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[h]quêtes Vvardenfelloises Revisitées


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14 réponses à ce sujet

#1 jeanlouis

jeanlouis

    814ème majorette évadée


Posté 29 avril 2008 - 19:50

L’anneau de Fargoth

Seyda Nihyn, un soir

Les formalités accomplies, l’aventurier dépenaillé s’approcha de la place principale de ce pauvre village de pêcheurs, les habitants profitant de cette douce soirée, évoluaient nonchalamment, s’arrêtant de temps à autre au gré des sollicitations amicales de leurs voisins, friands des derniers commérages.
L’aventurier qui répondait au plaisant patronyme de Pourcempécé, remarqua un nabot, les oreilles effilées, le faciès genre tranche de cake moisie, qui allait et venait nerveusement, intrigué par l’animation chaotique de l’avorton, s’approcha de lui, et tout en le saluant poliment se présenta aimablement.

- Bonjour, je me nomme Pourcempécé
- Quoi ?, barrez-vous le clodo, ou j’appelle les…..
- Du calme l’avor….,  euh…,mon p’tit bonhomme, qu’est-ce qui ne va pas ?, et présentes-toi au moins !.
- Je suis Fargoth. Vous êtes à Seyda Nihyn, capitale mondiale de la fièvre des marais et je suppose que vous vous demandez ce qui se passe dans le coin ?
- Non, je m’en fous !
- Votre tête ne me dit rien. Que voulez-vous alors ?
- T’as chopé la fièvre pour être aussi nervous, Man !
- Ouais !.. mais non ! on m’a chouravé mon anneau et je suis prêt à jurer que c’est l’un des gardes qui l’a. Je l’avais encore la semaine dernière, avant qu’ils ne s’amusent à me secouer comme un prunier.
- Comme un prunier ?…mais t’as rien d’une reine claude mon pote…quoique !
- C’est un anneau de Guérison, un bijou de famille auquel je tiens comme à la prunelle de mes yeux. Vous ne l’auriez pas vu, des fois ?
- Un anneau de guérison et qui guérit quoi…. ma prunelle….euh….ma reine-claude ?
- Les coups de mou, il appartenait à ma femme qui le tenait de sa mère….ma belle…..
- Bon, ça va, gardes ton pedigree, je vais le retrouver ton anneau !.
- Merci ! merci !…. Il est orné d’une inscription et je sais qu’il se trouve quelque part dans le coin.
- Une inscription dis-tu, laquelle précisement?
- Anneau de guérison
- Ah !
- Oui, comme ça on ne peut pas le confondre avec le guéridon ah !ah !ah ah !…. C’est dl’humour !, c’est dl’humour !…
- T’es un comique ma reine-claude, mais tu me plais, j’vais faire mon enquête.


S’écartant de l’homoncule, Pourcempécé  continua son chemin et croisa une dame au chignon remarquable en forme d’un gros œuf de Kwama planté sur une poignée de lichen vert, c’était d’un chic !

- Bonsoir chère madame, je m’appelle Pourcempécé, vous habitez une très jolie bourgade. ( et bingo !, plus un, ma réputation s'améliore)
- Je suis Eldafaïre et n'ai jamais vu votre tête auparavant. Voudriez-vous un petit conseil ? Ou recherchez-vous quelqu'un de bien précis ?


D’un regard rapide mais cependant inquisitif, Pourcempécé, continua l’examen de la belle….de la belle c’était vite dit…plutôt intérieure la beauté, très intérieure, voire secrète….
( Mais qu’est-ce qu’il ont tous à être aussi moche ?, j’aurais dû amener mon « beauty pack » je me serais fait un plaisir de lui proposer un ravalement de façade à l’affreuse ! )

- Non point, mais juste une petite information, belle dame.

Conquise et rougissante par l’ insigne honneur fait à sa beauté, Eldafaïre, gloussa, tout en se triturant le chignon, histoire de remettre en place une supposée mèche rebelle pourtant laquée à la cire de dreugh.

- Mais cher Monsieur, je fais partie des gens du peuple. Je fais ce qui doit être fait, que ce soit la cuisine, le ménage, et j’ai 50 ans…..
- Une ménagère de 50 ans, mon rêve, alors vous devez être au courant des derniers potins.
- Ah, pour ça, oui, je suis au fait de tout ce qui ce passe ici, et même d’ailleurs, toutes les semaines, Darvame, le conducteur de l’échassier des marais, me rapporte VSD ( Vivec Sans Discrétion ) vous savez ce journal qui s’est rendu célèbre lors de la mort d’une princesse de la délégation de Bordeciel dans un tunnel de Vivec, alors qu’elle était poursuivie par des Elfes noirs chevauchant des Guars de meute.
- Euh…oui…euh…moi aussi je lis ce torch….ce merveilleux journal, surtout quand je vais voir mon pédipôtre, pour qu’il m’enlève les cors semeliers de mes bottes spéciales de disciple affranchi.


Un Garde arpentant la place de long en large, accoutré d’une sorte de robe bleutée garnie sur le devant d’un tablier à râper la girolle virulente, s’arrête quelques instants devant nos deux bavards.

- Passez votre chemin !
Pourcempécé donne un léger coup d’épaule, fort peu cavalier, à Eldafaïre qui suivait du regard le garde qui allait de son pas prétentieux et ridicule vérifier si le pont surplombant le marais tenait toujours debout.

- Il est fêlé l’engagé ?, » passez votre chemin », y s’croit où, à la chasse au braillard, l’ahuri ?
- Ne vous formalisez pas, c’est la seule phrase qu’ils connaissent, la seule qu’on leur enseigne, mais revenons à la question que vous vouliez me poser.  
- Ah oui, un bosmer nommé Fargoth me dit avoir perdu un anneau de famille, et dans ma grande sollicitude, j’ai accepté de le lui retrouvé….
- Mais tous les Nihyniens sont au courant et depuis fort longtemps de cette histoire d’anneau, il vous a certainement dit qu’il soupçonne les gardes de le lui avoir pris lors de leur séance hebdomadaire de vide-poche-nanesque.
- et alors ?
- ben, ils l’ont ficelé
- Et alors ?
- Ils l’ont secoué comme un prunier
- Et alors, et alors ?

Eh, eh Vivec est arrivé
  Sans s'presser
  Le grand Vivec, le beau Vivec
  Avec son Guar et son grand chariot….

- C’est la fièvre des marais ou vous êtes tous fêlés ici
- Excusez-moi, une aparté…
- Et al… euh…sur l’anneau que savez vous ?
- Ah mon bon monsieur, c’est une très longue histoire….
- Un compendium suffira,
- Quoi ?
- Un épitome
- Quoi ?
- Une synthèse peut-être ?, pour ne point dire un résumé.
- Fallait le dire tout de suite, Môssieur l’illettré , alors voilà l’histoire : La belle-mère de Fargoth était une Fesse-mathieu…
- Quoi ?
- Une prêteuse sur gages voyons !, avare, acariâtre, colérique, une belle-mère quoi !, un jour, entra dans son échoppe, un mage d’une rouge robe vêtu, la mine joviale, une cane à pêche équipée d’un mouliné dwemer sur l’épaule.
- Je m’appelle Helminster Léptizamie, j’arrive d’Athalantar, et j’ai cet anneau à vendre


L’usurière, le regard avide, comptant par avance son futur bénéfice, l’arracha promptement des mains du mage, et l’examina attentivement, mais fut des plus dubitative.
Cet anneau n’avait rien de particulier, sinon qu’il avait l’apparence d’être en or, son évaluation terminée, le verdict tomba :

- Cet anneau ne vaut rien !
- C’est un anneau magique, Madame, d’une grande magie, forgé dans les entrailles du mont écarlate par des nains très petits mais très habiles.
- Ben voyons ! sa couleur est dorée mais ce n’est pas de l’or, même son poids est ridicule !
- Vous voyez !, votre jugement est faussé par sa couleur, ce n’est pas de l’or, en effet, c’est du mythrimordor, un métal aussi rare, qu’un don aux pauvres chez-vous, avez-vous remarqué cette inscription étrange ?.
- Je ne la comprend pas, c’est une langue inconnue.*
- Moi, je sais la lire, il y a écrit : « anneau magique gravé» et pour cause!
- C’est tout ? et magique en quoi ?, je ne vois rien de particulier, sinon cette inscription, vous n’essayez pas de me rouler par hasard
- Que nenni ma bonne dame, que nenni, je me rend à Dagon Fil au congrès des pêcheurs au gros, et je suis dans la nécessité pour payer mon voyage, tenez, mettez le à votre doigt.
- Pikesoule, (c’était le nom , et oui!, stupéfiant, non?, de la grippe-sou), ne se fit pas prier et mis l’anneau sur son doigt le plus crochu.
- Il ne se passe rien ?
- Attendez, vous allez voir


Helminster, esquissa quelques pas de danse, et gonflant ses poumons, entonna de sa voix de Ténor un air connu de lui seul.

-Cooooooooooooomme la plume au vent, Cooooooooooooomme la plume au vent, Accio ! Aguamenti ! Alohomora ! Anapneo !  Confundo !  Legilimens ! Wingardium Leviosa, Cooooooooooooomme la plume au vennnnnnnnnnnnnnt !

L’anneau se mit à briller d’un éclat éblouissant, projetant une myriade d’étincelles incandescentes, qui retombaient en arabesque sur le bureau crasseux de l’usurière, stupéfaite, fixant son doigt, les yeux exorbités.

- mais que m’arrive t-il ? je me sens toute chose.

Helminster ,narquois, l’œil goguenard, attendait patiemment la suite.
Tout d’un coup, Pikesoule quitta sa chaise rapiécée et courut jusqu’à son coffre qu’elle ouvrit, sans aucune précaution, préleva deux,…non, trois,…non, quatre sacs d’or qui s’y trouvaient.
S’approchant du mage, elle lui tendit les sacs avec un sourire dont on ne soupçonnait plus l'existence.

-Merci, ma bonne dame, Vivec vous le rendra…en fait..non, je ne crois pas!

Helminster, radieux quitta d’un pas léger l’échoppe de Pikesoule, riant encore de cette farce plutôt lucrative.
Il venait d’enchanter un modeste anneau en chrysocale, d’un puissant mais éphémère sort de guérison d avidité.

- Cette histoire commence vraiment à me plaire !
- Attendez, attendez !, laissez-moi vous narrer la suite.
- Certainement, certainement, mais si nous allions à l’auberge d’Arile, pictancher, histoire de se rincer le gaviot.
- Quoi ?
- Biberoner une vieille rouille
- Quoi ?
- Prendre un léger rafraîchissement, ma bonne dame.
- Ah, que oui, mon ami !


Pourcempécé et Eldafaïre, se dirigèrent de concert vers l’auberge d’Arile, et s’installèrent confortablement dans un recoin de la salle du premier étage, Pourcempécé devenant soudainement très mondain, pris la main d’Elfaïre,

- Continuez mon amie, puis-je vous appelez mon amie ?
Eldafaïre rougissante, laissant sa délicate main rugueuse entre celles de Pourcempécé, acquiesça, en détournant furtivement les yeux, l’air embarrassée.
- mais oui, bien sûr, bien sûr, Monsieur Pourcempécé.
- Appelez-moi donc Bug, c’est mon p’tit nom pour les intimes, et continuez votre récit, cela devient passionnant.
- Je vous narre donc la suite…..


Pikesoule se sentait soudainement d’humeur fort généreuse, replongeant la main dans son coffre, elle saisit la dernière bourse qui s’y trouvait, quitta son échoppe et s’en alla distribuer dans tout Seyda Nihyn, à tous ceux qu’elle rencontrait quelques pièces par-ci, quelques pièces par-là, donnant au passage une bénédiction de bonheur à chacun.
La bourse complètement vide, mais l’âme pleine d’une félicité nouvelle elle retourna dans son échoppe se reposer quelques instants, ce tourbillon de charité l’ayant totalement épuisée.
Cunéronde, sa fille,( la femme de fargoth donc ) aussi racle-denier que sa mère ayant été avertie des errements dispendieux de celle-ci, quitta précipitamment le Lavoir du marais putride où, en compagnie des autre femmes du village elle lavait au savon de sload le linge familial.
Entrant brusquement dans la boutique, elle tempêta sa mère.

- Qu’apprends-je!, qu’ois-je!, qu’entends-je!, qu’avez-vous fait ma Mère?, dilapider ainsi notre fortune, c’est du délire!, de la démence!, de la déraison!…..
- Du calme mon enfant, j’ai été touchée par une grâce divine, un mage….


Cunéronde, ne pouvait pas être sans apercevoir l’anneau étincelant au doigt de sa mère.

- Mais qu’est-ce qu’est cela? , quel est cet anneau que je ne vous connais pas?
- Aaaaaaaah !, cet anneau…un mage est venu….……..


Tout à coup, l’anneau si brillant, si lumineux devint aussi terne que les cendres d’un zombi.
Recouvrant ses esprits, la mère, les yeux hagards parcourant à une vitesse folle la misérable pièce, la bouche déformée par un rictus haineux, dévisagea sa fille.

- Que fais-tu là Cunéronde!, encore besoin d’argent pour ton crétin de mari!, ce fainéant, ce bon à rien, qu’il aille chasser le braillard, et nous rapporte ses plumes!, on pourrait les vendre,…..mais,….mais…..
S’étranglant à moitié, suffocant de surprise, la mère venait d’apercevoir son coffre béant et vide.

