Sans doute faut-il se présenter quelque part, je n'ai pas trouvé la partie correspondante, si c'est le cas je le ferai sans souci d'ici peu.
Je voulais avoir vos avis sur une petite histoire que j'ai commencé à écrire, donc n'hésitez pas
PROLOGUE : CRIME D'HONNEUR A BRUMA
L'agitation qui régnait sur la place centrale avait disparue, l'arrivée de la nuit ayant renvoyée chez eux marchands et habitants. Une épaisse fumée blanchâtre s'élevait des larges foyers, situés à toutes les intersections de chemins, permettant à la population de résister aux tempêtes de neige et aux vents glaciaux qui, sans cesse, balayaient les allées. Alors que la lune continuait son ascension, une obscurité pesante enveloppa la cité, agressée par les hauts candélabres de la taverne, qui éclairaient faiblement les chemins alentours. A l'intérieur, les humains se pressaient autour du comptoir. L'épaisse tablette en frêne supportait à elle seule une quantité de bière qui aurait rassasiée un régiment de nordiques. A moitié ivres, les plus costauds braillaient des refrains paillards, tandis que les autres, ayant succombé devant les effets de l'alcool, s'étaient lamentablement affalés sur des chaises en paille, disposées ça et là au milieu de la pièce.
Délaissant la fenêtre à partir de laquelle il observait cette beuverie, Thorketil se décida à entrer, et se rapprocha de la porte. Au-dessus de celle-ci, une bannière représentait un aigle sur un fond doré, symbole de la ville. D'un pas assuré, il poussa la lourde porte. Une multitude d'odeurs se confrontèrent à lui, dont celle de l'urine et de la transpiration, qu'il peina à supporter. Grâce à la lumière dégagée par bougies et flambeaux, il croisa le regard de ce qu'il était venu chercher. Le rougegarde ne baissa pas les yeux, malgré que le jeune homme avançait vers lui d'un pas déterminé, enjambant les corps inertes des soiffards. Le toisant du regard, il s'assit lourdement sur la chaise, face à lui, et s'appropria sans ménagement la haute meule de fromage qui se dressait entre eux, s'en découpant une portion plus que suffisante. Sans le quitter des yeux, il engloutit sa trouvaille, et se décida enfin à lui adresser la parole :
«_ Je déteste ces endroits, lâcha froidement le jeune homme. Ces hommes ne sont pas dignes de la protection de Talos !
_ Cela me navre, mais la plupart de tes compères ne sont bons qu'à boire, nordique, souria le rougegarde. Regardez-moi ça, de braves commerçants lorsque le soleil brille, mais noyés dans l'alcool quand vient la nuit...
_ Isleif, c'est bien cela ?
_ En personne. A qui ai-je l'honneur ?
_ Aucune importance. Ce qui est important, c'est ce que j'ai à vous dire, souffla-t-il d'un air mystérieux. Suivez-moi, ordonna le nordique.
Le rougegarde se leva lentement, imperturbable. Son épaisse cuirasse en acier recouvrait la totalité de son abdomen, et l'épée qu'il portait, dont on ne voyait que le pommeau d'argent orné d'un grenat, lui donnait fière allure. Ils descendirent le long d'un escalier en colimaçon, dont les marches, abimées par le temps, laissaient échapper un craquement sec. Arrivé à l'étage inférieur, Thorketil conduisit l'individu à travers plusieurs couloirs, débouchant finalement devant une petite chambre. La porte entrebâillée leur permit de distinguer, malgré le faible éclairage produit par une unique bougie posée sur une commode, un matelas miteux, sur lequel était disposée une peau de chèvre, qui servait certainement de couverture. Les deux hommes entrèrent, puis le nordique referma la porte. Il se retourna vivement et asséna au rougegarde un coup au visage d'une violence telle qu'il tomba à la renverse. Ne lui laissant aucun répit, le nordique se précipita sur lui et le rua de coups, tandis que du sang se répandait rapidement sur le parquet usé. Ayant largement pris l'avantage sur son adversaire, il dégaina une dague qu'il plaça sous sa gorge.
_ Tu sais sans doute qui je suis et pourquoi je suis là, dit-t-il.
Attendant une réponse qui ne vint pas, il continua :
_ J'imagine que oui. Tu n'es pas mon objectif, Isleif.
Thorketil marqua une courte pause, laissant à son interlocuteur le temps de reprendre son souffle.
