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(H) Synnas Gorgerouge


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#1 Ja'Shir

Ja'Shir

Posté 04 décembre 2011 - 12:06

Le sommeil et le rêve. C’était ce qui constituait l’essentiel de la vie de Synnas depuis maintenant deux cents longues années. Au fil du temps, les murmures du Daedroth s’étaient fait plus pressants, plus insidieux, le poussant chaque jour un peu plus vers l’abîme de la folie. Une folie qui, parfois, lui semblait être une alternative salutaire face à l’éternité de noirceur que constituait son futur. Et puis, il y avait la soif, terrible et toute puissante. Elle lui broyait la gorge et faisait du moindre mouvement un terrible calvaire.
Mais Synnas aurait supporté les pires tourments de bon coeur si seulement les souvenirs n’étaient pas là. Ils le torturaient, nuit et jour, le narguant, se moquant de sa naïveté. Il y avait deux siècles, il avait fait confiance à la Mortelle et l’avait payé chèrement. Son corps et son esprit était scellé dans sa tombe et nul puissance au monde ne pourrait la briser de l’intérieur. Restait l’espoir qu’un jour un homme imprudent ôte son sceau. C’est ce qui le faisait tenir. Sa peau de desséchait, sa raison se délitait, mais il ne mourrait pas. Il avait l’éternité devant lui, et quand arriverait l’heure de sa revanche, rien ne pourrait l’arrêter.

Tenir, il devait tenir.


#



Soufflant comme une forge, Pelvius Antonius se frayait un chemin dans la végétation avec force ahanements.

   - La peste soit Cyrodiil et ses forêt ! Quand donc cela s’arrêtera-t-il ?

   - Cesse de râler, mon vieux, fit un petit Bosmer derrière lui, nous sommes presque arrivé. Je vois déjà le fort à travers les arbres.

   - Quelle idée de nous fixer rendez-vous dans un coin aussi reculé ?

   - C’est toi qui a insisté pour mettre ton armure avant de venir, Pelvius ! Arrête de râler et avance !

L’Impérial retint de justesse le flot d’invective qui lui venait à la bouche. Il savait que l’elfe avait raison. Leur chef avait sans aucun doute possible une excellente raison de les convier ici. Et même s’il n’en avait pas, Bashak-gro-Khag n’était pas un Orc à qui on disait non. Ils régnait sur leur petite bande d’aventurier d’une main de fer et n’hésitait pas à faire définitivement taire la mauvaise graine. Malgré cela, Pelvius et son ami Caelian ne pouvaient que se féliciter d’avoir rejoint ce groupe de mercenaires. En trois lunes, ils avaient gagné l’équivalent de trois ans de salaire à la guilde des guerriers. Leur chef avait un flair redoutable lorsqu’il s’agissait de flairer les bons coups, et leur bourses respectives s’alourdissaient de jour en jour. Encore quelques semaines à ce rythme, et l’Imperial prendrait sa retraite anticipée. Il coulerait des jours heureux sans avoir à risquer sa vie trois fois pas jours.
Le fort où ils avaient prévu de se retrouver avait connu des jours meilleurs. La totalité de ses murailles s’étaient effondrées et seul subsistait le donjon central, étonnement petit. Peut-être s’étendait-il au-dessous du niveau du sol, comme c’était le cas pour la plupart des forts de Cyrodiil.

Les hommes s’étaient rassemblés dans ce qui était sans doute jadis la cours du château. Pelvius s’approcha du feu de camp, Caelian sur les talons. La bière coulait déjà à flot et plusieurs guerriers ronflaient, la tête posé contre leur sac de voyage. Ceux qui étaient éveillés apostrophèrent gaiement les nouveaux arrivants et s’en retournèrent à leur tâche. Pelvius ne leur répondit que d’un signe de tête. Il n’était pas là pour se faire des amis, surtout si ces amis pouvaient vous planter un dague entre les côtes pour une poignée de pièce de cuivre.

Bashak était debout près du feu, surveillant quelques mercenaires qui montaient des tentes. C’était un digne représentant de son espèce. Deux mètre au garrot, des muscles de titan, on comprenait aisément pourquoi ses hommes lui obéissait. Les grincements de l’armure de Pelvius lui firent détourner le regard vers eux.

- Vous voilà, grogna-t-il. On attendait plus que vous.

- Mes excuses, fit Caelian de sa voix flutée. Pelvius à mis plus de temps que je ne pensais.

- On est presque près, fit l’Orc en ignorant la remarque. Encore quelques minute et on entre.

- Faut s’attendre à quoi à l’intérieur ? Fit Pelvius en écrasant discrètement le pied de Caelian.

- Des mort-vivants, à ce que j’en sais. Pas de fantômes, plutôt une ribambelle de zombies. Mais le jeu en vaut la chandelle. La rumeur cours que le Rasoir de Mérhunes se trouve là-dedans.

- L’arme légendaire ? Elle doit valoir une fortune !

- Plus que dans tes rêves les plus fou, grogna l’Orc. Va réveiller tous ces soûlards. On se prépare à entrer.

Pelvius beugla quelques ordres et le campement se mit en branle. Des guerriers enfilaient leur armure et affûtaient leurs armes tandis que d’autre éteignaient le feu et distribuaient des potions de santé. Un véritable tintamarre résulta de toutes ces activités, et bientôt, Pelvius ne s’entendit même plus penser. Ca n’avait pas d’importance. La fortune l’attendait, là entre ses murs, avec seulement quelques zombies pour lui barrer la route. Le combat serait difficile, mais il ne doutait pas de ses capacités. Il ne serait pas de ceux qui tomberaient.

Le remue-ménage durait depuis une bonne vingtaine de minutes quand Bashak-gro-Khag poussa un long sifflement. Le silence se fit aussitôt.

- Ecoutez-moi, beugla l’Orc de sa grosse voix éraillé. Un véritable trésor se trouve entre ses murs ! Bientôt, nous seront plus riche que Tiber Septim en personne !

Un concert de rugissement répondit à l’annonce et Bashak dût pousser un second sifflement pour pouvoir poursuivre. Il avait revêtu une imposante armure d’acier, ce qui le rendait encore plus impressionnant.

- Le lutte sera dure, je ne vous le cache pas ! Les lâches qui ont trop peur peuvent encore s’enfuir ! Mais aussitôt à l’intérieur, je compte sur chacun d’entre vous pour donner une leçon à ces non-morts !

Nouvelle salve d’applaudissements, toute aussi nourrie que la précédente. Bashak n’eut pas besoin d’intervenir pour que le calme revienne. Ses hommes connaissaient son tempérament.

- On opère comme d’habitude et si tout se passe bien, ce soir, on aura du pognon à plus savoir quoi en foutre ! Montrez à ces zombies de pacotille que quand il y a de l’argent à la clef, notre compagnie devient le plus terrifiant des adversaires.

Des hourras retentirent, enthousiastes. Pelvius ne se sentit pas trop atteint par le discours, vu que les mort-vivants ne ressentaient pas de peur, mais les Orcs n’étaient pas des orateurs et puis, ca semblait très bien fonctionner sur le reste de la troupe. La démarche arrogante, il se porta vers l’avant-garde en compagnie de l’Orc et de deux autres colosses. Derrière, Vingt autres aventuriers attendaient en rang.
Bashak poussa en grognant l’énorme battant qui donnait sur l’intérieur du donjon et pénétra à l’intérieur, Pelvius sur les talons. L’adrénaline commençait à circuler dans les veines de l’Impérial. Il bouillait d’impatience à l’idée du combat à venir.
Il faisait un noir d’encre à l’intérieur, et bien vite, des torches furent allumées. Une vingtaines de pas après la porte, une volée de marches descendait dans les ténèbres.
La compagnie se mit en branle. Tous les hommes avaient dégainé leurs armes et se tenaient près à accueillir ce qui surgirait. Des toiles d’araignées aussi hautes que Bashak pendaient au plafond et, ça et là, des rats gros comme ses cuisses fuyaient la lumière des torches, complètement paniqués.
Les couloirs étaient larges, mais conféraient malgré tout à Pelvius un sentiment d’oppression qui le rendait mal à l’aise. Quatre hommes pouvaient certes marcher de front, mais cela les gêneraient malgré tout en cas d’attaque. Derrière lui, il entendait les murmures angoissés des hommes, ce qui ne l’aidait pas à se rassurer. Il avait l’horrible impression de parcourir une crypte maudite par les dieux. Talos seul savait ce qui allait leur tomber dessus.

