Aller au contenu


[H] Resdayn


  • Veuillez vous connecter pour répondre
1 réponse à ce sujet

#1 Aiur

Aiur

Posté 21 septembre 2010 - 20:59

Il n'existait pas de plus grand plaisir que d'être devant un feu de cheminée bien fourni en dégustant du vin importé de Cyrodiil, laissant de côté l'armure et l'épée pour goûter un moment de sérénité bien mérité. Et Kanat Andrethi ne pouvait guère goûter au repos depuis quelques temps. D'ailleurs il n'était même plus Kanat Andrethi mais Indoril Nérévar. Réalité difficile à accepter au départ à laquelle il s'habituait de plus en plus facilement, aidé en cela par les souvenirs qui remontaient à la surface des eaux de son esprit.

Et quels souvenirs ! Nérévar se souvenait de batailles antiques contre des ennemis disparus, il se remémorait ces trônes brisés dont il avait foulé les débris, les seigneurs de guerre qu'il avait occis. Et bien sûr il se souvenait de sa fin. C'était en vérité le premier souvenir qui lui était revenu. Il enfilait cette robe, ils allumaient les bougies, puis il étouffait, il hoquetait, un voile recouvrait ses yeux et finalement il sombrait dans le néant. Sa première réaction avait été une incompréhension totale. Etait ce Vehk, Ayem ou Seth ? Probablement les trois. Au départ Nérévar avait bien tenté d'incriminer uniquement Seht et Vehk. Mais pas Ayem. Il n'avait pas voulu. Kanat Andrethi avait tué l'ancienne déesse de la compassion pour protéger sa vie sans le moindre remord mais Indoril Nérévar ressentait encore de l'amour au moment où Viveflamme s'enfonçait dans le sein d'Ayem, calcinant les chairs dans le glorieux brasier qui allait absoudre définitivement l'ancienne déesse de ses nombreux crimes.

Mais ces sentiments n'étaient plus. Et c'était une rage froide qui les avait remplacés. Rage envers les tribuns bien sûr. D'abord contre Ayem pour des raisons évidentes, puis contre Seht qui était l'instigateur de la trahison, et enfin contre Vehk, le plus insupportablement hypocrite des trois. Nérévar-Andrethi était bien résolu à tuer ce chimer bicolore qui avait tout pris à son ancien roi, aussi bien la terre que la femme. Mais d'abord il fallait lui arracher tous ses odieux petits secrets un par un, pénétrer les couches de son infamie et lui extorquer la vérité et les aveux, en évitant de se laisser abuser par ses mensonges perpétuels et sa schizophrénie galopante.

Car c'était cela qui avait sauvé Vehk jusque là. Nérévar était presque convaincu que son ancien conseiller était devenu absolument et irrémédiablement fou. Le fait que l'or et le noir se mélangent sur son épiderme n'était que l'illustration du mal qui le rongeait. Tandis que Vehk persistait à nier le régicide dont il s'était rendu coupable, il l'avait en réalité avoué depuis longtemps dans ses sermons. Nérévar les avait lu entièrement, cela bien avant d'abandonner l'identité de Kanat Andrethi. Mais c'est seulement plus tard, lors de la Déchéance de Vivec, que l'ancien roi des chimers avait été saisi d'une intuition et avait passé au crible les textes saints du Temple. Enfin du Temple sacrément fissuré à cause des coups de boutoirs de Saint Nérévar revenus d'entre les morts.

Et cet exemple de dénis et d'aveux mêlés n'était que l'un des innombrables faits qui avaient convaincu définitivement Nérévar de laisser l'ancien dieu en vie pour mieux comprendre comment son viel ami, celui qu'il avait appelé son frère, avait pu à ce point changer. L'autre raison était le peuple. Aussi incroyable que cela puisse paraître le peuple aimait encore l'ancien Tribun. Nérévar avait tout fait pour que cela ne soit plus le cas. Déballage massif de toutes les exactions commises par le Temple, procès de Vehk dans lequel ce dernier avait bien volontiers avoué devant des milliers de dunmers qu'il avait utilisé les Outils pour devenir une divinité. Certes une bonne partie du peuple avait enfin compris que les dunmers s'étaient retrouvés littéralement noircis par les péchés de leurs anciens souverains mais des millions d'autres dunmers ne comprenaient toujours pas.

Ceci étant dit Vehk avait beau être un point noir, c'était un horizon dégagé qui apparaissait devant le nouveau maître de Morrowind. L'Empereur était finalement mort, assassiné, très probablement par son fils Geldall qui, allant sur ses soixante ans, en avait marre de convoiter le trône. Hélas pour lui l'affaire n'avait pas été du goût de tous et la guerre civile n'avait pas tardé à gagner tout Cyrodiil et presque toutes les provinces. Sauf Morrowind. Qui, de fait, n'était plus une province. Les troupes impériales avaient été les grandes victimes de la Deuxième Bataille du Mont Ecarlate, se battant courageusement contre l'armée de la Sixième Maison tandis que Nérévar Réincarné pourfendait le Diable Dagoth-Ur. Et ce qui restait de la Légion en Morrowind avait été victime d'une successions d'accidents, de négligences internes, et de révoltes locales. C'était du moins la vision qu'on avait depuis la cité impériale mais la réalité était que tout Resdayn s'était soulevé et que les impériaux, pris par surprise, mal préparés, croyant que Nérévar était leur allié n'avaient pu résister.

Et certains hommes avaient même rejoints le héros Mont Ecarlate ! L'aura de Nérévar était telle que de nombreux légionnaires et officiers avaient préférés suivre un mer plutôt que de le combattre. Le plus magnifique étant que Helseth avait pu être capturé vivant lors de l'assaut du Palais Royal et n'avait d'autre choix que d'abreuver l'Empire en rapports réconfortants qui de toute façon n'avaient guère d'intérêt pour le nouvel Empereur, qui même si ils avaient narrés la réalité des faits, n'auraient pas été en haut de la liste des priorités du souverain.

Et pendant que l'Empire s'effondrait sur ses bases, Resdayn refaisait ses forces, lentement mais sûrement. Le réveil allait être dur pour les nobles poudrés de la nation humaine décadente, quand ils allaient être pris en tenaille par les aldmers à l'ouest et les dunmers à l'est. Un sourire éclaira le visage parfait d'Indoril Nérévar. Ayem avait payé sa trahison, Vekh ne tarderait pas à payer la sienne, et ceux qui se targuaient d'être les maîtres du monde n'étaient que les suivants sur la liste.

***



- Père, pourquoi le Seigneur Nérévar ne se montre t il pas ? Il était sensé venir aujourd'hui n'est ce pas ?

Le jeune dunmer se trouvait fort mal à l'aise d'évoquer pareille hypothèse. Athyn Saréthi regardait son fils d'un air vaguement amusé. Il s'inquiétait parfois du fanatisme de son fils envers le nouveau maître de Morrowind, ou plutôt Resdayn comme il était de bon ton de dire à présent. Bien sûr Saréthi aurait fort mal pris que son héritier manque de respect à celui à qui il voulait une reconnaissance éternelle. Et certes il était normal qu'Indoril Nérévar sauvant la vie de Varvur ait droit à une reconnaissance identique de celui ci. Mais Varvur éprouvait plus que de la reconnaissance, c'était une fascination mêlée d'adoration. En réalité à cet instant son faciès était semblable à celui d'un Ordonnateur sans son masque d'or. C'est à dire béat, obsédé et idolâtre.

- Varvur, je t'ai déjà dit de ne pas afficher aussi crûment ton appartenance, fit Saréthi père à voix basse, je ne t'interdis pas de participer à ce culte du Nérévarine puisqu'il t'a sauvé la vie mais tu sais très bien ce que j'en pense et tu sais très bien ce que lui même en pense. Et pour te répondre, comment veux tu que je sache pourquoi il est en retard ?

Le jeune Saréthi faillit répondre à la réprimande mais s'abstint sagement et s'enferma dans le mutisme. Son père ne lui accordait déjà plus d'attention, passant en revue la salle du haut conseil d'un œil exercé. Les gradins étaient pleins ce jour là ce qui n'avait rien d'étonnant puisque c'était la première fois que Nérévar faisait une allocution depuis l'assaut sur Longsanglot. Néanmoins, quelle affluence ! Athyn trouvait déjà la salle particulièrement imposante en temps ordinaire – sa forme circulaire, ses gradins qui montaient si haut, un plafond qu'on ne voyait pas, les bas reliefs des piliers et les fresques murales, c'était autre chose que le grand conseil en terme décorum – mais pleine elle semblait animée d'une vie propre.

Au sud de la salle il y avait les gradins des grandes maisons. A l'ouest les hlaalus habillés de soie et de fil d'or – nettement en défaveur auprès de Nérévar à cause de leur collaboration un peu trop rapprochée avec les impériaux – et les telvannis, drapés dans leurs robes multicolores étrangement miroitantes tandis qu'à l'est étaient les rédorans, dignes et austères dans leurs armures d'ossements et leurs robes simples, et les indorils. Qui bien sûr pavoisaient autant que possible puisque le nouveau maître de Resdayn les avait particulièrement distingué en créant la Maison Royale d'Indoril en les associant à sa personne et en leur conférant la prééminence sur toutes les autres maisons. Et, étonnamment, les Drès étaient totalement absents.