_ Je souhaite juste savoir combien vous êtes, et ce à quoi je dois m'attendre, tu comprends ? reprit-il d'une voix douce.
Le silence glacial qui s'abattit de nouveau vrilla les nerfs du jeune homme, qui frappa de nouveau son adversaire. Sa chevalière en or massif, désormais couleur vermeil, posait sa marque sur le visage du supplicié.
_ Donnes moi la clé du manoir, dis moi combien de gardes êtes-vous à protéger ce porc, et je te laisserai la vie sauve, demanda-t-il, de nouveau calme et serein.
_ Je suis un homme mort, si je te donne de telles informations...
_ Penses-tu que ton cas diffère, si tu ne me les donnes pas ?
_ Nous sommes trois... Mais je n'ai pas la clé !
_ Où est-elle ?
_ Comment le saurai-je ? Le Comte n'a délivré qu'un seul double de sa clé personnelle, mais il ne me l'a pas confié, répondit le rougegarde qui faiblissait peu à peu.
_ Dans ce cas, tu ne m'es plus d'aucune utilité, Isleif.»
A ces mots, le jeune homme lui trancha la gorge d'un geste vif, et, sur un long gargouillis, un geyser de sang jaillit sur le sol. Suspicieux, Thorketil fouilla le corps du général de la garde rapprochée du Comte, et récupéra la clé du manoir, qu'il avait soigneusement dissimulé dans sa bourse en peau. «Pauvre idiot», se dit-il à lui-même. Il sortit rapidement de la pièce, et traversa les couloirs dans le sens inverse. Il remonta les marches deux à deux, n'ayant aucune envie de s'éterniser dans cette taverne. Dans la pièce principale, seul un homme tenait sur ses jambes. Thorketil ne demanda pas son reste et sortit de la taverne, frappé par le froid et le vent, qui s'engouffra immédiatement sous son vêtement. Il avait l'habitude de la neige et du froid, lui qui avait longtemps vécu ici, à Bruma, et qui avait même arpenté les terres de Bordeciel, mais, en cette période hivernale, il était impossible de rester insensible au climat polaire de la ville.
*
De nouveau seul dans la nuit, il s'avança à travers les chemins, s'éloignant du centre de la cité. Il marchait d'un pas mal assuré vers l'ouest, ses bottes en acier martelant les pavés gelées et produisant un cliquetis métallique peu discret. Le sentier, bordé de part et d'autre de petites chaumières, était si étroit que trois hommes de front ne pouvaient se déplacer sans se gêner. De hautes givreboises délimitaient le sentier, agrémentées de quelques lys des cimes. Le jeune homme progressa rapidement et bientôt, il se trouva face à un énorme portail en fer forgé qui lui barrait la route. Surprenante de détail, la poignée colorée à l'or fin représentait un dragon. La porte entière était sculptée et décrivait la bataille de Sancre Tor, durant laquelle Tiber Septim avait été reconnu par les Nordiques comme étant le fils de Bordeciel. A sa vision, Thorketil murmura une prière à Talos, et saisit la poignée qui, comme il s'en doutait, était verrouillée. Il sortit la clé qu'il avait récupéré sur Isleif et tenta de l'insérer dans le verrou mais, voyant qu'elle ne correspondait pas, il ouvrit sa bourse et contempla les deux seuls crochets qui lui restaient. Il s'en saisit et enfonça le premier au centre du verrou, tandis qu'il glissait le second légèrement plus haut. Il le fit tourner jusqu'à entendre un léger cliquetis, trahissant la faible sécurité de ce verrou. Il força légèrement et fit basculer les deux crochets vers la droite. Satisfait, il ouvrit le portail et s'engouffra dans la cour du Comte.