Alors qu’ils progressaient toujours, des borborygmes ineptes se firent entendre dans le lointain et soudain, des zombies surgirent en titubant devant eux. Ils ne dépassaient pas la dizaine.

- En avant ! Hurla Bashak. Ne les laissez pas nous déborder !

Seul l’avant-garde participa au combat, et il fut court. Pelvius et un autre de ses camarades eurent à peine le temps de rejoindre leur chef que celui-ci avait déjà fauché deux abominations à l’aide de se monstrueuse hache. L’Imperial fit tournoyer sa claymore et une autre créature mordit la poussière. D’autres hommes accoururent et les mort-vivants furent réduit en charpie.

- Trop facile, commenta l’Orc. Je m’attendais à plus de résistance.

C’est alors qu’un concert de gargouillements retentit derrière eux. D’autres mort-vivants attaquaient l’arrière garde. Des cris de terreur et de douleurs retentirent.

- Merde ! Fit un homme. D’où ils sortent ?

- Nous avons ignoré certains couloirs en avançant, ils doivent venir de là, répondit calmement Pelvius.

- Ils sont trop nombreux ! Hurla quelqu’un.

- Qu’est-ce qu’on fait, Bashak ? Le couloir est trop étroit, nous sommes désavantagés.

- On cours ! On va bien finir par déboucher sur une salle plus spacieuse !

Joignant le geste à la parole, l’Orc s’éloigna à petite foulée. Pelvius le suivit avec résignation, imité en cela par les autres hommes de la compagnie. Avancer vers l’inconnu sans repère était une mauvaise idée, mais c’était la seule chose à faire dans cette situation. Mais pour ce qu’il en savait, il pouvait se trouver devant eux deux fois plus de créatures.
Fort heureusement, les Neufs semblaient être avec eux car une pièce de belle taille apparut devant les yeux de Bashak et de ses hommes.

- Serrez les rangs ! On les attend ici !

Mais d’autres gargouillements résonnaient derrière.

- Rassemblez-vous dans ce coin ! Tout le monde dos au mur !

Les hommes obéirent aux directives de Bashak dans la confusion la plus totale mais parvinrent à s’aligner contre une des parois de la salle. Il était temps, car le premier mort-vivants montra son hideux faciès et se précipita vers le groupe. Une partie de ses intestins traînaient sur le sol et il lui manquait la moitié du visage. Les cheveux de Pelvius se dressèrent sur sa nuque. D’autres zombies se pressaient derrière leur congénère, innombrables. Comment Bashak avait-il pu se montrer à ce point inconscient ?

- Gardez le moral, les gars ! Cria l’Orc. On va leur montrer ce qu’on vaut !

D’un coup de hache énergique, il trancha net la tête d’une créature. Une boule de feu fusa du groupe et en carbonisa une autre. Les hommes reprirent confiance et se mirent à moissonner le flot de mort-vivant.
Mais aussi redoutable qu’étaient les mercenaires, rien ne pouvait arrêter la horde de zombie. Un guerrier tomba. Puis un autre. Puis encore un autre. Un vent de panique souffla sur la troupe et un homme esquissa un geste de fuite. Bashak se retourna et lui explosa le crâne d’un coup de poing.

- Bande de lâche ! Hurla-t-il, hors de lui. Le prochain qui tentent de déserter, je le balance avec les cadavre ambulants !

Un zombie profita de son inattention pour lui mordre sauvagement le bras. L’armure gémit, mais tint bon. Bashak se délesta de son adversaire d’un haussement d’épaule, se retourna, et le fendit en deux sur toute sa longueur.
Enivré par son exemple, les hommes oublièrent leur doute pour un temps se défendirent comme ils le purent.

Pelvius, quand à lui, menait son propre combat. Il esquiva la poigne tremblotante d’un zombie et lui trancha le bras. Il n’était pas inquiet. Il avait déjà combattu des mort-vivants et savait par expérience que le flot n’allait pas tarder à se tarir.
Le zombie à qui il avait coupé le bras s’avança, indifférent à la perte de son membre. L’Impérial lui fendit le crâne avec le plat de sa claymore. Un cri de détresse retentit à sa droite et il vit que cinq ou six créatures avaient fait tomber Caelian et se faisaient un devoir de le mettre en pièce. Le Bosmer appela Pelvius à l’aide à plein poumon mais celui-ci ne lui accorda pas un regard et le laissa se faire dévorer. Seul comptait sa propre survit. Celle des autres lui importait peu. Sa lame siffla dans l’air et deux zombies s’effondrèrent, tel des pantins désarticulés.

Les rangs des non-morts s’éclaircissaient. Bientôt, ils ne furent plus que vingt. Plus que dix. Plus qu’un. Que Bashak anéantit.
L’Orc posa sa hache au sol et s’appuya sur le manche en tentant de reprendre son souffle. Il avisa Pelvius qui faisait de même avec son épée.

- Belle bagarre, hein ?

- Et comment ! Je suis tout courbaturé ! Tu crois qu’il en reste encore ?

- Ca m’étonnerait. Y’a au moins cent cadavres, là. A propos… Grigan ! Les pertes ?

- Six hommes chefs, répondit un Rougegarde. Plutôt sept, même. Orrin ne se remettra pas de sa blessure.

L’Orc grogna. Le bilan de la bataille était lourd. Plus lourd qu’il ne l’avait jamais connu, en fait. Le Rasoir avait intérêt à en valoir la peine.

- Tout le monde peut marcher ?

Les hommes répondirent par l’affirmative.

- Bien ! Grigan, fait installer des torches depuis l’entrée jusqu’ici et ramène de la nourriture ! Je crois qu’on à tous mériter une pause.

- A tes ordres, fit le Rougegarde. Allons-y, les gars !

- Pelvius, occupe toi d’Orrin.

L’Impérial hocha la tête et s’approcha d’un Nordique avec une blessure au cou. Il attendit que les autres s’en aillent puis, une fois seul avec Bashak, il transperça le cœur du blessé.

Ni lui ni l’Orc n’étaient d’humeur à discuter. Ils attendirent donc le retour des autres en contemplant l’hallucinante scène de carnage qu’ils avaient contribué à créer.

Les hommes devaient être pressé de se restaurer, car ils revinrent quelques minutes seulement après leur départ, les bras chargé de mets divers. Ils ne firent aucun commentaires devant la dépouille d’Orrin et firent circuler la nourriture. Bashak s’empara d’une outre de vin et s’y désaltéra avec avidité, laissant les trois quarts de la boisson de déverser sur le sol. Quand il eut finit, il rota bruyamment et se mit à faire les cent pas.

- Tout de même, commenta-t-il en shootant négligemment dans une tête de zombie, je ne m’attendait pas à ce qu’ils soient si nombreux. Ce serait peut-être plus prudent de trouver ce Rasoir tout de suite au lieu de prendre le risque d’un autre accrochage.

- Pour sûr, je tiens pas à me cogner une autre centaine de ces trucs, fit un homme. Je suis pour l’idée du capitaine.

Les autres guerriers ne firent que grogner leur accord, occupés qu’ils étaient à enfourner le plus de nourriture possible dans leur bouche. Ils se levèrent aussitôt quand l’Orc se mit en route. Ils n’avaient pas oublié le traitement infligé pendant la bataille à leur camarade récalcitrant.