A nord Athyn distinguait les ordonnateurs et l'administration royale. Les premiers qui étaient désormais aussi fanatiques envers Nérévar qu'ils l'avaient été envers les Tribuns occupaient une bonne partie de l'espace, les clercs et les trésoriers se retrouvant poussés vers l'ouest et l'est. De là où il était Athyn ne pouvait que deviner les parures magnifiques des ordonnateurs, dont le prestige n'avait cessé de croître depuis que leur ordre avait été dissocié du Temple moribond pour entrer au service direct du Seigneur Nérévar.

- Dis moi Varvur, à quoi attribues tu l'absence de la maison Drès ?

Athyn avait posé la question d'une voix réellement curieuse. Tout dévot qu'il soit, son fils avait parfois une stupéfiante compréhension de la politique et des intrigues de cour, et il semblait être au courant de tout avant tout le monde, phénomène que son père avait la sagesse de ne pas chercher à expliquer.

- Je ne sais pas trop père, répondit Varvur Saréthi, songeur. Toutefois j'ai cru comprendre que des troupes importantes de la maison Drès étaient entrés dans le Marais Noir, je comptais t'en parler mais j'ai été pris de court par…

Le silence se fit en quelques secondes dans l'immense salle du haut conseil de Resdayn. Les portes de l'ouest – il y en avait aux quatre points cardinaux – étaient en train s'ouvrir, leurs ventaux de bronze sculptés s'écartant lentement. E t puis tous le virent, lui, dans l'encadrement des portes monumentales. Il était incroyablement imposant et semblait remplir tout l'espace, vêtu de son armure complète, noire et or évoquant celle d'un grand ordonnateur quoi que bien plus travaillée et différente sur certains points comme le bouclier sur lequel figurait une représentation d'Astre-Lune .

Le fait que Nérévar choisisse d'apparaître en armure complète laissait présager un discours d'une importance immense, car il ne l'avait plus portée en public depuis la Seconde Bataille du Mont Ecarlate. De fait, ce qu'on pouvait distinguer du visage derrière le heaume était grave. Mais pas choqué, atterré ou en colère, nota Saréthi père.

Puis, d'un pas décidé, la porte de l'ouest se refermant derrière lui, Nérévar gagna le centre de la salle. Il n'était pas un mer qui ne retenait pas son souffle, tous pressentant qu'ils étaient à un de ces moments charnières qui décidaient du destin de Nirn. Enfin, le roi revenu d'entre les morts commença à parler, d'une voix forte, qui résonna non seulement dans la vaste salle mais aussi dans le cœur et l'esprit de chaque dunmer présent.

- Je répondrais à une interrogation que beaucoup doivent se poser avant de commencer à m'exprimer. Les Drès ne sont pas ici car ils mènent en ce moment une expédition dans le Marais Noir dans le but de nous assurer la maîtrise d'une vaste portion de territoire et d'une grande quantité d'esclaves pendant que les races animales qui le peuplent sont occupées à se révolter contre les impériaux. J'ai décidé de donner mon aval à cette opération hier au soir et je comptais bien évidemment tenir au courant cette noble assemblée quand un événement de première importance m'en a empêché, ce même événement qui m'a forcé à convoquer cette séance extraordinaire du haut conseil.

Nérévar fit une pause, laissant le temps à ses interlocuteurs de considérer les informations dont il venait de leur faire part. Normalement chaque groupe aurait pu faire entendre sa voix en désignant un porte parole, mais si ils en avaient le droit, tous sentirent que le moment n'était pas venu d'exiger une part du butin Drès.

- Dès que je fus de retour au pouvoir en mon ancien royaume de Resdayn, j'a créé cette chambre haute, dans laquelle les nobles et les membres éminents de l'appareil d'état peuvent s'exprimer. D'aucuns ont pensés que ce serait ingérable, qu'un véritable chaos en naîtrait, mais le système des représentants, les questions que vous étiez libre de me poser, tout cela a, au contraire, amélioré l'efficacité de l'état autant que cela m'a permis de m'assurer que je n'agissais pas contre mon peuple. Mais en vérité ce n'est pas par simple soucis d'écoute que j'ai créé ce haut conseil. Je l'ai créé car je savais que ce jour arriverait. Mais j'ignorais qu'il arriverait dans de telles circonstances. Car j'ai de bien tristes nouvelles. Des sources bien informées m'ont fait savoir que l'Empereur Geldall a réussi à résoudre les conflits bien plus tôt que nous ne l'espérions. Nous ignorons encore comment il s'est y est pris mais il a attiré ses deux frères dans un piège dont ils ne sont pas sortis vivants. Tout cela est encore très flou mais ce qui est sûr c'est qu'il va prêter une attention bien plus soutenue aux faux rapports que nous lui envoyons et qu'il ne va pas tarder à comprendre que la province qu'il croit fidèle est en fait indépendante et rebelle depuis déjà plus d'un an.

Murmures effarés dans la salle. Saréthi jette un regard plein d'incompréhension à son fils qui le lui renvoie.

- Nous pensions disposer de plusieurs années de guerres civiles dans l'Empire, nous pensions que le moment serait propice pour une attaque foudroyante menée avec nos alliés aldmers mais visiblement il faut abandonner cette idée. Vous avez dès à présent trois choix. Je peux me constituer prisonnier, déclarer que je suis l'instigateur de la révolte, ce qui est vrai, et je suis persuadé de pouvoir convaincre le nouvel empereur de ne pas commettre l'irréparable. Vous pouvez décider de me déchoir pour mon erreur de jugement car oui, tout comme vous, je pensais que nous avions le temps.

Silence choqué. - Mais il y a toutefois un autre choix. Il n'a échappé à aucun d'entre vous que j'exerce le pouvoir en tant que seigneur Nérévar. Que la situation est en fait assez floue, ce que n'arrange pas ce culte du Nérévarine que certains prétendent devoir me vouer. Toutefois si vous le désirez, si c'est votre souhait unanime, je peux reprendre la couronne que j'occupais il y a bien longtemps de cela et redevenir le roi Indoril Nérévar de Resdayn, je peux reconstituer l'ancien royaume et combattre pour sa sauvegarde. Je sais que cela n'est pas une décision facile à prendre pour vous qui, peut être, souhaitiez uniquement que je dirige Resdayn le temps qu'un vrai souverain soit choisi pour mener l'assaut vengeur contre l'Empire. Si tel est le cas je ne m'imposerais pas et je vous rendrais le pouvoir que vous m'avez conféré. Je vais maintenant me retirer, et quand je reviendrais vous me ferez part de votre déc…

Un bourdonnement diffus avait emplis la salle au fur et à mesure que Nérévar s'approchait de sa conclusion. Soudain ce fut l'explosion. Tous se levèrent et crièrent, telvannis et ordonnateurs compris. Mais ce n'était pas de la colère. Car ce que l'on entendait scander si fort que le bâtiment semblait vibrer c'était « Nérévar notre roi ».

Athyn Saréthi applaudissait et criait comme les autres. Mais pourquoi se sentait il si mal à l'aise en regardant celui qui allait devenir son roi ? Etrangement il n'arrivait pas à partager l'euphorie ambiante. Il comprit quelle était la source de son malaise en regardant son fils. Ce dernier beuglait et levait le poing en hurlant « Nérévar notre roi », transfiguré par une expression qui fit frémir Athyn. Il ne reconnaissait plus son fils.



***



- Rappelle moi pourquoi nous sommes ici Vera ?

Vera Abulimi fronça les sourcils, ses yeux bleus glacés se tournant vers son assistant. La brétonne était plus qu'excédée du comportement de ce dernier et ce n'était pas ces jérémiades qui allaient faire monter la cote de Yolem.

- La Mission Impériale se doit de protéger les peuples de l'Empire, de venir en aide aux nécessiteux, d'accompagner les prisonniers lors de leur réhabilitation et de s'assurer que leurs conditions d'incarcération leur permettront de se diriger vers ladite réhabilitation. Ca te dit quelque chose ?

L'assistant leva les yeux aux ciels et ne répondit que par une moue désabusée. Vera ne pouvait elle même pas s'empêcher de trouver que sa tirade, tirée du texte fondateur de la Mission, ne sonnait faux dans les circonstances présentes. D'une part Morrowind, ou plutôt Resdayn, n'était de fait plus une province de l'Empire, d'autre part le fait que la Mission existe encore n'était dû qu'à la lenteur de la nouvelle administration royale qui n'avait pas encore trouvé le temps de démanteler les derniers reliquats d'empire que constituaient la Mission et les autres organisations sociales et caritatives. Et mieux que quiconque, Vera savait que ce n'était qu'une question de jours avant qu'elle même, en tant que membre d'une organisation impériale, non dunmer de surcroît, soit expulsée de Resdayn ou, plus probablement, jetée dans une oubliette crasseuse sous prétexte d'activité d'espionnage. Cette pleine conscience de la situation ne l'empêchait pourtant pas de continuer ses activités. « Un altruisme stupide qui nous conduira tous dans une prison dunmer » selon Yolem Dolio.

