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[H] Le Negatron, Partie 2


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2 réponses à ce sujet

#1 Ja'Shir

Ja'Shir

Posté 27 août 2010 - 21:11

Chapitre 1 :


Immobile dans l’obscurité, Ilméni Dren se remémore de vieux souvenirs. Sa vie, à la plantation Dren, où elle courrait dans les champs, joyeuse et insouciante. Son gentil cousin Orvas, qui la couvrait de cadeau et qui lui ébouriffait les cheveux pour la faire bouder. Sa gentille servante, Khadirra la Khajiit, qui lui racontait des histoires de son pays, Elsweyr, pour qu’elle s’endorme.

Puis étaient venus ses quinze ans. Horrifiée, elle avait appris l’existence du commerce d’esclaves, de sa légalité et des conditions déplorables dans lesquelles vivaient ces malheureux. Ce jour-là, Ilméni s’était révolté. Comment une race aussi fier et aussi noble que celle des Dunmers pouvait-elle se comporter d’une manière aussi barbare ? Même les Orques, à qui on attribuait pourtant une terrible réputation, ne se montraient pas si cruel.

Alors elle avait attendu patiemment que son heure arrive. Derrière le dos de son cousin Orvas Dren pour lequel elle n’éprouvait désormais que mépris, elle avait monté une organisation : Les Lanternes Jumelles. Depuis ce jour, et sans relâche, elle avait libéré autant d’esclaves qu’elle avait pu. Puis, clandestinement, elle les avait rassemblés dans les étages inférieurs de Vivec, là où personne n’allait depuis longtemps.

Et aujourd’hui était enfin le jour de sa revanche, songea-t-elle tandis qu’elle aperçut un bateau au large. Elle avait bien cru qu’il ne viendrait pas. Cela faisait plusieurs heures qu’elle attendait sur les côtes des Grandes Pâtures.

Elle se tapit à l’ombre d’un buisson de Kresh et observa les hommes sur le navire qui jetaient à l’eau une poignée de barques. A peine la coque des frêles embarcations avait-t-elle effleurée la surface de l’eau qu’une dizaine d’individus étaient précipités à l’intérieur sans ménagement. A la façon dans la lumière des deux lunes se réfléchissait sur leurs bracelets, Ilméni devina qu’il s’agissait d’esclave. Pleine de colère, elle serra les poings à l’idée du traitement qu’on leur avait infligé.

Quand les occupants du navire jugèrent le nombre d’esclave suffisant, on lança une paire d’avirons aux guerriers qui les avaient rejoins. Les barques commencèrent alors à s’approcher de la côte.

C’était le moment qu’elle attendait. Elle leva le bras et l’abaissa vivement. Aussitôt, une centaine d’humanoïdes, principalement des Argoniens et des Khajiits, allèrent discrètement à la rencontre  du groupe qui venait de poser le pied sur le sable de la plage. Les guerriers qui étaient dans les barques rassemblèrent les esclaves et entreprirent de monter un campement.

Soudain, l’un s’effondra dans un gargouillis, une flèche plantée dans la gorge. Puis ce fut le chaos. Des dizaines de Khajiits déchaînés bondirent sur les esclavagistes et les taillèrent en pièce avant même qu’ils puissent tirer leurs armes. Ilméni descendit vers eux, satisfaite.

Un Aldmer élégamment vêtu s’approcha d’elle et s’inclina sobrement.

- Tout s’est déroulé comme prévu. Que faisons-nous des prisonniers ?

- Tuez-les, fit la Dunmer d’un ton glacial. Pas de pitié, comme nous l’avions convenu avant notre départ de Vivec. Comment vont les esclaves ?

- Ils sont apeurés, mais on s’en occupe, madame. Dois-je donner l’ordre aux Argoniens de lancer l’assaut contre le navire ennemi ?

- Absolument, mon bon Férel. Cette bataille ne sera terminée que lorsque tous les agents de la monstrueuse Maison Telvannis pourriront dans les flots.

- Je vais faire le nécessaire, acquiesça le haut elfe en s’éloignant.

Il se dirigea vers un groupe d’hommes-lézards et aboya quelques ordres. Aussitôt, ceux-ci s’enfoncèrent silencieusement dans la mer et nagèrent en direction du bateau. Ilméni les vit escalader la coque à l’aide de leur griffe reptilienne et peu après, la clameur des combats résonna dans la nuit. De temps à autre, le flash incandescent d’une boule de feu magique illuminait les alentours.

Soudain, des hurlements de victoires retentirent. Ils furent repris par la foule présente sur la plage.

Ilméni Dren contempla en souriant les quelques silhouettes qui dansaient sur le pont. La défaite de l’ennemi était totale.

Elle projeta son regard au loin, vers l’horizon, et parvint à discerner les hautes tours en forme de champignon de Tel Aruhn. Là-bas vivait le Maître de la Grande Maison Telvannis, l’archimage Gothren. Bientôt, l’armée des ombres d’Ilméni débarquerait sur ses côtes, et alors, elle aurait gagné.

Mais l’heure était au combat et non aux réjouissances. La guerre venait à nouveau de frapper Vvardenfell.



#



L’obscurité avait envahit Vivec depuis plusieurs heures quand la silhouette fantomatique de Felwynn se profila sur le toit du quartier de Saint-Délyn le Sage. Le Bosmer fit quelques pas sous la faible lueur des deux lunes dissimulées par des nuages. Il s’assit au pied de la statue colossale qui représentait le martyr dans la splendeur de ses derniers instants.

Il avait besoin de réfléchir. Une année s’était écoulée depuis qu’il avait foulé pour la première fois le sol de Morrowind. Tant de choses s’étaient passées depuis. Comme prévu, il avait rejoint la Morag Tong. Même s’il avait caché ses origines et son ancien métier, les dirigeants de la guilde l’avaient accueillit à bras ouvert. Il s’était très vite fait à son nouvel emploi. En vérité, il ressemblait beaucoup au précédent. La seule chose qui différait était le culte que rendaient les assassins à la déesse Daedra Méphala. Au début, il avait été un peu gêné de devoir prier, lui qui ne vouait d’adoration à aucun dieux. Mais il avait rapidement compris qu’il s’agissait davantage de tradition que de religion. La plupart de ses confrères se contentaient d’une brève révérence devant l’effigie de l’immortelle.

Felwynn acquit très vite une grande réputation. Ses dons pour les armes et le combat firent beaucoup d’envieux. On lui confiait de plus en plus de contrats importants, et il avait rapidement économisé une somme assez conséquente. Suffisamment conséquente pour qu’il puisse faire l’acquisition d’un splendide katana en ébonite, forgé dans le plus pur style akavirois. Malgré tout ses efforts, il avait toujours du mal à manier les étranges lames droites qui avaient court en Tamriel.

Cependant, malgré tout cela, le Bosmer ressentait un vide. Il commençait à trouver que sa vie manquait cruellement de sens. Il repensait parfois à la perte de Ja’Shir, le seul être qu’il eut pu appeler un ami. Le Khajiit lui avait dit que son pouvoir de négation de la magie pouvait changer le monde. Peut-être serait-il temps de s’en servir à des fins plus nobles ? En attendant, son aptitude se révélait très utile dans son travail. Grâce à celle-ci, Felwynn pouvait terrasser les mages les plus puissants sans grands efforts.

Des chuchotements et des bruits de pas précipités tirèrent Felwynn de ses réflexions. Il porta son regard vers l’étage inférieur. Deux personnes pressaient le pas, apparemment peu rassurées de devoir traverser Vivec la nuit.

Du haut du toit, le Bosmer les suivit discrètement. Alors qu’il focalisait son attention sur les deux silhouettes, il repensa au modèle d’après lequel était bâti la cité de Vivec. La ville accueillait tant de population qu’il avait fallu construire des quartiers par-dessus les anciens. L’idée était bonne, mais elle avait le désavantage d’offrir le guet-apens idéal aux gens malintentionnés. Il leur suffisait de se poster un étage au-dessus de leur cible et tirer une flèche ou un carreau d’arbalète.

Mais ce soir-là, Felwynn se sentait d’humeur mutine. Abattre ses cibles dans le dos n’était pas très glorieux. Il préférait les affrontements direct, où chacun des belligérants avait sa chance.

Il se rapprocha donc de ses cibles à pas de loup. Quand il fut suffisamment près, il se coiffa d’un masque de cuir grossier et se laissa tomber souplement derrière ses victimes. Le bruit qu’il fit en touchant le sol fut infime, mais suffisant pour alerter la plus grande des deux silhouettes qui se retourna vivement.

- Bonsoir, salua poliment le Bosmer.