Les couloirs qu’ils empruntaient à présent étaient encore plus étroit qu’avant et leurs craintes se ravivèrent. Heureusement, leur déambulation ne dura pas et ils se retrouvèrent dans une autre salle aux proportions plus modestes que la précédente. Celle-ci avait tout de même le mérite de ne pas contenir de zombie.
La pièce était totalement vide à l’exception de son centre. Là, sur une dalle de marbre surélevée, trônait un imposant cercueil en pierre. On avait l’impression qu’il avait été sculté dans un seul bloc, mais ce qui attirait le plus l’attention, c’était les chaînes d’énergies noires qui serpentaient sur la pierre. Elles mouvaient en une danse hypnotique et ce ne fut qu’après plusieurs minutes de contemplation que Bashak songea à dire quelque chose.

- On dirait qu’on touche au but. Seejam-ne, t’en pense quoi ?

Un Argonien vêtu d’une longue robe se détacha du groupe et s’approcha du cercueil. C’était à l’évidence un magicien car il prononça une série de paroles vide de sens pour un profane. La sonorité des mots, gutturale, rebondissait sur les parois de la pièce pour venir faire vibrer les tympans des spectateurs.

- Il semble qu’il s’agisse d’un sceau. Une magie rare et puissante qui consiste à emprisonner un pouvoir tout aussi puissant à l’intérieur d’un réceptacle, en l’occurrence, cette tombe.

- Une magie très puissante, répéta Bashak. Ca pourrait être le Rasoir ?

- J’ignore d’où vous tenez vos informations, capitaine, mais en aucun cas il ne peut s’agir du Rasoir, fit le lézard d’une voix rocailleuse. Ce type de sceau sert la plupart du temps à enfermer une entité qui…

- Foutaise que tout cela ! Beugla l’Orc, fou de rage. Je vais ouvrir cette tombe, sceau ou pas sceau !

- N’en faites rien, je vous en conjure ! S’exclama le mage d’une voix paniqué. Nul ne peux prévoir ce qui en jaillira, mais ce qui repose ici est assurément d’une puissance redoutable et je pense plus prudent de…

Mais c’était trop tard. L’Orc avait balancé sa formidable hache contre la pierre. Celle-ci explosa en une multitude de gravats qui firent s’élever une poussière épaisse.
Un grand sourire réjoui barra le visage de Bashak alors qu’il se pencha à la recherche de son trésor. Son sourire s’évanouit lorsqu’il aperçut la chose qui reposait à l’intérieur de la tombe. Une main jaillit des ténèbres et se referma sur son cou et des doigts maigres et parcheminés se mirent à serrer.

Les cervicales de Bashak-gro-Khag se brisèrent comme du verre.


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Orc. C’était Orc qui l’avait finalement tiré de sa torpeur. Bénit était l’ignare à peau verte. Le sang de Orc serait bon. Synnas le savait, son odeur était si forte qu’il pouvait presque sentir son goût sur sa langue desséchée.
Le cou de Orc était fragile. Il se brisa lorsqu’il le saisit. Ca n’avait pas d’importance, le sang frais du mort avait bon goût, aussi. Rouge sombre comme un vin millénaire. Synnas se mit debout sur ses jambes. Tout ses os craquèrent lorsqu’il bougea, comme autant de promesse d’un avenir qui bougeait. La fumée l’empêchait de voir, mais il sentait la présence de Argonien, de Impérial et de quelques autres. Leur sang avait une odeur vraiment divine. Ils feraient un bon repas, eux aussi.
La poussière retomba et il put regarder ses proies dans les yeux. Ceux d’Argonien disaient peur. Ceux d’Impérial disaient défi. Ceux des autres, en revanche, ne disaient qu’appréhension. C’était le discours qu’il préférait. L’appréhension donnait naissance à Panique, Terreur, et Renoncement. Tant de nom qu’il mourrait d’envie de goûter. Il tenta de sourire mais sa peau lui fit mal. Finalement, il se tourna vers Rougegarde et bondit à sa rencontre. Le temps changea. Il allait trop vite, il ne contrôlait pas sa puissance. Il dépassa Rougegarde et fonça dans un mur qui se brisa dans un fracas tonitruant. Fragile comme le cou de Orc. Il secoua la tête, sonné quand même. Ses pouvoirs n’avaient pas été adoucis par le sang depuis deux siècles et sa puissance était maintenant démesurée. Dommage qu’il doive y renoncer pour conserver sa raison.
Nordique voulu profiter de sa collision avec le mur pour le frapper avec une épée. Il le repoussa d’une chiquenaude qui le fit s’envoler à travers la salle et s’écraser contre un autre mur fragile. Le corps de Nordique explosa dans une gerbe de sang. L’odeur était forte. Très forte. Trop forte.
Synnas renonça à comprendre et se rua sur Rougegarde en faisant bien attention à ne pas aller trop vite. Ses doigts refermèrent sur son bras qui se détacha du reste de son corps. Rougegarde hurla beaucoup jusqu’à ce que les dents de Synnas se referment sur son cou. Sang. La saveur était incomparable et il avait l’impression que chaque cellule de son être se réveille.

Rougegarde était déjà vide. D’autre homme se jettèrent sur Synnas mais il les vida pareillement. Parfois, il mordait trop fort et leur tête était arraché. Du gaspillage. Synnas n’aimait pas gaspiller. Il sauta sur le cadavre de Orc et le vida aussi. Il en fait de même avec le corps désarticulé de Nordique. Peu à peu, le pouvoir ancestrale des vampires s’affaiblit et ses idée s’éclaircirent. Il ne restait plus que Argonien et Impérial. Argonien envoya une boule de feu. Synnas grimaça. Il détestait le feu. Il s’en souvenait. Il esquiva le sort et tordit le cou à Argonien sans boire son sang. Les manieurs de feu ont mauvais goût.

Impérial se mit à courir. Droit dans les ténèbres lumineuses. Les ombres étaient le jour de Synnas, il y voyait parfaitement. Impérial pouvait bien courir, il ne sortirait pas d’ici. Il bondit en avant. Un bond de vingt mètre, un bond de prédateur. Il atterrit sur les épaules d’Impérial. Il était réfugié dans une armure, mais Synnas n’avait pas le temps d’éplucher Impérial, il avait trop soif. Ses crocs traversèrent l’acier comme du papier et il put s’abreuver. Impérial avait beaucoup de sang. Non, pas Impérial. C’était l’Impérial. Avec un L apostrophe. Il se souvenait maintenant. Il buvait le sang des souvenirs. Quel était cet endroit, déjà ? Isithar ? Oui, c’était chez lui, c’était son fort ! Que faisait l’Impérial chez lui ? Aucune importance. Seul comptait le sang. Le sang et les souvenirs. Il ne fallait pas oublier la Mortelle.

Repu, il laissa sa victime reposer sur le sol. Sa raison lui revenait, morceau par morceau. Peut-être même avait-il accumulé assez de sang pour sortir au grand jour. Il fallait s’en assurer.
Synnas se mit en quêter de la sortie. En déambulant dans les couloirs, il tomba sur un enchevêtrement de zombies morts. Il ne leur accorda pas un regard. Il sentait l’odeur du dehors. Il courut à pleine vitesse pendant une quinzaine de minutes, savourant l’air qui lui fouettait le visage, puis parvint à l’imposante porte qui marquait l’entrée de son domaine. Il poussa sans difficultés l’un des battants et se protégea les yeux en poussant un cri perçant. Le soleil lui faisait mal, mais seulement à cette endroit. C’était bon signe. Il ouvrit les portes en grand et contempla les contours troubles des ruines de ce qui fut jadis son château. Ses pieds effleurèrent délicatement de l’herbe. Il sourit, passa l’arcade de pierre, seul vestige des ses remparts, et se mit en marche, à la recherche d’une ville.


