendre que la cupidité peut pousser les hommes aux pires actions. Ca répond à ta question ?
-   … Je suppose que je devrai m’en contenter, soupira Siger. Mais ce qui s’est passé là-bas n’était pas de ton fait, chef.
Ankar posa amèrement sur lui ses yeux noirs :
-   De mon fait ou non, cela s’est produit, n’en parlons plus ! Essaie de dormir maintenant, je vais assurer le tour de garde.
-   Bien.
Siger se rapprocha un peu plus du feu et s’allongea.

Le jeune chef s’en retourna à ses pensées. Il avait toujours apprécié le Nordique. Ce Blancherivois ne parlait pas souvent, comme lui mais était tout aussi futé que les autres. Il possédait cependant une qualité qui faisait défaut à ses compagnons d’aventure et c’était peut-être ça qu’Ankar admirait tant chez lui. Siger se questionnait toujours sur le bien fondé de leurs actions. Ce sens moral lui avait souvent attiré les foudres de Khelian, qui prenait le jeune Nordique pour une lavette. Il s’en référait toujours à leur chef pour le réprimander mais Ankar ne pouvait que louer cette faculté qu’avait le Blancherivois à toujours se poser certaines questions qui échappaient au reste de la troupe. « En voilà un qui ne finira pas complètement cinglé » se dit-il.

Pondragon… Comment pouvait-il se pardonner ce qu’il s’était passé là-bas, comment de simples hommes pouvaient-ils commettre de tels actes ?

Une voix interrompit à nouveau ses errances.
-   Les pensées d’un voyageur sont souvent dangereuses. Vous devriez peut-être vous méfier des vôtres !
Un homme le regardait depuis les bois, à sa gauche. Ankar ne parvenait pas à identifier l’individu, masqué par l’obscurité mais ses yeux brillaient dans le noir. L’étranger se rapprocha et sourit.
-   Vous offrirez bien à un pauvre vagabond la chaleur d’un feu de camp ?
Ankar se déplaça sur sa droite et invita l’homme à s’asseoir. Il était grand, portait un costume multicolore de Noble et frisait certainement la cinquantaine, au vu de ses nombreuses mèches grises. Seule la base de ses cheveux et ceux recouvrant ses tempes avaient gardé leur noirceur d’origine.
-   Quel est votre nom, étranger ?
L’homme s’assit et sortit une bouteille d’hydromel d’un sac qu’Ankar remarqua à peine.
-   Mon nom n’a que peu d’importance. Mais je serais prêt à parier que le votre en à d’avantage, n’est-ce pas ? … Ankar Bras-d’acier.
Surpris, le jeune chef tourna la tête vers l’étranger, incapable de dire un mot.
-   Si vous comptiez me demander comment je vous connais, c’est peine perdue. Mais je comprends votre surprise, il n’y a pas grand monde qui connaisse Ankar Bras-d’acier. En revanche lorsque je parle d’Inghort Bras-d’acier, les langues se délient et les foules s’embrasent.
Ankar se détourna et laissa à nouveau ses yeux errer dans les flammes.
-   Mon père est un héros, tout le monde sait ça.
-   Et… qu’en est-il de vous ?
-   … Je vis dans son ombre, comme je peux.
L’étranger tendit sa bouteille vers son hôte.
-   Savez vous ce qu’il adviendra de cette légende lorsque votre père mourra ?
-   Je suppose qu’elle s’éteindra avec lui…
-   Exact. Et concernant les coloviens ? Que deviendront-ils sans un chef pour les guider ?
-   Ils se trouveront un autre chef ?
-   Encore exact ! Quelle vivacité intellectuelle ! Vous êtes bien plus doué que d’aucuns ne le laisseraient à penser !
-   Si seulement je pouvais vous contredire. Mon père a forgé sa légende sur les champs de bataille. Il a brandit l’épée pour protéger les innocents. Moi, tout ce que j’ai fait, c’est mener une poignée de mercenaires à une mort certaine, loin de chez eux.
-   Ne soyez pas trop sévère avec vous-même mon garçon, vous n’avez pas fait que ça ! Si mes souvenirs sont bons, vous avez également mené la population d’une petite bourgade paisible à l’abattoir.
Ankar leva à nouveau les yeux et chercha le meilleur moyen de se justifier.
-   Je… nous n’avions pas le choix.
L’homme se leva.
-   Mais ce n’était pas vraiment vous de toute façon ? Vous n’étiez pas véritablement présent n’est-ce pas ? C’est donc votre second qui donnait les ordres ?
-   … Je suppose que oui…
-   Vous pouvez donc encore vous rattraper…
L’étranger laissa sa bouteille d’hydromel devant le feu et tourna les talons.
Ankar se leva et lui emboita le pas :
-   Attendez ! Comment savez-vous que… ?
L’homme se retourna. Il resta fixe pendant un moment dévisageant son interlocuteur puis, l’air pensif, esquissa un sourire.
-   J’ai une idée. Et si nous jouions à un petit jeu, rien que vous et moi ?
La proposition surprit le jeune Bréton, qui plissa les yeux : « Que voulez-vous dire ? ».
-   Vous voudriez écrire votre propre légende ? Je vous en offrirai les moyens. Mais d’abord, il faudra me prouver votre loyauté. Si vous y parvenez, il y a une grotte au nord-est d’ici, j’y ai installé mon camp.
-   … Comment ?
L’homme sourit : « Un homme prêt à endosser les crimes d’un autre peut-il vraiment devenir une légende ? Ou doit-il incomber à l’autre les siens pour que l’Histoire puisse lui rendre hommage ? ».