- Sale voleuse!, canaille!, gredine!,maraude!,hétaïre!, scélérate!….
- Mais mère ce n’est pas moi!, je viens juste d’arriver!, c’est vous qui avez distribué notre or à tout le village!.
- Quuuuuuuuuuoi?, comment !, que dis-tu?,
- Oui mère c’est vous!, et uniquement vous qui avez dilapidé notre richesse, nos économies, mon héritage !
-C’est le mage!, c’est le mage!, il m’a vendu cet anneau, je ne me souviens de rien sinon que j’étais toute chose…. Aaaaah ! l’escroc, la fripouille !, le charlatan !, Au voleur! au voleur! à l'assassin! au meurtrier! Par Vivec! je suis perdu, je suis assassiné, on m'a coupé la gorge, on m'a dérobé mon or. C’est le mage?, Qu'est-il devenu?, Où est-il?, Où se cache-t-il?, Allons ma fille viens!
dépêchons !, rattrapons le !.
- Oui !, allons au phare, mère, vite!, au phare, nous pourrons apercevoir sa fuite !
- Je te retrouve bien là ma fille, tu as raison!, grimpons au phare, ce gredin n’est pas bien loin! nous verrons bien la direction qu’il prend !


Pikesoule et Cunéronde quittèrent frénétiquement l’échoppe l’une derrière l’autre, courant activement vers le phare, elle ouvrirent brutalement la porte, escaladèrent quatre par quatre les marches de l’escalier intérieur, débouchèrent sur la dunette, voltigèrent de droite à gauche sur l’escarpée margelle, déchiffraient l’horizon, cherchant obstinément une tache rouge à l’horizon.

La nuit tombait, la lumière diminuait, mais elles continuèrent de courir hâtivement de part et d’autre du phare, le regard droit scrutant l’horizon dans l’hypothétique espoir de repérer le mage.
Pikesoule enrageait, gesticulait, agitait ses doigts nerveusement, désignant à sa fille l’endroit où regarder, lui désignant un nouvel objectif d’un geste précipité, l’anneau se dégagea de son pauvre doigt arthritique et virevolta dans l’espace,.

Comme la plume au vent…, comme la plumeau vent,…

Ce fut la réaction inopinée de Cunéronde, poussée par la cupidité, qui provoqua le drame, voulant rattraper à tout prix l’anneau elle bouscula sa mère qui tomba en arrière, élançant, par réflexe, son bras pour agripper sa fille comme une pierre de salut, l’entraîna avec elle dans sa chute mortelle.
Les cris suraigus des deux femmes tombant dans le vide alertèrent  les Nihyniens, qui ne purent que constater les deux corps disloqués sur les rochers graisseux.

- C’est une bien triste histoire, mon amie
- Oui, en effet, même si ces deux femmes n’étaient que des mégères
- Et l’anneau ? qu’est-il devenu ? Il n’a pu s’envoler bien loin.
- Fargoth l'a retrouvé pas loin des rochers , mais l'a reperdu, depuis
- Et alors?
- Il s’est obstiné et à chaque aventurier qui débarque, il demande s’il n’a pas vu son anneau et quémande de l’aide, mais sans succès jusqu’à présent.


Pourcempécé fouilla dans son inventaire et en extirpa un petit anneau tout simple qu’il présenta à Eldafaïre.

- Que pensez-vous de celui-ci ?
- Oh !, mais il est gravé, comme celui  de l’histoire.
- Tiens c’est vrai, je n’y avait pas prêté attention
- Où l’avez vous trouvé ?.
- Dans un tonneau
- Dans un tonneau comme ce bon dh’iogène
- Comme Qui ?
- Dh’iogène, notre ancien tonnelier qui aimait tant ses barriques qu’il vivait dans l’une d’elle.
- Mais dites-moi que dois-je faire maintenant.
- La question mérite reflexion, si c’est celui qui a appartenu Pikesoule, il faut le rendre à Fargoth, mais dans le cas contraire, toute la ville saura que vous vous êtes moqué de lui, et votre réputation en souffrira beaucoup.
- Merci de ce conseil mon amie, je vais le conserver provisoirement, j’aviserai plus tard de ce que je vais en faire.
- Sage décision.
- Et maintenant, si nous allions flâner le long des berges de la rivière à Balmora.
- Merveilleux , d’autant plus que mon parchemin orange est encore valide pour prendre l’échassier des marais.


Pourcempécé et Aldafaïre, quittèrent l’auberge d’Arile, se dirigeant vers la station de départ de l’échassier des marais.

Fin

#2 Cogite Stibon

Cogite Stibon

    Théoriquement moddeur


Posté 30 avril 2008 - 13:23

Péménie et les bottes de rapidités

Ce n’est pas loin d’un repaire d’orcs
Que j’ai rencontré Péménie
Elle voyageait vers Gnaar Mok
Et moi j’allais à Gnisis
Elle trouva vite une occasion
D’engager la conversation

« Voulez-vous me servir d’escorte ? »
J’avais envie de nouvelles bottes
Péménie aussi
J’ai voulu paraître serviable
Les chemins n’étaient pas fiables
Péménie aussi
J’ignorais qu’elle avait une prime
Je pensais parler à une victime
Péménie aussi
Je lui ai dis « Bien sur ma chère »
J’aurais mieux fait de me taire
Péménie aussi

On commença notre voyage
Elle n’était pas très véloce
Je regrettais presque Sarah l’esclave
Et ses réflexions féroces
J’essayais de garder la cadence
En songeant à ma récompense

On rencontra des guars sauvages
Ces animaux me mettent en rage
Péménie aussi
Les guars se mirent à courir
Tout droit dans ma ligne de mire
Péménie aussi
Je dégainais malgré la pimbèche
Les guars furent criblés de flèches
Péménie aussi
Plein de remords je l’ai soignée
Mes potions furent épuisées
Péménie aussi

On est arrivé à Gnaar Mok
J’avais fini par la porter
Elle m’a dis de garder ces bottes
Et leur sort de rapidité
Je les mis et tout devint noir
Bon sang je m’étais fait avoir

Quand j’ai retrouvé la vue
Mon moral avait disparu
Péménie aussi
Les pécheurs me regardaient narquois
Ils devaient bien rire de moi
Péménie aussi
J’ai quitté tous ces moqueurs
Je voulais retrouver mon honneur
Péménie aussi
Croyez  pas que je suis encore amer
Les bottes reposent au fond de la mer
Péménie aussi

#3 Not Quite Dead

Not Quite Dead

    Rincevent


Posté 03 mai 2008 - 17:49

Larrius Varro raconte une petite histoire

Tu dois bien rigoler, mon salopard, pas vrai? Derrière ton putain de bureau à jouer les importants, ou affalé sur une chaise à tendre ton pied à un larbin pour qu'il te cire les pompes. Bien au chaud, bien au sec, bien propre sur toi. C'est que ça compte, d'être bien propre sur soi, hein? La foutue apparence. Voilà une chose que vous aimez, vous autres les n'wah.

La loi? L'Empire? Mon cul. Ce qui vous intéresse, ce sont les foutues apparences.

Suffit de voir comment vous fonctionnez tous. Suffit de vous voir astiquer vos armures. Suffit de vous entendre causer cinq minutes. Suffit de voir ce que vous êtes prêts à faire faire pour rester bien propres.

Suffit de voir Thanelen, la gorge tranchée, recroquevillé sur sa table de jeu. Ses doigts encore refermés sur ses osselets.

Suffit de voir Madralen et Vadusa, baignant elles aussi dans leur sang. Mes amies, enfoiré de n'wah! Mes amies, pour peu que tu saches ce que ce mot veut dire, pour peu qu'il existe dans ta putain de langue.

Suffit de voir le pauvre Sovor gésir en travers du seuil, ses deux mains ayant tracé de rouges arabesques sur la porte du Club du Conseil alors qu'il essayait désespérément de l'ouvrir, malgré ses blessures. Abattu dans le dos, comme un chien de Nix.

Oh, je sais que tu jureras tes grands dieux n'y être pour rien, Varro, ne rien savoir. Ni toi ni aucun de tes hommes n'auront quitté cette saloperie de fort que les tiens ont fait construire pour surveiller nos routes, pour épier nos allées et venues dans notre propre pays. Tous bien propre sur eux, hein?

Qui est le boucher que tu as engagé pour se salir à ta place? Dans quels bas-fonds l'as-tu raclé, dans laquelle de vos prisons es-tu allé recruter cette ordure assez inhumaine et assez folle pour massacrer quatre personnes dans un bar, pour sortir dans la rue couverte de sang à la recherche de sa dernière proie.

Moi.

Les bredouillis du vieux Banor, tremblant derrière son bar m'en ont convaincue. Même si le pauvre diable n'a pas été capable de me décrire la personne entrée au Club, tellement la trouille le rongeait. Un homme, une femme? Impossible de le savoir avec la panique, avec la capuche rabattue sur son visage. Une voix étrangère, c'est tout ce que j'ai appris, sans vraiment l'apprendre. Ici, les gens bien nous respectent. Ici, les gens règlent leurs affaires honorablement, en suivant la tradition, pas en lâchant une saleté de psychopathe dans les rues.

Je sais que Banor a donné mon nom, et mon adresse. Que pouvait-il faire, hein? Il a déjà de la chance que le salopard à ta solde ne lui ait pas fait la peau, qu'il ait préféré le condamner à une vie de terreur et de nuits sans sommeil, à se demander combien de temps durera son sursis ou à quoi il l'a dû.

Qu'aurais-tu fais à ma place, salopard? Qu'aurais-tu fait avec ce tueur aux fesses? Oui, tu aurais couru te cacher, pas vrai? Derrière tes soudards à jupette, derrière ton fort. Ou tu aurais grimpé dans le premier bateau pour le Continent, pour le Sud, pour l'Ouest, pour n'importe où. Mais tu le savais, hein, foutu n'wah, que moi je ne pourrais pas courir, hein? Qu'aucun d'entre nous ne l'aurait pu, sauf peut-être Sovor.

La première, grâce aux Tribuns! je suis arrivée à mon échoppe et je m'y suis barricadée. Oh, ne t'inquiète pas: ça ne fera que ralentir ton porte-dague. Quelques instants. Le temps pour moi d'embrasser la petite Dolmse, de lui chuchoter que tout ira bien, que vous ne serez pas toujours nos maîtres. Que le temps vous ronge déjà, vous et votre décorum. De lui faire boire avec un câlin la potion de paralysie avant de la glisser dans une caisse, avant de redescendre affronter mon destin.

J'entends du bruit de verre brisé au rez-de-chaussée. Je rabats sur mon enfant le couvercle de la caisse.

Reste bien propre, Varro; ma fille, elle, restera dunmeri.

#4 redolegna

redolegna

    Les vacances de Monsieur Hulot


Posté 05 mai 2008 - 07:56

Le pèlerinage de l'insupportable Viatrix Pétilia

Le vieux Khajiit bourrait consciencieusement sa pipe. Il jeta un regard interrogateur à celui qui lui faisait face, légèrement provocateur également, comme s’il le mettait au défi de lui faire remarquer que ce qu’il allait fumer était un des produits les plus illégaux circulant en Tamriel. Avec un soupir de contentement, le Khajiit inspira puis souffla une bouffée de skouma dans le nez de l’autre, qui parut révulsé par l’odeur et les sensations étranges que cela produisit aussitôt en lui.

« Puff, puff... Qu’est-ce que Dro’Jo peut pour un jeune homme comme vous ? Puff, puff... »

L’Impérial sourit. Une fois revenu en terrain familier, tout était tellement plus simple.

« Vous racontez des histoires, maître Dro’Jo.
– Juste Dro’Jo. Ne soyez pas redondant.
– Pardon. »

Puff, puff. Puff, puff...

« Dro’Jo sait raconter, oui. Dro’Jo a été chassé de chez lui pour ce qu’il racontait quand Dro’Jo n’était que S’Ji, mais Dro’Jo raconte toujours. Maintenant, Dro’Jo ne raconte que quand il mange et Dro’Jo ne mange que quand il raconte. »

L’homme comprit l’allusion au vol et fit signe à un serveur. Il passa commande pour deux.

Puff, puff.

« Que voulez-vous que Dro’Jo raconte ?
– Le dernier pèlerinage de Viatrix Pétilia. »

Puff, puff, puff. Puff, puff, puff, pufffffff...

« Dro’Jo ne connaît pas de femme appelée comme ça. Dro’Jo connaît tous les noms, des femmes vraies et des imaginaires et s’il ne connaît pas celui-là, elle n’existe pas. Puff, puff.
– La mémoire est meilleure quand on a deux repas derrière soi... ou même trois, peut-être ?
– Puff, puff. Non. La mémoire de Dro’Jo est parfaite. Mais l’esprit de l’homme qui questionne Dro’Jo est trop fécond. »

La patience du jeune homme n’était pas infinie. Il saisit le félin par son vêtement informe et le secoua de toutes ses forces.