Après deux cents ans de captivité, Synnas Gorgerouge était libre.


#



Après deux jours d’errance, Synnas était parvenu à Cheydinhal. La ville n’avait pratiquement pas changé en deux siècles. Les imposantes murailles de pierres grises, la chapelle colossale qui se dressait au centre de la place, et surtout, le somptueux château qui surplombait la ville. En comparaison, son fort d’Isithar ne pesait pas bien lourd.
La soif tenaillait de nouveau le vampire. Peut-être la compagnie de mercenaire ne l’avait-elle pas autant rassasié qu’il le pensait, finalement. Il devait régler le problème avant le levé du jour. Vu la teinte que prenait le ciel, il lui restait tout au plus quelques heures. Caché dans des fourrés, Synnas guettait la route principale, espérant qu’une victime potentielle pointe son nez à l’horizon. En dernier recours, il pouvait toujours s’attaquer à un garde, mais on remarquerait rapidement sa disparition et on se poserait des questions.

La chance se présenta enfin en la personne d’un vieux fermier qui guidait un mulet tout aussi âgé. Perché sur un chariot, il lui donnait de temps en temps un petit coup de fouet mais ne semblait pas apprécier d’avoir à le faire.
Synnas devait agir vite avant que les cris de l’animal alerte les gardes postés aux portes. Il aurait pu le neutraliser, mais dans l’excitation du moment, il avait omis de prendre une arme à Isithar. Et il doutait que ses crocs suffisent pour assurer au mulet une mort rapide et silencieuse.
Il opta donc pour la subtilité et se coula dans les branches d’un chêne solide enraciné près de la route. Lorsque l’attelage passa à sa hauteur, il se laissa tomber sur son plateau, aussi silencieux qu’un rêve. Malgré tout, le fermier, un Impérial tout recroquevillé, sentit sa présence et se retourna vivement.

- Qu’est-ce que… Balbutia-t-il.

Synnas ne lui laissa pas le temps de parler davantage. Il l’attrapa par les cheveux, assura sa prise et le mordit sauvagement à la gorge. Il plaqua son autre main sur sa bouche, l’empêchant de crier. Tout en buvant le sang, il jeta prudemment un coup d'œil à l’âne mais celui n’avait pas bronché et continuait tranquillement sa route.

Le vieillard était vide. Synnas le délesta de sa tunique et fouilla ses poches à la recherche d’argent. Il trouva une bourse contenant une dizaines de pièces de cuivres. Mieux que rien. Il saisit le cadavre à bras le corps, le projeta dans des buissons proches et prit la place du conducteur en relevant la capuche de son nouveau vêtement. Il étant grand temps. La montée abrupte se termina pour laissa place à la ville dans toute sa splendeur. Les remparts n’étaient plus qu’à une vingtaine de mètre. Il avait eu beaucoup de chance. Il songea qu’il manquait de pratique puis se concentra sur l’histoire qu’il allait servir aux gardes. Ceux-ci s’approchaient d’ailleurs du chariot en arborant un air suspicieux. Peu de gens devait solliciter le droit d’entrée avant le levé du jour.
Ils étaient deux. Deux Impériaux de taille moyenne sans aucun signe particulier si ce n’était la moustache du plus grand. Cette fantaisie capillaire était peu commune en Cyrodiil, du moins à l’époque où Synnas parcourait le pays librement.

- Halte ! Fait le moustachu. Veuillez nous informer d’où vous venez et quel est le but de votre visite.

- Te fatigue pas, le bleu. C’est le vieux Védère et son âne. Il est complètement sourd, il ne te répondra pas. Y vient pour vendre ses graines, comme chaque mois. Ca ‘y fait de quoi le nourrir, lui et son foutu bourricot.

Il fit signe à Synnas de passer et celui-ci, trop heureux de son aubaine, fit claquer les rênes de son attelage. Le mulet s’ébroua et fit quelques pas récalcitrants. Les portes de la ville s’ouvrirent alors et l’animal se mit à trotter franchement, salivant sans doute à l’idée du fourrage qui l’attendait à l’écurie.


#


De loin, la ville était conforme aux souvenirs de Synnas. De près, c’était une tout autre histoire. Les rues étaient propres et soigneusement pavées. Des boutiques d’apparence prospère fleurissaient le long des rues et toutes les maisons semblaient en excellent état. C’était charmant mais cela n’arrangeait pas Synnas. Il comptait sur la présence d’un quartier pauvre pour se fondre dans la foule et disparaître. Son fort avait certes été bâtit dans un endroit très reculé, mais la Mortelle entendrait forcément parler du carnage d’Isithar, surtout si elle avait repris à son compte le formidable réseau d’informateurs dont il disposait avant d’être scellé dans sa tombe. Il lui fallait trouver au plus vite une solution. En l’état actuel des choses, la Mortelle ne ferait qu’une bouchée de lui.
Juché sur son chariot de fortune, il réfléchissait à une solution quand un gamin en haillon d’une dizaine d’années surgit d’une ruelle pour l’accoster.

- Eh, m’sieur, si tu cherche une écurie pas cher, je peux te dire où en trouver une pour quelques pièces de cuivre.

Synnas n’avait pas les moyens d’entamer son maigre pécule et n’était pas d’humeur à marchander. Il jeta un coup d’œil aux alentour et, constatant qu’il n’y avait personne, il descendit de son perchoir et s’approcha du garçon. Celui-ci eu un mouvement de recul mais le vampire allongea le pas et le saisit par l’épaule. Il approcha son visage du sien. Le sang de cet enfant avait une odeur si envoûtante…

- Mon garçon, c’est ton jour de chance. Si tu m’indique où je peux trouver une auberge bon marché, ce mulet, ce chariot et son contenu sont à toi.

- Vous êtes sérieux ? S’écria le gamin en écarquillant les yeux.

- On ne peut plus sérieux, répondit le vampire avec un sourire rassurant. Alors ? Avons-nous un accord ?

- Pour sûr ! La taverne du Vieux qui Louche fera ton affaire, m’sieur. C’est à droite après la chapelle, au cœur du quartier pauvre. Merci pour le chariot, m’sieur !

Le garnement saisit les rênes du mulet et, sans un regard pour Synnas, s’éloigna d’un pas guilleret.
Le vampire sourit. Il était désormais débarrassé de cet encombrant attelage. Quand les gardes retrouveraient le cadavre du vieux Védère, s’ils le retrouvaient, ils ne pourraient pas retrouver la trace de celui qui s’était fait passé pour lui en montant sur son chariot.

Synnas se mit en route. Les choses commençaient bien. A présent, il allait avoir recours au banditisme pendant quelques semaines pour se procurer un peu de matériel, puis il aviserait. Cette perspective ne lui plaisait pas car elle manquait de finesse, sauf qu’il n’avait pas les moyens de faire son difficile. Il tourna a droite comme le lui avait conseillé le gamin et se retrouva face à face avec le quartier pauvre. Le ramassis de taudis qu’il avait devant les yeux était plus conforme aux souvenirs qu’il avait de Cheydinhal. Les générations de comtes qui avaient bâti la ville avaient dû ériger le reste autour pour dissimuler cette disgracieuse excroissance architecturale. Les aristocrates ne changeraient jamais.
Synnas se mit en marche et se retrouva à arpenter les ruelles. La plupart des constructions étaient en bois et un peu partout, des ivrognes et des miséreux ronflaient, vautrés dans les immondices. Il réveilla l’un d’entre d’un coup de pied dans les côtes.

- Bordel, mais qu’est-ce qu’y’a ? Grogna le mendiant, un petit Bréton vieillissant.

- Dites-moi, l’ancêtre, où puis-je trouver la taverne du Vieux qui Louche ? Vous aurez droit à une jolie pièce si vous répondez.