S’ils le voyaient, ses confrères se seraient sans doute gaussés de lui. Un assassin qui se voulait furtif dialoguait rarement avec sa proie. Mais Felwynn appréciait particulièrement ce procédé. Presque davantage que la mise à mort. Être le détenteur des derniers mots de sa victime lui donnait un sentiment de puissance particulièrement enivrant.

La seconde silhouette s’était tournée, elle aussi, et l’apostropha d’un glapissement apeuré :

- Qui êtes-vous, et que voulez-vous ?

- Allons, lança Felwynn d’un ton moqueur. Vous résidez à Vivec et vous êtes incapable de reconnaître un membre de la Morag Tong ?

- La Morag Tong, s’exclama le premier, méprisant. Une bande d’assassin sans scrupule, voilà ce que vous êtes ! Reculez, seigneur, je me charge de ce bandit !

L’homme qui l’avait interpellé était un Impérial au trait dur et la mine sévère. Il était vêtu d’une longue robe brodée de symboles étranges, probablement d’origine daedrique.

Il mit ses mains en coupe devant lui et attendit que Felwynn engage les hostilités. Celui-ci ne semblait pourtant pas pressé, occupé qu’il était à contempler haineusement les habits de l’humain. De tels frusques ne pouvaient appartenir qu’à un mage. Or, depuis sa mésaventure dans les Grandes Pâtures, lors de son arrivée, il exécrait la magie sous toute ses formes.

Avec un sourire sadique, il sortit lentement sa lame de son fourreau et marcha résolument vers son adversaire. Celui-ci parut surprit de la conduite de Felwynn. Mais il se ressaisit bien vite. Avec un haussement d’épaule, il prononça une formule incompréhensible. Aussitôt, une boule de feu surgit du néant pour foncer en sifflant sur le Bosmer.

Soudain, alors que le monceau incandescent allait le percuter de plein fouet, les flammes disparurent. A seulement quelques pas de Felwynn. Celui-ci éclata de rire devant l’air décontenancé du magicien.

- La magie ne marche pas sur moi, expliqua-t-il d’un ton amusé. Vous allez devoir me vaincre en accord avec les règles de l’honneur, ou mourir en essayant.

- C’est impossible ! Aucun artefact, pas même le plus puissant, ne peut prémunir un homme des effets de la magie !

- Alors je suis l’exception qui confirme la règle, commenta le Bosmer d’un ton narquois. Je suis immunisé contre cette abomination que sont les arcanes. C’est pour cela que j’ai été choisi pour accomplir cette mission. N’avez-vous jamais entendu parler du Négatron ? Je suis pourtant assez connu, à Vivec.

- J’ai entendu parler de cette fable, balbutia le sorcier, mais je n’aurai jamais cru…

- Une erreur regrettable. Vous aller maintenant mourir du fait d’avoir été trop étroit d’esprit. Quelle ironie pour un magicien qui se targue de figurer parmi l’élite des intellectuels de ce monde, n’est-ce pas ?

Mais l’Impérial n’attendit pas d’en entendre davantage. Il tourna les talons, et s’enfui à toute jambes, complètement affolé.

- Vous avez choisi de mourir en lâche, énonça Felwynn. Ainsi soit-il.

Il sortit de sous sa tunique une petite arbalète, la brandit, et déclencha le mécanisme qui envoya un long carreau d’acier se ficher dans le dos du fuyard. Celui-ci s’effondra sur le sol sans un râle. Felwynn se tourna vers sa seconde victime qui tremblait comme une feuille et se tenait prostré contre la rambarde qui protégeait les passants de chutes éventuelles.

- N’espérez pas que votre garde du corps se relève. J’ai moi-même confectionné le poison dont est enduit le projectile. Aucun sort de guérison ne le sauvera, la substance à des effets foudroyant. Si nous passions plutôt au chose sérieuse ? Après tout, je n’ai pas attendu des heures sur les toits de la Sainte Cité pour abattre un misérable mercenaire. Vous êtes bien Melvis Taveyn, le jeune fils de Ralen Hlaalo, noble de la Grande Maison Hlaalu ?
Le Dunmer ne répondit pas, et jeta un regard terrifié et suppliant à Felwynn.

- Il n’est pas nécessaire de me le confirmer, de toute façon. La question n’est qu’une formalité. Une sorte de tradition, si vous préférez. Allons ! Finissons-en, je commence à avoir froid !

Felwynn se dirigea vers le jeune elfe noir en faisant siffler son katana dans l’air. Le pauvre Dunmer recula autant qu’il put, et lorsqu’il buta contre la rambarde, jeta un regard bref vers le vide.

- C’est une possibilité, commenta le Bosmer avec calme. La chute sera longue, mais la fin rapide. Je ne te garantis pas de faire aussi vite avec ceci.

Mais finalement, le pauvre elfe préféra tenter le tout pour le tout et se jeta sur son agresseur qui n’eut qu’à tendre le bras pour le faire venir s’empaler sur son arme. Il expira presque aussitôt, et s’effondra dans les bras de son assassin.

- Cela vaut peut-être mieux ainsi, chuchota Felwynn dans le creux de son oreille. Tu péris jeune et naïf. Ton âme est pure et sans tâches. Jamais tu n’auras à être témoin de la monstrueuse laideur de ce monde.

Il retira vivement sa lame, l’essuya soigneusement sur les habits de sa victime, et s’enfonça doucement dans les ténèbres. Sa mission était terminée, il pouvait enfin rentrer à la guilde faire son rapport.

Sur le chemin qui le menait au siège de l’organisation, il repensa à cette étrange faculté qui le protégeait de toute forme de magie. Lorsqu’il l’avait découvert, il ne s’agissait que d’un talent grossier, sous sa forme embryonnaire. Mais à présent, il le maîtrisait parfaitement, et pouvait s’en servir pour abattre les sorciers les plus redoutables sans le moindre effort. Cette particularité avait grandement contribué à créer la solide réputation dont il jouissait en temps qu’assassin. Elle lui avait même value le surnom de Négatron, un sobriquet que Felwynn n’appréciait pas particulièrement mais qui contribuait à renforcer son prestige.

Le Bosmer était en train de penser à son avenir au sein de la Morag Tong quand il parvint à leur quartier général. Il s’agissait d’un gigantesque bâtiment, qui trônait au beau milieu du quartier étranger, le plus grand de Vivec. Un observateur extérieur se serait sans doute étonné du fait qu’une secte d’assassin ait pignon sur rue, mais en Morrowind, ce détail ne choquait plus personne.

Felwynn entra en utilisant la clef que l’on remettait à tout les membres et se dirigea vers le bureau de l’intendant en charge des missions. Il s’agissait d’une pièce meublée sobrement, tout comme le reste de la guilde. Une simple table de bois grossier trônait au centre, et un vieil Orque à la peau ridée était occupé à rédiger quelque obscure documentation administrative. Le Bosmer se racla la gorge pour signaler sa présence et déposa le contrat qu’on lui avait remis parmi la masse de paperasse qui reposait sur la table.

- Mission accomplie, déclara-t-il simplement.

- Fort bien, fort bien, fit l’Orque en lui faisant signe de disparaître. Vous aurez votre récompense demain matin.

Felwynn hocha la tête et se mit en quête de la salle commune pour se mettre quelque chose sous la dent. La pièce était quasiment déserte lorsqu’il la trouva. Mais des mets d’apparence délicieuse n’en reposait pas moins sur les tables. Le maître de la Morag Tong tenait à ce que ses hommes soient bien nourris. Felwynn s’assit donc et s’attaqua à un morceau de viande délicatement rôti.

Il venait à peine d’avaler sa première bouchée lorsqu’une voix familière l’apostropha gaiement :

- Alors ? Veni, vidi, vici, comme dirait les Impériaux, hein ?

- Les Impériaux n’ont jamais dit ça, Huleeya. Ce charabia doit provenir de ton esprit dérangé d’Argonien.

- Toujours aussi charmant, bougonna le lézard. Si j’avais su que tu serais aussi avenant, je ne t’aurai jamais recruté.

Felwynn sourit intérieurement. Le reptile qu’il avait accosté il y avait une année dans un bouge de Suran s’était révélé être en définitive un ami précieux. Le seul qu’il n’avait jamais eu. Parfois, il lui rappelait étrangement Ja’Shir, le Khajiit dont il avait fait brièvement la connaissance lorsqu’il avait été vendu au Telvannis. Il avait en commun cette joie de vive qui lui faisait tant défaut.

- Arrête de râler, on dirait l’intendant qui a perdu son livre de compte. Viens plutôt t’asseoir avec moi.

- Qui êtes-vous, et qu’avez-vous fais de Felwynn le sans-cœur ? Ricana Huleeya en obtempérant.

