Immobile dans l’obscurité, Ilméni Dren se remémore de vieux souvenirs. Sa vie, à la plantation Dren, où elle courrait dans les champs, joyeuse et insouciante. Son gentil cousin Orvas, qui la couvrait de cadeau et qui lui ébouriffait les cheveux pour la faire bouder. Sa gentille servante, Khadirra la Khajiit, qui lui racontait des histoires de son pays, Elsweyr, pour qu’elle s’endorme.
Puis étaient venus ses quinze ans. Horrifiée, elle avait appris l’existence du commerce d’esclaves, de sa légalité et des conditions déplorables dans lesquelles vivaient ces malheureux. Ce jour-là, Ilméni s’était révolté. Comment une race aussi fier et aussi noble que celle des Dunmers pouvait-elle se comporter d’une manière aussi barbare ? Même les Orques, à qui on attribuait pourtant une terrible réputation, ne se montraient pas si cruel.
Alors elle avait attendu patiemment que son heure arrive. Derrière le dos de son cousin Orvas Dren pour lequel elle n’éprouvait désormais que mépris, elle avait monté une organisation : Les Lanternes Jumelles. Depuis ce jour, et sans relâche, elle avait libéré autant d’esclaves qu’elle avait pu. Puis, clandestinement, elle les avait rassemblés dans les étages inférieurs de Vivec, là où personne n’allait depuis longtemps.
Et aujourd’hui était enfin le jour de sa revanche, songea-t-elle tandis qu’elle aperçut un bateau au large. Elle avait bien cru qu’il ne viendrait pas. Cela faisait plusieurs heures qu’elle attendait sur les côtes des Grandes Pâtures.
Elle se tapit à l’ombre d’un buisson de Kresh et observa les hommes sur le navire qui jetaient à l’eau une poignée de barques. A peine la coque des frêles embarcations avait-t-elle effleurée la surface de l’eau qu’une dizaine d’individus étaient précipités à l’intérieur sans ménagement. A la façon dans la lumière des deux lunes se réfléchissait sur leurs bracelets, Ilméni devina qu’il s’agissait d’esclave. Pleine de colère, elle serra les poings à l’idée du traitement qu’on leur avait infligé.
Quand les occupants du navire jugèrent le nombre d’esclave suffisant, on lança une paire d’avirons aux guerriers qui les avaient rejoins. Les barques commencèrent alors à s’approcher de la côte.
C’était le moment qu’elle attendait. Elle leva le bras et l’abaissa vivement. Aussitôt, une centaine d’humanoïdes, principalement des Argoniens et des Khajiits, allèrent discrètement à la rencontre du groupe qui venait de poser le pied sur le sable de la plage. Les guerriers qui étaient dans les barques rassemblèrent les esclaves et entreprirent de monter un campement.
Soudain, l’un s’effondra dans un gargouillis, une flèche plantée dans la gorge. Puis ce fut le chaos. Des dizaines de Khajiits déchaînés bondirent sur les esclavagistes et les taillèrent en pièce avant même qu’ils puissent tirer leurs armes. Ilméni descendit vers eux, satisfaite.
Un Aldmer élégamment vêtu s’approcha d’elle et s’inclina sobrement.
- Tout s’est déroulé comme prévu. Que faisons-nous des prisonniers ?
- Tuez-les, fit la Dunmer d’un ton glacial. Pas de pitié, comme nous l’avions convenu avant notre départ de Vivec. Comment vont les esclaves ?
- Ils sont apeurés, mais on s’en occupe, madame. Dois-je donner l’ordre aux Argoniens de lancer l’assaut contre le navire ennemi ?
- Absolument, mon bon Férel. Cette bataille ne sera terminée que lorsque tous les agents de la monstrueuse Maison Telvannis pourriront dans les flots.
- Je vais faire le nécessaire, acquiesça le haut elfe en s’éloignant.
Il se dirigea vers un groupe d’hommes-lézards et aboya quelques ordres. Aussitôt, ceux-ci s’enfoncèrent silencieusement dans la mer et nagèrent en direction du bateau. Ilméni les vit escalader la coque à l’aide de leur griffe reptilienne et peu après, la clameur des combats résonna dans la nuit. De temps à autre, le flash incandescent d’une boule de feu magique illuminait les alentours.