- Euh, c’est juste à côté, à deux rues d’ici, sur la gauche, balbutie avec empressement le vieil homme.

- Merci, répondit simplement le vampire.

Puis, il l’assomma d’un coup de pied à la tempe. Pas question de gaspiller son précieux argent pour cette racaille. Il suivit toutefois son indication et se retrouva devant une construction imposante mais à l’aspect fragile. On aurait dit que les planches qui la constituaient allaient s’écrouler d’une seconde à l’autre. Sur la façade, une enseigne représentant un vieillard se balançait tristement au grès de la brise.
Synnas grimaça. L’idée de passer plusieurs nuits dans cet établissement ne l’enchantait guère, mais il n’avait pas le choix. Il poussa une porte qui grinça lorsqu’elle s’ouvrit et pénétra à l’intérieur. La pièce était plongé dans la pénombre, à l’exception d’une petite bougie qui se consumait sur le comptoir. Accoudé à celui-ci se trouvait un Nordique dans la cinquantaine avec un bandeau sur l’œil droit. Au moins, se dit Synnas avec ironie, il ne s’agissait pas du vieux qui louche. Il s’approcha de l’homme en relevant son capuchon. Son absence de mouvement de recul prouvait qu’il avait réussi à retrouver une apparence normale. Néanmoins, l’homme avait l’air suspicieux.

- C’est pour quoi ? Maugréa-t-il.

- Est-il possible d’avoir une chambre ? Murmura Synnas du bout des lèvres.

- Z’êtes pas d’ici, vous. Sinon vous sauriez qu’y’a toujours moyen de se loger, vu que les grouillots du coin ne viennent ici que pour se saouler.

- A propos de moyen, combien…

- Dix pièces de cuivre, non négociable.

- Cela fera l’affaire. Voici votre dû.

Le propriétaire leva un sourcil au dessus de son œil valide. Cet inconnu s’exprimait d’une façon bien soignée… Il oublia ses interrogations en empochant ses dix pièces et indiqua au nouveau venu le direction de sa chambre. Il le regarda monter les escaliers avec un air songeur. Sa démarche était souple et silencieuse. Inquiétante. Non, dangereuse.


  #


Synnas fut réveillé cinq heures plus tard par un concert de voix qui s’apostrophaient. Il se leva d’un bond et écarta ses rideaux pour jeter un coup d’œil dehors. Dans la ruelle, un attroupement s’était formé et se pressait à l’entrée de la taverne. Le vampire fronça les sourcils. Une foule curieuse, ce n’était pas bon signe, surtout quand elle apparaissait le jour même de sa venue. Il quitta sa fenêtre et sortit de sa chambre. Il tourna dans le couloir et s’arrêta quand il aperçut deux gardes dans l’entrée en train d’interroger le patron. Ce n’était pas possible. En admettant qu’ils avaient déjà découvert le corps, comme auraient-ils su qu’ils allaient trouver le meurtrier ici ? Il tendit l’oreille pour en savoir plus.

- …mort quasiment sur le coup, dit un garde. Tué par une saloperie de vampire. La garde au grand complet fouille la ville. Si vous savez quelque chose, dites-le nous, je vous prie.

- Et ben, fit le patron, c’est peut-être rien mais un drôle de type m’a loué une chambre pas plus tard que ce matin, juste avant l’aube. Il parle bizarrement, comme un type de la haute, voyez, et…

- Quel est sa chambre ? L’interrompit le garde.

- C’est la deuxième, au fond du couloir à droite, mais…

Le garde ne lui laissa pas en dire davantage. Faisant signe à son collègue, il dégaina son arme et courut vers les escaliers.
Synnas en avait assez vu. Il avait commis une erreur et laissé la marque de ses crocs sur le cou du vieux Védère. Normal que la garde fouillait partout, un vampire en ville, ça faisait désordre. Finalement, Synnas n’était peut-être pas aussi chanceux qu’il le croyait. Mais ce n’était pas le moment pour l’ironie. Les deux gardes montaient les escaliers et ne tarderaient pas à lui mettre la main dessus. Il était sûr de pouvoir les terrasser, sauf que le remus-ménage en alerterait d’autre et il ne pouvait tout de même pas affronter toute la garnison de la ville. S’il fuyait, la garde n’aurait qu’un vague signalement de son visage et il pourrait peut-être sortir sans se faire repérer et tenter sa chance dans une autre ville. Dans tout les cas de figures, il devait quitter Cheydinhal. Quand la Mortelle entendrait parler de cette histoire de vampire, elle enverrait des dizaines d’agents autrement plus redoutable que de simples soldats.
Courant aussi vite qu’il le pouvait, Synnas s’enferma dans sa chambre et ouvrit la fenêtre. S’il se laissait tomber en bas, la foule le remarquait immanquablement et alerterait la garde. Il devait bondir de l’autre côté de la ruelle, sur le toit voisin. Sans élan, cela risquait d’être difficile. Mais faisable. Il enjamba le rebord, se ramassa sur lui-même et se détendit comme un arc. Alors qu’il atteignait l’apogée de son saut, il entendit distinctement la porte de sa chambre voler en éclat. Le toit était encore à plus de deux mètre et la pesanteur commençait à le rattraper.
Contre toute attente, Synnas parvint à atteindre son objectif. Il s’écroula sur le toit, roula plusieurs fois sur lui-même et se redressa finalement.
Il n’avait fait que quelques pas quand une flèche siffla à ses oreilles.

- Le voilà, hurla la voix d’un garde. Sur le toit d’en face ! Allons-y !

Le vampire siffla un juron entre ses dents. Il était repéré. Dans cette partie de la ville, les maisons se touchaient presque et il pouvait facilement passer d’un toit à un autre jusqu’aux limites du quartier pauvre. Mais cette méthode était trop repérable. Aussi, sans perdre une seconde de plus, il se laissa choir de l’autre côté du toit. Dans la ruelle où il se trouvait maintenant, il était seul, ce qui faisait parfaitement son affaire mais ne durerait pas. Il partit en courant, tournant au hasard des ruelles et se remit à marcher quelques rues plus loin pour ne pas attirer l’attention des passants. A plusieurs reprise, il croisa des gardes mais ceux-ci ne lui accordèrent pas d’attention particulière. Ce n’était pas ceux qui avaient défoncé la porte de sa chambre, ils ne risquaient donc pas de le reconnaître.
Au bout d’une vingtaine de minutes, il sortit finalement du quartier pauvre et se dirigea vers le centre de la ville, près de la chapelle. Les gardes le chercheraient plutôt du côté des sorties, il ne risquait donc rien dans l’immédiat. Il s’adossa à un bâtiment pour réfléchir. Sortir de la ville sans éveiller les soupçons risquait d’être compliqué, mais il y arriverait. Mais après ? Il était tout aussi démuni qu’avant de venir et il ne risquait pas de trouver une ville avant longtemps. Il fallait qu’il se procure de l’argent avant de partir s’il voulait arriver à quelque chose, mais où ? Il n’avait aucun matériel, il ne pouvait donc pas forcer la serrure d’une belle demeure pour la cambrioler. Il lui fallait quelque chose de facile d’accès.
Une alors idée folle mais séduisante naquit alors son esprit…



#


Le château de Cheydinhal. Une somptueuse construction de plus de vingt mètre de haut. Depuis la cour où il se trouvait, Synnas pouvait apercevoir des gargouilles finement ouvragées déployant leurs ailes menaçante un peu partout sur la façade, narguant sans doute la perfection des vitraux qui ornaient des fenêtres en ogive de belle taille. Le compte actuel devait apprécié la démesure…
Ainsi songeait le vampire tandis qu’il faisait la queue parmi les plaignants qui venaient faire par de leurs doléances au maître des lieux. Ils étaient une bonne vingtaine et à plusieurs reprise, le vampire entendit parler d’une histoire de surtaxe et d’amendes abusives.