- Je ne vois pas de qui tu veux parler. Tu dois confondre avec quelqu’un d’autre.

- C’est sûr. Il y a tellement de Bosmer qui ont rejoint la guilde, ironisa-t-il.

- Ca va, arrête ton petit jeu. Dis-moi plutôt comment était ta mission à Balmora.

- Plutôt simple. Le type ne s’attendait pas à être la cible d’un assassin, d’après la sécurité de son manoir. Par contre, la Camonna Tong m’a cherché des noises. Apparemment, ils étaient convaincu qu’il était impossible qu’un « sale lézard » puisse faire partie de leur glorieuse Morag Tong.

- Ces types sont envahissant, mais pas dangereux. J’ai été obligé d’en abattre trois, une fois, à Molag Mar.

- Tu ne cesseras dont jamais de m’impressionner ? Franchement, avec un talent pareil, pourquoi te contenter d’un simple grade de penseur ?

- Je sais pas, fit évasivement Felwynn. Je ne vois pas ce que je gagnerai à grimper plus haut.

- Mais tu es le meilleur d’entre nous ! Tu devrais monter au sommet, battre en duel ce vieux gâteux de maître Eno Hlaalu, et prendre sa place !

- Je ne te trouve pas très prudent de crier cela dans la salle commune. Tu tiens tant que ça à mourir ?

- Ne t’occupe pas de moi. Pourquoi ne pas montrer ta force à tous ?

- Parce que je m’ennui. Je ne prend plus autant de plaisir dans mon travail. Je devrais peut-être passer à autre chose…

- Et me laisser tout seul avec ces agités de Dunmer ! S’exclama Huleeya, scandalisé. Tu ne me ferait jamais ça dit ? Pourquoi ne pas…

- Silence ! Coupa le Bosmer en chuchotant. Voilà l’annonceur de la guilde. Je crois qu’il veut nous dire quelque chose.

En effet, un elfe noir à la démarche raide se dirigeait à grand pas décidé vers les deux amis. Parvenus à leur hauteur, il croisa les mains dans son dos et lança d’une voix autoritaire :

- Penseur Felwynn, notre Grand Maître,  Eno Hlaalu, souhaite vous voir immédiatement. Il s’agit d’une affaire de la plus haute importance !

Huleeya dévisagea son camarade en écarquillant les yeux, mais celui-ci se contenta de hausser les épaules, de saisir son masque de cuir qui traînait sur la table et d’emboîter le pas de l’annonceur qui s’éloignait, raide comme la justice.

En chemin, le Bosmer se demanda ce que pouvait bien lui vouloir le chef de la plus grande organisation d’assassin du pays. Heureusement, il n’eut pas à attendre longtemps pour avoir la réponse. On lui fit gravir une courte volée de marche, et il pénétra dans un vaste cabinet. La pièce était très luxueuse. Des tentures rouges sombres, sans doute en velours, recouvraient les murs. Des commode en bois précieux reposait ça et là. Au centre de la pièce se trouvait un bureau massif impeccablement rangé. A côté de celui-ci se tenait un Dunmer au visage ridée qui le contemplait d’un air curieux. Il était vêtu d’une longue robe de la même couleur que les tentures.

Après quelque instant de silence, un sourire fendit son visage et il s’exclama :

- Entrez donc, penseur ! J’étais curieux de vous rencontrer !

- Moi ? Releva Felwynn, un peu surpris. Pourquoi donc ?

- Allons, ne soyez pas si modeste ! Je dois vous dire que jamais dans l’histoire de notre guilde nous n’avions connu un serviteur de Méphala aussi doué dans son travail ! C’est d’ailleurs ce don qui vous à valu ce titre de Négatron, si j’en crois les rumeurs qui circulent dans toute la Sainte Cité.

Le Bosmer ne répondit pas. Il était mal à l’aise. Un comportement aussi avenant de la part d’un assassin éveillait immédiatement ses soupçons. A part pour Huleeya, en qui il avait toute confiance.

Voyant qu’il ne se décidait pas à parler, Eno Hlaalu s’assit à son bureau et reprit :

- J’irai droit au but, j’ai besoin de vous pour une mission un peu particulière, et de la plus haute importance.

- En quoi puis-je me rendre utile ? Demanda Felwynn.

- Que savez-vous des fondateurs des Grandes Maisons ? Lança le Dunmer en ignorant la question de l’elfe.

- Comme leur nom l’indique, ce sont les créateurs des Grandes Maisons. Leur descendants sont de hauts rang et détiennent une place d’honneur dans l’organisation. Cependant, ce rang ne leur permet pas d’agir directement sur les affaires de Morrowind, seuls les conseillers et le grand maître de la Maison en ont le pouvoir. En clair, ils sont prestigieux mais n’ont aucune marge de manoeuvre. D’après votre nom, je pense pouvoir affirmer que vous êtes un de ces fameux descendants de la Grande Maison Hlaalu.

- Excellent ! Vous en savez beaucoup ! Mais vous vous trompez sur deux choses : Premièrement, le pouvoir d’un fondateur est plus grand que vous ne vous plaisez à le croire. Deuxièmement, j’ai perdu mon titre de fondateur en devenant grand maître de la Morag Tong.

- Pourquoi me racontez-vous tout ça, maître ?

- Avant de commencez une histoire, il faut des personnages, non ? Ici, c’est exactement la même chose. Sachez que je n’étais pas le seul à détenir le grade de fondateur au sein de la Maison Hlaalu. Mon frère, Méthas, en est toujours le détenteur.
Je le soupçonne depuis peu d’être l’instigateur d’un complot visant à détruire la Morag Tong. A quelle fin, je l’ignore, je sais seulement qu’il ne peut pas agir seul et qu’il a au moins un complice parmi les conseillers. C’est là que vous intervenez. Je veux que vous résolviez le mystère pour moi.

- Mais, maître, comment procéder ? Jamais la Maison Hlaalu n’acceptera qu’un assassin enquête dans ses rangs.

- Je peux m’arranger pour que les rejoigniez avec un grade confortable. Je ne suis certes plus un fondateur, mais je garde quelques contacts utile. La seule chose que j’ai besoin de savoir, c’est si vous acceptez cette mission.

Felwynn ne répondit pas tout de suite. Cette situation lui rappelait cruellement celle qu’il avait vécu en Akavir. Tout y était. Le puissant supérieur suspectait un complot et un membre de sa famille était impliqué.

- Pourquoi ne pas choisir quelqu’un d’autre ?

- Je vous l’ai dit, vous êtes le meilleur d’entre nous ! J’ai besoin de vos talents !

- Très bien, fit le Bosmer dans un soupir. J’accepte.

- Parfait. Je vais jouer de mes relations pour vous faire entrer dans la Maison avec le grade de cousin. Je dois vous avertir, un tel statut attire les inimitiés autant que la notoriété. Le fait que vous portez un masque durant vos exécutions va grandement nous aider. Nul ne vous reconnaîtra comme un assassin de la Morag Tong. J’enverrai régulièrement des hommes à votre futur domicile pour que vous me transmettiez vos informations. Revenez dans une semaine, tout sera près. Je vous souhaite bonne chance.

Felwynn s’inclina et sortit sans attendre. Un frisson d’appréhension secouait son échine. Il relativisa en se disant qu’au moins, il ne risquait pas de s’ennuyer.

Modifié par Ja'Shir, 29 mars 2011 - 21:35.


#2 Ja'Shir

Ja'Shir

Posté 21 septembre 2010 - 14:04

Chapitre 2 :

- Le khan des cendres vous attend, Anda-Etheryon.

Dyna se tourna vers celui qui l’avait interpellé. Il s’agissait d’un Dunmer au trait sévère et qui arborait une expression légèrement méprisante. Sans rien ajouter, il rabattit la pièce de toile qu’il avait soulevée et s’éloigna rapidement.

La jeune elfe poussa un long soupir.

Une année. Une année qu’elle perdait inutilement son temps auprès de la tribu Cendraise des Urshilakus. Quand elle était arrivée, la tribu s’était montrée franchement hostile. Puis, à force de présents, de menus services, elle était parvenue à gagner leur confiance. Dès lors, elle leur avait présenté son intention de revendiquer le titre de Nérévarine.

L’idée ne les avait pas beaucoup enthousiasmé, puisqu’elle était une étrangère, mais elle avait insisté et finalement, le khan des cendres, Sul-Matuul, l’avait autorisé à passer les épreuves.

A partir de ce moment-là, Dyna avait cru que le dénouement était proche, que le titre était à sa portée. Elle se leurrait. Les épreuves avaient été innombrables et dangereuses. Elle avait du affronter des monstres assoiffés de sang, des Daedras sanguinaires et même des créatures affreusement défigurées par la peste. Et aujourd’hui, alors même qu’il n’y avait plus d’épreuves, la jeune elfe savait que le khan ne l’avait pas convoqué pour la nommer Nérévarine.