Sur ces mots, l’étranger partit, laissant le jeune Bréton à ses pensées. Il s’assit et renvoya ses yeux observer la ronde des flammes.
Inévitablement, Pondragon lui revint en tête. L’étranger avait-il raison ? Il n’était pas en état de donner les ordres, à l’article de la mort, adossé contre un puits. Seul Khelian le pouvait. Mais pourquoi avait-il toujours cru avoir été à l’origine de ces commandements ? Si l’étranger ne lui avait pas fait comprendre qu’il lui était impossible de le faire, Ankar penserait toujours qu’il avait personnellement ordonné le massacre. Et pourquoi Khelian lui avait-il si souvent reproché d’avoir donné ces ordres ? Jouait-il avec le peu de souvenirs qu’Ankar gardait de ce moment ? Essayait-il de le tromper ? Son second, un véritable frère d’armes, Bréton comme lui, n’était-il en fait qu’une vulgaire graine de mutin ? Khelian essaya-t-il de se blanchir pour pouvoir se faire un nom qui ne soit pas entaché du sang de centaines d’innocents ? Il entendit alors la voix de l’étranger résonner dans sa tête « un homme doit-il incomber aux autres la responsabilité de ses crimes pour que l’Histoire puisse lui rendre hommage ? ».

Ses yeux s’assombrirent, il regarda les autres dormir. Se pouvait-il que la compagnie de cette bande de bourrins puisse avoir raison de sa réputation ? Son regard se posa sur Khelian.
Ce traitre !
Ankar se leva, vida la bouteille d’hydromel d’une traite puis tira un couteau de sa ceinture. Combien de temps devait-il encore attendre pour s’apercevoir que son « frère » n’était qu’une entrave à sa gloire et bien pire, un sale traitre ? Combien de temps avait-il perdu à se coltiner cette bande de brutes sanguinaires ? Comment pouvait-il espérer être digne de la légende de son père ? Comment pouvait-il espérer pouvoir forger la sienne ?

Comme pour apporter une réponse claire à toutes ces questions, il plaqua sa main contre la bouche de Khelian et lui planta son couteau dans le cœur. Le Bréton ouvrit les yeux en hurlant mais sa voix ne put aller guère plus loin que la main d’Ankar. Celui-ci fronça les sourcils en voyant les yeux du traitre et fit tournoyer la lame jusqu’à couper les veines et artères avoisinantes. Il se saisit du cœur du Bréton et l’arracha d’un seul coup pour se relever et contempler son second en train de mourir. Ankar sourit à la vue du sang giclant abondamment de son gilet et de sa bouche.