Soudain, des hurlements de victoires retentirent. Ils furent repris par la foule présente sur la plage.
Ilméni Dren contempla en souriant les quelques silhouettes qui dansaient sur le pont. La défaite de l’ennemi était totale.
Elle projeta son regard au loin, vers l’horizon, et parvint à discerner les hautes tours en forme de champignon de Tel Aruhn. Là-bas vivait le Maître de la Grande Maison Telvannis, l’archimage Gothren. Bientôt, l’armée des ombres d’Ilméni débarquerait sur ses côtes, et alors, elle aurait gagné.
Mais l’heure était au combat et non aux réjouissances. La guerre venait à nouveau de frapper Vvardenfell.
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L’obscurité avait envahit Vivec depuis plusieurs heures quand la silhouette fantomatique de Felwynn se profila sur le toit du quartier de Saint-Délyn le Sage. Le Bosmer fit quelques pas sous la faible lueur des deux lunes dissimulées par des nuages. Il s’assit au pied de la statue colossale qui représentait le martyr dans la splendeur de ses derniers instants.
Il avait besoin de réfléchir. Une année s’était écoulée depuis qu’il avait foulé pour la première fois le sol de Morrowind. Tant de choses s’étaient passées depuis. Comme prévu, il avait rejoint la Morag Tong. Même s’il avait caché ses origines et son ancien métier, les dirigeants de la guilde l’avaient accueillit à bras ouvert. Il s’était très vite fait à son nouvel emploi. En vérité, il ressemblait beaucoup au précédent. La seule chose qui différait était le culte que rendaient les assassins à la déesse Daedra Méphala. Au début, il avait été un peu gêné de devoir prier, lui qui ne vouait d’adoration à aucun dieux. Mais il avait rapidement compris qu’il s’agissait davantage de tradition que de religion. La plupart de ses confrères se contentaient d’une brève révérence devant l’effigie de l’immortelle.
Felwynn acquit très vite une grande réputation. Ses dons pour les armes et le combat firent beaucoup d’envieux. On lui confiait de plus en plus de contrats importants, et il avait rapidement économisé une somme assez conséquente. Suffisamment conséquente pour qu’il puisse faire l’acquisition d’un splendide katana en ébonite, forgé dans le plus pur style akavirois. Malgré tout ses efforts, il avait toujours du mal à manier les étranges lames droites qui avaient court en Tamriel.
Cependant, malgré tout cela, le Bosmer ressentait un vide. Il commençait à trouver que sa vie manquait cruellement de sens. Il repensait parfois à la perte de Ja’Shir, le seul être qu’il eut pu appeler un ami. Le Khajiit lui avait dit que son pouvoir de négation de la magie pouvait changer le monde. Peut-être serait-il temps de s’en servir à des fins plus nobles ? En attendant, son aptitude se révélait très utile dans son travail. Grâce à celle-ci, Felwynn pouvait terrasser les mages les plus puissants sans grands efforts.
Des chuchotements et des bruits de pas précipités tirèrent Felwynn de ses réflexions. Il porta son regard vers l’étage inférieur. Deux personnes pressaient le pas, apparemment peu rassurées de devoir traverser Vivec la nuit.
Du haut du toit, le Bosmer les suivit discrètement. Alors qu’il focalisait son attention sur les deux silhouettes, il repensa au modèle d’après lequel était bâti la cité de Vivec. La ville accueillait tant de population qu’il avait fallu construire des quartiers par-dessus les anciens. L’idée était bonne, mais elle avait le désavantage d’offrir le guet-apens idéal aux gens malintentionnés. Il leur suffisait de se poster un étage au-dessus de leur cible et tirer une flèche ou un carreau d’arbalète.
Mais ce soir-là, Felwynn se sentait d’humeur mutine. Abattre ses cibles dans le dos n’était pas très glorieux. Il préférait les affrontements direct, où chacun des belligérants avait sa chance.