Face à lui se dressait un énorme escalier en marbre blanc, qui grimpait le long d'une majestueuse rampe en bois d'if sculpté, parfait mélange de pureté et de beauté qui inspirait le respect. De longues allées de cotons sauvage bordaient le chemin qui menait à cet escalier, ainsi que quelques lys des cimes qui, de part leur couleur, apportaient une touche de gaieté et de bien-être. Thorketil s'engagea, et, malgré tous les sentiments qui bataillaient au plus profond de son être, il s'émerveilla devant ce décor féerique. Gravissant lentement les marches, il vérifia que sa dague coulissait bien dans son fourreau, et serra si fort la garde de son arme que les hiéroglyphes gravés sur celle-ci s'ancrèrent dans sa paume, tandis que ses phalanges blanchissaient. Arrivé sur le palier, il était désormais face à une double porte d'un noir profond. La poignée, en pierre de lune, projetait alentour ses doux reflets bleuâtres. Inspirant un grand coup, le nordique saisit une seconde fois la clé du manoir et y pénétra. A l'intérieur, quelques bougies parfumées combattaient férocement l'obscurité, et les odeurs de lavande se mêlaient aux douces senteurs qui provenaient de la cuisine. Ne souhaitant pas s'attarder, Thorketil s'aventura à travers le dédale de couloirs, ne se fiant qu'à son instinct.
Alors qu'il n'avait effectué que quelques mètres, le parquet craqua non loin de lui. Dans un sursaut, le nordique ouvrit une porte à la volée, et, repoussant la porte, attendit silencieusement. Le garde, qui faisait sa ronde, s'engagea dans le couloir. Retenant son souffle, le nordique transpirait à grosses gouttes. Lorsque le mercenaire eut passé la porte, le jeune homme sortit de sa cachette et tira sa dague hors de son fourreau. Alors qu'il se rapprochait silencieusement de son adversaire, le parquet émit un nouveau grincement. Le garde se retourna aussitôt et dégaina sa lame dans la même seconde, puis engagea le combat avec son adversaire à travers la pénombre. Désavantagé par la courte portée de sa dague, Thorkektil fut rapidement submergé par les coups rapides que lui portaient son adversaire. Les repoussant tant bien que mal, le jeune homme continuait à reculer et faillit trébucher sur une latte de bois légèrement surélevée. Se rattrapant comme il le pût, il ne sut empêcher son adversaire de lui porter un coup au niveau des côtes et, bien qu'il ricocha sur son épaisse armure de cuir, il lui déclencha une violente douleur qui lui fit lâcher son arme. Le nordique, impuissant, se replia vers la chambre dans laquelle il s'était camouflé, mais le garde ne le laissa pas filer. Celui-ci repassa d'ailleurs à l'assaut et asséna un coup violent avec sa lame, que Thorketil peinât à esquiver. Ayant repéré sa seule chance de vaincre, le jeune homme continua de reculer jusqu'à une latte de bois presque totalement décrochée du sol. Alors que le mercenaire se rapprochait de lui, il saisit le morceau de parquet et frappa son adversaire au genou, qui grogna de surprise. Le nordique se releva rapidement après un ultime effort et abattit son gourdin improvisé sur la nuque de son ennemi, qui s'écroula au sol dans un grand râle.
**
Il prit quelques instants pour reprendre son souffle, palpant ses propres côtes afin de vérifier qu'aucune d'entre elle ne se soit fêlée sous le coup porté par le garde, qui gisait désormais à ses pieds. Talos le protège, sa douleur n'était que superficielle. Il fouilla brièvement le défunt et l'en délesta des quelques septims qui garnissaient son escarcelle, puis il sortit de la pièce. A nouveau dans le couloir, il récupéra sa lame et referma la porte de la chambre, avant de reprendre sa lente ascension à travers le manoir. L'épais tapis de velours, de couleur émeraude, absorbait les bruits de ses pas. L'odeur de lavande qui embaumait la maison devenait de plus en plus forte au fur et à mesure qu'il s'enfonçait dans la demeure. Autour de lui, la plupart des bougies s'étaient éteintes, l'obligeant à avancer à tâtons. Thorketil n'était plus loin, et il continuait à progresser. Au bout du couloir se dressait une énième porte, sous laquelle s'étendait la lumière qui provenait de l'intérieur. La fatigue avait peu à peu envahi son corps, et, malgré qu'une nouvelle confrontation ne l'effrayait pas, il savait que ses capacités physiques étaient amoindries. Après avoir vérifié une nouvelle fois que sa dague coulissait bien dans son fourreau, il saisit délicatement la poignée et poussa la porte de quelques pouces. Des bruits de mastication lui parvinrent, et, poussant un peu plus la porte, il découvrit le dernier garde. Celui-ci, affamé, était bien trop occupé pour remarquer la présence du jeune homme. Celui-ci en profita pour se faufiler discrètement à travers la pièce, et en sortit aussi vite qu'il y était entré, par la porte du fond.