Le batelier n'avait rien perdu de l'échange et jetait un regard amusé sur ses passages. L'homme avait déjà du mal comprendre pourquoi une belle brétonne apparemment saine d'esprit désirait se rendre sur l'île prison de Diandre, mais le fait qu'elle clame haut et fort son appartenance à l'Empire le dépassait. Toutefois si il y avait bien une chose qu'il comprenait, c'était l'agréable musique de l'or qu'il avait reçu pour le voyage de Vivec à Diandre aussi avait il choisi de garder ses opinions pour lui, se contentant de fendre les flots avec une belle énergie.

- Combien de temps encore ?

La voix de sa passagère le tira de ses réflexions. Une voix agréable d'ailleurs, à l'accent exotique et à la diction parfaite. Cela changeait agréablement des ordonnateurs malcommodes et des fonctionnaires grinçants.

- Dans cinq minutes vous verrez la forteresse se profiler Ma Dame. Notez, pour ce que j'en dis, qu'il y a des vues plus agréables. Vous êtes sûre que vous ne préférez pas retourner à Vivec ? J'vous assure – mais après c'est qu'mon avis – que vous trouverez rien de bon à Diandre.

Aucune réponse. La passagère se retrancha dans le mutisme jusqu'à ce qu'apparaisse la forteresse. Elle ne put retenir une exclamation devant le spectacle qui s'offrait à elle. Même le batelier, pourtant habitué du trajet, fut, comme à chaque fois, parcouru par un frisson d'appréhension. A quelques dizaines de minutes de Vivec la grande, on imaginait mal une île prison. Et pourtant il se dressait, menaçant, impressionnant, ce donjon de Diandre, construit après la chute des Tribuns pour enfermer un large panel d'individus, qu'ils soient sympathisants impériaux, membres du Temple et autres opposants à la révolution apportée par Nérévar. L'ensemble était fait de briques noires et luisantes, la forteresse culminant à plus de deux cent mètres de hauteur. Tandis qu'on s'en approchait, la vision des terres alentours disparaissait et il fallait toute sa volonté pour se souvenir qu'on était toujours à Morrowind, dans les eaux de Vivec. Diandre dégageait une espèce d'aura, comme toutes les constructions élevées par magie, qui ne pouvait que mettre mal à l'aise, et dans le cas présent, cette construction solitaire au milieu de flots, cette noirceur, cela faisait plus que mettre mal à l'aise, cela faisait peur. Ce qui était sans doute l'effet recherché.

La brétonne et son assistant eurent tout le loisir d'éprouver de l'appréhension tandis que leur barque se rapprochait de l'île. Même Vera, pourtant si pleine d'assurance quelques instants auparavant, ne se sentait plus très vaillante. Mais il était trop tard pour faire marche arrière et c'est sans rien montrer des troubles qui agitaient son esprit qu'elle posa le pied sur le débarcadère de l'île. Un comité d'accueil attendait le petit équipage. Comité composé de deux ordonnateurs, impénétrables derrière leur masque d'or, et d'un dunmer au crâne rasé et aux traits durs, vêtu d'une robe pourpre. Vera sentit le regard scrutateur du mer se poser sur elle. L'individu la détaillait ostensiblement, notant sans doute la tenue de la brétonne, c'est à dire une robe blanche d'une simplicité monastique, uniforme des membres de la Mission Impériale, qui mettait en valeur ses longs cheveux noirs et sa peau claire. Quand il eut examiné tout son saoul, il s'avança et prit la parole d'un ton sec.

- Vera Abulimi je suppose, membre de la Mission Impériale. Je suis Direr Ienith, gouverneur de Diandre. Je vais être très clair, le fait que vous puissiez encore venir ici en toute liberté au lieu d'être une de nos pensionnaires n'est dû qu'à une incroyable lenteur administrative. Donc, je vais vous faire visiter, vous allez parler aux prisonniers et leur dire à quel point vous regrettez leur sort et à quel point le gentil empire humain regrette les exactions des méchants dunmers, puis vous allez partir pendant que vous le pouvez encore. Votre assistant reste ici.

La brétonne s'apprêta à répondre mais le regard furibond de Ienith au moment où elle ouvrait la bouche l'en dissuada. Le visage fermé, elle lui emboîta le pas, suivie par les deux ordonnateurs, toujours aussi impassibles. Ils marchèrent pendant quelques minutes, le temps d'arriver jusqu'à l'entrée du donjon. Un premier mur d'enceinte courait sur plusieurs kilomètres, protégeant la cour extérieure, sur laquelle ouvrait un portail d'un noir d'obsidienne, devant lequel un poste de garde en pierre était installé. Tandis que le gouverneur de l'île et Vera approchaient, les deux ordonnateurs se positionnèrent devant le portail et prononcèrent chacun un mot que la brétonne ne put entendre. Mais l'effet fut immédiat et le portail s'ouvrit sans un bruit.

- Un sort de reconnaissance vocale, fit Ienith d'un ton condescendant devant la surprise de Vera, l'âme d'un daedra a été scellée dans le portail et celui ci ne s'ouvre que si les ordonnateurs ou moi même le permettons. Imparable.

Vera pâlit imperceptiblement. Visiblement quand on était entré ici, il était difficile d'en sortir. Sous le regard goguenard de Direr Ienith, elle pénétra dans la forteresse. Elle fut aussitôt assaillie par les bruits, les cris et une activité frénétique – visiblement un sort de silence empêchait le son de filtrer au delà des murs. Dans la cour extérieure de la prison pas de prisonniers. Mais beaucoup de soldats et de matériel. Des ordonnateurs à l'exercice, des membres de l'administration courant dans tous les sens, des mages faisant léviter des fournitures vers leur destination.

- Tout l'espace extérieur de la prison est réservé à l'administration et aux ordonnateurs. Je vous laisse vous diriger toute seule vers l'enceinte intérieure où un ordonnateur vous prendra en charge.

Vera n'eut même pas l'occasion de dire quoique ce soit que le dunmer était déjà parti d'un pas vif. La brétonne était écœurée. D'habitude les dirigeants d'organisme carcéraux accueillaient plutôt bien la Mission Impériale dont la venue avait toujours un effet positif sur le moral des gardes et permettait d'avoir un contact avec l'extérieur, recherché aussi bien par les détenus que par le personnel. Visiblement ce n'était plus le cas. La brétonne retint un soupir. Peut être Yolem avait il raison, la présence de l'Empire n'était sans doute plus ni souhaitée ni souhaitable, mais Vera ne pouvait s'empêcher de continuer à avancer vers le bâtiment d'accueil, en quête d'âmes à soulager.

Après avoir passé quelques portes et s'être trompée plusieurs fois, elle parvint enfin à la section de Diandre chargée de la réception des visiteurs officiels. C'était pour le moins minimaliste. Trois bureaux derrière lesquels étaient assis des dunmers en plein travail à la mine renfrognée et des chaises pour patienter en attendant que quelqu'un trouve le temps de s'occuper de votre cas. Et l'attente fut longue pour Vera. Ce n'est qu'au bout d'une heure qu'elle sentit quelqu'un s'approcher. Levant les yeux de la contemplation du sol, son regard se posa sur un énième ordonnateur. Sans son masque d'or. Vera leva un sourcil étonné. Le dunmer devait être sensiblement du même âge que la jeune femme. Le crâne rasé lui aussi, ses traits étaient étonnamment nobles et il dégageait une grande prestance. Ses yeux rubis fixaient la brétonne et un sourire contrit – le premier sourire que Vera voyait depuis un temps qui lui parut immense – fit jour sur son visage.

- Dame Abulimi, je vous prie de m'excuser de vous avoir fait tant attendre. Le personnel de la prison a été confronté à un problème avec un groupe de détenus et c'est moi qui ait été chargé de vous faire visiter. Nelyn Renim, cousin de la Grande M.., pardon, de la Maison Royale d'Indoril.

Etonnée voire stupéfaite de tant de prévenance, surtout de la part d'un Indoril, Vera resta un instant sans réaction. Se rendant compte de la déplorable impression qu'elle devait produire elle ne put s'empêcher de rougir d'embarras. Elle se leva en lissant sa robe pour se donner une contenance.

- Vous êtes tout excusé seigneur Renim, je comprends que ma venue puisse être jugée importune et que je ne sois pas une priorité. Mais je tiens à vous assurer que je n'ai pour seul but que d'apporter une aide spirituelle aux détenus comme l'exige la tradition de la Mission.

- Vous êtes très aimable, mais l'inconséquence du personnel de Diandre incombe uniquement à celui ci, lui répondit il, gardant un sourire serein. Quoiqu'il en soit il se trouve qu'il y a un prisonnier qui a ardemment réclamé la Mission Impériale depuis quelques jours. Si vous voulez bien me suivre.

D'un geste gracieux le jeune noble invita la brétonne à lui emboîter le pas. Le cerveau de celle ci était en ébullition. Elle n'était pas idiote. Il était tout à fait étonnant qu'un Indoril du rang de Nelyn Renim joue les gardiens de prison et son attitude à l'égard d'une impériale était encore plus incompréhensible. Et que penser de ce prisonnier qui désirait tant la venue d'un membre de la Mission Impériale ?