Il se rapprocha donc de ses cibles à pas de loup. Quand il fut suffisamment près, il se coiffa d’un masque de cuir grossier et se laissa tomber souplement derrière ses victimes. Le bruit qu’il fit en touchant le sol fut infime, mais suffisant pour alerter la plus grande des deux silhouettes qui se retourna vivement.
- Bonsoir, salua poliment le Bosmer.
S’ils le voyaient, ses confrères se seraient sans doute gaussés de lui. Un assassin qui se voulait furtif dialoguait rarement avec sa proie. Mais Felwynn appréciait particulièrement ce procédé. Presque davantage que la mise à mort. Être le détenteur des derniers mots de sa victime lui donnait un sentiment de puissance particulièrement enivrant.
La seconde silhouette s’était tournée, elle aussi, et l’apostropha d’un glapissement apeuré :
- Qui êtes-vous, et que voulez-vous ?
- Allons, lança Felwynn d’un ton moqueur. Vous résidez à Vivec et vous êtes incapable de reconnaître un membre de la Morag Tong ?
- La Morag Tong, s’exclama le premier, méprisant. Une bande d’assassin sans scrupule, voilà ce que vous êtes ! Reculez, seigneur, je me charge de ce bandit !
L’homme qui l’avait interpellé était un Impérial au trait dur et la mine sévère. Il était vêtu d’une longue robe brodée de symboles étranges, probablement d’origine daedrique.
Il mit ses mains en coupe devant lui et attendit que Felwynn engage les hostilités. Celui-ci ne semblait pourtant pas pressé, occupé qu’il était à contempler haineusement les habits de l’humain. De tels frusques ne pouvaient appartenir qu’à un mage. Or, depuis sa mésaventure dans les Grandes Pâtures, lors de son arrivée, il exécrait la magie sous toute ses formes.
Avec un sourire sadique, il sortit lentement sa lame de son fourreau et marcha résolument vers son adversaire. Celui-ci parut surprit de la conduite de Felwynn. Mais il se ressaisit bien vite. Avec un haussement d’épaule, il prononça une formule incompréhensible. Aussitôt, une boule de feu surgit du néant pour foncer en sifflant sur le Bosmer.
Soudain, alors que le monceau incandescent allait le percuter de plein fouet, les flammes disparurent. A seulement quelques pas de Felwynn. Celui-ci éclata de rire devant l’air décontenancé du magicien.
- La magie ne marche pas sur moi, expliqua-t-il d’un ton amusé. Vous allez devoir me vaincre en accord avec les règles de l’honneur, ou mourir en essayant.
- C’est impossible ! Aucun artefact, pas même le plus puissant, ne peut prémunir un homme des effets de la magie !
- Alors je suis l’exception qui confirme la règle, commenta le Bosmer d’un ton narquois. Je suis immunisé contre cette abomination que sont les arcanes. C’est pour cela que j’ai été choisi pour accomplir cette mission. N’avez-vous jamais entendu parler du Négatron ? Je suis pourtant assez connu, à Vivec.
- J’ai entendu parler de cette fable, balbutia le sorcier, mais je n’aurai jamais cru…
- Une erreur regrettable. Vous aller maintenant mourir du fait d’avoir été trop étroit d’esprit. Quelle ironie pour un magicien qui se targue de figurer parmi l’élite des intellectuels de ce monde, n’est-ce pas ?
Mais l’Impérial n’attendit pas d’en entendre davantage. Il tourna les talons, et s’enfui à toute jambes, complètement affolé.
- Vous avez choisi de mourir en lâche, énonça Felwynn. Ainsi soit-il.
Il sortit de sous sa tunique une petite arbalète, la brandit, et déclencha le mécanisme qui envoya un long carreau d’acier se ficher dans le dos du fuyard. Celui-ci s’effondra sur le sol sans un râle. Felwynn se tourna vers sa seconde victime qui tremblait comme une feuille et se tenait prostré contre la rambarde qui protégeait les passants de chutes éventuelles.
- N’espérez pas que votre garde du corps se relève. J’ai moi-même confectionné le poison dont est enduit le projectile. Aucun sort de guérison ne le sauvera, la substance à des effets foudroyant. Si nous passions plutôt au chose sérieuse ? Après tout, je n’ai pas attendu des heures sur les toits de la Sainte Cité pour abattre un misérable mercenaire. Vous êtes bien Melvis Taveyn, le jeune fils de Ralen Hlaalo, noble de la Grande Maison Hlaalu ?