Le nordique soupira de soulagement, et se retourna lentement. Après avoir jeté un bref coup d'oeil alentour, il comprit son erreur. Imprudent, il avait pénétré dans la chambre du Comte, lui qui souhaitait uniquement fuir la salle à manger. Un couteau se planta dans cette porte, à quelques pouces de sa tête. Il se retrouvait maintenant coincé entre le mercenaire et le Comte lui-même, qui avait déjà dégainé son épée en hurlant, avertissant son chien de garde, qui ne tarda pas à entrer dans la pièce. Thorketil bondit sur le côté, prenant ses distances. Le garde du corps le suivit de près et saisit sa hache d'armes, dont le double tranchant, qui brillait sous la lueur brillante des quelques chandelles présentes, aurait fendu un lingot d'ébonite. Il frappa le nordique, qui esquiva l'attaque d'une roulade. Bien plus vif avec sa petite lame, il épuisa son adversaire en lui assénant une volée de coups de dague. Submergé, le mercenaire recula, et, dos au mur, il tenta une ultime attaque. Il souleva son arme de guerre au dessus de sa tête, mais Thorketil en profita pour le frapper à la cuisse. La lame déchira chair et tendons, perforant même l'artère fémorale, d'où jaillit un flot de sang qui éclaboussa les murs. Le fluide vital s'échappait de sa jambe et souillait le sol, lequel s'imprégnait de la couleur cramoisie du sang. Le garde hurla de douleur et s'écroula sur le sol dans un bruit sourd. Le jeune homme se retourna rapidement, et fixa le Comte Horatius qui le toisait.
«_ Tu n'aurais jamais dû revenir, Thorketil. Tu as déjà eu de la chance de pouvoir t'échapper, il y a quelques années. Tu n'auras sans doute pas la même aujourd'hui, déclara le Comte de Bruma d'une voix glaciale.
_ Tu sais très bien pourquoi je suis là, Horatius. Il y a quatorze ans, presque jour pour jour, tu te tenais devant la porte de ce manoir. Corrompu par les trafiquants Khajiits, qui ont étendu leur trafic de skooma à travers tout Cyrodiil, tu as condamné à mort ma famille contre une bourse bien garnie ! J'avais onze ans ce jour là, et j'aurai été pendu comme mes frères et mes soeurs, si je n'avais pas pu m'échapper ! J'ai fais le serment, sur mon honneur, de revenir venger les miens !
_ Je n'avais pas le choix, et tu le sais très bien. Les Khajiits avaient la bénédiction de l'Empereur lui-même, je ne pouvais pas m'y opposer ! se défendit l'impérial.
_ Tu avais le choix, Horatius ! hurla le nordique. Il y a toujours le choix ! Mais ta soif de pouvoir t'as poussé à agir ! Tu as toujours voulu gouverner, et peu importe les conditions nécéssaires pour y arriver ! Tu ne diriges rien, tu ne fais qu'appliquer les ordres donnés par ces trafiquants ! Est-ce dont cela, pour toi, la vision du pouvoir et de la justice ? Condamner à mort des innocents contre de belles sommes ? Faire valoir la parole de simples trafiquants ? Suivre aveuglément les ordres d'un Empereur corrompu !?
Thorketil, fou de rage, serra plus fort le manche de sa dague, tandis que le garde, toujours au sol, gémissait encore, alors qu'il se vidait peu à peu de son sang.
_ Je n'avais pas le choix... chuchota le Comte, tentant de se persuader lui-même.
Le nordique s'approcha lentement d'Horatius, les yeux bouillants de rage. Un aura de haine l'entourait, tandis que l'impérial reculait lentement jusqu'à son bureau.
_ Cela fait quatorze ans que j'attends ce jour avec impatience... souffla le jeune homme.»
L'impérial, désespéré, redressa son épée. Thorketil, impassible, frappa son adversaire au poignet, qui se détacha du reste du corps et retomba sur le sol. Dans un cri, le Comte implora la pitié du nordique. Malheureusement pour lui, les profondes cicatrices qui étaient gravées au fond de son coeur ne s'étaient jamais refermées, et, ce soir plus que tout autre, il voulait en finir. Un éclair s'écrasa proche du manoir dans un grand fracas, éclairant la pièce d'une lumière blanche. Il leva sa dague et la planta dans la poitrine du Comte Horatius, qui le fixait, les yeux écarquillés. La pluie qui tombait au dehors s'abattaient sur les fenêtres tout comme les larmes de Thorketil coulait le long de ses joues. Pour la première fois de sa vie, le fardeau qui pesait sur ses épaules avait disparu.