- Vous êtes venu pour quoi, vous ? Lui demanda un Dunmer aux habits élimés.

- Un garnement m’a roué de coup et m’a volé mon mulet, répondit Synnas avec un sourire contrit. Je suis venu demander au compte d’intensifier les rondes.

- Mon pauvre ami, bon courage. Ce sacré nom de nobliau refuse même de diligenter une enquête contre ce porc d’Ulrich Leland !

- Comme je vous plains, renchérit le vampire en réprimant difficilement un sourire.

Son idée était bonne. La garde étant occupé à fouiller le quartier pauvre, il pouvait profiter de leur manque de présence au château pour s’emparer d’autant d’argent qu’il le pourrait. Sans compter que personne ne penserait à le chercher ici. Les portes s’ouvrirent soudain et un petit homme richement vêtu en sortit.

- Je suis l’intendant de son excellence le comte Indarys, prononça-t-il d’une voix forte. Que ces messieurs les plaignants veuillent bien me suivre.

Sans attendre de réaction, il se retourna et s’éloigna à petit pas. Le petit groupe le suivit en désordre, murmurant entre eux à propos des amendes.
L’intérieur du château était aussi richement pourvu que l’extérieur. De grandes tentures recouvraient les murs et des plantes exotiques paraissaient dans des pots en céramique décoré avec goût. Le tapis sur lequel marchait Synnas devait avoir coûté un prix comparable à celui d’une tour de son fort d’Isithar. Quand il était en état.
Deux gardes surveillaient la porte de la salle du trône et quand la foule s’agglutina autour d’eux pour entrer, le vampire s’esquiva en empruntant une autre porte.
Il déboucha sur un long couloir agrémenté de bibelots en tout genre sur lesquels reposaient des vases d’un autre temps. Il ne fallait pas traîner ici, c’était sans aucun doute un lieux de fréquent passage. Synnas suivit le couloir quelques instants puis emprunta une autre porte. Puis encore une autre. Cette endroit était un vrai labyrinthe et il fut très vite perdu.
Les appartements du comte, comme c’était la coutume dans ce genre de bâtiment, devaient se trouver au dessus de la salle du trône. Il devait donc monter. Il ouvrit une nouvelle porte et une odeur de nourriture envahit ses narines. Plusieurs ragouts mijotaient sur des fourneaux qu’une jeune femme fournissait en bois. Elle sursauta lorsqu’elle entendit la porte s’ouvrir et se refermer.

- Qui êtes-vous ? Que faites-vous ici ?

Elle était visiblement paniquée et jetait de rapides coups d’oeils vers une porte dans le fond de la salle. Synnas était à plus de trois mètres d’elle, elle avait donc largement le temps d’appeler à l’aide s’il tentait de la neutraliser.

- Toutes mes excuses, je ne voulais pas vous faire peur, fit Synnas an arborant son air le plus rassurant. J’ai été désigné responsable pour apporter leur repas aux prisonniers.

- Je ne vous crois pas. C’est un des geôliers qui vient chercher ça, normalement. Et deux heures plus tard que maintenant.

Elle se mit à reculer, les yeux écarquillés.

- Je sais cela, murmura Synnas d’une voix douce en montrant ses mains vides. Mais la garde est plutôt occupé, aujourd’hui. Il paraît qu’un vampire est parvenu à s’introduire en ville. Je travaillais aux écuries quand ce nabots d’intendant m’a demandé de m’en occuper. Mais comme c’est la première fois, je ne sais pas trop vers quelle heure…

Il laissa sa phrase en suspend. La cuisinière poussa un soupir et s’assit sur un tabouret.

- Je suis désolé, je suis tendue, aujourd’hui. Un vampire, dites-vous ? C’est horrible !

- Oui, j’espère qu’ils l’attraperont vite. Où se trouve le repas des prisonniers ?

- Je n’ai pas encore pris le temps de le faire, tenez, prenez ça, sur la table, ça fera l’affaire.

Elle désigna un plat devant elle sur lequel était posé un assortiment de légumes à la fraîcheur douteuse. Synnas s’approcha en souriant, puis, au dernier moment, saisit la jeune femme à la gorge et la bâillonna de son autre amin. Il la plaqua contre un mur et exhiba ses crocs effilés.

- Je vais vous poser quelques questions, murmura-t-il d’une voix froide comme la mort. Si vous y répondez convenablement, sans me mentir une seule fois, je vous laisserais peut-être en vie. Vous avez compris ?

La cuisinière hocha la tête, terrifiée.

- Bien. Je vais maintenant retirer ma main de votre bouche. Un cri, un mot de travers, et c’est fini. Soyez très prudente.

Il ôta sa paume des lèvres de la jeune femme. Elle se mit à trembler.

- Pour commencer, où est entreposé le trésor du comté ?

- Je… je l’ignore, balbutia la fille, mais son excellence entrepose une grande partie de sa fortune personnelle dans ses quartiers.

- Bien, vous vous en tirez très bien. Quel direction dois-je prendre pour m’y rendre en prenant en compte que je souhaite croiser le moins de monde possible ?

- Je… la porte, derrière vous. Deux fois à droite, puis à gauche. Depuis l’armurerie, un grand escalier sert tout les étages du bâtiments. Il faut sortir au premier étage.

Elle récita tout cela d’une voix très rapide et un sourire étira les lèvres de Synnas.

- Parfait. Dernière question : il me faut un bâtiment de grande taille situé près des remparts. Vous voyez quelques choses qui puissent correspondre à cette description ?

- Le… le château lui-même. La chambre du compte est juste au-dessus des remparts. On dit qu’il aime les couchés de soleil.

- Vous avez répondu à toutes mes questions. Vous vous en êtes très bien sorti, ma chère, vraiment. Je ne peux toutefois pas honorer ma promesse de vous laisser en vie, j’en ai peur.

La jeune femme ouvrit de grands yeux mais c’était trop tard. Synnas lui brisa la nuque d’un geste fluide. Il vida un gros tonneau des légumes qu’il contenait et y mis sa victime. Avec un peu de chance on ne la découvrirait pas trop vite. Il s’empara d’un grand sac de toile et quitta la pièce.
Il suivit scrupuleusement les indications de la jeune femme et déboucha sur l’armurerie. Elle était heureusement vide. Il en profita pour voler une épée de belle facture qu’il glissa à sa ceinture et poursuivit son chemin pour découvrir des escaliers. Il les monta quatre à quatre malgré leur raideur, et parvint au premier étage. Là, il ouvrit une porte et entra dans un salon richement meublé, vierge de tout occupants. Il se mit aussitôt à fouiller le plus discrètement possible et tomba finalement sur un coffre massif fermé à clef. Synnas n’avait pas de matériel de crochetage, mais le coffre était en bois, il ne résisterait pas à sa force vampirique. Il pulvérisa le bibelot d’un coup de poing et une avalanche de pièces d’or se répandit sur le sol. Le vampire n’était pas cupide, mais la vue de tout cet or lui fit un petit pincement au cœur. Il remplit autant qu’il le put son sac de toile et se rendit dans la chambre du comte.
Sans prêter attention au lit somptueux qui reposait au centre de la pièce, Synnas se dirigea vers la fenêtre et l’ouvrit. Comme l’avait dit la cuisinière, elle offrait une vue plongeante sur le chemin de ronde. L’écart entre le mur et la fenêtre était plus court que le saut qu’il avait eu à effectuer dans le quartier pauvre. Un jeu d’enfant. Il s’accroupit sur le rebord et, le sac plein de pièces pas dessus l’épaule, il bondit par dessus le rempart. Son pouvoir de vampire lui servit à nouveau quand il dut atterrir un peu brutalement sur le sol meuble. Il s’appuya contre un frêne pour se relever. Il devait maintenant quitter la région, si possible en empruntant des routes secondaires, et trouver un village dans lequel il pourrait s’équiper. Ensuite, il lui fallait élaborer un plan pour retrouver la Mortelle et lui faire payer sa trahison. Pour cela, il avait besoin d’information. Il avait pu le constater, Tamriel avait changé en deux siècles. Quelque chose lui disait que s’ils ne rattrapait pas son retard, il allait commettre une erreur.
Même si cela faisait deux cent ans, certain des vampires qu’il avait connu avait sans doute pu échapper à la purge de la Mortelle. S’il parvenait à les retrouver, il pourrait reprendre l’avantage et rappellerait à cette inconsciente qu’on ne se jouait pas impunément de Synnas Gorgerouge…