Le Dunmer ne répondit pas, et jeta un regard terrifié et suppliant à Felwynn.
- Il n’est pas nécessaire de me le confirmer, de toute façon. La question n’est qu’une formalité. Une sorte de tradition, si vous préférez. Allons ! Finissons-en, je commence à avoir froid !
Felwynn se dirigea vers le jeune elfe noir en faisant siffler son katana dans l’air. Le pauvre Dunmer recula autant qu’il put, et lorsqu’il buta contre la rambarde, jeta un regard bref vers le vide.
- C’est une possibilité, commenta le Bosmer avec calme. La chute sera longue, mais la fin rapide. Je ne te garantis pas de faire aussi vite avec ceci.
Mais finalement, le pauvre elfe préféra tenter le tout pour le tout et se jeta sur son agresseur qui n’eut qu’à tendre le bras pour le faire venir s’empaler sur son arme. Il expira presque aussitôt, et s’effondra dans les bras de son assassin.
- Cela vaut peut-être mieux ainsi, chuchota Felwynn dans le creux de son oreille. Tu péris jeune et naïf. Ton âme est pure et sans tâches. Jamais tu n’auras à être témoin de la monstrueuse laideur de ce monde.
Il retira vivement sa lame, l’essuya soigneusement sur les habits de sa victime, et s’enfonça doucement dans les ténèbres. Sa mission était terminée, il pouvait enfin rentrer à la guilde faire son rapport.
Sur le chemin qui le menait au siège de l’organisation, il repensa à cette étrange faculté qui le protégeait de toute forme de magie. Lorsqu’il l’avait découvert, il ne s’agissait que d’un talent grossier, sous sa forme embryonnaire. Mais à présent, il le maîtrisait parfaitement, et pouvait s’en servir pour abattre les sorciers les plus redoutables sans le moindre effort. Cette particularité avait grandement contribué à créer la solide réputation dont il jouissait en temps qu’assassin. Elle lui avait même value le surnom de Négatron, un sobriquet que Felwynn n’appréciait pas particulièrement mais qui contribuait à renforcer son prestige.
Le Bosmer était en train de penser à son avenir au sein de la Morag Tong quand il parvint à leur quartier général. Il s’agissait d’un gigantesque bâtiment, qui trônait au beau milieu du quartier étranger, le plus grand de Vivec. Un observateur extérieur se serait sans doute étonné du fait qu’une secte d’assassin ait pignon sur rue, mais en Morrowind, ce détail ne choquait plus personne.
Felwynn entra en utilisant la clef que l’on remettait à tout les membres et se dirigea vers le bureau de l’intendant en charge des missions. Il s’agissait d’une pièce meublée sobrement, tout comme le reste de la guilde. Une simple table de bois grossier trônait au centre, et un vieil Orque à la peau ridée était occupé à rédiger quelque obscure documentation administrative. Le Bosmer se racla la gorge pour signaler sa présence et déposa le contrat qu’on lui avait remis parmi la masse de paperasse qui reposait sur la table.
- Mission accomplie, déclara-t-il simplement.
- Fort bien, fort bien, fit l’Orque en lui faisant signe de disparaître. Vous aurez votre récompense demain matin.
Felwynn hocha la tête et se mit en quête de la salle commune pour se mettre quelque chose sous la dent. La pièce était quasiment déserte lorsqu’il la trouva. Mais des mets d’apparence délicieuse n’en reposait pas moins sur les tables. Le maître de la Morag Tong tenait à ce que ses hommes soient bien nourris. Felwynn s’assit donc et s’attaqua à un morceau de viande délicatement rôti.
Il venait à peine d’avaler sa première bouchée lorsqu’une voix familière l’apostropha gaiement :
- Alors ? Veni, vidi, vici, comme dirait les Impériaux, hein ?
- Les Impériaux n’ont jamais dit ça, Huleeya. Ce charabia doit provenir de ton esprit dérangé d’Argonien.