Elle était toujours plongée dans sa perplexité quand elle arriva devant la cellule. Renim lui ouvrit galamment la porte avant de l'inviter à entrer. Immédiatement l'odeur lui souleva le cœur. La vue n'était guère plus tolérable. Un homme gisait là, entièrement nu, les formes de son corps n'étant guère visibles à cause de l'épaisse couche de crasse et de déjections dont il était recouvert. Entravé par des chaînes qui le maintenaient presque collé au mur. Vera eut un haut le cœur et jeta un regard plein de colère à Renim qui était totalement impassible.

- Je vais vous laisser parler en tête à tête, je laisse la porte ouverte, fit l'indoril, quand vous en aurez assez faites moi signe.

Et c'est ce qu'ils firent, parler. L'homme tenait à se vanter auprès de la brétonne, qui après tout était « une impériale bien de chez nous, une humaine et pas une de ces sales mers », du viol, du meurtre et de la torture de jeunes dunmers alors qu'il était légionnaire en poste à Balmora. Il fournit une profusion de détails et demanda la bénédiction des neufs pour ce coup porté aux sauvages de Morrowind. Elle chancela en sortant et Renim dut la soutenir. Elle se plongea dans le regard rougeoyant, perdue. Le noble avait un visage grave.

- Vous voyez quel genre d'individus croupissent ici ? Vous pensez réellement que vos dieux, ces neufs, peuvent sauver l'âme du soudard qui vous a entretenu de ses exploits ?

Vera dut faire un gros effort sur elle même pour répondre sans que sa voix ne tremble.

- Je pense que les Neufs peuvent sauver l'âme de quiconque est prêt à la repentance et j'espère que cet homme finira par la trouver.

Nelyn Renim écarquilla les yeux un instant puis eut un sourire lumineux.

- Vera – vous permettez ? -, je ne croyais pas que vous pourriez avoir des sentiments aussi nobles envers cette… créature. Mais, alors qu'il ne vous connaissait pas, Sa Majesté Nérévar a eu une intuition à votre sujet. C'est pour cela qu'il ne vous a pas fait arrêter comme tous vos supérieurs de la Mission Impériale et qu'il est prêt à vous faire une proposition. Votre Mission existe mais plus en tant que Mission Impériale. Une organisation apolitique et multiraciale. Et vous dirigez cette nouvelle structure.

Coup de massue. Vera ne savait pas par quoi être la plus étonnée. L'arrestation de tous les responsables de la Mission Impériale en si peu de temps ? Le « Sa Majesté » accolé à Nérévar en lieu et place de l'habituel « Seigneur » ? La proposition ? Le reflet de son hébétude dans le regard de Nelyn ?

- Je.. euh… eh bien seigneur Renim c'est très généreux. Je ne sais comment… mais oui, oui bien sûr, si la Mission peut subsister alors oui j'accepte, bien sûr.

Qu'il était douloureux, se disait Vehk, de passer de la divinité à la déchéance la plus totale. Il semblait au mer gris et or qu'hier encore il avait la maîtrise de l'espace, du temps et des dimensions. Et maintenant… il n'avait même pas la maîtrise de sa propre vie. Jeté au fin fond d'une prison dont il ignorait jusqu'à la localisation, maintenu dans un état d'impuissance à l'aide de liens magiques tissés par Azura elle même sur la requête de Nérévar, l'ancien dieu souffrait à l'infini. Ni nourriture, ni eau, juste des sorts pour le maintenir en vie et pour l'entraver. Une torture qui s'insinuait dans son être comme la toute puissance du Cœur de Lorkhan qui auparavant traversait chaque fibre de son corps. Et le responsable de tout cela n'était autre qu'Indoril Nérévar.

Un rictus apparut sur le visage du mer bariolé. Comment son ancien roi pouvait il lui tenir rigueur de sa petite trahison ? Certes Nérévar avait trépassé mais il était de retour dans un corps qui ne craignait ni le vieillissement ni la maladie, si puissant qu'il avait pu défaire Ayem sans effort. Ne pouvait il pas considérer que son fidèle Vehk lui avait rendu un fier service ? Visiblement pas. Un rire, immédiatement suivi d'une quinte de toux, fit tressauter le corps de Vehk, affalé contre le mur est de sa cellule. Non décidément il ne serait pas pardonné. Aucune chance.

Les sinistres pensées de l'ancien dieu furent interrompues par des bruits de pas non loin de sa cellule. Soupir. Les bourreaux ? Vehk se demandait chaque jour comment serait son exécution. Nérévar allait il venir dans sa cellule, sortir sa lame légendaire et lui trancher la gorge ? Ou alors serait ce une exécution en place publique dans laquelle le peuple, dont Vehk ne doutait pas qu'il ait été largement monté contre les tribuns, allait se charger lui même de faire justice ? Ou peut être que Vehk allait être confié aux bons soins des daedras ? Cette perspective fit frissonner l'ancien Dieu. Azura le vouait aux gémonies. Et la plupart des autres princes ne le tenaient pas en haute estime à cause d'histoires aussi insignifiantes qu'une tête coupée sur le plan mortel ou qu'une poitrine percée.

Les bruits de pas s'étaient arrêtés devant la porte de la cellule. Une porte de plusieurs centimètres d'épaisseur en métal enchanté qui instillait en Vehk un vif sentiment de malaise à chaque fois qu'il la regardait. Finalement le tintement des clés et le murmure des sorts. Alors c'était pour aujourd'hui. Vehk se leva sans tituber et se tint bien droit, apparition fantomatique dans la petite pièce dont les seules sources de lumières étaient les sorts tissés dans les pierres et le métal.

Et finalement ils entrèrent. Un homme enveloppé dans des robes de soies luisantes de magie, et deux autres, deux grands ordonnateurs vêtus de leur armure habituelle quoique rehaussée par une cape pourpre dont Vehk ne connaissait pas la signification. Néanmoins puisque Nérévar avait cru bon d'envoyer des Indorils… restait peut être un moyen de s'en tirer pour le poète guerrier.

- Cela ne se peut que vous soyez venu pour m'assassiner, déclama t il devant un auditoire impassible, vous êtes des fiers membres de la Grande Maison d'Indoril, pilier du Temple, glorieux…

Le coup de poing gantelé qui atteignit Vehk en plein visage le projeta contre le mur sud de sa cellule. L'impact aurait été légèrement plus fort qu'une mâchoire se serait brisé. Vehk jugea donc plus prudent de se taire, se contentant de lancer un regard lourd à son tourmenteur, l'homme en robe qui semblait porter une armure par dessous. Ce dernier jeta vers lui un regard qui faillit faire trembler Vehk. Plein de haine et de rage. Les traits du visage au crâne rasé étaient durs comme la pierre et la voix qui se fit entendre était glaciale.

- Suffit, misérable mutant bicolore. Sa Majesté le Roi a déclaré une amnistie pour tes très nombreux crimes, et les chefs d'accusations exceptionnels pour utilisation d'outils sacrilèges, envoûtement du peuple, offense aux dieux et tous les autres ont été abandonnés. Mais sache que la Maison Indoril te voues toujours la haine la plus féroce, car si notre roi, père de la compassion, seigneur des opprimés comme des puissants, peut trouver en son cœur la miséricorde d'épargner celui qui l'a assassiné par le passé, nous, simples mortels ne trouvons pas malgré tous nos efforts la pitié pour pardonner l'infâme régicide, celui qui a utilisé d'infâmes créations dwemer pour acquérir ses pouvoirs, celui vampirisait le bon peuple de Morrowind.

Vehk se demandait dans quelle mesure le mage guerrier d'Indoril avait prononcé ces mots à son intention. N'était ce pas plutôt pour rappeler aux deux autres la raison pour laquelle ils devaient apporter leur concours à l'exécution d'un de leurs anciens dieux qui… Mais minute. Vehk avait il bien entendu ? Amnistie ? Sa Majesté le Roi ?

- Je crains ne pas comprendre ô puissant père de la maison Indoril, si je suis amnistié par Nérévar que fais je…

Cette fois ci c'était une botte métallique qui percuta le torse de Vehk avec une grande violence, lui brisant une ou deux cotes. Sous l'empire de la douleur Vehk en était réduit à hoqueter à pousser des gémissements. Que la divinité lui manquait.

- Tu parleras du Roi Immortel avec respect, misérable scélérat, fit l'Indoril en robe d'un ton vibrant de colère. Sache que ton amnistie comporte une condition. Apprends que nous avons repris les hostilités contre l'Empire des hommes, et que le génie tactique de notre Roi nous a permis de nous enfoncer profondément en Cyrodiil, jusque dans le comté de Cheydinhal. Néanmoins nous subissons une contre attaque violente d'Argonia à la suite d'un assaut mené par les incompétents de la pitoyable maison Drès. Toi qui a été le général de Sa Majesté contre les diables dwemers avant que tu ne le trahisses, la même responsabilité aux seins de nos forces sur le front Cyrodiilien peut t'être offerte si tu jures devant ton suzerain et devant la Déesse du Crépuscule de ne pas à nouveau trahir ton peuple et ton roi. Et pendant que tu t'occuperas des impériaux à l'est, le roi portera l'assaut sur Thorn. Et maintenant réfléchis vite et donne ta réponse, n'wah.