#




Après des jours d’errances, Synnas avait finalement choisi la Cité Impériale comme point de chute. Il pouvait sans problème se fondre dans la foule et se mettre à la recherche de ses anciens contacts. Les trouver ne serait pas une mince affaire, car les gens avaient tendance à se mêler de leurs affaires dès qu’il était question de vampire et interroger les gardes sous un prétexte fallacieux était exclue puisqu’il était possible que leurs homologues de Cheydinhal leur aient transmis son signalement. Synnas déambulait donc, désœuvré, dans les rues de la capitale.
Il avait décidé de se loger dans une auberge du quartier commerçant. C’était un établissement de qualité moyenne qui n’attirait pas l’attention. De temps en temps, il se rendait de nuit sur les docks pour sucer le sang d’un mendiant malchanceux. Il avait bien retenu sa leçon de Cheydinhal et lestait les corps avec des pierres avant de les jeter à l’eau de sorte que nul ne les retrouve jamais. Leur disparition n’inquièterait personne.

Le moins qu’on pouvait dire, c’est que la ville était très peuplée. Partout, les gens grouillaient, s’apostrophant, négociant… Toute cette activité fascinait et horrifiait Synnas. Ses deux siècles d’isolement forcé lui avait laissé une forte aversion pour la foule dont il n’était pas près de se débarrasser. Mais excepté ce désagrément mineur, le vampire devait reconnaître que la capitale de Cyrodiil était une ville superbe. Les bâtiments étaient tous d’une blancheur immaculée et dégageaient une agréable impression d’harmonie. Un vent frais balayait les avenues de toute part, rafraîchissant à toute heure le marcheur solitaire qu’il était. Synnas avait coutume de se rendre chaque jour dans les taudis des docks à la recherche d’informations. C’était connu, les mendiants avaient des oreilles partout et formaient une communauté très soudée. Certains d’entre eux lui parlèrent à plusieurs reprise du Renard Gris, éveillant des souvenirs familiers à la mémoire du vampire, mais dès qu’il les questionnait sur les vampires, leur bouche se fermait, quel que soit le nombre de pièces qu’il faisait miroiter.

C’était donc à l’aide d’une méthode plus directe que le vampire prévoyait de questionner le prochain miséreux. Le soir tombait quand il atteignit le quartier des docks. Peut-être profiterait-il également de l’heure tardive pour se nourrir. Synnas traversa une haute arcade percée dans la muraille de la ville et déboucha sur le ramassis de taudis qui se réfugiaient derrière. C’était là que se regroupaient les rebus de la société impériale. Parias, criminels, mendiants et voleurs se mélangeaient pour former ce tout mystérieux qui constituait un sujet de discussion de prédilection pour les nobles. La réalité était hélas plus terre-à-terre. Une foule disparate reposait à même le sol, agonisante. Des hommes et des mers mutilés dans leur chair et dans leur âme s’efforçaient de survivre dans une société qui ne voulait pas d’eux. La plupart se consolaient en s’oubliant dans le skouma ou l’alcool, parfois les deux. Le reste se vengeaient sur les mieux lotis de la grande ville et devenaient des tires-bourses ou des assassins. La garde avait renoncé à patrouiller dans ce secteur tant la criminalité y était élevée. Il n’était pas rare qu’au matin, on découvre le corps sans vie d’un mendiant massacré pour une bouchée de pain volée ou une couverture empruntée.
Ce spectacle laissait Synnas de marbre. Les tracas des mortels lui importait peu et il avait une vengeance à accomplir. Il s’enfonça dans la fourmilière en quête d’un quidam à peu près sobre qui vaille le coup d’être interrogé. Il trouva son bonheur en la personne d’un Khajiit titubant qui venait manifestement de se soulager dans la rivière. Synnas s’approcha, le saisit à la gorge et le plaqua au sol.

- J’ai besoin d’en savoir plus sur la communauté vampire de Cyrodiil, siffla-t-il. Que pouvez-vous m’apprendre sur elle ?

- Ca va pas ! S’énerva l’homme-chat. Qu’est-ce qui vous prend ?

Synnas dégaina l’épée courte qu’il avait volée à l’armurerie du château du Cheydinhal et posa délicatement son fil contre la gorge de son interlocuteur. Vêtu d’une armure de cuir récemment acquise dans un commerce de la ville, l’arme dégainé, il avait l’air de ce qu’il était : un monstre près à tout pour arriver à ses fins.

- Je ne me répéterait pas…

- D’accord, d’accord ! Eloignez ça, par pitié !

Synnas recula sa lame de deux millimètre. Une goutte de sang se promena sur le métal et chuta dans la fourrure du misérable Khajiit.

- Je ne sais pas grand chose, continua celui-ci en parlant très vite. Il y a une rumeur locale qui dit que certain d’entre eux se cachent dans les égouts de la cité, mais je n’y crois pas. Les seuls qui peuvent avoir une idée valable sur la question sont les membres de l’Ordre du Sang Vertueux. Ils se regroupent chez leur chef, Seridur, dans le quartier du sanctuaire. Ne me tuez pas, s’il vous plait !

- Vous avez dit « Seridur » ?

- C’est bien ce que j’ai dit ! Lui et d’autre notable qui se préoccupent du bien être de la population ont formé cet ordre il y a quelques années. Jusque là, ils n’ont eu affaire qu’à un seul vampire et…

Synnas égorgea le Khajiit d’un geste distrait et n’accorda pas un regard au flot de sang qui s’écoulait. Se nourrir perdait soudain tout intérêt, car le nom de Seridur lui rappelait des souvenirs… Il se mit en marche et prit le chemin de son auberge. Le lendemain, à la première heure, il lui faudrait trouver un plan pour l’approcher…


#



Seridur était manifestement un elfe qui ne se refusait rien. Sa maison de plusieurs étages se dressait fièrement non loin du centre de la place, sa silhouette arrogante défiant les logements plus modestes qui l’entouraient. Il y avait même un jardin aménagé dans l’arrière-cour, ce qui était particulièrement rare pour la capitale dans la mesure où les impériaux se voyaient parfois obligé de s’entasser les uns sur les autres tant la population était nombreuse. Cette parcelle avait dû coûté les yeux de la tête.

Perché sur un toit voisin, Synnas se demandait comment approcher Seridur en toute discrétion quand il vit celui-ci sortir par la porte de derrière et faire quelques pas sur une herbe encore imbibée de la rosée du matin. Silencieux comme une ombre, Synnas se laissa couler le long d’une gouttière et atterrit tout en souplesse à deux pieds de Seridur. Celui-ci sursauta et se retourna vivement. Ses yeux s’agrandirent lorsqu’il reconnut son gêneur.

- Par le sang des dieux ! Synnas Gorgerouge !

- Bonjour Seridur, murmure le vampire avec un sourire. Cela faisait bien longtemps.

- J’avais entendu dire que tu t’étais libéré, mais je ne voulais pas y croire. Penser qu’après tout ce temps… Que viens-tu faire ici ?

- Tu oses me poser la question ? Je viens prendre la place qui est la mienne. Deux siècles sont peut-être passés, mais je n’ai pas oublié qui est mon serviteur.