« Tu mens, sale bête ! Tu sais très bien qui elle est ! Comment elle a disparu !
– Miaou ! protesta le vieux Khajiit en sortant ses griffes par réflexe.
– Tu nous en veux, hein ! Elle nous a parlé de toi, une fois ! Tu veux nous frustrer de l’héritage parce qu’on a eu un de tes enfants comme esclave, hein ! On est en Morrowind, ici ! Pas dans la porcherie que vous appelez Elsweyr ! Je peux te faire arrêter pour ce que tu fumes ! Je peux arranger ta mort ! Je peux te faire vendre aux Telvannis ! »

La salle s’était figée, stupéfaite de la soudaine colère de l’homme. Un homme tenta de se lever, mais un fort gaillard, carapaçonné dans une armure hérissée de pointes, le rassit de force en exerçant une pression incroyable sur son épaule jusqu’à ce qu’elle soit presque déboîtée.

« Le même sale caractère qu’elle, Dro’Jo se souvient...
– Bien sûr, vieux fou que tu te souviens. Parle, maintenant et vite !
– Quand Dro’Jo raconte une histoire, il choisit lui-même son phrasé, sourit le Khajiit de sa bouche que l’âge avait dépourvue de canines.
– A ta guise. Si je ne sais rien au coucher du soleil, je te tranche une oreille.
– Dro’Jo n’a pas besoin de ses deux oreilles...
– Dro’Jo a besoin d’une langue pour raconter, et il a besoin d’une mâchoire pour fumer, coupa l’homme. Alors qu’il raconte ! »

Le Khajiit prit le temps de ramasser sa pipe qu’il avait laissé choir lors de la commotion et la recala entre ses lèvres. Puff, puff. Puff, puff.

La fumée monta de la pipe et, comme mue par une magie inconnue, se déploya en volutes qui envahirent la salle. L’homme fronça les sourcils et bloqua sa respiration, mais Dro’Jo lui donna un coup de patte sur le nez et l’Impérial ouvrit grand la bouche par réflexes. Ses hommes de main suffoquaient presque sous leurs casques.

« Dro’Jo raconte avec la fumée. Dro’Jo a besoin de la fumée pour faire voir son histoire... Que l’homme ne résiste pas et qu’il dise à ses domestiques de lever leurs visières. »

Comme en transe, le jeune Impérial obéit. Les claquements métalliques apprirent aux rares spectateurs encore conscients que ses instructions avaient été suivies à leur tour. Des formes commencèrent à apparaître dans la fumée, grossières, impalpables, puis de plus en plus distinctes et concrètes. Elles se parèrent de couleurs chatoyantes et se mirent à se mouvoir.

L’une d’elle était une femme d’un âge déjà mûr, mais qui dépensait beaucoup d’argent pour que cela soit le moins visible possible. Les rides de son front étaient dissimulées par une crème blanche généreusement appliquée sur sa peau. Ses lèvres étaient d’un rouge carmin trop brillant pour être naturel. Ses cheveux châtain avaient, de ci de là, des touches de gris dont une coiffure et une teinture élaborées n’étaient pas venues à bout. Un homme, encore jeune mais déjà marqué profondément par ses aventures, les joues constellées de taches de rousseur, les yeux d’un vert vif, la tignasse en bataille qui évoquait un feu de forêt, s’approchait d’elle sans la voir. Il marchait d’un bon pas sur une route mal entretenue et poussiéreuse.

Une bourse bien pleine, lancée par la femme d’un geste assez adroit, s’écrasa devant ses pieds. Il regarda dans la direction d’où elle était venue et aperçut la voyageuse. Elle leva deux doigts.

« Deux cents septims. Deux jours. Deux choses à faire : me conduire au sanctuaire de la Fierté et me protéger. »

L’homme la jaugea d’un œil appréciateur. Pour faire de la route, elle ne pouvait pas porter de corset et ça se voyait nettement. Les années n’avaient pas été tout à fait tendres pour la taille de la femme, mais son maintien compensait ce que ses poignées d’amour lui faisaient perdre.

« Désolé, poupée. L’offre est alléchante, pour sûr, mais c’est pas ma route. Je continue au sud-ouest, moi. Et puis, je suis déjà allé au Mont Ecarlate. Le coin est pas si joli que j’ai envie d’y retourner et le climat est tout simplement é-pou-van-table. »

Le front de la femme se plissa, révélant à son insu les marques de son âge. L’homme sembla en prendre bonne note. Son regard glissa vers les doigts de la voyageuse. Elle portait une alliance à l’annulaire, une bague sertie d’un saphir.

« J’veux bien le faire, dit-il d’un ton doucereux. Contre le colifichet que vous avez sur le doigt. Il doit vous donner chaud, c’est un service que je vous rends en vous en débarrassant.
– Il n’appartient qu’à mon mari de me l’ôter, jeune blanc-bec !
– Vouais. Seules les femmes adultères et les veuves font le pèlerinage de la Fierté, madame. Certaines Dunmers tuent leurs époux pour pouvoir accomplir les Sept Grâces. Ça vaut mieux, d’ailleurs : mieux vaut être mort en sachant qu’sa femme est pieuse plutôt que de porter des cornes toute sa vie et qu’tout le monde le sache. Mais vous avez plus l’âge d’être adultère, madame. La bagouse. »

Et l’insolent personnage tendit la main en avant, sans prêter attention à l’exclamation courroucée de la femme insultée. Elle eut un geste preste, s’approcha et lui fourra le bijou dans sa paume ouverte. Il lui attrapa le bras et la retint à peu de distance de son visage, qui empestait déjà le vin, même si tôt dans la matinée, pendant qu’il examinait l’inscription.

« Via... trix... Pé... ti... lia... lut-il en louchant. Un drôle de nom. C’est d’accord. On va à la Fierté. Vous avez votre gemme ? »

Il faisait référence à l’offrande rituelle que Pétilia gardait dans un sac, comme elle le lui montra.

« Bien. On se rend pas compte du nombre d’étourdis qui se retrouvent là-bas en ayant oublié le jeton. »

La marche commença dans un grand silence, seulement brisé par la toux d’un des spectateurs de la scène plus sensible des bronches que les autres. Dro’Jo lui adressa un regard scandalisé et le bruit cessa.

Une heure sembla passer. Il ne se produisait rien de notable. Puis Viatrix Pétilia reprit la parole.

« Vous ne pouvez pas aller plus vite ? Nous ne serons jamais là-bas à temps !
– J’essaye de vous ménager, madame. C’est pas prudent de faire trop de chemin à l’âge que vous avez !
– Malotru ! »

Les deux marcheurs firent tout deux halte. Malgré sa petite taille, Pétilia parvint à toiser assez bien l’homme qui lui faisait face.

« Là d’où je viens, on pend ceux comme vous ! Et par la langue !
– Là où nous sommes, celles comme vous, on se les arrache sur les criées de Suran et je vous laisse imaginer ce qu’on arrache d’autre ! »

La marche reprit. Elle se poursuivit pendant encore un long moment, mais les deux compagnons forcés bouillaient, l’un comme l’autre agité par une sourde colère.

« De ma vie, je n’ai jamais connu un homme plus malappris que vous et...
– Vous faites le pèlerinage de la Fierté, ou bien de l’Orgueil ? Si j’me souviens bien, celui-là, c’est le dernier. Le premier, c’est-y pas l’Humilité ? Celui où on patauge dans la gadoue des marais jusqu’aux cuisses ? Ça a dû faire un affreux boulot aux blanchisseurs de toute la région pour vous ravoir cette robe ! »

La gifle partit sans prévenir. Une marque impeccablement dessinée apparut aussitôt sur la joue du jeune homme qui se massa avec une grimace.

« Pas mal, reconnut-il. Il y a un supplément, si vous voulez frapper le guide.
– Je le prends, répliqua Viatrix sans hésiter. Combien pour vous administrer une rossée que vous n’oublierez pas de sitôt ?
–Vos jupons. »

Elle le regarda d’un air horrifié. Il lui rendit un sourire narquois.

« Ça vous ralentit, expliqua-t-il, et ça risque de ne pas vous faire arriver à temps. Je les garde pour vous jusqu’au sanctuaire, je vous les rends une fois arrivé. Les routes sont pas très fréquentées à cette période de l’année, de toute façon. Personne le saura jamais, à moins que je les porte autour du cou. »

Sans un mot de plus, Pétilia alla derrière un rocher et en émergea un peu plus tard, jupons en main. Elle les tendit à l’homme et, comme il les prenait, lui lança un coup de poing magistral en plein thorax qui le fit se plier en deux de douleur.

« Ne vous avisez pas de les laisser tomber par terre, commenta-t-elle en s’éloignant, où je retiens cinquante septims sur votre paiement. »

Le jeune homme, soufflant comme un bœuf, eut du mal à la rejoindre et à mener la marche sur un bon rythme. Mais lorsque le vent se leva et souffla en rafales, il ne chercha même plus à repasser devant et lança ses directions dans le dos de Pétilia, occupé à admirer la vue.

« Bien conservée, quand même, » siffla-t-il entre ses dents.

Malheureusement pour lui, le vent s’empressa de porter ses paroles aux oreilles de la fille soumise du Temple.

« Passez devant, pervers ! N’avez-vous pas honte ?
– Plus depuis que j’ai percé ma première dent, proclama fièrement l’homme. Je tétais ma nourrice, voyez-vous, quand j’ai mordu un peu plus fort que d’habitude et...
– Silence ! Ce que j’ai payé me donne le droit à ce que vous vous taisiez ! »

Une demi-heure plus tard, le guide s’arrêta net devant un embranchement et ne bougea plus.

« Eh bien quoi ! parlez !
– C’est que madame préférait que je reste bouche cousue... »

Elle le gratifia d’un coup de pied au genou, qui eut surtout l’effet de remonter sa robe. L’homme eut une moue appréciatrice puis repartit vers l'est. L’ambiance était toujours glaciale lorsqu’ils s’arrêtèrent pour la nuit. D’autant plus glaciale que Pétilia dut attendre presque une heure toute seule que son guide consente à ramener quelques branches rabougries pour alimenter le feu.

« Les Nordiques ne craignent pas le froid, » eut-il comme mot, avant de s’endormir sans monter la garde.

Il fut réveillé tôt le lendemain par un grésillement joyeux et une bonne odeur de bacon qu’on faisait frire. Il huma l’air avec délice, mais son estomac resta vide : Viatrix Pétilia se faisait un plaisir de manger les tranches qu’elle préparait.

« Avec quoi faites-vous le feu ? grogna l’homme. Si je suis allé à la chasse au bois pour rien hier...
– Cette question ! Avec vos braies et votre tunique, bien sûr. C’est le meilleur usage qu’on pouvait en faire. Tenez, elles étaient si crasseuses qu’elles restaient droites ! »

C’est ainsi que l’homme dut reprendre la marche sous le rire moqueur de Viatrix, torse nu et jambes à l’air, à peine couvert par... les jupons de Pétilia, dont toutes les admonestations et les coups n’avaient pu le dissuader d’utiliser pour couvrir son orgueil blessé.

« Sorcière, » maugréa-t-il.

Les avanies de l’un comme de l’autre se poursuivirent pendant tout le reste de la journée. Le crépuscule approchait quand ils passèrent ensemble les grilles de la Porte des Ames, où l’homme, mortifié, acheta de nouveaux vêtements. Le sanctuaire n’était qu’à quelques minutes de là. Sans perdre un instant, Pétilia se mit en devoir d’accomplir ses dévotions, le front baissé pour la première fois depuis deux jours. Elle ne remarqua pas que son guide s’éloignait et franchissait les grilles en toute sécurité.

Elle ne le retrouva que quand elle revint au passage entre le Mont Ecarlate et Molag Amur. Comme le voulait la prudence des gardiens de la Porte, les herses restèrent hermétiquement closes. Viatrix tempêta, insulta, supplia... en pure perte. Les Exaltés qui tenaient le fort ne se déplaçait jamais en pleine nuit à moins que les guetteurs ne remarquent une arrivée d’un groupe de monstres. Seul le guide de Pétilia aurait pu l’aider.

Elle sentit l’haleine pestilentielle d’une créature se poser sur elle. Elle hurla, mais un cri de plus ou de moins n’avait jamais fait la différence, dans cette région. Enfin satisfait, le guide s’éloigna avec un petit ricanement désagréable. Avant que l’aube se lève, Pétilia s’était relevée, les yeux caves, et se dirigeait vers le cratère.

Puff, puff. Puff, puff. Puff, puff, puff, puffffffff...

Les hommes se relevèrent, la bouche sèche. Le jeune Impérial chercha du regard Dro’Jo, mais il n’était nulle part en vue. L’aubergiste s’approcha de lui, les yeux encore un peu vagues à cause de la drogue.

« Le Khajiit vous fait prévenir qu’il est parti sans vous attendre... et que la peste du Mont Ecarlate ne tue pas mais rend immortel au contraire. Il a dit de vous répéter très exactement : “Il n’y aura d’héritage pour personne...” »

Modifié par redolegna, 05 mai 2008 - 15:20.


#5 PoufLeCascadeur

PoufLeCascadeur

Posté 09 mai 2008 - 09:57

L’anneau de la dame


Je savais qu’il s’agissait d’un piège. Bien sûr, c’est toujours facile à dire après coup. Et pourtant, c’est précisément parce que je savais que j’ai accepté.

Cette gamine minait si mal son embarras. Son jeu était théâtral, irréaliste et son récit absolument impossible. Pourquoi ce brin de fille aurait-elle fait don au premier rustre qui lui aurait rapporté son anneau misérable des récompenses charnelles qu’elle m’avait presque explicitement proposé ?