Le dernier mot fut un coup plus violent que tous ceux que l'indoril avait infligé à Vehk jusque là. Ainsi Nérévar avait décrété, soutenu par toutes les maisons, que Vehk n'était plus qu'un n'wah, un étranger au sein de son peuple. Depuis l'aube de Resdayn un roi pouvait proposer pareil châtiment, mais il était si grave et si au delà de la mort que l'ensemble de la noblesse devait traditionnellement donner son aval. La plus redoutable des armes. Personne ne témoignerait ni amitié ni respect à Vehk et tous se détourneraient de lui, car l'étranger au sein du peuple ne vaut guère mieux qu'un humain. Mais le message était clair par ailleurs. Si l'on pouvait faire d'un dunmer un étranger au sein de son peuple, l'on pouvait aussi lever l'ostracisme par décret royal. Et mieux que quiconque, Nérévar savait que Vehk aimait le peuple dunmer plus que tout, à sa façon. Il mobilisa toutes ses ressources, usant du peu de magie régénérante qu'il avait réussi à faire passer entre les mailles des liens de négation qu'on lui imposait.

- J'accepte. Qu'on me mène devant mon armée et mon roi.

- Qu'il en soit ainsi, général en chef Vehk. Suis moi je t'en prie.

Vehk obtempéra, suivant le noble, soutenu, avec un simulacre de respect par les deux ordonnateurs. Ils lui avaient donné une robe de moine qui le dissimulait dans les ombres de l'anonymat. Ils ne furent ni contrôlés ni fouillés en sortant de la prison du palais. Usant de couloirs et de passages secrets, à grand renfort de sorts de caméléon, les indorils et le général en devenir aboutirent à des appartements luxueux, composés d'une salle d'eau, d'une chambre, d'un salon et d'un bureau mais sans porte ni fenêtre dont l'unique sortie était un passage secret et dont l'air semblait être produit et purifié par magie. Vehk enleva son capuchon et jeta un coup d'œil interrogateur à son interlocuteur. Qui n'était plus là. Sans s'expliquer davantage les ordonnateurs partirent eux aussi. Vehk fit le tour de ses appartements, se lava, usa de sorts de soins – on le laissait utiliser sa magie mais il sentait que de puissants pratiquants étaient à l'œuvre pour le brider en permanence – pour revenir au meilleur de sa forme. Puis il mangea le copieux repas qui avait été déposé à son intention sur une table basse du salon et revêtit tuniques et robes d'un goût, selon lui, exquis. Et il attendit. Car il ne doutait pas que quelqu'un vienne et il avait une idée de qui serait ce quelqu'un. Aussi ne fut il pas surpris quand il entendit des pas dans le passage et que celui ci s'ouvrit. Il se retourna lentement avant de s'agenouiller.

- Mon Roi.

- Général en chef Vehk.

Vehk était mouché. Quand on voyait Nérévar, la seule chose qu'il y avait à dire était « Mon Roi ». Déjà avant, des millénaires plus tôt, Nérévar était impressionnant, certes, avec des traits parfaits, une haute taille et tout le reste, mais là… Nérévar avait gagné une aura, quelque chose qui n'était pas magique et qui n'était pas non plus le simple charisme mais qui imposait immédiatement le silence respectueux, voire même la soumission. Est ce que c'était cela que de revenir d'entre les morts ? Toujours est il que les diverses petites trahisons que préparaient Vehk s'envolèrent de son esprit. Sur l'invitation du roi, qui était simplement vêtu d'une belle robe pourpre et or, il s'assit sur un fauteuil, et Nérévar prit celui d'en face. Le souverain parla, d'une voix neutre et, étonnamment, sans acrimonie.

- J'avoue que je ne savais pas ce que je devais faire de toi Vehk. Tu seras heureux de savoir qu'une partie du peuple t'as pardonné et t'aime encore. J'avais donc des répugnances à t'exécuter. De plus, je te le dis en toute honnêteté, si un temps le désir de vengeance m'a submergé, je n'aimerais finalement pas avoir à te tuer. Oh il y a quelques semaines j'étais bouillant de haine mais je crois que, depuis que l'intégralité de mes souvenirs me sont revenus, ma haine s'est dissipée. Tu étais mon général et tu m'as trahi. Puis tu m'as fait cocu à titre posthume ce que j'ai encore un peu de mal à accepter comme tu peux l'imaginer.

Nérévar eut un rire musical tandis que Vehk était étonné. Et pas rassuré. Il n'accordait absolument aucun crédit à ce discours emprunt de pardon mais ne dit rien.

- Néanmoins, si l'on parle de l'assassinat, je crois que tu m'as tué parce que Seht vous avait convaincu, Ayem et toi, que c'était ce qu'il y avait à faire pour le peuple. Seht est selon moi l'instigateur de toute l'affaire. J'ai récupéré mes souvenirs et j'ai en tête des éléments, qu'à l'époque je n'ai pas pris le temps de considérer, mais qui, à la lumière de la conspiration, prennent tous leur sens. C'est l'immense intellect de ce mage, le fait qu'il ait été plus âgé que vous deux et frustré que je vous accorde plus de crédit, son charisme, qui l'a poussé à vous convaincre par un de ses raisonnements que je prisais tant, qu'il fallait m'assassiner pour que Resdayn bénéficie de la présence de dieux vivants. Je me trompe ?

Il ne se trompait pas. Ca n'avait rien à voir avec l'influence de l'anneau que Nérévar portait et contre laquelle Vehk était immunisé. Et Vehk ne voulait pas non plus se trouver des excuses. Mais finalement son immense orgueil l'avait empêché de se dire cette vérité toute simple. Seht avait conçu le procédé employé pour l'apothéose et c'est lui qui avait suggéré de tué Nérévar, et finalement, la folie d'Ayem s'était retourné contre lui, jusqu'à ce que Nérévar ne mette un terme à tout cela. Un immense gâchis.

- Non Sire. Vous ne vous trompez aucunement.

- Bien. Je suis disposé à te pardonner si tu sers bien ton pays et ton peuple, Vehk. J'ai déjà prononcé une amnistie, mais sache que nombreux sont ceux qui veulent ta mort. Et qui penseraient servir mes intérêts en t'assassinant. Les trois Indorils qui t'ont escorté sont morts, leurs assassins tués à leur tour et leurs assassins à eux victimes d'un poison à retardement. La raison d'état. Personne ne saura donc où tu trouves jusqu'à ce que tu apparaisse lors d'une grande assemblée exceptionnelle demain à six heures. J'invoquerais Azura qui est disposée à t'offrir pardon et protection tant que tu serviras bien notre peuple et ton roi, lequel t'offrira la même chose. Dès lors aucun noble n'osera lever la main sur toi. Quant à la confrérie noire et à la Morag Tong, la première est détruite et la deuxième est à ma botte.

Silence respectueux de Vehk. Stupéfiant. Azura rêvait pourtant de lui infliger mille morts. Quelle était exactement l'influence de Nérévar auprès d'Azura et quelle était la puissance nouvelle que Vehk ressentait dans chaque fibre du corps de son roi ? Il fut distrait dans ses réflexions quand celui ci lui dit de le suivre jusqu'au bureau. Ce que Vehk fit. Ils s'installèrent une grande table de travail recouverte de plans et de symboles militaires.

- Général voici la situation. Je résumerais brièvement. Le fils aîné de l'Empereur a trahi son père et a su convaincre les nobles qu'il représentait une meilleure alternative. Il y a eu un chaos terrible mais l'Empire a retrouvé sa sérénité plus tôt qu'on ne l'espérait. Toutefois la situation, si elle n'est pas aussi brillante qu'espérée, n'est pas mauvaise. Tous les provinces sont entrées en rébellion et l'Empire est en guerre un peu partout. Plus aucun légionnaire où membre de l'administration impériale n'est présent en Resdayn. En début de semaine nous avons subi une attaque de la légion qui m'a forcé à livrer bataille, mais la victoire fut totale, sept mille prisonniers et le reste est mort ou sur le point de mourir, peu de pertes de notre côté – ils ne comprennent pas encore l'étendue du désastre et pensent sans doute que leurs légions en garnisons se battent encore et que je n'ai pas totalement unifié les dunmer. J'ai contre attaqué en prenant Cheydinhal il y a trois jours.

- Comment, Sire ?

La question méritait d'être posée. Cheydinhal était bien défendue et l'Empire devait certainement s'attendre à ce que les dunmers attaquent à cet endroit en riposte à leur incursion manquée. Mais Vehk croyait déjà entrevoir la réponse.