Il était très tôt. Seul quelques Cendrais déambulaient mollement au milieu du campement. Dyna fit un tour sur elle-même pour constater la pauvreté du paysage.
Où que son regard se porte, le sol était couvert d’un épais tapis de cendres volcaniques. Seul quelques souches mortes éparpillés ça et là témoignaient du fait que la vie avait été présente jadis. Malgré cela, le peuple Cendrais était resté. Ils vivaient de troc, de chasse, et de cueillette.
La désolation n’avait pas dissuadé la nature de reprendre ses droits. Malgré le climat sec et aride, des ronces énormes fleurissaient à la base des rochers, des scarabées de belle taille, qu’on appelait shalks, fouissaient la cendre à la recherche de petit insecte à se mettre sous la dent. Dyna trouvait cela étrangement réconfortant.

S’arrachant à sa contemplation, elle se dirigea vers la yourte du khan des cendres. Il était facile de la trouver, car il s’agissait de la plus vaste du campement. A elle seule, elle abritait le khan, ses lieutenants ( qu’on appelait ici gula-khans ), ainsi que toutes leurs familles.

Dyna entra sans prévenir, comme il était de coutume, et se dirigea aussitôt vers les appartements privé du chef de la tribu, ignorant les regards curieux qu’on lui jetait sur son passage. Appartement était un bien grand mot. En réalité, on avait simplement tendu un morceau de toile dans un coin de la yourte, de façon à protéger le petit espace des yeux indiscrets. Un bref instant, la Dunmer se demanda quel effet cela faisait de n’avoir aucune intimité. Cela devait bien leur peser, un moment ou un autre. Elle secoua la tête et écarta la pièce de tissu. Elle aurait tout le temps d’étudier les mœurs étranges des cendrais lorsqu’elle aurait obtenu le titre.

Sul-Matuul se trouvait là, le dos bien droit. Il s’était coiffé d’un complexe échafaudage de tissu et d’os et il avait revêtu une longue robe peine de symboles étranges. Dyna était surprise. Elle avait rarement vu le chef de la tribu se parer du costume traditionnel. La plupart du temps, il s’habillait comme les chasseurs de son peuple, c’est à dire d’une veste et d’un pantalon de cuir. Ce qu’il avait à lui annoncer devait donc être d’importance.

- Vous voici enfin, Anda-Ehteryon, commenta le vieux chef d’une voix grave et rocailleuse. Mettez-vous à l’aise, nous avons à parler.

Dyna obtempéra en soupirant discrètement. Combien de temps allaient-ils l’appeler ainsi ? Anda. Ce qui pouvait se traduire par : « la presque-étrangère ». Après une année de vie commune avec la tribu, Dyna pensait que leur hostilité à son égard aurait décrue, mais la différence par rapport à son arrivée était somme toute légère.

Elle attendit en silence qu’on lui explique de quoi il retournait. Après quelques secondes pleines de tension, Sul-Matuul prit finalement la parole :

- J’irai droit au but. Vous avez passé toutes les épreuves avec succès, ce qui est très impressionnant, pour une étrangère telle que vous. Cependant, il vous reste à remplir un critère pour devenir le Nérévarine. La tradition orale nous a appris que Saint-Nérévar était insensible aux tourments de la chair. En d’autre termes, il ne vieillissait pas, et  n’était jamais souffrant.

Il s’arrêta un instant pour jauger la réaction de Dyna à cette nouvelle. Mais celle-ci resta de marbre, attendant sans doute qu’il finisse son discours pour émettre une objection. Il poursuivit donc :

- Je suis au regret de vous dire qu’ayant constaté que vous pouvez être sujette à la maladie, comme tout un chacun, vous ne pouvez en aucun cas être le Nérévarine. Toutefois, ne soyez pas déçu. Il eut été très surprenant qu’une vulgaire étrangère…

Le khan ne finit pas sa phrase. Dyna se leva d’un bond et envoya son pied dans le visage du vieux Dunmer ! La rage submergeait la jeune elfe. La situation de Morrowind était catastrophique, la tension entre les différentes castes s’accroissait de plus en plus, le peuple avait désespérément d’unité, et ce pitoyable chef de tribu lui avait fait perdre une année !

Sul-Matuul se redressa sur un coude, de la colère dans le regard. Dyna se jeta sur lui et le plaqua au sol. De la main gauche, elle appuya sur l'épaule de sa victime pour s’assurer qu’il ne s’échappe pas, et de la droite, elle commença à lui marteler le visage de coup de poings.

- Une année ! Vous m’avez fait perdre une année avec vos absurdité prophétique ! J’ai risqué ma vie pour ce titre ! J’ai affronté des monstres dont la vue vous ferez pisser dans votre soutane, et c’est maintenant que vous me dites que je dois être immortelle pour devenir Nérévarine ? Pitoyable abruti raciste !

Le visage de Sul-Matuul n’était plus qu’un masque ensanglanté lorsqu’elle dégaina son épée. Les deux pieds de part et d’autre du corps gémissant du khan des cendres, elle leva son arme au-dessus de sa tête.

Elle resta là, hésitante. Sa rage lui commander de porter le coup fatal, tandis que sa raison lui hurlait de n’en rien faire. Mais elle avait perdu tellement de temps…
Ce fut la colère qui l’emporta. Elle assura sa prise sur la poignée de la lame et banda ses muscles.

Un cri déchirant lui fit suspendre son geste. Elle se retourna vivement et aperçu Nibani Maesa, la sage femme du camp. Elle se tenait prostrée contre la toile de la yourte et des larmes inondaient ses joues. Dyna aimait bien Nibani. C’était la seule elfe du camp à lui témoigner un peu de gentillesse. Soudain, l’horreur de son geste la frappa et elle abaissa son épée en tremblant. Elle ne pouvait pas le tuer. Ce n’était pas un combattant, c’était un vieillard gémissant qu’elle avait déjà suffisamment maltraité. Et puis, en prenant sa vie, elle supprimait du même coup sa seule chance de devenir Nérévarine. Le fait d’avoir frappé si durement Sul-Matuul diminuait déjà grandement cette éventualité déjà faible. Qu’avait-elle fait ?

Déboussolée, Dyna décida malgré tout de s’enfuir avant que le reste de tribu ne vienne lui demander des comptes. Elle fendit le mur de la tente de toute sa hauteur et se faufila dans la brèche.

Dehors le vent soufflait fort. Une tempête des cendres se préparait, à n’en pas douter. Cela arrangeait bien la jeune Dunmer. Ainsi, les superstitieux Cendrais ne la poursuivraient pas, trop effrayés qu’ils étaient de ces tempêtes que Dagoth Ur lançait depuis son repaire du Mont Ecarlate. Elle, en revanche, ne les craignaient pas. Elle avait appris à survivre dans ce milieu hostile.

C’était une bien maigre consolation fasse à sa situation désastreuse. Caïus Cosadès l’avait envoyé chez les Urshilakus pour créer des liens avec les tribus cendraises et qu’avait-elle fait ? Elle avait massacré le chef de la tribu à coup de poings ! Il ne lui restait qu’à rentrer à Balmora pour faire son rapport au maître espion. Inutile de dire qu’elle ne s’attendait pas à des félicitations.

Tandis qu’elle s’enfonçait dans le lointain, elle repensa au doux visage de Nibani déformé par la terreur. Terreur qu’elle, Dyna, avait causée. Etait-elle en train de perdre son tout sentiment de pitié pour en arriver là ? Ou était-elle un monstre depuis toujours ? Personne ne pouvait répondre, et cela la faisait trembler de peur.

Une banale après-midi dans le Nord des Terres-Cendres. Seule dans la tourmente, une jeune elfe noire marche inlassablement vers le Sud. Une larme discrète coule sur sa joue…



#



A des milieux de lieux de là, à Seyda Nihyn, Hrisskar Pied-Plat tente de noyer son incompétence dans l’alcool. Trop sûr de lui, il avait laissé passé une formidable opportunité de grimper dans la hiérarchie de la Camonna Tong.

Il avait quitté l’auberge d’Arrile quelques heures plutôt. A vrai dire, les gardes ne s’étaient pas beaucoup préoccupés de son consentement. Constatant son état d’ébriété avancé, ils l’avaient jeté dehors sans ménagement. Le Nordique avait donc achevé de se saouler chez lui à l’aide d’une pleine bouteille de flin. Il se préparait à écluser son cinquième verre lorsque des coups vigoureux retentirent en provenance de la porte d’entrée.