L’or a depuis toujours motivé mes actes. Les bonnes actions, le succès, l’estime, tout cela compte certes, mais vient ensuite. Si son histoire avait été plus crédible, j’aurais sans doute simplement continué ma route. Mais je me suis arrêté. Je me suis arrêté parce que je voulais démontrer à cette ingénue que nul ne se moque de moi impunément. Comme si revenir à Gnisis avec la tête d’un brigand ne me suffisait pas, il me fallait en plus prendre la vie de cette fraudeuse, tout en gardant une conscience propre puisque me vautrant dans une inébranlable légitime défense.

Je ne sais plus ce qu’elle m’a dit quand elle m’a attaqué aussitôt sorti de la mare putride dans laquelle elle m’avait envoyé patauger à la recherche de son stupide bijou. Non je ne m’en souviens plus car j’étais déjà à l’étape suivante.

En deux enjambées, j’avais surmonté le talus boueux et j’étais sur elle, arme à la main.
J’étais sûr de moi, car je pensais avoir efficacement étudié le terrain avant de mordre à l’hameçon.
J’étais sûr de moi, en observant ses dards rebondir timidement contre mon écu.
J’étais sûr de moi, en la voyant esquiver de justesse les premières passes presque amicales que j’avais amorcé en guise d’entrée en matière !


J’ai crié, autant de douleur que de surprise. La flèche m’a atteint à l’épaule gauche, me perforant l’armure puis la clavicule avant de se loger sereinement dans mes chairs. J’ai souffert. Atrocement, mais pendant un court instant. La blessure et le poison me consumaient mais la rage l’a emporté. Je me suis retourné dans l’espoir de découvrir mon agresseur mais je n’ai vu personne. Il n’y avait personne avant, il n’y avait personne après. L’idée absurde que ce fusse un spectre voire même une flèche perdue m’a effleuré. Mais en considérant alors à nouveau le visage de la belle Brétonne, plus particulièrement le vice et la satisfaction qui s’y reflétaient, j’ai réalisé que j’avais en fait marché royalement dans leur traquenard.


J’étais… vexé, déçu de moi-même. J’avais tant sous-estimé mes adversaires, je ne m’attendais pas à cette défaite, je n’ai pas réussi à l’accepter. Mon ambition a été la source de ma perte. Je croyais à tort en mon expérience.


Rapidement, j’ai titubé puis j’ai chuté dans cette même fosse pestilentielle, cause de toute cette histoire. Je devrais plutôt dire que je me suis viandé comme une masse. Je n’en suis pas sûr mais je crois bien avoir entendu mes os se briser au moment de l’impact. De toute façon, je ne ressentais déjà plus vraiment la douleur. Ma carcasse, immuable et disloquée, gît à présent dans la vase infecte et poisseuse. Mon esprit, lui, s’en ira bientôt.

Ce n’est pas comme cela que j’imaginais finir. Naïvement, je m’attendais à bien plus pittoresque. Je maudis les taverniers et aubergistes qui m’ont mené dans cette impasse qu’est la profession d’aventurier, de héros, ridiculement déifiée. Vivre au grand air de ses propres lois, qu’ils disaient. Pour mourir dans la fange ?! Je hais les imbéciles qui ont chanté les louanges de mes exploits et qui poétiseront l’histoire pourtant si misérable de ma mort, conduisant ainsi des fils et des filles de paysans comme de bourgeois à suivre une voie analogue à la mienne, à arpenter innocemment mes traces morbides pour finalement terminer comme moi : seul et inutile, loin de tous ceux à qui je tiens et que mes incessantes pérégrinations ne m’ont pas permis d’aimer.

Je crache sur les idiots qui colportent la sotte rumeur comme quoi la vie toute entière défile devant les yeux du mourrant. Ç’aurait été pour moi un fort riche récit, épique et nostalgique, un agréable réconfort tandis que m’aurait cueilli l’étreinte glaciale de la mort. Au lieu de cela, je contemple vainement un ciel gris et morne. Les derniers instants de mon existence dans la souffrance et l’amertume.

#6 Kira

Kira

    Top-modeleuse...


Posté 24 mai 2008 - 06:02

Le pantalon d'Hentus

    (ou le fabuleux destin de Coda Polina)

Le 29 Vifazur, nait la petite Coda... Sa maman Maureen Pollna exerce à l'époque le métier au combien indéfinissable d'acrobate... Selon elle, un acrobate est une personne qui sait aprécier les belles choses et a les possibilités de se les procurer...
Maureen Polina, la maman de Coda aime les serrures compliquées...
Elle aime les histoires et les stratagèmes alambiqués..
Elle n'aime pas les gens aux idées étriquées, Et ceux qui se permettent de la critiquer...
Mais ce qu'elle aime par-dessus tout, ce sont les objets brillants, quel que soit leur usage, d'ailleurs... D'où le choix de sa profession, propre entre toutes à lui procurer ces babioles clinquantes qui sont pour elle autant de trésors...
Dans sa jeunesse, quelque peu tumultueuse, Maureen Polina a eu une adorable petite fille, qu'elle a prénommé Coda, sans plus de raison valable que son amour pour ces jolies fleurs, produits du tubéracier des marais, ou souilletige, qui répandent à maturité une si jolie lumière bleue...
La petite Coda, tout comme sa maman, aime beaucoup les jolies choses brillantes...
Elle aime les parures élégantes et les chansons tristes que les bardes chantent...
Elle n'aime pas les personnes méchantes ni les situations violentes...
Coda a été un bébé heureux, toujours souriante et joueuse... Dans sa sixième année, elle a enfin posé à sa mère la question qui trottait dans sa tête, à savoir l'identité de son père... Maureen Polina, fort ennuyée par le fait de ne se rappeler à son sujet que de la migraine monumentale dont elle souffrait au lendemain de leur brève histoire d'amour, a décidé de romancer un peu le propos, et a créé pour la petite fille un père mystèrieux, obligé par une mission sacrée à s'éloigner de celle qu'il aimait et de son enfant afin de sauver le monde d'une hypothétique menace...
Le temps aidant, Coda s'est forgé l'image d'un héros sombre et tout-puissant, sans cesse occupé à éradiquer le mal sous toutes ses formes, et la moindre tempête de cendres au-dessus du Mont Ecarlate est pour elle la preuve que son père vient d'éradiquer une base de la sixième maison, la-bas, derrière le rempart intangible... En fait, Coda aimerait bien au moins une fois rencontrer son papa, mais elle tremble à l'idée qu'à cause d'elle, il ne délaisse ne serait-ce qu'un instant sa lutte contre le mal et que les lieutenants de la sixième tribu n'en profitent pour envahir Morrowind, ce qui serait quand même une bien grosse responsabilité pour une petite fille...
Coda grandit ainsi, entre une mère aimante, bien qu'un peu frivole, de nombreux oncles dans l'ensemble assez gentils, et un père héroïque et sans défaut... Enfin, dire qu'elle grandit est un mot un peu fort, car Coda n'est pas d'une stature très élevée, ce qui pousse les gens autour d'elle à faire la constatation que l'on rencontre beaucoup de bosmers à la foire du flin nouveau, bien qu'elle ne comprenne pas bien le sens de cette remarque...
Ayant atteint l'age adulte, Coda ressent de plus en plus le besoin de voir plus loin que les mur de son village... Il est vrai que Maar Gan, mis à part la récolte des racines de trama n'offre que très peu de possibilités d'aventure, et, dans l'esprit de la jeune fille, le sang aventureux de son papa coule dans ses veines et la pousse vers un destin glorieux... Sa décision est vite prise: Elle va devenir un héros de légende, ou tout au moins une héroïne, corrige-t-elle mentalement...
Et c'est ainsi que le matin du 15 vifazur, deux semaines avant son dix-septième anniversaire, Coda rassemble vingt-deux septims, une tenue de rechange assortie au bleu de ses yeux, quelques crochets de serrurier, un sachet de biscuits à la cannelle et s'embarque par l'échassier des marais de 6 heures 30, non sans laisser à sa mère une petite lettre afin de lui faire part de sa décision de conquérir la gloire et où en outre elle lui promet d'être prudente et lui demande de ne pas s'inquieter...
Le pas régulier du grand insecte transporteur remplit son office, et c'est profondément endormie qu'elle arrive à Gnisis... Tout les gens qui ont voyagé par l'échassier des marais connaissent cette impression de tomber rapidement dans une sorte de trou noir, puis le réveil pénible qui s'ensuit à l'arrivée...
Mais le destin s'est déjà mis en marche pour Coda, et va déclencher aujourd'hui cet événement qui sera le point de départ de toute sa nouvelle vie...
A ce moment précis, Hentus Yansumummu, mineur de son état, a décidé de s'attribuer une petite journée de repos, et de sortir un peu de la mine...
Hentus, brave et honnête travailleur, est en outre rattaché au temple de Gnisis où, au bout de vingt ans de zèle, il a atteint le rang d'adepte, ce que certains trouveront peu glorieux, mais dont il est lui-même très fier...
Hentus, quand à lui, aime l'odeur de l'encens parfumé...
Il aime passer des heures assis devant sa cheminée...Il ne supporte pas de dormir sans veilleuse allumée...
Et par-dessus tout, il aime les écrevisses en fricassée... Déjà tout petit, c'était un champion de pêche aux écrevisses, et il fait si beau, ce matin, qu'il a décidé d'aller en attraper quelques-unes pour son déjeuner...
Avant d'entrer dans l'eau, il accroche son pantalon à une branche d'arbre, et vétu de sa seule chemise, se met à la recherche de son futur festin...
Et le destin, toujours lui, décide de diriger juste à ce moment-là les pas de Hainab Lasamsi vers la rivière, pourtant fort peu fréquentée d'habitude...
Ce qu'Hainab aime, lui, c'est arracher les pattes des scribs... D'un seul coté, pour les voir tourner désepérément en rond... Tout petit déjà, Hainab était un enfant méchant, de ceux que l'on qualifie de petite brute, toujours à l'affut d'un mauvais coup à faire... Hentus a souvent été sa victime, se faisant voler ses bonbons ou pousser dans les crottes d'échassier quand il portait ses habits de fête...
Hainab, donc, se promène sans but au bord de la rivière... Et soudain, il aperçoit la scène... Hentus, tout heureux, patauge dans l'eau, le pantalon se balance doucement au gré du vent... En un tour de main, Hainab s'empare du vêtement, puis s'enfuit à toutes jambes en ricanant...
Hentus, alertée par le bruit des pas, s'aperçoit soudain de son malheur... Que faire, se demande-t-il?...
Mais c'est dans de telles circonstances que les dieux font preuve de leur existence... La scène est posée, l'action est sur le point de démarrer, il ne manque que l'actrice principale de la saga...
Et justement, Coda est parvenue à destination... Encore tout ensommeillée, elle décide d'aller se passer un peu d'eau sur le visage afin de se réveiller et se débarasser de la poussière du voyage...
Le pauvre Hentus, mortifié, surpris par l'arrivée de la jeune fille n'arrive qu'à prononcer amèrement:
-"Hajnab Lasamsi m'a volé mon pantalon"...
Et il met un tel accent désepéré dans ce dernier mot qu'on a presque l'impression de le voir flotter au-dessus de sa tête, écrit en bleu vif...
Coda s'enquiert de la situation... Rapidement, elle décide de rapporter son bien au malheureux demi-nudiste fort embarassé...
Gnisis n'est pas grand, en fait presque aussi petit que Maar Gan, et retrouver Hainab est une chose aisée, surtout qu'à cette heure-ci, peu de gens se promènent avec un pantalon jeté sur l'épaule... Le rejoignant, Coda se rend compte d'une difficulté à laquelle elle n'avait pas songé, jusque là... L'elfe noir est grand, bien plus grand qu'elle, et beaucoup plus fort aussi... Elle engage donc la conversation... Hainab refuse tout net de rendre son pantalon à Hentus, et Coda, pour le distraire, se met à parler de ses propres souvenirs d'enfant, de ses jeux, de ses amis...
Au fil de la conversation, Les souvenirs d'Hainab refont surface... Les enfants qui se moquaient de lui à cause de son nom cendrais, et Hentus, ce brave Hentus qui l'énervait parce qu'il ne se mettait jamais en colère, lui, quoi qu'on lui fasse... Il se rappelle des friandises qu'il lui volait, et de la fois où il l'avait poussé la tête la premiere dans un buisson de trama dont Hentus était sorti tout ecorché et les habits en lambeaux... Il se souvient combien il s'était soudain détesté pour avoir fait ça au seul garçon qui ne lui avait rien fait, simplement parce qu'il ne se défendait pas... Il regarde la jeune fille, tentant de faire diminuer cette étrange sensation d'avoir une boule coincée dans la gorge... Sans pouvoir dire un mot, il lui tend le pantalon, répondant avec un pâle sourire à ses remerciements...
En courant, Coda revient à la riviere... Le pauvre Hentus, tout grelottant est fort surpris de la voir revenir au bout d'une heure seulement, bien qu'à la reflexion, son bain de siège forcé lui ait fait trouver le temps un peu long...
Ayant retrouvé sa dignité, il remercie chaleureusement la jeune fille, et lui offre quelques feuilles de plume-io en récompense...
Très fière, Coda les accepte, puis lui annonce:
-"Vous savez, je crois que vous pourriez peut-être inviter quelqu'un à partager votre déjeuner... J'ai rencontré aujourd'hui la personne la plus seule et la plus triste qu'il m'ait été donné de connaitre..."