- Ce fut très simple. Vois tu le comte de Cheydinhal est Andel Indarys des hlaalus. Je me suis introduit en sa demeure grâce au concours d'Azura et d'un puissant sort d'invisibilité et je suis parvenu jusque dans ses appartements. Une démarche risquée et inconsidérée selon mes généraux qui risquaient de les priver de leur roi. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai besoin de toi, qui comprend qu'un roi dunmer doit être brave et audacieux pour remporter la victoire. Bref, donc je parvins jusqu'à lui et nous nous entretîmes alors. Grâce à Un-Seul-Clan-Sous-l'Astre-Lune j'ai pu réveiller les désirs enfouis qui sommeillaient en lui et sa détestation secrète de l'Empire. Car vois tu c'est au cours des crises de la succession qu'il a perdu son fils. Et j'ai fait tant et si bien qu'il a fini par livrer la ville à nos forces. Il fallut imaginer un stratagème pour éloigner le gros des troupes de la ville dont beaucoup étaient plus loyales à l'Empire qu'au comte, mais ce fut facile à régler. Et quand elles revinrent vers la ville après avoir cherché un ennemi nordique qui n'existait pas, nous les massacrâmes aux pieds des murailles. Désormais nos frontières sont donc ici, ici et ici. Et l'Empire ne peut envoyer que de maigres forces contre nous, car outre la révolte des provinces, les aldmeris, en passant par Val-Boisé, ont lancé une attaque foudroyante contre Kvatch. Leur base d'opération est ici, à Arenthia. Il va de soit que les bosmers sont avec eux. Et Anvil s'apprête à soutenir une attaque maritime. Leurs forces sont ici, sur le point d'attaquer Stirk, qui est peut être même déjà tombée

Le général Vehk eut un grand sourire. L'Empire était une antilope attaquée par une bande de lions. Mais néanmoins…

- Cependant général, nous avons nos propres petits ennuis. Les Drès ont menés un assaut foudroyant dans le Marais Noir pour nous procurer des esclaves et faire en sorte que les Argoniens ne causent pas trop de dommages à l'Empire pour que celui ci continue d'éparpiller ses forces un peu partout – car les écailleux s'en sortent étonnamment bien. Mais la vigueur de la contre attaque nous a surpris et ils ont repris Thorn. Avant que nous ne la reprenions à notre tour. Vois tu, après la Seconde Bataille du Mont Ecarlate, deux généraux impériaux et leurs troupes m'ont jurés fidélité à moi plutôt qu'à leur Empereur tant ils étaient plein de gratitude que j'ai sauvé Resdayn de la folie des Dagoth. L'anneau et l'or ont aussi joué un rôle. Or donc, ils furent très utile contre les écailleux qui crurent à une attaque de l'Empire et pensèrent que notre territoire du sud avait été reconquis par l'Empire, et par conséquent, grande fut leur surprise quand derrière les rangs humains surgirent quatre groupes de combat drès et indoril. Nous avons donc repris Thorn et notre prochain objectif est Stormhold, pour nous assurer le sud du Marais Noir. Cependant mes généraux sont manifestement incapables de vaincre une poignée d'animaux pouilleux et ont même du mal à maintenir notre position ! Cependant si j'abandonne le contrôle direct des troupes du nord ouest qui sait quelle catastrophe pourrait en découler ? Je n'ai aucune confiance dans les officiers de cette époque, bien trop timorés et n'ayant aucun sens de la stratégie militaire. Enfin je parle là de nos officiers hélas. Donc, dès demain, tu seras envoyé dans notre base d'opération à Cheydinhal. Ton but sera de maintenir cette position, voire, d'accroître la zone que nous contrôlons si tu estimes que tes ressources le permettent. Je te conseille toutefois la prudence, il ne s'agirait pas que l'Empire abandonne ses autres fronts pour se concentrer sur nous. Mais je détesterais que les aldmers conquièrent deux comtés et nous un seul ! Par conséquent, si le génie tactique que tu as su déployer pouvait servir à une progression de nos forces eh bien, libre à toi. Et maintenant le détail des troupes dont tu disposeras….

Et la discussion se fit plus technique, Nérévar dissertant sur le détail de chaque bataillon et de chaque corps régimentaire, sur les officiers fiables et ceux qui étaient incompétents. Quelques heures plus tard le roi prenait congé. Quant à Vehk, une vieille exaltation montait en lui.

***


Quel spectacle grandiose que ce gigantesque brasier qui ravageait le Marais Noir sous les yeux de Nérévar et de son état major. Le roi se permit un petit sourire en coin. Les sales écailleux l'avaient au départ bien surpris en utilisant des tactiques étonnamment ingénieuses et en faisant preuve d'une combativité absolument stupéfiante. Cependant, grâce à l'aide d'Azura, d'une cohorte de mages et de ses propres pouvoirs, Nérévar avait pu voyager par l'esprit dans le Marais Noir et s'était rendu compte que la raison pour laquelle les lézards combattaient avec tant d'acharnement et d'expertise venait des Hists. Bien sûr le roi avait entendu de nombreuses choses sur cette race végétale, une des plus anciennes de Nirn, sans doute autant que les Ehlnofeys. Mais visiblement toutes les puissances de Tamriel avaient sous estimé ces arbres vivants qui avaient un sens certain de la stratégie et qui provoquaient une véritable fureur guerrière parmi les argoniens.
Et toujours grâce à la magie, une cartographie rudimentaire des hists avait pu être établie. Il semblait que les lézards aient construit leurs villes – si on pouvait appeler comme ça leurs taudis répugnants – autour de ces entités-arbres. Ainsi, il suffisait d'attaquer les villes pour attaquer les hists. Cependant Nérévar avait rapidement compris qu'une conquête systématique serait impossible – les difficultés que l'armée royale rencontrait pour tenir ses positions étaient déjà à la limite de l'insurmontable -, et c'est une stratégie de raids éclairs dans le but de détruire les hists qui avait été adoptée.

Le roi des dunmers avait conçu un plan fort ingénieux. Pendant de nombreuses escarmouches il avait cherché à capturer l'âme des meneurs ennemis dans l'Etoile d'Azura. Quand il y parvint enfin, il sollicita l'aide de sa divine protectrice pour l'aider à créer le sortilège requis et quand ce fut fait, se mit à extorquer les souvenirs contenus dans l'esprit et l'âme de l'argonien tué. Cela prit plus d'une semaine pendant lesquelles l'armée faillit plusieurs fois connaître une débandade complète, mais finalement Nérévar eut devant lui la carte précise d'Argonia et apprit l'existence de grandes concentrations d'hists, au plus profond des marais. Il semblait toutefois très difficile d'atteindre ces forêts à hist, mais, là encore, Nérévar trouva une solution. Il fallut capturer l'âme de plusieurs centaines d'argoniens et même de prisonniers croupissant dans les prisons de Resdayn, mais finalement le corps expéditionnaire dunmer disposa d'une puissance magique terrifiante contenue dans des coffres scellés contenant des stock de gemmes miroitantes et palpitantes.

Toute cette puissance servit à aider une centaine de mages telvannis qui se lancèrent à un puissant sortilège de lévitations et d'imperméabilité à la faim et à la soif. C'est par le ciel qu'ils atteignirent, au plus profond du Marais Noir, une forêt de plusieurs centaines d'hists. Et ils firent pleuvoir un déluge de feu sur les créatures inconscientes du danger, feu qui se propageait en ce moment même dans toute la province, aidé en cela par des vents violents créés par magie.

Cependant les argoniens étaient loin de rester inactifs. Non seulement tous les mages telvannis étaient mort après avoir fait pleuvoir les flammes, mais en plus un assaut d'une ampleur formidable avait été à deux doigts de balayer les mers, qui ne s'en étaient sortis qu'en combattant avec l'énergie du désespoir. Cependant la situation était nettement meilleure maintenant. Les raids éclairs contre les hists, les renforts dont l'arrivée avait été rendue possible grâce une situation favorable sur le front nord, l'emploi systématique du feu, le procédé d'interrogatoire de l'âme, tout ceci était sur le point de donner la victoire à Resdayn.

Et donc, Nérévar, du haut de sa plate forme de commandement en lévitation au dessus du champ de bataille, dont il descendait parfois pour apporter son soutien aux bataillons menacés, avait un moral au beau fixe. Le roi fut interrompu dans ses réflexions par une quinte de toux de la part son aide de camp qui s'attira des regards suspicieux. Les dieux en étaient témoins, les maladies épidémiques propagées par tout ce qui vivait dans ce marais tuaient presque autant que les argoniens. Nérévar eut un nouveau sourire. En ce jour, ceux qui mourraient étaient les choses-lézards. Malgré la pluie battante qui faisait un bruit de cavalcade en s'écrasant sur le bouclier magique de la plate forme, Nérévar voyait distinctement la bataille. Et ce qu'il voyait lui plaisait. Sur le flanc ouest, les rédorans et les indorils, disciplinés et efficaces avaient adoptés la formation de la tortue et écrasaient les argoniens contre les pavois à pointe dans un concert de hurlement stridents et inhumains, au milieu d'un abominable fracas. Au cœur de la bataille, un escadron de drémoras contrôlés par des mages faisaient des ravages et avaient un effet déterminant sur le moral ennemi, ces combattants surnaturels appuyés par un bataillon de Drès, dont les archers utilisaient des flèches enduites d'un mélange alchimique dont ils avaient le secret et qui dissolvait les organes internes des argoniens. Quant au flanc est, la situation était plus ambiguë. Les écailleux se battaient comme des berserkers nordiques et faisaient preuve d'une tactique étonnante en isolant avec succès les groupes de combats indorils.