- Ch’que ch’est ? Beugla-t-il en bavant dans sa barbe.

- Ouvre, Hrisskar ! C’est moi, Trastève !

Le barbare se demanda un instant s’il devait laisser entrer le Rougegarde, puis la curiosité l’emporta sur son besoin de tranquillité. Il tituba jusqu’à l’entrée, se cogna lourdement contre une armoire et tomba sur les fesses.

- Ch’est ouvert !

La porte s’ouvrit en grinçant et le gérant de « La Planque du Voleur » passa le seuil. Il jeta un regard un peu surpris au Nordique qui ne s’était toujours pas relevé. Celui pouffa stupidement et lança :

- Qu’est-ce qui t’amène, le basané ? On t’a brûlé ton boui-boui ?

- Tu as bu ?

- Et observateur avec ça ! T’as raté ta vocation mon gars ! T’as le potentiel pour être légionnaire !

- Arrête tes bêtises et viens t’asseoir. J’ai des nouvelles à t’apprendre !

Trastève était fébrile. Un grand sourire barrait son visage. Hrisskar se releva en grommelant et alla s’écrouler dans un fauteuil qui émit un craquement inquiétant. Le Rougegarde attrapa une chaise et s’assit dessus à l’envers, les coudes appuyés sur le dossier.

Sans même vérifier si le Nordique lui accordait son attention, il prit la parole :

- Falvis nous a annoncé une grande nouvelle ! Le maître a pris des mesures contre les Lames !

- Quel genre de mesures ? Parvint à balbutier Hrisskar.

- Le genre expéditif ! Ricana l’aubergiste. Il aurait contacté la Confrérie Noire pour supprimer les principaux chefs !

- Quoi ? S’exclama le colosse.

Soudain, il se sentait beaucoup moins nauséeux. La nouvelle était d’importance ! Les Lames de l’empereur étaient l’organisation qui donnait le plus de fil à retordre à la Camonna Tong. Leur disparition signifiait une augmentation considérable du chiffre d’affaire de chacun, ainsi que de belles promotions en perspective !

- Qu’est-ce qui l'a décidé ? Et pourquoi n’a-t-il pas fait appel à la Morag Tong ?

- Les Lames ont des informateurs dans la Morag, le patron a préféré choisir quelqu’un de l’extérieur. Quand ce qu’il a décidé, c’est ton histoire de Nérévarine. D’après ce qu’on m’a dit, la fille, Etheryon, serait allée au camp Cendrais des Urshilakus, les gardiens de la prophétie de Saint Nérévar. Ce qui signifie qu’elle peut devenir à tout moment une épine de taille dans le pied de l’organisation. Dren pense que s’il supprime ceux qui lui donnent ses ordres, elle arrêtera d’agir contre ses intérêts.

- Tu parles d’une nouvelle ! Quelle dommage que je sois cantonné ici et ne puisse pas participer au massacre !

- Détrompe-toi, mon ami. Falvis a un travail pour toi…



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Elone s’ennuyait. A part les quelques poivrots habituels, l’auberge d’Arrile était complètement vide. Le travail de serveuse était peut être une excellente couverture, mais il ne garantissait pas beaucoup d’action. Elle décida donc de sortir et d’aller consulter ses ordres de missions qu’elle dissimulait dans une cachette derrière le phare. Elle passa devant le comptoir de l’Aldmer qui nettoyait ses verres et sortit.

L’air était toujours aussi vicié. En fronçant le nez, elle se dirigea vers la grande tour au sommet de laquelle crépitait un feu joyeux malgré la matinée avancé.

A pas de loup, elle se faufila derrière la bâtisse et se mit à farfouiller dans les fourrées. Après quelques seconde de recherche, elle trouva ce pourquoi elle était venue.
Il s’agissait d’un petit coffre en bois vermoulu, qu’elle ouvrit après avoir désactivé le dard empoisonné qu’elle avait installé par précaution. A l’intérieur, on pouvait voir une quantité considérable de parchemins, principalement des ordres à son intention.

Alors qu’elle relisait sa dernière missive, une branche craqua juste derrière elle. Elone sortit vivement sa dague de son fourreau et se retourna. Elle n’eut que le temps d’apercevoir une épaisse cuirasse en cuir avant de ressentir une intense douleur à la poitrine. Elle baissa les yeux et contempla, interloquée, la lame d’acier qui venait se ficher en elle jusqu’à la garde. Elle toussa violemment et un filet de sang coula de sa bouche.
Un froid mordant lui déchirait les entrailles et sa vue se brouillait. Elle perdait ses forces à une vitesse stupéfiante.
Avant de sombrer dans le néant, elle discerna le sourire hilare de Hrisskar, le poivrot de l’auberge.

Il faisait froid. Vraiment trop froid…



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Caïus Cosadès était un peu inquiet. Il n’avait pas reçu de rapport de Dyna Etheryon depuis plus de deux semaines. C’était plutôt anormal. Bien qu’encore inexpérimentée en matière d’espionnage, sa jeune recrue lui faisait d’ordinaire parvenir ses missives assez régulièrement. Il se demanda un instant s’il ne devait pas envoyer un agent sur place afin de voir ce qu’il en était.

Il s’apprêtait à saisir un ordre de mission vierge quand un grand fracas retentit. Des coups furieux ébranlaient sa porte d’entrée. Celle-ci rendit l’âme après un troisième coup de boutoir et se brisa bruyamment.
Aussitôt, trois hommes vêtus de noir passèrent précipitamment le seuil et se jetèrent sur le vieil homme. Il envoya au premier une décharge de son anneau de paralysie, ce qui eut pour effet de le faire s’écrouler sur le sol, tétanisé. Il était sur le point de l’achever avec sa dague quand ses deux acolytes passèrent à l’attaque.
Visiblement, il ne s’agissait pas d’amateurs. Ils portaient tous deux cousu sur leur tunique la main sombre de la Confrérie Noire. Ils dégainèrent chacun deux lames, courtes et dentelées, et les firent siffler devant eux.

Le vieux maître espion avait toutes les peines du monde à esquiver et repousser leurs assauts. Il n’était plus tout jeune et ses assaillants étaient plus que vigoureux !
Malgré tout, il aperçu une faille dans la garde de ses adversaires, qui ne semblaient pas beaucoup se préoccuper de leur défense. Il leur envoya à chacun un puissant coup de poing au visage.

Il enjamba celui qui était paralysé et décrocha son épée courte du mur. Les deux tueurs s’ébrouèrent puis plongèrent à nouveau dans la mêlée. La nouvelle arme de Cosadès lui permettait de rester à distance de ses agresseurs. Chaque fois que les tueurs faisaient mine charger, il leur opposait la longueur de sa lame. L’un d’eux, très téméraire, bondit malgré tout sur lui. Il était rapide et le vieil homme ne pu atteindre que son épaule qu’il perça avec une certaine satisfaction.
Alors qu’il retirait son arme des chairs meurtris de l’assassin, il sentit qu’on le tirait en arrière par les cheveux. Le troisième tueur ! Il avait complètement oublié les effets temporaires du sort de paralysie !

Il n’eut pas le temps de se repentir de son erreur. D’un geste rendu fluide par l’habitude, l’homme en noir lui trancha la gorge ! Un flot de sang s’écoula de son coup et il s’effondra sur le sol.

Les trois hommes s’enfuir aussitôt, non sans que celui qu’il avait blessé le gratifie d’un violent coup de pied dans l’estomac.

Alors qu’il tentait d’endiguer de ses mains le flot écarlate, Caïus Cosadès repensa à Dyna qui devait devenir Nérévarine. Qu’allait-elle faire sans lui pour la guider ?

Il mourut sans connaître la réponse…

Modifié par Ja'Shir, 29 mars 2011 - 21:47.


#3 Ja'Shir

Ja'Shir

Posté 16 novembre 2010 - 08:50

Chapitre 3 :


Etendu en travers d’un lit vaste et luxueux, Felwynn réfléchissait à sa situation depuis qu’il avait accepté la mission que le maître de la Morag Tong lui avait proposé. En quelques jours à peine, il était passé de l’anonymat le plus complet à une célébrité plus que dérangeante.

Dès sa prise de fonction au sein de la Maison Hlaalu en tant que cousin, les gens avaient commencé à se retourner sur son passage. Pour le Bosmer qui avait développé une prudence proche de la paranoïa, c’était une situation plutôt éprouvante que celle d’être le centre de toutes les attentions.
Fort heureusement, on lui avait généreusement cédé un manoir situé un peu à l’écart de Balmora, au plateau Odaï. Un peu surpris par un tel présent, Felwynn l’avait malgré tout accepté et s’était retiré dans sa nouvelle demeure pour échafauder un plan qui lui permettrait de mener sa mission à bien.
Cependant, avoir un grade important dans une des trois Grandes Maisons ne comportait pas que des avantages. Lorsqu’il avait rencontré ses condisciples Hlaalu, Felwynn avait remarqué qu’on lui jetait des regards jaloux, parfois proche de la haine. Cela ne l’inquiétait pas outre mesure, mais il avait tout de même demandé à son maître, Eno Hlaalu, le concours d’un de ses frères assassin qui aurait pour mission de couvrir ses arrières.