***
Toute notion de temps lui sembla alors abstraite, et il ne parvenait pas, malgré toute sa volonté, à retenir l'ensemble des sentiments qui déferlaient dans son cerveau. Il resta là, à observer la pièce sans la percevoir réellement, comme un jeune aveugle cherchant désespérement à distinguer les détails qui l'entourent et qui lui échappent inévitablement. La cadence des gouttes qui martelaient les épaisses vitres de la fenêtres rythmait ses pensées, alors que le temps lui-même avait abandonné cette tâche qui lui est propre. Les seules images qui défilaient dans sa tête faisaient appel à ses plus profonds souvenirs. Il se voyait, encapuchonné, tremblant de froid et de peur, dissimulé par la foule qui s'était massé autour de la place marchande. Des cris d'indignation s'élevaient de la cohue, couvrant les pleurs et les gémissements des condamnés. De gros flocons de neige s'abattaient sur le sol, masquant partiellement le champ de vision du jeune garçon. Il distinguait malgré tout ses deux parents, son frère aîné et sa petite soeur, qui pleurait sans même pouvoir imaginer le sort qui leur était réservé. Elle était si jeune qu'elle n'avait toujours pas perdu ses dents de lait. Cette scène s'était déroulée quatorze ans plus tôt, mais aucun détail n'échappait à sa mémoire. Ces soudards avaient d'abord envoyés sa jeune soeur à la mort, empoignant ses cheveux blonds et la forçant à s'agenouiller, la tête posée sur le billot. L'estrade improvisée, qui était en réalité une simple superposition de planches de frênes, était désormais une exposition de souffrance et de désespoir. Le bourreau, dont le visage était masqué par un linge aussi noir que la mort, avait levé son énorme hache rouillée au dessus de sa tête. Le vent s'était levé et s'engouffrait sous la tunique de Thorketil qui frémissait. Un flocon plus gros que les autres tomba sur le nez de sa soeur et fondit rapidement, les gouttes se mêlant aux larmes qui coulaient le long de ses joues. De toutes ses forces, le bourreau abattit son arme sur le cou de la jeune fille avec une force impressionnante, détachant sa tête de son corps. Choqués par cet acte, quelques hommes s'écartèrent et vomirent de dégoût. Son frère subit le même châtiment, tandis que ses deux parents étaient forcés à observer la scène. La joue collée au billot, il ne pouvait regarder que le panier dans lequel reposerait sa tête, alors qu'il gémissait de terreur en croisant le regard vide de sa soeur défunte. Après que le bourreau ait exécuté les deux enfants, ce fut le mari qui s'avança et qui subit le même sort. Le manteau de neige était désormais souillé par le sang, que le sol refusait d'ingérer et qui restait en surface. Sa mère s'avança alors, et, alors que le bourreau levait sa hache, elle croisa son regard. Ses yeux bleus, qui avaient perdu leur éclat devant tant de violence, scintillèrent à nouveau. Après un baiser silencieux, transmis par ce long regard voilé de larmes, la hache s'abattit, remplissant le panier d'une quatrième tête.
Le jeune homme reprit peu à peu ses esprits, ses muscles endoloris lui suppliant quelques heures de repos. Une pointe gênait toujours sa respiration à l'endroit où le garde l'avait frappé un peu plus tôt, et ses jambes engourdies lui rappelaient à quel point le voyage qu'il avait entreprit, il y a de cela quelques jours, l'avait vidé de ses forces. Quelques vertiges le prirent, tandis que son estomac sembla lui aussi se réveiller, manifestant son appétit vorace, sans doute lié au fait qu'il n'avait pas mangé depuis presque deux jours. Malgré toutes ces douleurs, il sentait au fond de lui qu'une partie de sa vie avait prit fin avec la mort du Comte. Alors que son corps était gangrené par la douleur, il sourit de satisfaction : il avait rempli le contrat qu'il avait entretenu avec sa mère, lors de ce long regard qu'ils avaient échangé, quelques années plus tôt. Fort de cette délivrance, Thorketil sortit de la chambre et retraversa le manoir. Il se retrouva rapidement devant la porte d'entrée, et, sans un regard en arrière, sortit de la demeure du Comte.