- Toujours aussi charmant, bougonna le lézard. Si j’avais su que tu serais aussi avenant, je ne t’aurai jamais recruté.
Felwynn sourit intérieurement. Le reptile qu’il avait accosté il y avait une année dans un bouge de Suran s’était révélé être en définitive un ami précieux. Le seul qu’il n’avait jamais eu. Parfois, il lui rappelait étrangement Ja’Shir, le Khajiit dont il avait fait brièvement la connaissance lorsqu’il avait été vendu au Telvannis. Il avait en commun cette joie de vive qui lui faisait tant défaut.
- Arrête de râler, on dirait l’intendant qui a perdu son livre de compte. Viens plutôt t’asseoir avec moi.
- Qui êtes-vous, et qu’avez-vous fais de Felwynn le sans-cœur ? Ricana Huleeya en obtempérant.
- Je ne vois pas de qui tu veux parler. Tu dois confondre avec quelqu’un d’autre.
- C’est sûr. Il y a tellement de Bosmer qui ont rejoint la guilde, ironisa-t-il.
- Ca va, arrête ton petit jeu. Dis-moi plutôt comment était ta mission à Balmora.
- Plutôt simple. Le type ne s’attendait pas à être la cible d’un assassin, d’après la sécurité de son manoir. Par contre, la Camonna Tong m’a cherché des noises. Apparemment, ils étaient convaincu qu’il était impossible qu’un « sale lézard » puisse faire partie de leur glorieuse Morag Tong.
- Ces types sont envahissant, mais pas dangereux. J’ai été obligé d’en abattre trois, une fois, à Molag Mar.
- Tu ne cesseras dont jamais de m’impressionner ? Franchement, avec un talent pareil, pourquoi te contenter d’un simple grade de penseur ?
- Je sais pas, fit évasivement Felwynn. Je ne vois pas ce que je gagnerai à grimper plus haut.
- Mais tu es le meilleur d’entre nous ! Tu devrais monter au sommet, battre en duel ce vieux gâteux de maître Eno Hlaalu, et prendre sa place !
- Je ne te trouve pas très prudent de crier cela dans la salle commune. Tu tiens tant que ça à mourir ?
- Ne t’occupe pas de moi. Pourquoi ne pas montrer ta force à tous ?
- Parce que je m’ennui. Je ne prend plus autant de plaisir dans mon travail. Je devrais peut-être passer à autre chose…
- Et me laisser tout seul avec ces agités de Dunmer ! S’exclama Huleeya, scandalisé. Tu ne me ferait jamais ça dit ? Pourquoi ne pas…
- Silence ! Coupa le Bosmer en chuchotant. Voilà l’annonceur de la guilde. Je crois qu’il veut nous dire quelque chose.
En effet, un elfe noir à la démarche raide se dirigeait à grand pas décidé vers les deux amis. Parvenus à leur hauteur, il croisa les mains dans son dos et lança d’une voix autoritaire :
- Penseur Felwynn, notre Grand Maître, Eno Hlaalu, souhaite vous voir immédiatement. Il s’agit d’une affaire de la plus haute importance !
Huleeya dévisagea son camarade en écarquillant les yeux, mais celui-ci se contenta de hausser les épaules, de saisir son masque de cuir qui traînait sur la table et d’emboîter le pas de l’annonceur qui s’éloignait, raide comme la justice.
En chemin, le Bosmer se demanda ce que pouvait bien lui vouloir le chef de la plus grande organisation d’assassin du pays. Heureusement, il n’eut pas à attendre longtemps pour avoir la réponse. On lui fit gravir une courte volée de marche, et il pénétra dans un vaste cabinet. La pièce était très luxueuse. Des tentures rouges sombres, sans doute en velours, recouvraient les murs. Des commode en bois précieux reposait ça et là. Au centre de la pièce se trouvait un bureau massif impeccablement rangé. A côté de celui-ci se tenait un Dunmer au visage ridée qui le contemplait d’un air curieux. Il était vêtu d’une longue robe de la même couleur que les tentures.
Après quelque instant de silence, un sourire fendit son visage et il s’exclama :
- Entrez donc, penseur ! J’étais curieux de vous rencontrer !