Il était en train de l’attendre quand on frappa à la porte de sa chambre. Il donna l’autorisation d’entrer et dévisagea l’individu qui venait de passer le seuil. Le visage lui était vaguement familier. Felwynn reconnut un des nombreux domestiques qu’on lui avait assigné. C’était un vieil Aldmer à la coupe stricte et au visage sérieux.

- Qu’y a-t-il ? Demanda Felwynn un peu abruptement. J’avais demandé qu’on ne me dérange pas.

- Je sais cela, maître. Mais il y a là un visiteur Argonien qui prétend vous connaître et qui désire vous voir immédiatement. Il m’a tout l’air d’être un de ces aventuriers qui grouille dans les tavernes de la ville. Dois-je le faire chasser ?

- Non. Faites-le entrer.

Le Haut Elfe s’inclina sans rien dire et disparu de son champ de vision, sans refermer la porte. Quelques secondes plus tard, un homme-lézard entra dans la pièce. Un grand sourire hilare barrait son visage.

- Salut, votre Altesse, lança-t-il d’un ton narquois. Comment vont les affaires ?

- Huleeya ! S’exclama Felwynn. J’ai eu du mal à te reconnaître, dans cette cuirasse de chitine ! C’est toi, le confrère que maître Eno met à ma disposition ?

- A ta disposition ? Releva le reptile. Je ne me souviens pas avoir entendu une telle chose. Je dirai plutôt que suis là pour t’éviter d’échouer dans ta tâche.

- Qui parle d’échouer ? Ce sera réglé en un rien de temps !

- Cela dit, je comprendrai que tu ne veuilles pas accélérer les choses. Quel luxe !

- Pour tout dire, cela me rend un peu mal à l’aise. J’ai hâte d’en avoir fini.

- Tu ne sais pas ce qui bon, mon pauvre Felwynn ! Alors ? Comment comptes-tu t’y prendre ?

- Il y a une réunion ce soir au palais du Conseil Hlaalu, à propos des récents affrontements opposants la Maison Telvannis aux Lanternes Jumelles. J’espère y dénicher des contacts utiles et y contracter quelques alliances.

- Ca me paraît bien, approuva Huleeya. Mais où est mon rôle, là-dedans ? Qu’attend-tu de moi exactement ?

- Tu dois savoir qu’obtenir un grade important aussi rapidement à eu pour effet de m’attirer les foudres des nombreux prétendants au titre. Ils n’aiment pas beaucoup se faire couper l’herbe sous le pied et, s’ils ignorent comment je suis parvenu à une telle position, cela ne les empêchera pas de tenter quelque chose contre moi.

- Tu penses à un assassinat ?

- Dans le pire des cas, oui, déclara Felwynn. C’est pourquoi j’ai besoin de quelqu’un de compétent pour couvrir mes arrières au cas où ça tournerait mal. Je peux te demander ce service, n’est-ce pas ?

- Naturellement. Je souhaite tout autant que toi découvrir qui est le comploteur qui projette de détruire notre guilde.

- Fort bien. Alors garde un œil sur tout le monde, particulièrement pendant la réunion. Si tu remarques quelque chose, fais moi parvenir un rapport par missive. Il ne vaut mieux pas te voir trop traîner dans le coin.

- Insinuerais-tu que je ne suis pas fréquentable ? S’offusqua l’Argonien.

- Exactement, ricana Felwynn. Sors d’ici ou j’envoi les domestiques !

- Par les Hists, ne fait pas ça ! J’aurai bien trop peur !


Et Huleeya disparut en éclatant de rire. Resté seul, Felwynn se rallongea sur son lit. Il était heureux que le lézard soit de la partie. Au moins, il pouvait regarder devant lui en toute confiance. C’était un sentiment nouveau pour lui, que de dépendre de la vigilance d’un autre. Mais après mûre réflexion, il trouva que c’était plutôt agréable.





#




Balmora avait beaucoup manqué à Dyna. Après une année passée en compagnie d’une tribu nomade, retrouver la ville où tout avait commencé était presque un second souffle de vie. Euphorique, elle se dirigea vers le cœur de la ville où elle déposa son équipement au Rasoir Ebréché afin qu’il soit remis en état. Après tout ce temps passé dans les cendres désertiques, son épée et son armure étaient méconnaissable.
Cela fait, elle réserva une chambre aux « Huit Plats ». Elle préférait d’ordinaire le « Verrou de la Chance », qu’elle estimait mieux fréquenté, mais l’auberge était trop près du quartier général de la Camonna Tong à son goût.

Après en avoir terminé avec ces formalités, elle prit la direction de la demeure de son supérieur. Elle ignorait encore de quelle manière avouer son échec au vieil Impérial, mais elle espérait que celui-ci se montre miséricordieux.

Alors qu’elle traversait un des ponts qui surplombait le fleuve, Dyna se dit qu’elle pouvait encore mener à bien sa mission. Après tout, elle avait passé toutes les épreuves avec succès. Si Caïus Cosadès connaissait un moyen quelconque d’obtenir l’immortalité, rien ne l’empêcherait de devenir officiellement Nérévarine. Naturellement, elle doutait que le vieux maître puisse être le détenteur d’un tel secret, mais elle ne pouvait s’empêcher d’espérer.

Dyna atteignit finalement le quartier pauvre où vivait le chef des Lames de Vvardenfell. Elle se dirigea vers sa maison, de plus en plus inquiète à propos de la réaction du vieil Impérial.
Alors qu’elle arrivait à destination, elle remarqua que la porte était entrouverte. Alarmée par ce détail, la jeune elfe bondit à l’intérieur de la maison, les poings serrés.

Et là, étendu sur le sol, gisant dans une mare de sang, se trouvait le cadavre de Caïus Cosadès, la gorge tranchée d’une oreille à l’autre.
La première réaction de Dyna fut de vérifier que la demeure était bel et bien vide. Ce fut chose faite en quelques minutes. C’est alors qu’elle s’autorisa à s’effondrer sur une chaise et à pleurer doucement.
Bien qu’elle éprouvait pour le vieil homme une sincère affection, ce n’était pas sa mort qui l’attristait le plus, mais sa signification. Avec le décès du chef des Lames, elle se retrouvait démuni, sans possibilités d’atteindre son objectif. Et du même coup, tout Vvardenfell était condamnée avec elle.

Alors qu’elle séchait ses larmes, le regard de Dyna se posa sur la montagne de documents qui reposait sur le bureau de l’espion défunt. Une lueur d’espoir apparut dans ses yeux et elle se précipita vers la pile de papier la plus proche. Etait-il possible que Caïus Cosadès ait été assez négligent pour laisser une trace de ses projets la concernant ?
Tandis qu’elle cherchait frénétiquement, la Dunmer se dit que même si ce n’était pas le cas, elle se devait de détruire ces notes avant que les gardes ne les découvrent.
Elle tomba sur ce qu’elle cherchait. Il s’agissait d’une enveloppe épaisse solidement cachetée et qui portait son nom.
Elle détruisit fébrilement le sceau et reconnut l’écriture du vieux maître. Cela ressemblait à des notes personnelles.

"J’ai encore un peu de difficulté à déchiffrer la personnalité de Dyna Etheryon. D’un autre côté, cela me paraît normal dans la mesure où elle est en train de la redécouvrir elle-même.
J’assiste donc à un  surprenant mélange de comportements. Pendant un moment, elle fait preuve d’un bel idéalisme touchant de naïveté, et l’instant d’après, elle devient aussi glacial qu’un membre de la Morag Tong.
Mais l’essentiel est que je lui fais confiance. Sa Majesté l’Empereur de Cyrodil a choisit la candidate idéale. Je suis convaincu qu’un jour, elle deviendra Nérévarine et sauvera Vvardenfell.
D’ailleurs, d’après son dernier rapport, elle est à deux doigts d’y parvenir. Il ne lui reste plus que quelques épreuves. Puissent les Neufs empêcher les Cendrais d’en inventer de nouvelles !