Pris d'un soupçon, Nérévar jeta un sort de détection de vie. Il dut retenir un juron qui eut été fort peu royal. Sans s'expliquer, il se jeta un sort de lévitation et un sort de bouclier puis quitta la protection de la plate forme avant de foncer dans les airs vers la lisière des bois enchevêtrés devant lesquels la bataille avait lieu. Bois qui étaient en train de brûler. Il avait cru que toutes les forces ennemies avaient évacués une forêt qui se transformait en fournaise, et c'était presque le cas. Il enrageait de s'être laissé ainsi tromper mais éprouvait un vif soulagement d'avoir identifié la manœuvre de l'ennemi.

Ennemi qui lui même comprenait ce que Nérévar était en train de faire. Des projectiles de tous types fusaient vers Nérévar et s'écrasaient sur son bouclier. La vision de ce roi traversant les cieux galvanisaient les troupes mers qui acclamaient Nérévar. Au contraire, les lézards bipèdes étaient fous de rage de se voir ainsi survoler par l'ennemi ce qui leur faisait perdre toute concentration. Mais tel n'était pas l'objectif de Nérévar.

Déterminé, il se posa au sol devant la forêt, immédiatement rejoint par sept grandes ordonnateurs d'élite qui avaient fendus les rangs ennemis pour rejoindre le roi et protéger ses arrières. Ce dernier, s'enfonça dans la forêt, essuyant de temps à autres des assauts facilement réprimés, et parvint jusqu'à une clairière artificielle. Et il le vit. Il sentit le frisson qui parcourut les grands ordonnateurs derrière lui. Il y avait de quoi se sentir mal.

C'était une énorme créature, culminant à plus de quatre mètres de hauteur. En apparence c'était une sorte d'arbre, sauf qu'il semblait pouvoir se mouvoir grâce à des appendices de bois animés. Immédiatement Nérévar sentit un vif malaise l'étreindre. A sa grande stupeur les ordonnateurs s'écroulèrent à ses pieds. Il comprit avec un temps de retard qu'il s'agissait d'une attaque psychique, seul moyen de défense de la chose. Immédiatement le roi invoqua la protection d'azura en récitant une puissante incantation et dressa un bouclier argenté qui repoussa les flux psychique nocifs.

Il n'était que temps que Nérévar riposte, car les arbres alentours lui semblaient soudain étrangement menaçants. Récitant des incantations pour faciliter la concentration des flux magiques, une imposante boule de feu se forma devant le roi et, au prix d'un effort de volonté considérable, comme si il tentait de pénétrer dans une mer sirupeuse, il dirigea la magie brûlante vers l'hist qui lui faisait face. Ce dernier fut littéralement déraciné et projeté à quelques centimètres du sol tout en prenant feu. Une vive douleur envahit le roi de Resdayn qui comprit que l'hist cherchait à l'entraîner avec lui. Un gémissement de souffrance s'échappa des lèvres du dunmer et il fut proche de perdre conscience quand soudain lui apparut Azura, drapée dans son manteau crépusculaire, ses traits parfaits exprimant de la compassion.

Le roi tendit la main vers Azura, le regard éperdu, transpirant. Epuisé par l'assaut mental qu'il subissait, il tentait de se rattacher à sa divine protectrice. Mais n'était ce pas une hallucination ? Il lui semblait qu'elle s'éloignait de lui au lieu de s'en rapprocher tandis qu'un voile noir recouvrait peu à peu les yeux de Nérévar. Un hurlement d'angoisse, de souffrance et de haine sortait de la gorge du roi des dunmers. Et puis soudain le silence tandis qu'il tombait au sol dans un grand fracas, son armure noire et or souillée par la boue et le sang tandis que l'hist achevait de se consumer.

Et pendant que le roi gisait dans la fange, ses troupes gagnaient la bataille, encerclant et laminant peu à peu les différentes formations argoniennes. En quelques heures ce qui fut par la suite connue comme la Bataille de la Chute se conclut, et tout le nord du marais noir, de Stormhold à Thorn en passant par Rockpoint, tombait entre les mains dunmers.

Modifié par Aiur, 21 septembre 2010 - 21:00.


#2 Aiur

Aiur

Posté 23 septembre 2010 - 21:08

***

- Alors dis moi, ô homme, es tu un mauvais espion ? Un piètre assassin ? Ou es tu fou ?

Vehk regardait son vis à vis d'un œil curieux mais dénué de colère. L'ancien dieu avait de toute façon perdu toute capacité à la colère mais son inclination au rire était bien connue. Cependant il ne riait pas non plus devant cet impérial candide à l'air bonhomme et au regard vif dont les cheveux noirs corbeaux étaient étonnamment propres et pleins de santé si on considérait que l'impérial était dans une geôle depuis plus de trois semaines.

Quelle ne fut pas la surprise du général quand un de ses subordonnés était venu lui dire que l'impérial criait et hurlait qu'il voulait voir le seigneur Vehk pour lui délivrer une information capitale sur l'avancée des troupes impériales. Les traîtres avaient beau exister, c'était étonnant qu'un humain souhaite donner des informations à un général mer. Et de fait, quand Vehk arriva dans la cellule, l'homme affirma n'avoir aucune information stratégique à dévoiler. D'où le regard mi amusé mi agacé de Vehk.

- Oh non, non je ne suis rien de tout ça seigneur, fit l'homme d'un ton empressé, mais en vérité je suis Amecius Lodas, un correspondant populaire, c'est à dire que voyez vous seigneur, j'informe le bon peuple de l'empire de ce qui se passe dans Tamriel à l'aide de feuillets diffusés un peu partout, édités par une organisation appelée le « Courrier du Cheval Noir », je ne sais pas si… enfin il est peu probable que votre seigneurie en ait entendu parler mais…

- Je ne comprends rien à ton babillage, coupa Vehk d'un ton sévère, tu es en train de m'expliquer que tu fais partie d'une organe de propagande impériale ? Que tu rédiges des pamphlets au nom de ton Empereur ? Que veux tu que ça me fasse ?

- Oh non, non seigneur ! Enfin sauf votre respect, mais en fait je ne dépends pas tout à fait du pouvoir impérial, en réalité je rédige en prose l'avis du Courrier sur les actualités et les nouvelles du monde en les rendant claires pour tous et parfois je ne me prive pas d'égratigner des dignitaires impériaux ou des notables de quelque comté, par exemple, un de mes plus grands succès fut ce jour où j'ai pointé du doigt la corruption qui régnait ici à Cheyndihal, sous le despotisme d'Ulrich Leland, le vil et veule capitaine de la garde !

- Et les autorités de l'empire laissent tes pareils répandre leur bile sur les nobles de votre contrée ? Cela me paraît bien téméraire et une telle incurie explique que votre empire soit en train de s'effondrer, foulé aux pieds par mon seigneur et par les autres peuples tyrannisés jusque là par ton peuple.

- Eh bien… l'Empereur Uriel, puisse son âme rejoindre les divins, avait instauré cette liberté de l'information, mais il est vrai que notre nouveau souverain n'est pas aussi euh… moderne, fit le correspondant d'un air piteux. Mais quoiqu'il en soit, mon seigneur, je souhaiterais vous demander la permission d'écrire le récit de l'épopée de votre roi pour la postérité, car, puisse les neufs me pardonner mes propos offensants, un roi immortel et un ancien dieu, voilà qui offre de quoi devenir le plus célèbre des écrivains, tandis que notre bon empereur, à défaut d'aimer l'écriture, adore couper des têtes.

Vehk éclata d'un rire inextinguible. C'était inédit ! Un impérial qui souhaitait contribuer à la gloire de dirigeants mers qui étaient en train de mettre l'Empire à genoux. Essoufflé de tant d'hilarité, Vehk s'arrêta finalement de rire, et regarda l'impérial, qui était un peu intimidé. La voix toute tremblante de s'être tant amusé, le poète guerrier répondit à l'homme, en le déliant de ses chaînes par magie.

- Ainsi soit il, ô maître de la plume, désormais tu feras partie des commémorateurs officiels du royaume. Suis moi maintenant, et tu pourras déjà observer nos armées et en détailler la force et la bravoure sur tes parchemins.

Et l'impérial de suivre le général. Quand ils quittèrent les geôles, on rendit à Lodas ses vêtements, ses parchemins et son matériel d'écriture. Quand l'homme fut correctement vêtu d'une robe ocre et d'une tunique beige, c'est avec un grand sourire que Vehk le mena hors des donjons du château de Cheydinhal pour l'amener sur les murailles de la ville, répondant par un sourire aux regards interrogateurs des soldats. Le curieux équipage ne jeta pas un regard à la ville en elle même, le spectacle étant, ils le savaient, par trop sinistre. Les rues désertes, les cadavres finissant de brûler, les soldats nerveux prêts à bondir sur l'impudent, les maisons détruites, bref rien qui ne soit digne du regard d'un ancien dieu et d'un écrivain plein de rêves de gloire.

Et l'impérial, en se penchant pour regarder en bas des épaisses murailles de la cité fortifiée, vit la gloire, la gloire sous la forme d'un campement militaire aux tentes dressées avec soin, en carrés parfaits, entouré d'une palissade de bois et d'acier. Et à l'intérieur de ce campement, les soldats qui par régiments entiers, manœuvraient, répétant de délicates formations militaires telles que la tortue ou le mur de lances, s'entraînant à parfaire leur maîtrise de l'épée. Tous livraient des batailles meurtrières depuis déjà deux semaines mais c'était comme si ils menaient un entraînement classique dans les casernes de Resdayn tant était grande leur discipline.