Un rictus de haine déforma le visage de Seridur.

- Je n’ai plus de maître désormais. Je décide moi-même de mon destin !

- Ha, Seridur ! Cette discussion me rappelle cruellement celle que nous avons eut le jour de notre rencontre. T’en souviens-tu encore ?

- Parfaitement bien, merci. Mais comme tu l’as dit, cela fait maintenant deux siècles que nous ne nous sommes croisés. J’ai pu affûter mes talents pendant tout ce temps alors que toi, tu étais enfermé dans ce tombeau offert par…

- Ne prononce pas son nom, esclave ! Je constate que tu ne t’ais toujours pas débarrassé de ton arrogance ! Eh bien, soit ! Une fois de plus, la force désignera celui d’entre nous qui est digne de commander !

Synnas dégaina son épée courte et se mit en garde. Seridur saisit la longue rapière qui pendait à sa ceinture et fit de même. Le vampire fronça les sourcils. Avec son allonge, le Haut Elfe était avantagé, il allait falloir être très prudent.
Bondissant en avant, il envoya une série de coups de tailles et d’estocs à une vitesse stupéfiante. Mais pour rapide qu’étaient ses frappes, les parades de l’elfe l’étaient bien davantage. Très à l’aise dans ses luxueux vêtements amples, il paraissait danser sur place. Il força Synnas à reculer à l’aide d’une série de battements vigoureux. Très vite, son dos buta contre un mur.

- Tu es finit, « maître » ! Hurla Seridur.

Il se fendit d’un mouvement vif et puissant, la lame brandit vers le cœur de son adversaire. Synnas avait vu le coup venir et se décala de quelques centimètres vers la droite. Insuffisant pour éviter la rapière qui fusait vers ses côtes. Du bout des doigts de la main gauche, il frappa sèchement le plat de la lame de son adversaire, de sorte que celle-ci le manqua de quelques millimètres pour aller se briser contre la pierre. Le vampire profita de son avantage et envoya à Seridur un revers ascendant qui dessina une estafilade sanguinolente de sa hanche gauche à son épaule droite. L’elfe s’écroula en grognant, pressant ses mains contre sa blessure.

- Si ma mémoire est bonne, la balafre précédente est dans l’autre sens, n'est-ce pas ? Te voilà avec une jolie croix sur le torse, esclave. Souviens-toi que je marque toujours ce qui m’appartient.

Humilié, Seridur se redressa d’un bon et tenta de frapper Synnas. Le coup, impulsif, était beaucoup trop ample pour l’inquiéter. Il l’esquiva d’un mouvement souple des épaules et cogna violemment la tempe de l’elfe avec un crochet dévastateur. Seridur s’effondra.

- Voilà qui est mieux, misérable larve. Reste prostré au sol, c’est là qu’est ta place.

Enjambant le corps du Haut Elfe, il pénétra dans la maison. L’intérieur était aussi luxueux que l’extérieur le laissait présager. Des meubles en bois précieux garnissaient les moindres recoins et les murs étaient tapissés de tentures représentant des mers terrassant des vampires. Décidément, Seridur n’avait aucun goût.
La demeure était vide, ce qui évitait à Synnas d’avoir à tuer tout ses occupants. Il pouvait mettre son plan en marche sans plus attendre. Il retourna dans l’arrière-cour et flanqua un coup de pied à Seridur pour le réveiller.

- Lèves-toi ! Nous avons beaucoup à faire !

- Sois maudit, Synnas Gorgerouge ! Puissent les Daedras te manger le cœur !

- Maudit, je le suis déjà, commenta le vampire. Quand à mon cœur, même un dieu ne saurait le trouver. Allons ! Debout ! Fais honneur à notre espèce !

- Puis-je au moins connaître notre destination, ô, mon maître ?

- Pour l’instant, nul part. J’ai besoin d’information sur la Mortelle et vu ta position de "chasseur de vampire", je me suis dit que tu saurais quelque chose.

- Pas autant qu’on pourrait le croire. Après ta défaite à Isithar, la Mortelle n’a pas dissolu la compagnie de mercenaire qu’elle avait engagé pour nous faire la peau. Au contraire, elle en a recruté davantage et s’est établi ici, à la cité impériale, avec le but avoué de purger Cyrodiil de son chancre vampirique. La guilde des mages a vu ce projet d’un très bon œil et lui a alloué des fonds qu’elle a utilisé pour fonder un ordre : la Flamme du Jugement.

- Quel nom charmant, murmura Synnas. Et ensuite ?

- Ensuite la situation des vampires de Tamriel a commencé à sentir le roussi, commenta Seridur en grimaçant. Des agents très capables ont été envoyés au quatre coins du continent et le génocide de notre race a commencé. Certains d’entre nous ont essayé de se défendre, mais en vain, nous ne faisions pas le poids. Et plus notre race déclinait, plus l’influence de la Mortelle grandissait, si bien que l’empereur a fini par lui octroyer un titre de noblesse.

- On dirait qu’elle a été une petite peste très active, ricana Synnas. Mais son règne touche à sa fin. Parles ! Où se trouves-t-elle ?

- Euh… Synnas, c’est là où je voulais en venir… En fait, elle a péri il y a de cela cinq ans.

La colère qui submergea alors le vampire était si forte qu’il ne parvint plus à articuler un mot. Cinq années. Cinq ridicules petites années l’avaient privé de sa vengeance. Vengeance qu’il ruminait depuis deux siècles…

- Comment est-ce arrivé ? Balbutia-t-il en serrant les mâchoires.

- Un raid sur un nid de vampire a mal tourné, elle est morte pendant la bataille…

- Et la Flamme ? Qu’est-elle devenue ?

- Comme la Mortelle était noble, les membres de sa famille ont hérité de l’organisation. Un conseil de cinq Haut Elfe gère les affaires courantes à présent, avec bien moins d’efficacité qu’autrefois. J’ai eu vent de luttes intestines particulièrement meurtrières. Le nom de la Confrérie Noire a été prononcé plusieurs fois. Mais même si la Flamme n’est plus ce qu’elle était, elle reste un véritable fléau pour ceux d’entre nous qui sont parvenu à échapper à la traque de la Mortelle.

- Le vampire qui a tué la Mortelle ? Est-il mort ?

- Sans doute. Les agents de la Flamme adulait leur chef comme une déesse et ils ont dû faire payer de leur vie les vampires responsables de la chute de la Mortelle.

Synnas garda le silence pendant de longue minute. Il n’avait pas prévu que la Mortelle ne serait plus de ce monde à son réveil. Il avait trop compté sur la légendaire longévité des elfes. Ils pouvaient après tout mourir de milles façons différentes, comme le dernier des impériaux. Que pouvaient-ils faire à présent ?

- Le quartier général de la Flamme du Jugement, il est dans la cité ?

- Près de l’arène, confirma Seridur. Je sais à quoi tu penses, Synnas, mais c’est de la folie ! Le bâtiment grouille de mages de la guilde et de mercenaires près à mourir pour leurs nouveaux maîtres !

- Je ne t’ai pas demandé ton opinion, il me semble. Ces deux siècles de liberté t’ont laissé beaucoup trop impertinent à mon goût. Allons à mon auberge, j’ai besoin de réfléchir à un plan.

- Je ne peux pas laisser ma maison sans surveillance ! Protesta Seridur. On s’apercevra de ma disparition et on posera des questions ! D’autant que…

- Tu t’inquiètes pour des problèmes qui n’en sont pas, mon serviteur. Après tout, cette demeure ne t’appartient déjà plus. Elle est à moi, à présent, et je compte l’abandonner pour ne plus jamais y retourner.

Joignant le geste à la parole, Synnas gravit la gouttière par laquelle il était descendu et se hissa sur le toit. Seridur le suivit en gémissant.

Modifié par Ja'Shir, 31 décembre 2011 - 00:20.





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