[…]

Elle est en bonne voie. Quand elle aura le titre, je l’enverrai accomplir sa première tâche en tant que Nérévarine. Il y a à Gnaar Mok une caverne obscure dans laquelle officie un disciple du diable de Morrowind. Je crois qu’il se nomme Dagoth Garès. Dyna Etheryon devra le tuer. En faisant cela, la symbolique sera forte et la notoriété qui en découlera lui procurera suffisamment de crédit auprès du peuple pour qu’ils l’aident dans sa mission. Portée par la population tout entière, elle conduira les armées réunies de la Légion et des Mers au mont Ecarlate et prendra la tête de Dagoth Ur.

J’espère que sa Majesté se montrera reconnaissante et la laissera enfin en paix…"

[…]


Le reste ne présentait pas grand intérêt. Elle savait maintenant quoi faire. Aller à Gnaar Mok et tuer ce Dagoth Garès ! Elle songea un instant à la dernière condition qu’avait évoquée Sul-Matuul. Si elle suivait son raisonnement, elle n’était pas le Nérévarine et perdrait la vie face au disciple de Dagoth Ur.
Elle décida d’ignora le vieux chef. Il avait certainement dit cela pour la décourager. Elle prit donc la décision de rentrer aux « Huit Plats ». Avant de partir, elle rassembla les documents de Caïus Cosadès au centre de sa maison et y mit le feu. Elle s’éloigna aussitôt et partit sans se retourner.

Alors qu’elle descendait les escaliers de la ville qui la mènerait au quartier commerçant, elle eut une pensée ému pour le vieux maître des Lames. Il avait sacrifié sa vie pour sa mission. Mais plus que cela, il avait donné un sens à son existence.

Et en cela, elle lui était éternellement reconnaissante…





#





Felwynn était proprement abasourdi. En se rendant au Palais du Conseil, il s’était attendu à tomber sur une poignée de notables réunis autour d’une table et discutant politique.
Mais la réalité était bien différente. Il venait à peine de passer le seuil et déjà, ses sens se recroquevillaient sur eux-même en réponse à l’agression dont ils étaient la cible. Pas un n’était épargnés !
Au plafond, des lampions en papier diffusaient des lumières de toutes les couleurs et piquaient ses yeux habitués à la pénombre qui régnait sur la ville.
Les bruits de la musique et  des conversations mettaient ses tympans à rude épreuve tandis que flottait dans l’air une odeur nauséabonde, caractéristique de la fumée de skouma.
Il put à peine faire quelques pas avant d’être bousculé par des danseurs qui remuaient frénétiquement. Même son sens du goût subissait des dommages ! En effet, il flottait dans l’atmosphère un écœurant mélange de sueur et de graisse. Si intense qu’on en avait la bouge pâteuse.

Tandis qu’il assistait à la scène, un mot vînt spontanément à l’esprit de Felwynn : Décadence.

Jamais il n’aurait pensé atterrir dans un endroit pareil. Il reconnut même dans la foule quelques danseuses de la Maison des Plaisirs Terrestres de Suran.
Et ces hommes étaient censés être des représentants de l’élite dirigeante de Vvardenfell ? Il songea un instant au monstrueux gâchis de nourriture et d’argent qu’il avait sous les yeux. Avec à peine un centième des dépenses de cette soirée, il aurait certainement pu vivre pendant des mois !

De plus en plus mal à l’aise, Felwynn se dirigea vers les étages supérieur, où il espérait trouvait plus de calme. Malheureusement, l’hôte de la soirée avait jugé bon de restreindre la fête au rez-de-chaussée et avait par voie de conséquence condamné les portes qui menaient aux escaliers.
Le Bosmer pesta en akavirois et se résigna à s’asseoir dans un coin et à attendre. Il ne voyait pas comment mener à bien sa mission dans une telle foule.

Les yeux dans le vague, Felwynn songeait à sa mission quand une voix reconnaissable entre mille l’apostropha :

- Alors ? On admire l’architecture ?

L’elfe sursauta et se tourna vers son interlocuteur. Il s’agissait d’un Argonien plutôt grand vêtu d’une longue robe de cérémonie. Felwynn commençait à se demandait ce que lui voulait cet individu lorsqu’il se rendit compte avec stupeur qu’il s’agissait en réalité d’Huleeya. Le lézard avait radicalement changé d’apparence depuis leur rencontre un peu plus tôt dans la journée.

- Toi ! S’exclama le Bosmer. Qu’est-ce que tu fais ici ? Je ne t’avais pas demandé de te montrer discret ?

- Ne t’énerve pas, Felwynn. Les Dunmer sont incapable de faire la différence entre deux visages d’Argonien, personne ne me reconnaîtra ! Et puis j’ai pensé que tu aurais besoin d’aide. Quand je te vois assis dans ton coin à bailler aux corneilles, je me dis que j’ai bien fais !

- Ce n’est pas ma faute, se défendit l’elfe. Je ne m’attendais pas à me retrouver au cœur d’une orgie ! Si j’avais su une telle chose, jamais je n’aurai demandé du renfort !

- Ce n’est pas qu’une orgie, tu sais. C’est juste que tu ne connais pas aussi bien que moi cet univers. Il se trouve qu’il y a tout de même un endroit où l’on discute politique. Suis-moi, je vais te montrer.

Sans se préoccuper de vérifier si Felwynn lui emboîtait la pas, Huleeya se faufila à travers la foule des danseurs et se dirigea vers l’angle opposé de la salle. Là-bas se trouvait une petite table autour de laquelle conféraient deux Dunmer et un Impérial.
Alors qu’il ne se trouvait plus qu’à quelques mètres d’eux, l’Argonien fit signe à son compagnon de s’arrêter et se pencha vers lui pour lui parler.

- Celui de gauche avec la bure marron s’appelle Niléno Dorvayne. Tu dois le connaître, c’est le responsable de la Maison de Balmora quand aucun conseiller n’est présent. Techniquement, il est moins gradé que toi, cependant, je te conseil vivement de lui témoigner le plus grand respect, dans la mesure où le nom de ses opposants s’est souvent retrouver sur un contrat de chez nous. Dorvayne est ambitieux et ne laisse personne lui marcher sur les pieds. Mais tu peux lui faire confiance. Il est très capable et se montre juste dans la plupart de ses décisions.
Celui du milieu, c’est Ralen Hlaalo. C’est probablement lui qui réclamera le plus ton attention, puisqu’il est l’homme de confiance de Méthas Hlaalu, notre suspect numéro un dans le complot contre la guilde. Ralen est un type fourbe et servile, ne croit pas un mot de ce qu’il te racontera. Il fait partie de ceux qui voient d’un très mauvais œil ta surprenante nomination. Ne t’inquiète pas, je le surveille, il n’a quasiment aucunes chances de t’atteindre.
Quant au dernier du trio, il s’agit de Crassus Curio. Tu as sûrement entendu parler de lui, il est l’un des conseillers de la Maison les plus appréciés. Toutefois, on ne parvient pas à une telle position sans se faire quelques ennemis. Et des ennemis, Curio en a beaucoup. Si tu cherches un soutien utile, je te conseille de t’appuyer sur lui. Ne te fit pas à son comportement farfelu, il s’agit d’une couverture pour que ses adversaires ne le prennent pas trop au sérieux.
Voilà, je crois que tout est dit.

Felwynn ne savait quoi répondre à son ami. Jamais il ne se serait douté que celui-ci pouvait avoir une connaissance si approfondie des instituions politique de Vvardenfell.

- Impressionnant ! Lança finalement le Bosmer. Où as-tu appris tout ça ?

- Je ne te l'avais jamais dit, mais il se trouve qu’en plus d’être secrètement membre de la Morag Tong, je suis également ambassadeur à la délégation argonienne de Coeurébène. C’est pourquoi je peux m’inviter assez facilement à ce genre d’évènement.

- Impressionnant, répéta Felwynn tout en vérifiant que personne n’entendait ce qu’ils disaient. Mais quelque chose me gène dans tes révélations. Si tu as tes entrées au sein de la Maison Hlaalu, pourquoi m’envoyer moi, pauvre assassin nocturne, m’occuper d’une mission d’une telle importance ? Pourquoi ne pas te confier cette tâcher à toi, qui est bien plus qualifié ?

- Ca ne te paraît pas évident ? Fit Huleeya en haussant ce qui lui servait de sourcil. Ecoute, tu es doué dans ton domaine. Trop doué, même. A mon avis, le maître te voit comme une menace potentielle. Vois-tu, pour devenir maître, il suffit de battre le dirigeant actuel au cour d’un duel à mort. Pour ma part, il me semble certain qu’en cas d’affrontement avec Eno Hlaalu, ce serait toi qui l’emporterais. Le maître en est parfaitement conscient, lui aussi, et donc il te confit une mission de longue durée pour ne plus t’avoir dans les pattes.