Le commémorateur fraîchement nommé ouvrit la mallette qui contenait son matériel d'écriture, la posa à plat sur un créneau, inséra l'encre dans son logement, prit une plume et commença à écrire frénétiquement. Vehk ne put s'empêcher de jeter un petit coup d'œil par dessus l'épaule de l'écrivain humain. Il fut impressionné malgré lui. La spécialité de l'ancien dieu était la poésie mais il savait apprécier la prose et écrire dans ce mode, et en l'occurrence il reconnaissait l'impérial comme un réel maître de la plume, alors qu'auparavant, en lui donnant ironiquement ce titre, il le voyait davantage comme un scribouillard.

En amoureux des arts et de l'écriture, Vehk ne troubla pas l'artiste à l'œuvre et donna une série d'instructions pour qu'on le laisse libre d'écrire ce qu'il souhaitait et de se déplacer librement dans la ville, tout en exerçant une surveillance suffisante pour qu'il ne puisse pas sortir de l'enceinte de Cheyndihal. Puis Vehk se dirigea de nouveau vers le château pour la réunion des officiers. Il sentait les regards de ses troupes se poser sur lui. Ceux ci étaient très différents selon l'origine et la maison du soldat curieux. Pour la plupart, Vehk s'était certes rendu coupable de nombreux crimes, mais d'un autre côté il avait longtemps servi Resdayn et après tout le roi l'avait amnistié, aussi les regards étaient dénués de vénération mais pas de respect. En revanche, les soldats de la maison Indoril et leurs officiers, tout d'or vêtus, eux avaient un visage crispé et un regard haineux. Révérant l'obéissance plus que tout ils suivaient les ordres de leur roi, mais Vehk savait que, comme tous les fanatiques, ils rêvaient de brûler ce qu'ils avaient adoré.

La pensée de son corps calciné le mit mal à l'aise et le fit marcher d'un pas un peu plus vif, tant et si bien qu'il arriva légèrement en avance dans la salle du conseil de guerre. Celle ci se trouvait dans les anciens appartements seigneuriaux. On avait amené une grande table en acajou sur laquelle étaient étalés des cartes, des pions carrés représentant les forces armées de l'empire et de Resdayn et d'autres choses encore. Vehk s'assit à sa place, en bout de table, et patienta quelques minutes, au bout desquelles les autres membres du conseil de guerre arrivèrent, chacun à leur tour. D'abord le général des troupes de la maison Indoril, éclatant dans ses robes de pourpre et d'or, puis le général de la Maison Rédoran, austère dans sa robe grise et argent, puis vinrent les quelques mages telvannis et les autres officiers d'un rang moindre.

La discussion s'engagea immédiatement, tous exprimant leur soulagement quant à la nouvelle récente qui leur était parvenu sur le prompt rétablissement du roi des suites de son affrontement avec un hist, et leur joie quant à la conquête ininterrompue du territoire d'Argonia. Les réactions furent mitigées quant à la nouvelle récente selon laquelle les nordiques attaquaient Bruma. Certes c'était un ennemi de plus contre lequel l'empire des hommes devrait se battre, mais c'était aussi un antagoniste des dunmers depuis la première bataille du mont écarlate. Vehk s'apprêtait à prendre la parole pour donner son avis et trancher la querelle qui commençait à s'envenimer quand un messager pénétra en trombe dans la pièce, essoufflé.

- Missive importante pour le seigneur Viv.. Vehk, en provenance du poste d'observation deux cent trente.

Vehk se leva et prit le parchemin que lui tendait le messager d'un geste sec. Il le parcourut rapidement, inquiet. Au fur et à mesure de sa lecture il se sentit blêmir – expérience très déconcertante pour un être auparavant divin. Il se tourna vers son état major et leur transmit le contenu de la lettre, d'une voix atone.

- Les impériaux ont repoussé les khajiits et ne les ont pas poursuivi en Elsweyr. Les deux légions qui luttaient là bas se dirigent actuellement vers nous pour reprendre Cheydinhal. Certes elles ont été bien amoindries et l'empire a laissé un certain nombre de soldats en garnison mais c'est tout de même une force de vingt mille homme qui se dirige vers nous. Or comme vous le savez tous nous n'avons ici que treize mille soldats et l'on ne peut pas dire que Cheydinhal soit la meilleure des places fortes. Je vais donc informer le roi à l'aide d'un mage et je vous ferai part de ses instructions. Messeigneurs, je ne vous retiens pas.

Dans un bruissement de tissu et avec force commentaires, les seigneurs de maison et leurs officiers partirent de la salle. Puis Vehk tenta de contacter Nérévar, assisté par un mage telvanni. A part des bruits de bataille incohérents, il n'obtint pas de réponse. Et il n'en obtint pas plus les deux jours suivant. Arriva l'aube de la bataille.

Vehk était sur les murailles, entouré de ses généraux et du commémorateur humain qui était en train d'interroger les nobles sur leur humeur, leur demandant si ils étaient anxieux, quelles étaient leurs impressions, s'attirant des réponses plus ou moins bienveillantes. En réalité tous étaient prêts à mourir pour leur roi et leur patrie car pour tous les dunmers, Nérévar était celui qui avait ranimé la flamme de la liberté après tant d'années passées dans le froid de la servitude. Alors si le moment était venu de rendre son âme à la déesse du crépuscule, il n'était pas un dunmer qui le regrettait, et nul ne versait de larmes en pensant à ceux qu'ils laisseraient derrière eux, car ils vendraient si chèrement leur peau que jamais plus l'empire ne s'aventurerait en Resdayn.

Et puis virnent à l'oreille des guerriers le bruit d'une armée en marche, tandis que les silhouettes qui la composaient commençaient à apparaître à l'horizon. Un grand cri monta des mers « liberté ! liberté ! ». Soudain grand silence dans les rangs des guerriers. Ils avaient tous déjà combattu l'Empire et pouvaient identifier à des lieux de distance le fracas des légions en marche. Or, si un grand bruit parvenait à l'oreille des mers, ce n'était pas celui de la légion.

Et soudain, un grand cri de joie parcourut les rangs des dunmers. Car les troupes qui se dirigeaient vers Cheydinhal en brandissant des étendards blancs et des oriflammes n'appartenaient pas aux légions impériales mais au domaine aldmeri. Vehk se porta au devant des troupes hautes elfes, revêtant une armure noire, pourpre et or sur une monture cuirassée. Les autres généraux étaient plus modestement présentés, comme le voulaient les règles de la noblesse. Quand l'aréopage dunmer fit face aux armées du Domaine, Vehk s'avança à la rencontre du général allié, ou du moins présumé tel. Ce dernier était un altmer au port noble, vêtu de robes pourpres d'un raffinement exquis, aux traits parfaits et aux yeux d'un bleu profond. Il parla le premier puisque c'était à lui que les dunmer étaient redevables.

- Bénédictions des dieux et paix sur vous, général Vehk. Les seigneurs du domaine ont promulgués l'édit suivant : « L'essor des peuples mers visant à se libérer de l'infâme tutelle impériale exclut les divergences du passé et, en accord avec le roi éternel des dunmers, le grand Indoril Nérévar, nous proclamons aujourd'hui l'alliance des mers contre les peuples barbares ». Après d'âpres négociations, les khajiits nous ont accordés le libre passage en Elsweyr en échange de nombreux présents, et nous avons pu arriver à temps pour défaire les légions impériales qui se dirigeaient vers votre position. Pendant ce temps, une seconde armée du domaine stabilise notre position de Kvatch, tandis que l'ennemi, après avoir repoussé notre assaut sur Anvil, s'emploie à panser ses plaies. Sa Majesté Nérévar, que nous avons pu contacter il y a trois lunes de cela, avant qu'il ne livre bataille à Gideon, se dirige en ce moment même vers nous avec une armée composée de prisonniers argoniens à qui il a promis la liberté en échange de leur service et des troupes de trois de vos Grandes Maisons. Nous avons reçu l'ordre d'installer un campement fortifié au sud de Cheydinhal et de nous placer sous l'autorité du roi Nérévar quand celui ci arrivera.

Après force échanges de compliments et démonstrations d'amitié, les deux chefs de guerre se dirigèrent vers Cheydinhal sous les acclamations des troupes dunmers. Vehk assimilait les changements que tout cela induisait. Il semblait que les impériaux tenaient fermement le Nord-Ouest et le Sud est tandis que les mers prenaient pied au Sud-Est. Pour inattendu qu'il soit, ce renfort des troupes du domaine était à la fois sans risque – ils seraient bien inférieur en nombre à partir du moment où les armées de Nérévar arriveraient – et renforcerait la puissante exaltation dunmer et altmers. L'avenir s'annonçait aussi radieux que le soleil d'Alinor

Modifié par Aiur, 23 septembre 2010 - 21:09.





0 utilisateur(s) li(sen)t ce sujet

0 membre(s), 0 invité(s), 0 utilisateur(s) anonyme(s)