Hum, je débarque deux mois plus tard, je ne sais pas si ça intéresse encore qui que ce soit, mais bon.
Angel Eyes Sentenza, le 21 janvier 2012 - 13:23, dit :
mais ca reste tres con de prendre un nom de domaine chez les ricains.
C'est aussi le cas de wiwiland (qui n'a rien à se reprocher, contrairement à MU... encore que, si je me souviens bien certains épisodes des TES sont délivrés avec une licence d'utilisation très générique, comportant l'interdiction de modifier le produit ou de créer des œuvres dérivées sans l'autorisation expresse de Bethesda/ZeniMax, donc l'hébergement de mods relèverait d'une violation de cette licence). L'extension est en .net, or c'est VeriSign qui s'occupe de les gérer, donc sur le même principe rien n'empêcherait le FBI de venir chercher les admins de Wiwiland en France et de les faire extrader et juger aux Etats-Unis (et la courtoisie internationale, principe cher au DIP, se trouverait foulé au pied). Bon, en même temps, si vous avez envie de visiter un peu le territoire de l'oncle Sam sans avoir à payer le billet d'avion, ça reste une alternative.
Pour ma part, ce qui me choque ce n'est surement pas qu'on ferme MegaUpload, mais la manière dont ça a été fait. Si demain la gestion du .com (qui n'est pas une extension nationale, il n'y a aucune raison que les américains soient chargés de sa gestion !) passe aux mains des chinois, il faudra s'attendre à des extraditions massives vers le Shan-Dong ?
Saisir les serveurs en Virginie, soit, mais c'est un élément de rattachement bien mince pour justifier une telle opération. On ne m’ôtera pas de l'idée que même s'il est possible de se raccrocher aux branches pour trouver des justifications éthico-juridiques, les choses n'ont pas été faites comme elles auraient dû.
Concernant la BO de Dune, je peux me livrer à une petite explication juridique pour ceux que ça intéresse (comme je l'avais fait pour le droit des marques dans le topic "Scrolls vs Elder Scrolls" à l'époque où je n'avais pas encore perdu mon mot de passe [et l'adresse mail utilisée à l'époque] pour mon compte Erratik).
Quand on crée une oeuvre, on bénéficie de droits d'auteur dessus (oui, même quand on est salarié ou mandaté pour le faire, et d'ailleurs beaucoup d'agences de pub ne cèdent pas les droits d'auteur à leurs clients, ce qui est très lourd de conséquences, mais ce n'est pas le sujet du jour). Ces droits se décomposent en deux volets, des droits patrimoniaux ($$$) et des droits extra-patrimoniaux (liés à la personne de l'auteur). Ces derniers sont inaliénables, imprescriptibles, bref, c'est du solide, et ils vont jusqu'à se transmettre aux héritiers pour une durée qui ne peut excéder en France 70 ans après la mort de l'auteur (en pratique, c'est parfois plus car il y a quelques rallongements pour les auteurs morts pour la France, et pour compenser la perte d'exploitation liée aux deux guerres mondiales... encore que cela ne concerne que les œuvres crées antérieurement auxdites guerres). Les autres, les droits patrimoniaux, peuvent être cédés à des tiers, comme des maisons d'édition.
Petite parenthèse :
- tout ça est très harmonisé de par le monde, en raison des conventions internationales qui datent de Mathusalem (1883), même s'il y a une certaine opposition entre l'approche du droit d'auteur (qui donne plus de force aux droits liés à l'auteur) et celle du copyright (qui nie presque totalement les droits personnels). En somme : en Europe et surtout en France, nous sommes de grands romantiques en considérant qu'une œuvre artistique n'est pas un bien comme les autres, alors que nos voisins anglais, peuple de marchands, s'intéressent davantage au volet économique.
- c'est quoi, un ayant-droit (pluriel : "ayants droit", même si la forme "ayant droits" serait beaucoup plus logique) ? La réponse est simple : toute personne ayant des droits de propriété intellectuelle sur l’œuvre. L'artiste est un ayant-droit. Ses héritiers également. Et toute personne à qui ces droits ont été cédés, en tout ou partie. Donc non, tous les ayants-droit ne sont pas des pourris qu'il faudrait pendre, et pour cause, les auteurs eux-mêmes sont des ayants-droit...
Dans le cas de la BO de Dune, l'auteur a cédé la propriété à un tiers afin que ce tiers édite la musique. Mais on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre : s'il le cède, c'est qu'il ne l'a plus (deux secondes, je reviens prendre sa défense dans quelques lignes, mais on va commencer par l'enfoncer un peu). Il s'est engagé contractuellement à donner sa musique à quelqu'un pour que ce quelqu'un l'exploite, donc oui, s'il se met à mettre la musique à disposition de tous, il viole l'accord qu'il a passé avec l'éditeur, en le vidant de sa substance. Pourquoi acheter la BO si je peux l'obtenir gratuitement ?