Nous sommes le 15 vifazur, il est onze heures du matin... La température est de 24 degrés, l'hygrométrie de 85 pour cent... Sous le Mont Ecarlate, dans une forteresse oublié, un être millénaire au visage recouvert d'un masque examine le pont qui traverse sa caverne en se disant qu'il ferait mieux d'y mettre un garde-fou avant que quelqu'un ne tombe dans la lave en-dessous...

Un braillard des falaises braille au-dessus des falaises... Coda, reprenant sa route, a fait son choix...
Désormais,  elle aidera tout le monde, à chaque fois qu'elle pourra...

Modifié par Kira, 24 mai 2008 - 06:06.


#7 redolegna

redolegna

    Les vacances de Monsieur Hulot


Posté 27 mai 2008 - 16:31

Le chasseur de prime ivre


Quelle odeur a un poivrot qui boit sans discontinuer depuis trois jours et ne s’est pas lavé depuis la dernière averse sous laquelle il s’est trouvé ? Personne ne le sait vraiment, en tout cas, pas moi. Mon nez a simplement été incapable de me faire pleinement ressentir la puanteur que dégageait cette loque humaine. J’ai été confronté assez souvent à des effluves abominables mais rien n’approchait de Daric Bielle. Littéralement. Sauf une serveuse qui  avait tiré une paille plus courte que celles de ses collègues et moi, évidemment.

J’étais curieux, voyez-vous. L’établissement de Helviane Désèle a une excellente réputation. L’alcool est de bonne qualité, pas trop cher vu le cadre, les filles sont saines. Et justement, à moins de faire appel régulièrement à un guérisseur (voire un prêtre. Et on serait surpris du nombre de prêtres qui font le déplacement depuis des lieux aussi éloignés que Gnisis pour soigner les filles de Désèle. Braves gens), il faut avoir des clients propres. D’où mon étonnement : il est rare qu’on ne vienne à Suran que pour boire des spiritueux. Et même les bouges les plus sordides auraient repoussé Bielle. Alors que faisait-il là, par les Neuf ?

Une question à Helviane, une vieille amie qui me faisait un prix depuis que j’avais terrorisé quelques faux durs de la Cammona un peu trop enclins à dire que même la pierre ça brûle après tout, on est jamais trop prudent ma mignonne, vous croyez pas qu’on pourrait s’arranger ? m’avait appris qu’il était arrivé depuis plusieurs semaines et n’avait pas quitté sa table.

Normalement, son videur s’occupait des cas problématiques. Seulement voilà, il venait de s’engager dans une bande de mercenaires. Les filles de Désèle ne sont pas des faibles femmes, et elles avaient tenté de virer Bielle quand il était devenu évident qu’il ne ferait que boire et qu’il ne voulait pas partir à l’heure de la fermeture du bar. Une Khajiit lui avait agité ses griffes sous le nez. Il avait dodeliné de la tête comme un enfant, abruti par la boisson. Et il était resté là. Désèle avait engagé trois hommes pour le sortir. Il était resté agrippé à sa table. On avait renoncé à le mettre dehors. Il dormait sur sa chaise en s’affalant brutalement quand le sommeil le prenait. On aurait sans doute pu l’éloigner alors, mais en deux jours il émettait déjà une odeur assez dégoûtante pour que tout le monde passe au large.

« Il fait fuir la clientèle, se plaignit Helviane. Ce n’est pas juste. Il a dû être envoyé par un concurrent. Je ne sais pas ce que je donnerais pour qu’il décarre d’ici. Au début, il occupait juste sa table et il payait sa consommation, mais ce n’est plus tenable. Les gens se bouchent le nez et partent sans même jeter un œil aux filles. J’attends une grosse délégation rédorane dans une semaine et je vais devoir tout annuler si ce salopard n’a pas foutu le camp d’ici là. Et si j’ouvre les volets, les pimbêches feront fermer mon établissement. »

Suran. Il faut connaître. La ville la plus débauchée et la plus collet montée du continent. C’est le foyer de pas moins de quinze familles ayant un rang important au sein de la Maison Hlaalu et chaque homme tire ses principaux revenus des maisons de passe qu’il possède. Mais leurs femmes font toutes partie d’une ligue de vertu intransigeante qui exigeait la fermeture (la vraie !) des maisons closes. Les règlements qu’elles édictent pour limiter le développement de l’activité sont très stricts. Les hommes ne veulent pas renoncer à leurs profits, mais ils veulent encore moins froisser leurs épouses.

Seule Désèle était indépendante et elle s’était imposée en ville en amenant avec elle des filles élevées dans le culte de Dibella. Des femmes libres, pas des esclaves, une nouveauté à Suran (les criées aux esclaves sont la deuxième cause de l’enrichissement des Hlaalus de la ville). Elle faisait face à une concurrence féroce, mais cette femme aurait pu écrire un traité d’économie qui en aurait remontré aux grands financiers de l’empire. Et pour les coups durs, elle pouvait compter sur moi.

« Je peux te donner un coup de main, si tu veux, proposai-je.
– Tu voudrais t’approcher de lui ?
– Pourquoi pas ? Ça me fera quelque chose à raconter à mes petits-enfants.
– À propos, ton gosse va bien. Chanirah l’a emmené chez le précepteur que tu lui as dégoté, tu sais, le vieux Khajiit, elle ne devrait pas tarder à rentrer.
– Brave fille. J’espère que tu ne m’en as pas trop voulu pour cette histoire...
– Tu plaisantes ? Je ne t’ai jamais dit combien certains types étaient prêts à payer pour aller avec une femme enceinte ?
– Beuh, dans les cent cinquante septims ? Pour ceux qui aiment vraiment ça ?
– J’ai eu une offre à mille.
– Mille ? Si on parlait pourcentage, Helviane ? Je suis un peu responsable de ça, après tout...
– Si tu me vires ce sale con, je te donne un cinquième des parts de l’affaire. Heureux ? »

Et voilà comment je me suis retrouvé à faire la conversation avec Daric Bielle. Un type répugnant, vraiment. Nous devions offrir un joli tableau : lui, le Bréton au cheveu rare, la peau marbrée de taches rouges, à l’haleine fétide, moi, l’Impérial bien habillé, soigneusement coiffé...

« Vous êtes qui, vous ? bégaya-t-il. J’vous ai jamais vu avant.
– On m’appelle Lucrèce Musilius. Je fais des affaires. »

Un mot merveilleux, les affaires. N’importe qui fait des affaires. L’assassin de la Morag Tong ou de la Confrérie Noire fait des affaires quand il accepte un contrat. Le voleur fait une affaire et, s’il n’est pas trop maladroit, des affaires, quand il chipe une bourse ou plusieurs. Il n’y a pas que les honnêtes hommes qui font des affaires. Mais lâcher le mot dans une conversation ouvre toutes les portes. Pratique.

« Ben moi aussi, j’en faisais. J’en faisais de sacrément bonnes. Chuis dans la chasse aux esclaves, voyez ? Ça paie bien. Même pas à nourrir les sales bêtes quand on les chope. Les proprios les aiment bien morts. Ils préfèrent les fouetter devant les jautres, pour leur passer l’envie, voyez ? mais morts, ils aiment bien. Ils les equessepojent. Pour l’equejemple. Mais là, voyez ? la faute à pas d’chance. Ou à Y’ffre. M’a pas aidé dans ma chasse, çui-là. »

L’homme m’écœurait. Aucun genre de morale. Oh, je sais ce que vous allez dire : je ne me trouvais pas dans un jardin philosophique, mais j’ai mes limites. Je n’aime pas l’esclavage. Il est légal en Morrowind, très bien. Mais qu’un étranger à la province s’emploie à le maintenir en place, ça me révulse.

« Vous cherchez depuis longtemps ?
– Huit mois, mon bon monsieur ! huit mois. L’a ruiné ma réputachion ! j’ai plus trouvé de boulot, à cauje de lui ! J’avais le gojier sec, alors je me suis temporairement arrêté pour la journée, hi-hichtoire de boire un coup. Boire, hein, pas tirer... Vous pigez ?
– Hmm, hmm... »

Il avait tellement bu qu’il ne se rendait même plus compte du passage du temps. Je prédisais à ce triste individu une mort prochaine dans d’horribles souffrances. Ses yeux étaient presque entièrement clos et fortement injectés de sang, mais je distinguai quand même le jaune qui les envahissait. Le foie de ce type n’était pas en bon état du tout. Mais je ne pouvais pas le laisser là jusqu’à ce qu’il meure. Il ruinerait Désèle et, accroché comme il était, il faudrait le dégager au burin.

« Il s’appelait comment, votre fugitif ?
– Caje-Zes-Vieux. Chest un putain de léjard. »

Il me fallut quelques instants pour comprendre.

« Cache-Ses-Yeux ?
– C’est ce que j’ai dit, dit-il d’une voix qui aurait été sèche si elle n’avait été aussi grasseyante. Écoutez un peu !
– Si je vous le retrouvais, vous vous en iriez ?
– Un peu que j’m’en irai ! Faut toujours qu’j’l’ramène. On a cha fierté. »

Je l’abandonnais là. Il fallait que j’invente une fausse piste sur laquelle l’envoyer. Il n’aurait plus manqué que je le lance par hasard sur les traces de l’Argonien ! Helviane lavait quelques verres. Chanirah, la jolie Rougegarde avec qui j’avais l’habitude de batifoler quand je passais, était rentrée et les essuyait. Elle me sourit quand je m’approchai du comptoir.

« Cache-Ses-Yeux, ça vous dit quelque chose ?
– Il doit y avoir six ou sept mille esclaves en ville, comment veux-tu que je connaisse le petit nom de tous ces pauvres gars ? répliqua Désèle qui constatait d’un mauvais œil que Bielle était toujours assis à sa table.
– Pas grave. Je peux monter dans la chambre de Chani ?
– Cinquante septims, répondit cette chère tenancière du tac au tac, alors que le sourire de son employée s’élargissait.
– Ne sois pas bête, Helvy. Chani aime comprendre ce que disent tes clients. Elle a des parchemins avec les mots de tous les jours – et de toutes les nuits – dans la plupart des langues, argonien compris.
– En fait, je me suis acheté une grammaire, précisa Chanirah, un peu timidement. Maintenant, ils apprécient quand je leur réponds et c’est désagréable de baragouiner. Mon accent n’est pas très bon. Je crois que si je prenais quelques cours de prononciation avec un esclave, je pourrais doubler mes pourboires. »

J’étais au bord du fou rire. Cette fille faisait vraiment de son mieux pour réussir dans son travail. Helviane, elle, avait déjà trouvé un moyen d’exploiter ça. Son front s’était légèrement plissé et elle avait un air calculateur.

« Tu te débrouilles en altmer ? demanda-t-elle enfin.
– Un peu. Mais c’est compliqué et un prêtre m’a dit que je n’avais pas le bon gosier pour ça. Je ne voyais pas trop de quoi il parlait, parce qu’il préfère que je fasse ça avec ma bou... enfin... euh... »

Chanirah était incroyablement gênée quand elle se mettait à parler boutique. Les autres filles aimaient souvent la taquiner à ce propos. Je trouvais ça plutôt drôle et vaguement attirant.

« Mais Yanisa s’y est mis et je crois qu’elle apprend vite.
– Bien, bien, bien. Ça devrait nous donner un petit avantage sur les crétins d’en face. Ils se sont mis à soigner leurs filles ! On n’avait jamais vu ça. Il va bien falloir que je trouve de nouveaux moyens de lutter. Je comptais ouvrir des succursales, aussi...
– On parlera de ça plus tard, Helvy, quand tu m’auras fait entrer en participation, comme tu m’as promis. Je peux monter, Chani ?
– Attends un peu : je veux voir si vous ne me montez pas un char. Chanirah, mon chou, fit Helviane, tout miel, tu peux traduire Cache-Ses-Yeux dans le sabir des peaux d’écailles ?
– Haj-Ei, je crois.
– Ah ! celui-là, je le connais. Il a sa maison, pas loin. Il s’est installé ici il y a quelques mois.
– Ça colle, répliquai-je. Je vais lui rendre une petite visite pour le prévenir.
– Tu ne vas pas le livrer, chéri ? s’émut Chanirah.
– À ce type ? Certainement pas. C’est juste une visite de courtoisie pour lui dire de ne pas se montrer aux fenêtres quand notre homme sortira d’ici.
– Tu es un amour, Lucrèce, s’exclama Helviane en passant ses bras autour de mon cou et en m’embrassant sur la joue. Je ne savais plus quel dieu implorer.
– Les Daedras ont des bons résultats à ce que j’ai entendu dire. Il faut juste que tu sacrifies ton âme en échange, mais ça ne devrait pas trop te poser de problèmes, Helvy... »

Je courus vers la porte en évitant les objets et les invectives qui me furent lancés pêle-mêle à la tête. La rue était dans un aussi mauvais état que quand je l’avais laissée pour entrer chez Désèle. Les Hlaalus de Suran se moquent pas mal de la voirie. La ville n’en a pas un besoin énorme : elle compte pas moins de six marchés aux esclaves, mais ils sont amenés à pied. Le résultat est qu’on patauge plus souvent qu’à son tour dans la boue.