- Moi ? Releva Felwynn, un peu surpris. Pourquoi donc ?
- Allons, ne soyez pas si modeste ! Je dois vous dire que jamais dans l’histoire de notre guilde nous n’avions connu un serviteur de Méphala aussi doué dans son travail ! C’est d’ailleurs ce don qui vous à valu ce titre de Négatron, si j’en crois les rumeurs qui circulent dans toute la Sainte Cité.
Le Bosmer ne répondit pas. Il était mal à l’aise. Un comportement aussi avenant de la part d’un assassin éveillait immédiatement ses soupçons. A part pour Huleeya, en qui il avait toute confiance.
Voyant qu’il ne se décidait pas à parler, Eno Hlaalu s’assit à son bureau et reprit :
- J’irai droit au but, j’ai besoin de vous pour une mission un peu particulière, et de la plus haute importance.
- En quoi puis-je me rendre utile ? Demanda Felwynn.
- Que savez-vous des fondateurs des Grandes Maisons ? Lança le Dunmer en ignorant la question de l’elfe.
- Comme leur nom l’indique, ce sont les créateurs des Grandes Maisons. Leur descendants sont de hauts rang et détiennent une place d’honneur dans l’organisation. Cependant, ce rang ne leur permet pas d’agir directement sur les affaires de Morrowind, seuls les conseillers et le grand maître de la Maison en ont le pouvoir. En clair, ils sont prestigieux mais n’ont aucune marge de manoeuvre. D’après votre nom, je pense pouvoir affirmer que vous êtes un de ces fameux descendants de la Grande Maison Hlaalu.
- Excellent ! Vous en savez beaucoup ! Mais vous vous trompez sur deux choses : Premièrement, le pouvoir d’un fondateur est plus grand que vous ne vous plaisez à le croire. Deuxièmement, j’ai perdu mon titre de fondateur en devenant grand maître de la Morag Tong.
- Pourquoi me racontez-vous tout ça, maître ?
- Avant de commencez une histoire, il faut des personnages, non ? Ici, c’est exactement la même chose. Sachez que je n’étais pas le seul à détenir le grade de fondateur au sein de la Maison Hlaalu. Mon frère, Méthas, en est toujours le détenteur.
Je le soupçonne depuis peu d’être l’instigateur d’un complot visant à détruire la Morag Tong. A quelle fin, je l’ignore, je sais seulement qu’il ne peut pas agir seul et qu’il a au moins un complice parmi les conseillers. C’est là que vous intervenez. Je veux que vous résolviez le mystère pour moi.
- Mais, maître, comment procéder ? Jamais la Maison Hlaalu n’acceptera qu’un assassin enquête dans ses rangs.
- Je peux m’arranger pour que les rejoigniez avec un grade confortable. Je ne suis certes plus un fondateur, mais je garde quelques contacts utile. La seule chose que j’ai besoin de savoir, c’est si vous acceptez cette mission.
Felwynn ne répondit pas tout de suite. Cette situation lui rappelait cruellement celle qu’il avait vécu en Akavir. Tout y était. Le puissant supérieur suspectait un complot et un membre de sa famille était impliqué.
- Pourquoi ne pas choisir quelqu’un d’autre ?
- Je vous l’ai dit, vous êtes le meilleur d’entre nous ! J’ai besoin de vos talents !
- Très bien, fit le Bosmer dans un soupir. J’accepte.
- Parfait. Je vais jouer de mes relations pour vous faire entrer dans la Maison avec le grade de cousin. Je dois vous avertir, un tel statut attire les inimitiés autant que la notoriété. Le fait que vous portez un masque durant vos exécutions va grandement nous aider. Nul ne vous reconnaîtra comme un assassin de la Morag Tong. J’enverrai régulièrement des hommes à votre futur domicile pour que vous me transmettiez vos informations. Revenez dans une semaine, tout sera près. Je vous souhaite bonne chance.
Felwynn s’inclina et sortit sans attendre. Un frisson d’appréhension secouait son échine. Il relativisa en se disant qu’au moins, il ne risquait pas de s’ennuyer.
Modifié par Ja'Shir, 29 mars 2011 - 21:35.