- Toutes ces intrigues pour ça ? Je pensais maître Eno plus malin ! Il devrait savoir que je ne nourris aucune ambition de genre !

- Oui, mais ça, aucun membre ne peut le concevoir, car pour eux, seul le pouvoir compte. Et du pouvoir, Eno Hlaalu en a beaucoup.

Felwynn resta un instant songeur. Lui qui pensait qu’on lui avait confié ce travail parce qu’on avait confiance en lui ! Il s’en voulu un instant de sa naïveté, mais la chassa de son esprit.

- Un seul problème à la fois, dit-il à Huleeya. Allons rencontrer ces messieurs.

L’Argonien hocha la tête et le précéda sur les quelques mètres qui les séparaient des dignitaires de la Maison. En le suivant, Felwynn remarqua qu’il gardait toujours une main cachée dans un des plis de sa robe. Sans doute ses doigts caressaient-ils le manche d’un poignard. Le Bosmer ne trouvait pas la technique de son ami très discrète, mais il pourrait au moins se concentrer sur la conversation qu’il allait avoir.

Les deux compères finirent par arriver au côté des trois convives. Ceux-ci se levèrent immédiatement à leur arrivé. Crassus Curio, qui semblait parler au nom des autres, s’exclama :

- Huleeya, mon bon ami ! Comment vont les affaires à la délégation ? Elles doivent être très prenante, d’après vos si rares apparitions.

- Vous me flattez, conseiller. Je ne suis qu’un modeste diplomate qui n’obtient que rarement l’autorisation de fréquenter de tels réunions !

- Vous parlez d’une réunion, mon ami ! Les Lanternes Jumelles déclarent la guerre aux Telvannis, et que font nos paires ? Ils fêtent cela en sombrant dans la décadence ! Mais je me plains et j’en oublis le sens des convenances ! Et si vous me présentiez votre silencieux ami ?

- Avec grand plaisir. Voici…

- Je suis le cousin Felwynn, coupa le Bosmer. Récemment nommé par le conseil Hlaalu.

Felwynn tendit naturellement la main vers son interlocuteur. Celui-ci se contenta de le dévisager. L’elfe connaissait ce regard. Curio était en train de le jauger pour se faire une idée de lui. Comme il avait maintes fois subit un tel traitement, Felwynn ne cilla pas et le regarda droit dans le yeux. Au bout d’un moment lourd de tension, un sourire fendit le visage du conseiller et il serra chaleureusement la main du Bosmer.

- Ravi de faire enfin votre connaissance ! J’étais curieux de rencontrer l’homme qui souffla le poste de cousin au nez et à la barbe de tous les prétendants au titre ! Permettez-moi de présentez Niléno Dorvayne, superviseur de Balmora…

- Nous avons déjà eu l’occasion de nous rencontrer, murmura sobrement le vieux Dunmer.

- … et Ralen Hlaalo, assistant du fondateur Méthas Hlaalu, qui n’a malheureusement pas pu se joindre à nous ce soir !

L’Elfe Noir se contenta d’un bref signe de tête. Felwynn s’attarda sur son visage, comme s’il pouvait y voir une trace de sa malveillance. Bien évidemment, il ne vit rien mais il se promit de lui accorder toute son attention.
Les présentations étant faites, tous se répartirent autour de la table et se mirent à discuter politique. En temps qu’ancien proche de l’empereur Versidue-Shae, Felwynn connaissait bien ce genre de discussion. Les nobles d’Akavir s’y livraient également. Il s’agissait la plupart du temps de digression sans intérêt, le but étant de prouver à l’autre combien on était quelqu’un d’intelligent.
Le Bosmer se désintéressa donc bien vite de la conversation et occupa son temps à jauger Ralen Hlaalo. Le Dunmer avait une étrange façon de se comporter. Il manifestait vivement son accord avec tout ce que disait Crassus Curio, mais dans le même temps s’affichait sur son visage un masque de mépris si intense que Felwynn se demandait comment le conseiller pouvait tolérer un tel affront. C’était en tout cas très révélateur de la personnalité fourbe de Ralen.

Alors que Felwynn envisageait vivement de se retirer, le débat bascula sur le conflit opposant les Lanternes Jumelles à la Maison Telvannis. Dorvayne ne comprenait pas pourquoi les hautes instances de Vivec en faisaient toute une histoire au point de les envoyer se réunir ici. Après tout, les Lanternes n’avaient quasiment aucunes chances de vaincre. Crassus Curio se préparait à répondre lorsque le Bosmer se surprit à prendre la parole :

- Vous ne devriez pas sous-estimer la colère des anciens esclaves, Niléno. Elle pourrait les rendre très dangereux. De plus, que les Lanternes puissent l’emporter ou non n’est pas la question. Le problème se situe au niveau de la symbolique. Voyez-vous, c’est la première fois depuis des siècles qu’une partie du peuple se soulève contre une des grandes instances gouvernementales. Cela envoi un message clair au reste de la population et à nos voisins : « Le royaume de Vvardenfell est faible et illégitime. Et tout le monde devrait prendre les armes contre lui. » Voilà le message qui est envoyé. Et un pays faible est un pays condamné. Car il suffit que le continent d’Akavir ait vent de cette histoire pour que cela ravive ses velléités de conquête. Nous avons déjà assez à faire dans la lutte contre Dagoth Ur, une nouvelle guerre serait une catastrophe.

Un peu surpris, les homologues de Felwynn de savaient que dire. Huleeya lui-même le regardait avec des yeux ronds.
Ce fut le conseiller Curio qui brisa le silence.

- Eh bien ! Jamais je n’aurai pensé avoir affaire à un si brillant analyste. Vous êtes plein de surprise, cousin Felwynn !

Un peu mal à l’aise, l’intéressé murmura un remerciement poli.
Ce fut sa seule intervention de la soirée. Le reste du temps, il se contenta de scruter intensément les expressions du visage de Ralen Hlaalo. Quand la fête prit fin, il fut certain de la culpabilité de celui-ci. Tout en lui respirait la servilité et la lâcheté. Et le Bosmer savait que c’était cela qui le rendait probablement inestimable aux yeux de Méthas Hlaalu.

Plus tard, lorsque lui et Huleeya était sur le chemin du retour, il fit part de son opinion au lézard.

- Je suis on ne peut plus d’accord avec toi, approuva l’Argonien. Ralen semble remplir toutes les conditions pour être le complice de Méthas Hlaalu. D’autant qu’il a de bonnes raisons de haïr la Morag Tong puisque, si je ne m’abuse, c’est toi qui as exécuté le contrat placé sur la tête de son fils, Melvis.

- Exact, commenta sobrement Felwynn. Ta mémoire m’étonnera toujours.

- Cela dit, poursuivit Huleeya sans prêter attention au compliment, je ne pense pas qu’il soit le seul dans ce cas. A mon avis, la position de Méthas n’est pas assez haute pour parvenir à ses fins, il doit avoir un supérieur. C’est sur l’identité de celui-ci que nous devons concentrer nos efforts.

- Je suis d’accord. Tout puissant qu’il soit, Méthas n’a pas assez d’influence pour organiser ça tout seul.

- Comment comptes-tu procéder pour découvrir le nom de son maître ?

- C’est très simple, je vais rendre une petite visite à Ralen et le forcer à me donner des informations. Son manoir est bien gardé, mais avec ma position, on me laissera entrer. Ensuite si cela ne suffit pas à démasquer le comploteur, je procéderai de la même façon avec Méthas. Bien sûr, je vais attendre quelques semaines avant de passer à l’action, pour qu’on ne fasse pas coïncider ma venue récente avec la mort de ces deux là. Qu’en penses-tu ?

Huleeya resta un instant songeur, puis se lança :

- Ca manque un peu de subtilité. Et si ni l’un ni l’autre ne connaissent le nom du chef, comment fera-tu ? Est-ce qu’il ne vaudrait mieux pas enquêter en douceur ?

-La méthode douce nous fera perdre notre temps. Crois-en mon expérience. Quant au nom du chef, si l’un des deux le connaît, crois-moi, il me le dira…

Tout en parlant, les deux assassins arrivèrent au niveau du manoir de l’elfe. Arrivé au niveau du mur d’enceinte, ils se séparèrent, l’un redescendant, l’autre entrant à l’intérieur des murs.

Alors qu’il refermait sur lui la lourde de porte de son manoir, Felwynn songea au récent troubles qui menaçaient Vvardenfell. Les esclaves se soulevaient, des complots s’ourdissaient et pour couronner le tout, le diable de Morrowind était sur le point de retrouver la liberté.

- Le monde va changer, murmura le Bosmer en s’enfonçant dans la pénombre.

Modifié par Ja'Shir, 29 mars 2011 - 22:02.





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