Je me fis indiquer la maison d’Haj-Ei par une bonne âme (si tant est que ça existe à Suran) et m’y rendis rapidement, en évitant de trop salir mes vêtements. Il avait loué une bicoque qui ne payait pas de mine de l’extérieur, mais qu’il avait consciencieusement réaménagée, ce qui en faisait un lieu habitable. J’avais déjà vu quel genre de taudis les Hlaalus proposaient aux Argoniens libres...

« Je peux vous être utile ? » demanda Haj-Ei, sans une trace de sifflement dans la voix.

Il avait l’air éduqué, convenablement nourri, mais ses yeux, bien qu’ils ne cillassent pas, avaient du mal à se plonger dans les miens. Cela confirmait ce que je savais : il était esclave depuis l’enfance, ne s’était enfui que récemment et éprouvait une gêne à l’idée de fixer un « maître ».

« Je cherche un Argonien qui puisse enseigner sa langue à une de mes amies, expliquai-je, pour tâter le terrain.
– Je suis menuisier, pas enseignant... »

Voilà qui expliquait l’ameublement correct... Au moins avait-il été un esclave de maison et connaissait-il une autre profession que le labeur des champs. Les fugitifs se retrouvaient généralement sans travail, sans argent, obligés de se vendre comme esclaves pour assurer leur subsistance, le sort même qu’ils avaient cherché à fuir.

« Oh, elle a insisté pour que ça soit vous. Elle a dit : celui qui cache tout le temps ses yeux. »

Je dois dire qu’il a remarquablement bien supporté la chose. Enfin, il a essayé. Mais là encore, peu de détails m’échappent. L’espace d’un instant, il était terrifié. Il a fait comme si de rien n’était, mais en me voyant sourire, il a compris que ça ne servirait à rien de faire semblant plus longtemps.

« Je ne retournerai pas là-bas !
– Vous avez sûrement raison.
– Ils me fouettaient !
– Je m’en doute.
– Ils nous jetaient des fruits mûrs à la tête et ensuite ils nous ordonnaient d’aller détruire les nids de frelons !
– C’est ce que j’ai entendu dire.
– Ils me tueraient !
– Et oui. »

Haj-Ei finit par se rendre compte que je n’avais pas la moindre intention de le livrer à ses anciens propriétaires. Il eut un regard soupçonneux.

« Pourquoi êtes-vous ici ?
– Comme je vous le disais, une amie à moi veut prendre des cours de diction argonienne.
– Où habite-t-elle ?
– À la Maison des Plaisirs Terrestres.
– Une catin ?
– Et une mère de famille, corrigeai-je. Je vous conseille de donner vos leçons ici même. Parce que nous avons un petit problème.
– Lequel ?
– Eh bien, il y a là-bas un chasseur d’esclaves en fuite. Daric Bielle.
– L’homme qui n’aurait pas volé un bain ?
– Je ne savais pas que les Argoniens avaient de l’odorat.
– Pour lui, on en a un. C’est un abruti dès qu’il boit. Il m’a engagé pour retrouver Cache-Ses-Yeux.
– Oui, eh bien, vous allez vous dépêcher de le faire.
– Comment ça ? Vous voulez que j’y retourne ! accusa-t-il.
– Non. Puisqu’il ne vous reconnaît pas, vous allez lui dire que vous l’avez trouvé. À Dagon Fel, par exemple. Ou sur Secunda. Peu importe. Il faut qu’il parte. »

Haj-Ei m’accompagna aux Plaisirs Terrestres où Désèle s’impatientait. Il informa Bielle de l’avancée de ses recherches et même de sa trouvaille. Il eut même une idée de son cru.

« Bon d’là ! s’exclama le Bréton soudain ragaillardi. T’en es sûr ?
– Certain, monsieur Bielle, minauda Haj-Ei. J’étais au marché de Dalam Yrain quand je l’ai reconnu. J’ai voulu l’acheter, à mes frais, bien sûr, mais on m’a dit qu’il avait déjà trouvé acquéreur. Je me suis dit que je pouvais faire une offre supérieure... un esclave comme ça, j’ai dit, ça vaut certainement deux mille septims, je suis prêt à en offrir cinq cents de plus. Mais voilà que l’acquéreur se pointe ! C’était une sorcière telvannie. Normalement, je me tiens tout petit avec les Telvannis, mais c’était pour votre compte, monsieur Bielle, alors j’ai dit que ça n’allait pas se passer comme ça, et que vous travailliez pour des gens importants, mais elle a rien voulu savoir et elle s’est téléportée avec votre esclave, monsieur Bielle. J’ai dit que c’était pas honnête et on m’a donné son nom.
– Alors ?
– Elle s’appelle Dratha, si ma mémoire est bonne, et elle vit à Tel Mora. C’est une vieille folle...
– Je pars immédiatement, bondit l’ivrogne. Voilà pour toi, mon brave ! Et merci quand même, Musilius. »

Et il se précipita dehors. Juste à temps. Une seconde plus tard, je craquai et me mis à rire à en perdre haleine, vite imité par Chanirah, Désèle et, un peu après, Haj-Ei. Ce loqueteux chez Dratha, la maîtresse telvannie qui détestait les hommes ! On ne le reverrait plus jamais, ou alors sous forme d’un scrib ! Un scrib au foie très abîmé.

« Merveilleux, applaudit Désèle. Voyons, hum... Lucrèce... euh, je me suis peut-être un peu avancée tout à l’heure ?
– Je ne t’ai pas prise au mot, Helvy, répondis-je et son visage s’illumina à l’idée de ne pas avoir à renoncer à une partie de ses gains. Je me contenterai de quinze pour cent.
– Quoi ! immonde escroc, séducteur de bas étage, je vais te... !
– Eh, du calme. Tu oublies que je dois veiller à l’avenir de mon fils. Tu ne voudrais pas qu’il grandisse pauvre, quand même ? »

Chanirah eut l’air ravie. Le Khajiit était cher, très cher et je ramenais parfois tout juste assez d’argent pour un nouveau mois. Avec ces revenus, plus de problèmes.

« Mais j’ai besoin de cet argent, gémit Helviane. Les usuriers ne veulent pas me prêter sans garantie...
– Eh bien, garde-le. Compte-le comme un soutien financier de ma part et fais-le disparaître grâce à un de tes tours de magie de comptabilité. Tout le monde sera content. »

Ce soir-là, Chanirah à mon bras, je me rendis chez le vieux précepteur et mon fils sortit en courant. Sa mère laissa aller mon bras et je soulevai d’une main ce petit garçon de bientôt cinq ans pendant que, de l’autre, je lui chatouillais le menton. Il ne me voyait pas très souvent, mais il me reconnaissait toujours. Il tira d’un air intrigué sur le collier de barbe que je m’étais laissé pousser depuis ma dernière visite.

« Alors, Nachael, que dirais-tu d’une histoire pour t’endormir, ce soir ?
– Comme celles que le monsieur chat raconte ?
– Peut-être, reconnus-je, mais celle-là, elle est arrivée à ton papa aujourd’hui. »

Si vous passez un jour à Suran, marchez vers l’ouest au coucher du soleil, avec votre enfant juché sur vos épaules et une jolie femme à vos côtés. Une belle vue et une bonne compagnie ne doivent pas aller l’un sans l’autre, à mon humble avis.

Modifié par redolegna, 28 mai 2008 - 00:15.


#8 jeanlouis

jeanlouis

    814ème majorette évadée


Posté 28 mai 2008 - 12:43

quête de la guide des mages

Ajira

Les champignons


Pourcempécé, avait raccompagné son amie Eldafaïre jusqu’au quai de l’échassier des marais, le départ initialement prévu à 22h37 avait été retardé d’une quarantaine de minutes, des ouvriers kwama s’étaient installés au beau milieu de la ligne, pour manifester contre la hausse du baril de potions de plume imposée par leur reine.

Son amie enfin partie, Pourcempécé  tout guilleret se dirigea d’un pas alerte vers la grande place de Balmora toute proche.Il n’y avait plus grand monde à cette heure avancée, seul un drôle de lézard nanti d’une énorme paire de pieds qui devait lui permettre de se gratter le nez sans sortir un mouchoir, déambulait nerveusement.

-  Çsssssa veut quelque chose ? Pourquoi sssscela ne le demande-t-il pas ?
- Je suis à la recherche de quelques menus labeurs, très menus les labeurs, infimes, insignifiants mêmes,  afin de me procurer de quoi me sustenter grandement.
- Allez voir Ajira à la guilde des mages, elle recherche une personne de confiance pour une missssion sssspéciale.
- Ajira ?, un nom très simple pour enrichir mon futur ! mais quel est son commerce ?
- Ajira vend des potions de regain de ssssanté, pour quand on ssssaigne, et des regains de fatigue pour quand on est épuisé.
- J’y cours, j’y vole, je m’y précipite, j’y vais, quoi !


Pourcempécé, dépassant la boutique de Ra’virr, s’engouffra sous le porche formée par l’escalier donnant accès à la guilde des mages. Une femme l’accueillit, Ranis Athrys disait-elle s’appeler, d’une plastique agréable, vêtue d’une très belle robe d’un violet élégant enserrée à la taille d’une large ceinture dorée.

- Bienvenue à la guilde des mages, étranger, que cherchez-vous ?
- Euh ..Ajira, on m’a dit que je la trouverai ici
- Certes, certes, descendez les escaliers, passez la salle commune, son bureau se trouve près du téléporteur.
- Du téléporteur ?, c’est quoi ça ?  ça sert à quoi ça?, à vous porter du thé au lait ?
- Ne soyez pas ridicule, voyons ça sert à vous faire voyager dans l’espace
- Comme en demillain ?
- Oh, mère, quelle idiot c’est !


Pourcempécé, perplexe, coupa court, et avança dans le corridor pour atteindre les escaliers qu’il dégringola rapidement pour arriver dans la grande salle commune. Il y avait là deux femmes aux chignons prétentieux,  et un type à la mine renfrognée, ne voulant s’attarder, il les ignora et pénétra dans le réduit au fond où se trouvait deux autres femmes, dont une blonde, certainement la responsable du thé au lait… et derrière un bureau sur lequel trônait une chandelle, un rominet femelle, d’une race moustachue, native de port Hugal sûrement.

- Seriez-vous Ajira par hasard ?
- Oui, c’est moi, et qu'est-ce que Ajira peut faire pour vous étranger in the night ?
- Tssssss , le leza….l’argonien, m’a dit que vous cherchiez quelqu’un de compétent pour une mission spéciale, et, pif, paf ,badaboum !, me voici !,me voilà !
- C’est exact, pour finir un rapport, Ajira a besoin de quatre types de champignons : de la russule phosphorescente, du coprin violet, de la girole virulente et de l’hypha facia.
- Rien que ça !, mais qui voulez-vous donc empoisonnez ?.
- Personne !, personne !, c’est juste pour un rapport.
-   Un rapport ?, sont plutôt spéciaux vos rapports dans le coin !, c’est vrai qu’il s’agira d’une mission très spéciale et où puis-je trouver ces végétaux cryptogame non-chlorophyllien ?
- Ajira sait qu’on peut les trouver sur la Côte de la Mélancolie. Pour cela, le plus facile est de suivre la rivière Odaï en direction du sud.
- Ok, c’est parti ma p’tite dame !, enfin pas tout de suite, y a t’il un coin dans l'coin, un recoin coin-coin  pour dormir ?.
- En sortant du bureau à droite, vous avez 4 couchettes, mais dépêchez-vous nous sommes sept, les premiers arrivés dorment, les autres veillent sur ceux qui dorment et ceux qui dorment veillent à ce que ceux qui veillent ne dorment pas, et ceux qui veillent, enfin… vou’m suivez !.
- Je m’endors déjà !.


Après une bonne nuit de sommeil, pleine de rêves Eldafaïresques, Pourcempécé, quitta la guilde des mages, et pris la direction du sud, tout guilleret, sautant d’un pied sur l’autre, le badinage de la veille avec sa nouvelle amie y était sans doute pour quelque chose et l’avait laissé en de grandes espérances.
Cette bonne humeur, le faisait même fredonner cet air si populaire en Vvardenfell, qui avait fait un tabac aux victoires de la musique bardesque à Vivec, disc d’or de l’empire, et qui ne le quittait plus :
On rencontra des guars sauvages
Ces animaux me mettent en rage
Péménie aussi
Les guars se mirent à courir
Tout droit dans ma ligne de mire
Péménie aussi
Lalalala lala lalalala lala ! Pé-mé-nie - au-ssi !


Sur sa route il croisa un scrib et plus loin deux mineurs près d’une mine d’œufs qui faisaient une pause auprès d’un petit feu, fumant un peu de résine de shalk roulée dans une pétale de feu ( il était interdit de fumer dans les lieux publics de Vvardenfell), il passât au large et  poursuivit son chemin pour atteindre enfin l’endroit décrit par Ajira.
Le lieu était marécageux, et il ne fallait pas avoir mis sa plus belle armure de parade pour y pénétrer, sans hésiter Pourcempécé s’y enfonça ayant repéré les plantes charnues bizarrement chapeautées, objets de sa mission très spéciale.
Sa recherche fut bien dérangée par quelques braillards qu’il tailla en pièces,les éparpillant façon puzzle, une netch femelle, tentaculaire comme peuvent l’être les femelles avisant un novice promis à belle fortune, s’en retourna vivement se refaire les ongles nouvellement éboutées, rien de bien méchant en somme, juste de quoi s’entraîner un peu à manier l’armement.
La cueillette terminée, et sans perdre un instant Pourcempécé reparti vers Balmora et la Guilde des mages et c’est à peine essoufflé qu’il se présenta de nouveau devant la grosminette.