La pluie tomba avec douceur sur son visage et le vent s'engouffra dans ses cheveux, alors qu'il se dépêchait de rejoindre le sentier. Il prit alors la route du nord, dans le but de rejoindre les contrées polaires de Bordeciel. Il traversa la place publique, sur laquelle les marchands reprenaient leurs activités. Thorketil ne leur accorda pas le moindre regard, et continua sa route à travers les habitations qui bordaient le chemin. Le grand foyer public, au milieu de la route, brûlait encore, et quelques villageois s'étaient regroupés autour de lui pour discuter de potins en tous genres, profitant au passage de la chaleur dispensée par les flammes. Contournant l'obstacle, le nordique s'arrêta devant une boutique, dont un écriteau, au-dessus de la porte, indiquait une épicerie. Ecoutant son estomac, il pénétra dans l'échoppe. Les odeurs suspendues dans les airs ne firent rien pour soulager son appétit, et il s'adressa rapidement au vendeur, à qui il acheta une bouteille de vin Tamika, boisson très prisée par les bourgeois et les nobles. Il prit également une miche de pain et de la viande de boeuf séchée, ainsi qu'un havresac. Il se servit des septims qu'il avait récupéré sur le cadavre du garde. Il ressortit sans demander son reste, après avoir emballé son trésor et enfilé son sac de voyage. Il avait encore une longue marche à faire.
****
La nuit tombait lentement sur Cyrodiil, dévorant rapidement les rayons du soleil, laissant place à une obscurité de plus en plus franche et oppressante. Le jeune homme tombait de fatigue et tremblait de froid. Ses pieds lui avaient fait un mal de chien, mais il ne les sentait presque plus, anesthésiés par la neige qui s'était infiltrée dans ses chaussures. Malgré tout, sa progression était impressionnante et il arrivait bientôt à la frontière. Sa fatigue l'emporta et il fut contraint de s'arrêter, se laissant tomber sur le sol avec fracas. Son estomac couinait toujours, malgré qu'il eut englouti la moitié de ses provisions. Le vent se levait à nouveau et le froid, immuable, le transperçait jusqu'aux os. Malgré le sol rocailleux, il parvint à s'endormir, emmitouflé dans ses vêtements de fortune, et sombra dans un sommeil profond.
Celui-ci ne dura pas longtemps, et il fut réveillé par des hennissements et des hurlements avoisinants. De la fumée atteignit sa couche improvisée, et il se leva brusquement, remettant sur son dos son sac de voyage. Prudent mais curieux, il s'avança vers la plaine, en contrebas, d'où semblait venir tout ce raffut, restant à couvert derrière les épais genévriers qui avaient colonisés la région. Il réussit à trouver une cachette d'où il put observer, avec surprise, ce qui l'avait réveillé. Plus loin, une vingtaine d'hommes encerclaient un petit groupe de Nordiques, qui avaient dégainé leurs armes. Ils étaient organisés en cercles concentriques autour d'un homme, qui devait être leur chef.
«_ Posez vos armes, mes amis. Nous avons perdus, cette fois-ci, déclara une voix grave et profonde.
A ces mots, il entendit le bruit de l'acier qui tombait au sol. Les Impériaux n'hésitèrent pas la moindre seconde et enchaînèrent rapidement les vaincus. Alors que tous s'activaient et que certains déjà étaient montés de force dans des carrioles, il parvint à voir le Nordique qui avait donné l'ordre de se rendre. Ses cheveux auburn, mi-longs, étaient attachés et laissaient découvrir un visage grossier aux traits burinés. Thorketil croisa son regard et y lut une détermination sans pareille, une volonté de fer, que la mort elle-même n'aurait pas su briser. Alors qu'on le bâillonnait, il détourna le regard et marcha fièrement vers la charrette la plus proche. Il monta comme les autres , tandis qu'une étrange scène se produisit. Alors que les Impériaux s'apprêtaient à partir, l'un d'entre eux, encore au sol, s'approcha d'un bosquet, et, après s'être débattu quelques secondes, y débusqua un Altmer qui s'y était réfugié, peu avant l'affrontement sans doute. Le soldat le frappa violemment au visage avant de le ligoté et de le jeter dans un véhicule. Les fouets claquèrent sinistrement sur la croupe des chevaux, qui emmenèrent ces hommes vers un destin compromis.
Voilà, merci d'avance de vos commentaires
Modifié par Elrendil, 09 mars 2013 - 23:15.