Il regarda sa main droite, maculée elle aussi, portant le cœur de son ennemi et eut un ricanement presque imperceptible, puis il se retourna vers les autres qui dormaient encore. Ses yeux s’illuminèrent d’une lueur malsaine. « Aucun n’en réchappera ».
Pour chaque homme, femme ou enfant tué à Pondragon, ces sales bouchers souffriront l’enfer, sans même pouvoir crier.

L’aube se leva bientôt sur un camp désolé. Rapidement, l’odeur du sang fut remplacée par les odieuses senteurs de pisse et de merde des cadavres dont les sphincters étaient en train de se vider.
« Tant mieux » se dit Ankar, les rats auront tôt fait de bouffer cette racaille ! Il mit les cœurs arrachés de ses ex-compagnons dans un sac et partit en direction du nord-est.

Il ne mit que quelques dizaines de minutes à trouver la grotte de l’étranger, de laquelle sortait une fine couche de fumée. Le Bréton entra dans la caverne et se présenta à deux gardes gigantesques en armure. Ceux-ci le reniflèrent puis le laissèrent continuer son chemin jusqu’à un autel éclairé par de nombreuses torches, au sommet duquel trônait un gigantesque totem représentant trois têtes d’humeur différente. L’homme était là, de dos. Ankar s’avança puis jeta le sac à ses pieds.

L’étranger ricana haut et fort avant de se retourner.
-   Je ne pense pas avoir besoin d’examiner le contenu, n’est-ce pas ?
-   … En effet.
Le visage d’Ankar était sévère comme il ne l’avait jamais été avant les récents événements. Il savait que quelque chose en lui était changé mais il ne souhaitait pas lutter. Cela lui convenait bien comme c’était.
L’homme mit la main dans le sac et en retira un cœur.
-   Oh, il y a même celui du jeune Siger, quelle délicate attention. Vraiment Ankar, vous me flattez.
Le Bréton s’inclina respectueusement.
-   Eh bien, je suis ravi de voir que nous avons notre héros ! Venez, avancez-vous, n’ayez pas peur.
-   Je n’ai pas peur, répondit Ankar.
-   Tant mieux, vous avez non seulement gagné mais en plus, votre zèle vous a assuré de faire un score plus que suffisant pour vous hisser en haut du classement des mes « héros ». C’était brillant, vraiment !
Ankar dévisagea son hôte et resta silencieux quelques instants pour lui demander enfin :
-   Je ne connais toujours pas votre nom, étranger.
L’homme le regarda avec étonnement.
-   Alors… Vous gambergez tellement que vous n’êtes pas fichu de savoir regarder autour de vous ? Oh je vous en prie, ne commencez pas déjà à me décevoir, moi qui me faisais une joie de travailler avec vous !
Le Bréton regarda alors plus attentivement le totem et fouilla dans sa mémoire. Au bout d’un instant, il écarquilla les yeux et son expression, sévère jusque là fit place à un mélange d’admiration et de peur.
« Vous êtes Shéogorath ! ».
-   Ah, voilà qui est mieux ! Honnêtement, il ne faut pas me faire des coups comme ça mon garçon. Pendant un moment, j’ai eu peur que tu ne fasses plus l’affaire. J’aurais vraiment détesté devoir t’éviscérer comme tous tes prédécesseurs.
Ankar ne dit mot, incapable de savoir si une quelconque réponse pourrait à nouveau faire rire le Dieu-fou ou lui garantir une mort atroce… ou les deux.
-   Raah, allez, fais pas cette tête mon gars, allons festoyer, on a un tas de trucs à se dire !

Modifié par Ozzymander, 25 novembre 2013 - 08:25.






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