- Avez-vous les champignons, la russule phosphorescente, le coprin violet, la girole virulente et l’hypha facia ?
- Les voilà
- Magnifique !, je vais de suite en préparer la pate
- La pate ?
- Ben oui, pour la Russulita, il faut une pate !,
- Une Russulita ?
- Ben oui, une Russulita royale, c’est une nouvelle recette que je viens de créer.
- Une recette !
- Ben oui, voulez-vous que je vous la décline ?
- Ben non !, mais, qu'est-ce que c'est que ce bins !, vous parliez d’un rapport !
- Ben oui, un rapport de dégustation que doit rendre Ajira à Ranis Athrys et que s’il est bon, Ajira pourra passer compagnon pizzaiolo….eh eh eh !….
- Compagnon pizzaiolo ?
- C’est une grande promotion dans la guilde des mages, Ranis en a déjà atteint un rang très apprécié : elle est : Magerita !, mais au fait, ne voudriez-vous pas effectuer des livraisons express, à domicile  ?
- Pourquoi pas, s’il y a des septims à gagner !
- Je vous fournis le casque Pizza’hit et le guar mécanisé dwemer, un bolide ! et pas de temps à perdre faut pas que ça refroidisse !, alors à fond sur l’champignon…..


#9 Not Quite Dead

Not Quite Dead

    Rincevent


Posté 19 août 2008 - 09:53

Tymvaul et le puits


Lorsqu'ils ont regagné leurs cages ou leurs paillasses pour quelques heures de repos et que les pas de leurs gardiens s'estompent, les Argoniens chuchotent, murmurent, échangent. Ceux qui n'ont jamais connu les Marais Noirs et ne comprennent guère que quelques bribes de Hist boivent les paroles de leurs aînés, éclots en liberté. Ceux sur qui les filets des esclavagistes dres se sont abattus rappellent ou apprennent aux jeunes ce qui leur échappe à leur sujet. Le tout à mots bas, guettant la ronde qui les jettera dans une pâle imitation du sommeil, le temps que leur geôliers s'éloignent.

Qu'il n'y ait toutefois pas de malentendu entre nous. Ce sont, comme tous les Betmeri, des animaux.

Mais les animaux font parfois preuve d'un instinct remarquable dont les races plus évoluées sont dépourvues.


***


La nouvelle tentative de Lassnr pour se relever se solda par un échec. Son corps ne l'entendait pas de cette oreille et il envoya d'insidieux vertiges en représailles au Nordique. La charpente se mit à tanguer follement et la fourrure d'ours se fit traîtresse sous les mains affaiblies du vieil homme. L'envie de vomir le saisit à la gorge plus violemment encore et, en étouffant un gémissement, vaincu, il se laissa doucement retomber en arrière, sa tête reposant avec inconfort contre le longeron du lit de son fils.

Le Skaal ferma les paupières et le dos d'une main hésitante se hasarda sur son visage craquelé par les années et le gel. La douleur tordait sa bouche aux lèvres tremblantes, honteuses de leurs vagissements, mais ne pouvant que répéter encore et encore le même nom.

« T-t-tymvaul. Tym-mvaul, mon f-fils. T-t-tymvaul, Tymv-vaul, Tym-mvaul. T-t-tymvaul. »

Trop hébété pour mettre un autre tonneau en perce ou même pour dormir, Lassnr sentait son univers se réduire à cette irrégulière litanie. Au bout d'un temps indéfinissable, ces mots lui échappaient de leur propre chef, dégagés de leur sens. Les souffrances de l'homme se faisaient alors un peu plus diffuses, un peu moins aiguës et il goûtait pour un instant la consolation de n'être plus si sûr d'exister.

Quand donc la porte s'était-elle ouverte, mêlant les sifflements du vent au froid glacial qui s'était emparé du cœur du vieux chasseur? Lassnr, que même un ours des neiges ne pouvait prendre par surprise lorsqu'il était jeune, finit par prendre enfin conscience d'une présence, devant lui.

« Tymvaul? croassa-t-il. M-mon fils? Est-ce t-toi? »

La voix qui lui répondit était profonde, avec une pointe d'accent étranger. Ce n'était pas son fils, ni aucun autre Skaal. Il crut entrevoir une haute elfe d'un certain âge, revêtue de fourrures. Elle lui répéta avec douceur:

« Non, ce n'est pas Tymvaul. Pas encore. Allons, je vais vous aider à vous redresser, Lassnr. Accrochez-vous à mon épaule. »

En s'aidant de son long bâton, l'étrangère parvint à se redresser en étouffant un grognement. Le vieil homme pesait encore son poids et ils s'affalèrent plutôt qu'elle ne le déposa sur les peaux de loup qui ornaient le lit tout proche.

« Que... qui? »

Elle se releva rapidement, le nez froncé devant son haleine putride. Le temps d'ordonner et d'épousseter son vêtement, l'étrangère appuya contre une commode son bâton et le regard de Lassnr erra le long de celui-ci pour se perdre un instant dans l'orbe violette sur laquelle son extrémité, semblable à une serre d'aigle, se refermait. A nouveau, la voix de l'inconnue le tira de son hébétude.

« J'ai appris votre infortune, Lassnr, et je souhaite vous aider. »

Devant son regard incompréhensif, elle expliqua patiemment:

« Tharsten Cœur-Croc m'a parlé de ce qui est arrivé à Tymvaul. Comment il est... tombé dans le puits.
- Tymvaul... Ce... c'est ma faute! Ma faute si m-m-mon fils...
- Ils n'ont même pas fouillé le puits, n'est-ce pas, Lassnr?
fit observer doucement la magicienne. La profondeur du puits, le froid qui doit y régner... Et le silence... Comme il n'a pas répondu aux appels ils pensent tout naturellement...
- Il n-n'est pas m-mort. T-tymvaul est vivant. Je le sens d-dans mes os.
» objecta son père, buté, en agrippant de ses mains fatiguées la robe de l'Altmer. Celle-ci s'assit sur le bord du lit et prit sur son giron la tête du vieillard en larmes.

« P-personne veut m'éc-couter; personne veut m-m-me croire... Pourquoi?
- Moi, je ne demande qu'à vous croire, Lassnr.
- Il... le petit étudiait la magie, vous savez? P-p-pourquoi je lui ai crié tout ça, par le Créateur? Qu'importe qu'il soit pas un chasseur, hein? Si j'avais rien dit... si j'l'avais pas envoyé aux grahls, avec ses fichus bouquin et son fatras magique ramassé je sais pas où... il serait encore ici. Auprès de m-m-moi!
»

La haute elfe déposa précautionneusement la tête du vieil homme et s'agenouilla devant la fourrure d'ours qu'il lui avait indiquée d'un geste vague. Elle souleva la patte blanche comme de la neige à laquelle étaient encore attachées des griffes tranchantes comme des rasoirs. Quelques pressions lui révélèrent la plinthe servant de cachette et elle la dégagea de son logement. Manifestement le champ d'études de Tymvaul ne coïncidait pas avec le chamanisme skaal. Elle feuilleta un livre, le laissa retomber et se retourna vers le père.

« Vous avez raison, sourit-elle: je doute fort que Tymvaul soit mort à l'heure qu'il est. Avec votre aide, je pourrais descendre dans le puits et découvrir ce qui lui est arrivé.
- M-mon aide?
- N'avez-vous pas fermé le puits à clef après le refus des Skaals d'envoyer quelqu'un pour le retrouver?
»

***

L'Altmer était agenouillée dans la neige, s'escrimant sur la serrure gelée. Ce maudit puits ne s'ouvrirait-il donc pas, même avec la clef? Penser qu'il était si proche, et pourtant inaccessible, il y avait de quoi devenir aussi fou que Lassnr! Depuis combien de temps son fils était-il là en bas, silencieux dans les ténèbres? Ce Tharsten avait parlé de deux lunes. Les chances pour que le gamin soit encore en vie étaient bien maigres, mais elle ne pouvait, elle ne devait l'exclure.

« Qui construirait un puits en un lieu pareil? »

Vive comme l'éclair, la main de la jeune femme se referma sur le bâton de Magnus. Elle n'avait pas entendu l'homme approcher. Pas le moindre crissement de ses pas sur la neige. Sans s'offusquer de sa réaction, Korst Œil-Vent s'accroupit aux côtés de l'étrangère et poursuivit sereinement, les yeux fixés sur les nuages à la dérive, au-dessus d'eux.

« Le Créateur est généreux en eau avec les Skaals. Durant les jours courts, glace et neige nous renouvellent sans cesse ce don et lorsque le soleil est haut dans le ciel et que la colline est verte, quelques pas suffisent à nous conduire à la rivière Isild. Alors, pourquoi ce puits? »

L'Altmer se concentra à nouveau sur la serrure, dents serrées. Elle essaya de faire abstraction du chaman, seul parmi tout ce peuple de va-nu-pieds à la mettre prodigieusement mal-à-l'aise avec son imperturbable sourire et son horrible barbiche jaune paille.

« Les anciens disent que le puits était là avant que les Skaals ne s'y établissent, le saviez-vous? Il se dressait seul, à l'écart de tout, sur cette colline. Peut-être même était-il verrouillé comme aujourd'hui. Pourquoi un puits où nul ne puise, étrangère? »

Le cadenas abandonna enfin la lutte.

« Vos coutumes et celles de vos ancêtres sont différentes des miennes, fit observer la magicienne en se redressant et en débarrassant le couvercle de ses chaînes. Pourquoi aurais-je une réponse à cette question?
- Peut-être parce que ce qui vous a conduit ici n'était pas la perspective de venir en aide à un veuf récemment privé de son fils? Peut-être parce que vous aviez prévu d'ouvrir ce puits avant même de débarquer sur ces terres bénies par le Créateur?
»

Le chaman se releva à son tour et plongea ses yeux dans celle de l'Altmer.

« Les Skaals se tiennent à l'écart de ce puits, et vous devriez les imiter » conseilla-t-il.

Sans répondre, l'étrangère s'assura de la solidité de son nœud et se laissa avaler par l'obscurité.

***

Les ténèbres ne gênaient plus Tymvaul. Pas plus que le froid, ou la faim. Il s'était défait de tels soucis comme d'un vêtement devenu trop petit et arpentait à présent les boyaux glacés de Rimhull en maître. A l'approche de ses pieds nus, les ombres se faisaient vigilantes et se redressaient en cliquetant, dociles, empressées. A qui avaient appartenu ces corps abandonnés? Etaient-ils des victimes expiatoires jetées en pâture à la glace par les ancêtres des Skaals pour amadouer quelque ancien démon? Etaient-ils les ouvriers qui avaient peiné pour assembler brique par brique cet absurde puits dans des confins alors inhabités? De ces cadavres momifiés par le froid, de ces ossements répandus en nombre autour de lui, Tymvaul savait l'essentiel: ils étaient siens désormais.

Pour l'heure, il ne les laissait pas encore s'aventurer à l'extérieur, simplement satisfait de les sentir grouiller autour de lui, savourant encore le pouvoir fraîchement revêtu qui lui assurait de devenir le sorcier le plus puissant de Solstheim. A l'avance, il avait sur les lèvres le goût des conquêtes à venir, du sang répandu en son nom. Qui pourrait s'opposer à lui lorsque ses légions s'extirperaient du sol, lorsqu'elles se relèveraient inlassablement pour combattre en son nom aux côtés ceux dont elles venaient de prendre la vie? Cœur-Croc et ses guerriers, des brutes imbéciles qui n'étaient rien sans leurs cuirasses ou leurs épées? Ils feraient de bons serviteurs mais seraient de piètres adversaires! Œil-Vent, bon uniquement à déblatérer des interdictions au nom d'un impalpable Créateur? Tymvaul lui montrerait que l'on pouvait se faire obéir de ces cycles soi-disant immuables auquel il prétendait le plier. Son père, peut-être? Un bon à rien qui n'avait jamais mérité sa mère et l'avait laissée mourir? Un ivrogne confit dans le passé pour qui la plus haute ambition au monde était d'abattre seul un de ces ours imbéciles? Hah! Il aurait droit à une place toute spéciale à ses côtés, comme étendard peut-être ou...

Un corps jaillit brusquement d'un couloir et se fracassa contre une stalactite de glace, retombant en pluie autour de Tymvaul, suivi par une forme reptilienne qui lui était inconnue. En un bond, la créature s'élança dans la sale et piétina le sol glacé en tournant sur elle-même alors qu'une lumière éblouissante se répandait soudain autour d'elle. Elle pencha sur le côté sa tête surmontée d'une crête énorme et son bec de corne laissa échapper un sifflement menaçant lorsqu'elle découvrit Tymvaul et sa cour. Sur un geste de celui-ci, les dépouilles l'entourant se jetèrent sur l'intruse. Les ossements se mêlèrent aux écailles tournoyantes de l'animal qui cherchait à lacérer ses assaillants de ses pattes avant. Lorsque la créature eut presque disparu sous les morts-vivants, ce fut au tour d'une langue acérée surgie de nulle part de transpercer ces derniers.