Mais là où le bat blesse, c'est qu'il n'y a plus d'exploitation de l’œuvre par l'éditeur. Mais dans ce cas, c'est l'éditeur qui n'exécute plus le contrat, et il est très simple de le faire tomber, puisqu'un contrat d'édition impose à l'éditeur... d'éditer. S'il ne le fait pas, il y a des mécanismes assez simples à mettre en branle pour récupérer les droits.
Quand bien même l'auteur n'aurait pas les moyens d'agir de la sorte : il suffit d'envoyer une mise en demeure à l'éditeur (en pratique, une lettre recommandée dans laquelle on expose les faits et on formule une demande, en écrivant bien "je vous mets en demeure de..." ; coût total de l'opération : quinze minutes, une feuille A4, un peu d'encre, une enveloppe et les quelques euros de l'envoi en recommandé avec accusé de réception), en écrivant par exemple : "coucou, mon album est en rupture de stock et vous m'avez indiqué par lettre du tant que vous ne feriez pas de réédition. Or, par le contrat d'édition qui nous lie, le droit français vous y oblige (et étant français moi-même, mon droit trouve à s'appliquer). Donc je vous mets en demeure de m'indiquer sous quinzaine la date à laquelle vous envisagez de remettre mon CD dans les rayons. A défaut de réponse de votre part, je considèrerai notre contrat rompu, et retrouverai la pleine jouissance de mes droits. Veuillez agréer, vieille branche, l'expression de mes salutations distinguées."
Ensuite, si on vient lui chercher des poux pour violation du contrat, il suffit d'invoquer l'exception d'inexécution de la part de l'éditeur, et même un commis d'office devrait être capable d'y parvenir. A fortiori en France, où notre culture nous pousse toujours à défendre le petit contre le grand, le pot de terre contre le pot de fer, et où surtout un juge serait trop content de se "payer" un major américain.
Là en plus, l'auteur avait un autre angle d'attaque : l'éditeur avec lequel il avait contracté avait été racheté. Or en plaidant le côté intuitu personae du contrat d'édition, il est possible de refuser sa validité entre les mains du tiers.
Bref, tout ça pour dire qu'il existe plusieurs moyens pour contourner ce genre de problème, mais que le côté édifiant de l'histoire fait un trop bon papier pour un journaliste/bloggueur pour se demander à quel point l'histoire tient la route.
Ce qui me permet d'en venir à la deuxième illustration, le lien qui parle de l'accord avec Milan Presse : moi à la place d'un auteur, je signe. Parce que ce contrat n'a aucune validité et sera très facile à contester le jour où il y aura un problème : la cession des droits d'auteur sur une œuvre est encadrée de manière très stricte, et ne peut pas se faire à la volée. Il faut identifier l'oeuvre, l'auteur, la durée de la cession, la destination, l'étendue, le territoire... S'il manque un seul de ces éléments, la cession est nulle. Et les exemples ne manquent pas, même un juge de première instance ne se trompe pas (troll ?).
En passant, un tel contrat, a défaut d'être valable, répond à une logique tout à fait compréhensible quand on connait justement la protection accordée en France aux auteurs. Prenons l'exemple d'un groupe de presse qui achète un article pour le publier dans ses colonnes. Boom, explosion d'Internet, ils mettent l'article en ligne. Procès de l'auteur : vous aviez mon accord pour publier dans le journal, mais là c'est un autre média. Il gagne son procès, et le groupe doit repayer pour publier chaque article sur Internet. Boom, Steve Jobs arrive à faire acheter l'iPad par millions, ils créent une application pour tablettes. Procès de l'auteur, bis : c'est encore un nouveau média, par ici la monnaie. Ca vous semble abusif ? C'est pourtant bien arrivé, et pas avec des auteurs extérieurs, mais des salariés du journal.
Sérieusement, est-ce bien raisonnable ? Qu'on ne puisse pas faire tout et n'importe quoi, c'est une excellente chose, mais quand un auteur vend un article à un journal, c'est bien pour qu'il soit publié dans le journal, quelque soit son support.
A contrario, je comprends la crainte des auteurs qui reçoivent une lettre type leur disant que leurs anciens contrats n'ont plus de validité et qu'il faut se conformer à ce carcan sur lequel ils n'ont aucun pouvoir. Mais bon, encore une fois ce contrat de cession n'a absolument aucune valeur légale donc...
Modifié par EdileMax, 20 mars 2012 - 09:08.