Devant le spectacle de cette seconde abomination mettant en pièces ses serviteurs, Tymvaul reculait, psalmodiant sans interruption les formules grâce auxquelles les corps, à peine jetés au sol, se redressaient pour reprendre le combat. La lumière crue réfléchie par les parois de glace ne lui révélait pas la position de l'invocateur qui avait osé le défier jusque dans son antre. Un mouvement fugitif à la limite de son champ de vision le fit pourtant se jeter au sol et une boule de feu le frôla en roussissant ses cheveux au passage avant de s'abîmer dans un grésillement contre un mur de glace. Il roula follement sur lui-même et se releva juste à temps pour esquiver un coup de bâton qui fit voler un éclat de glace là où sa tête s'était tenue un instant auparavant. Il ouvrit la bouche pour hurler une malédiction mais le bâton de la femme frappa son ventre, lui coupant le souffle, le rejetant au sol. Dans une tentative pathétique pour se protéger de la grêle de coups qui s'abattait sur son corps atrocement exposé dans la robe trop grande qu'il portait, l'adolescent malingre se recroquevilla.

Puis, aussi soudainement qu'ils avaient commencé, ces coups cessèrent et le bourdon de métal rebondit sur le sol, juste à ses côtés. Tymvaul s'aperçut que le râle qu'il entendait n'était pas sorti de sa bouche et il leva craintivement les yeux. La magicienne altmeri regardait avec effarement la lame qui lui transperçait l'abdomen. Appuyé de ses deux mains sur la garde d'une épée rouillée, un squelette au bassin fracassé était parvenu à ramper jusqu'à celle qui agressait son maître. Le mort-vivant accentua encore la pression et arracha un hurlement à la femme qui tomba à genoux. Le souffle court, Tymvaul se redressa. Une forte toux lui fit cracher du sang mais il n'y prit pas garde. Les paroles du sortilège montèrent spontanément à ses lèvres, et les ossements épars frémirent, puis s'approchèrent les uns des autres pour recomposer la garde rapprochée du nécromancien. Sur un geste de celui-ci, le squelette mutilé tomba en poussière et Tymvaul s'agenouilla auprès de la haute elfe, refermant son poignet sur sa main qui tâtonnait vers sa besace.

« Ces créatures infernales, crois-tu que tu sauras toujours les invoquer lorsque ton agonie aura pris fin et que tu te relèveras pour me servir? Je te le souhaite. Je te le souhaite vivement, parce que tu n'as pas idées des tourments que je pourrais te réserver pour te faire payer chacun des coups que tu as osé porter sur moi.
- T... tu ne souhaites pas faire cela, Tymvaul,
croassa la magicienne. Tu es sous l'... l'emprise du Manteau. »

La gifle résonna dans les couloirs de Rimhull.

« Impertinente petite idiote! cracha le jeune homme. Je le maîtrise parfaitement! Parfaitement, tu entends!? Je suis le maître,ici, et ma victoire en est la preuve!!!
- C'est p... pour cela que je voulais t'assommer T-tymvaul. Pour te libérer de lui et te rendre à... à ton père.
- M... mon père? Ce crétin inutile? Je ne veux rien savoir de lui!
- Et p... pourtant c'est lui qui m'a en... envoyé ici. Il est si... désolé pour tout ce qui t'es arrivé...
- Il peut l'être! Et il n'aura pas assez de l'éternité que je lui donnerai pour l'être!
» menaça-t-il.

Sa voix, cependant, avait moins de hargne que ses paroles et l'étrangère s'enhardit:

« Il... il t'aime, Tym...vaul. Je le sais. Ta... disparition l'a... désespéré. Il voudrait tellement te... te revoir, te serrer entre... contre lui, s'... s'excuser pour ta mère, pour... pour tout ce qu'il t'a dit. »

L'adolescent se rejeta en arrière, comme brûlé au fer rouge.

« Je... je n'en ai rien à faire! »

Sa lèvre inférieure tremblait. L'Altmer essaya de se déplacer et grimaça de douleur. Sa voix faiblissait.

« Il m'a dit qu'il... te laisserait... apprendre la... la vraie magie... Je pourrais te... t'apprendre ce que... ce que je sais... Mais... la voix de la mer se fit suppliante: ma... ma besace... la po... potion... J'arr... arrangerai tout... avec... Lassnr... »

Le jeune homme se frotta furieusement un nez endolori, partagé. De la vraie magie. Sa main courait distraitement sur le revers de son vêtement. Avec la bénédiction de son père. Et il reviendrait un jour au village après avoir épuisé les secrets du monde. Avec un soupir, mi-résigné mi-soulagé, Tymvaul finit par renverser la besace. Il referma les doigts sur une fiole dont il fit couler quelques gorgées entre les lèvres de la magicienne.

« Serrez les dents, » conseilla-t-il tandis qu'un de ses mignons tirait fermement sur la garde de l'épée pour dégager la lame du corps de la magicienne. La douleur fut si vive qu'elle manqua de perdre connaissance. Le sang jaillit à flot, mais Tymvaul versait déjà le reste du liquide sur les plaies et l'hémorragie cessa en quelques instants. L'Altmer restait cependant clouée au sol, pantelante. Si les effets curatifs de la potion avaient permis de sauver l'étrangère, ils ne lui avaient, semblait-il, pas rendu suffisamment de force pour lui permettre de se déplacer. Le jeune homme comprit cela en un instant et se défit sans hésiter de son manteau qu'il roula en boule avant de le glisser en guise de coussin sous la tête de son ancienne adversaire. Comme il en défaisait l'agrafe, les créatures de Rimhull s'abattirent sur la glace, rendues à leur état de cadavre.

« Reposez-vous un instant, conseilla l'adolescent. Ce couloir conduit à l'extérieur et le village n'est pas loin. Je serai bientôt de retour avec le chaman. Il saura vous soigner. »

Il se précipitait vers la sortie lorsque la boule de feu le renversa et envoya son corps calciné terminer sa glissade contre un pilier de glace.

***


Les enfants des Skaals savaient, tout petits déjà, qu'il ne fallait pas s'aventurer seuls dans les cavernes qui parsemaient leurs terres, car toutes sortes de dangers s'y nichaient. La vie était suffisamment rude en Solstheim pour qu'il saisissent dès le plus jeune âge le sérieux d'une telle interdiction. Mais il était une grotte dont mêmes leurs pères ne s'approchaient jamais. Les chamans la disaient maudite et, allez savoir avec les chamans! ils avaient probablement raison.

A cette époque de l'année, alors que les premiers redoux livraient timidement bataille à l'hiver, son entrée était à demi-obstruée par la neige, mais elle se devinait toutefois sous les premières lueurs de l'aube. Dans son état de faiblesse, l'étrangère dut s'y reprendre à deux fois pour ébranler la neige et se dégager des profondeurs de Rimhull. Le souffle court, elle marqua une pause sur le seuil de la grotte, goûtant la piqure du vent sur son visage. Sa main flatta la besace ventrue qui contenait le Manteau. Dans quelques heures, elle serait à Thirsk où elle prendrait une chambre pour refaire ses forces. Une fois qu'elle aurait suffisamment récupéré elle lancerait le sortilège de rappel qui la ramènerait à la forteresse de Tel Uvirith, en Vvardenfell, loin de ce maudit caillou gelé, et elle pourrait y étudier à loisir les propriétés de cet artefact.

La Telvanni était tout à ces agréables perspectives lorsque la mâchoire de bois surgit de la neige, se rabattit sur elle et la souleva de terre pour la plaquer en arrière, le torse broyé. Curieusement lucide, elle observa le jeune arbre qui l'écrasait contre la paroi enneigée et enfonçait profondément ce qui devait être une multitude de branches taillées en pointes et durcies au feu de bois dans ses chairs. Un piège à ours. Elle devait avoir marché sur une corde déclenchant un piège à ours. Elle voulut appeler mais ce qui devait être un cri ne fut qu'un murmure.

« Gaspillez pas votre souffle. Personne vient par ici. » avertit Lassnr.

L'Altmer, médusée, essaya de tourner la tête vers le vieux chasseur qui était sorti des fourrés tout proches et s'approchait en luttant contre la neige fraîche. Etait-ce sur l'oreille de cet homme qu'elle s'était penchée, une fois la clef du puits en main, pour lui souffler qu'elle était, comme Tymvaul, à la recherche de l'artefact dissimulé par le puits et qu'elle n'entendait pas le partager? Pourquoi n'avait-elle su résister au plaisir de balayer l'espoir qui se lisait sur le visage écœurant de cet ivrogne? Si seulement elle s'était tue... si elle l'avait simplement quitté sur une promesse creuse, il n'aurait probablement pas même quitté sa cahute. Sans doute se serait-il tiré quelques pintes pour atténuer son angoisse en attendant leur retour. Il ne se tiendrait pas là après une nuit de labeur et de veille sous la neige, dégrisé par la rage et le désespoir...

Le Skaal arracha le bâton des doigts déjà gourds de l'Altmer et le jeta avec un grognement dans une congère avant de s'asseoir dans le talus, à quelques pas de sa proie agonisante.

« Je vais rester un peu ici, dit-il pour lui-même, et penser à l'enfant que vous m'avez pris. »

***

Oui, les Argoniens ont un instinct remarquable, et celui-ci s'illustre tout particulièrement par l'obsession qu'ils manifestent, tant à l'état sauvage qu'au fond des geôles dunmeri, à l'égard de la protonymique.

Peut-être celui qui m'a enchanté aurait-il dû manifester le même souci avant de faire de moi le Manteau de Chagrin.



#10 redolegna

redolegna

    Les vacances de Monsieur Hulot


Posté 20 août 2008 - 13:26

Une leçon de courtoisie


Une colonne de soldats en rangs par deux soulevait sur son passage un nuage de poussière. Deux ou trois hommes échangeaient de temps à autres des regards nerveux : la légion ne s’aventurait pas dans ces coins-là. Pour certains soldats de l’empire, la civilisation et leurs connaissances sur le Vvardenfell s’arrêtaient à Cœurébène qu’ils avaient quitté quelques jours plus tôt à destination de la lointaine et mystérieuse Porte des Âmes.

« Pourquoi qu’on va là-bas ? Y a que des tempêtes à décorner les bœufs qu’ils ont pas, ces salopards de Dunmers, grommela un légionnaire féru de climatologie et d’élevage.
– Parce que le commandant l’a dit, crétin, répondit sur le même ton son voisin immédiat. Maintenant, boucle-la avant que cette peau de vache de sergent nous remarque. »

Le commandant, c’était Frald le Blanc, mais personne ne l’appelait comme ça dans sa garnison. Pour les hommes de troupe comme les officiers, il restait “le commandant”. Nul autre terme n’aurait pu lui rendre véritablement honneur. Les vétérans le prononçaient avec une pointe de terreur mystique dans la voix et les recrues qui se faisaient prendre à renifler à cette occasion recevaient une bonne calotte. On ne rigolait pas sur le compte du commandant.

Et quelqu’un venait pourtant de s’y risquer.

Un Dunmer, à ce qu’on disait, un soldat d’élite, un de ces guerriers saints qu’on appelait Exalté. Il avait lancé calomnie sur calomnie contre Fort Noctuelle et son officier supérieur. Le généralissime des légions de Vvardenfell, le chevalier Varus Vantinius s’était réveillé un beau matin dans le palais non loin du fort pour découvrir sept cents légionnaires réclamant une expédition punitive contre la ville voisine de Vivec.

Frald le Blanc, d’abord dépassé par les événements, avait ramené les esprits au calme en implorant les soldats de l’empire de ne rien entreprendre sans s’être assurés que les insultes avaient été lancées et n’étaient pas les simples fruits de on-dit et autres rumeurs de taverne. Mais l’Exalté avait mis ses propos par écrit et les avait envoyés au commandant...

« Moi, je dis, on aurait dû venir avec tous les gars et le leur saccager leur avant-poste ! s’exclama une tête brûlée ailleurs dans la colonne.
– Ferme-moi ta grande gueule, Trividius ! brailla un caporal. Quand on voudra ton avis, on t’le demandera !
– Resserrez les rangs, bande d’incapables ! s’égosilla un sergent en queue. Vous faites honte à vos pauvres mères. J’préférerais qu’la mienne soit morte plutôt que de me voir me comporter comme vous !
– Sergent ! Un peu de tenue, je vous prie. »

L’ordre émanait de la tête du bataillon et, l’air maussade, le sous-officier fit oui de la tête en direction du capitaine qui venait de s’exprimer. Il restait dubitatif sur ses capacités à persuader les légionnaires de maintenir la formation s’il ne leur criait pas dessus de temps à autre, mais il comprenait le souci des apparences du gradé pour cette fois. Pour cette fois seulement.

Les soldats continuèrent à s’user les nerfs les uns contre les autres pendant quelques jours supplémentaires, le temps qu’il fallut pour arriver en vue de la Porte des Âmes. Même les plus virulents ennemis des Dunmers ne purent s’empêcher d’admirer le spectacle : un rideau ondoyant semblait séparer deux mondes : l’un était fait de terre noire et friable, l’autre de cendres, de vestiges calcinés d’une éruption. Les flammes des torches qui illuminaient la scène enflèrent soudainement alors que le soleil commençait à se coucher.

« Ta gueule, Trividius !
– Mais j’ai rien dit, caporal !
– T’allais le faire. Alors boucle-moi ça, compris ? On vient pour leur donner une leçon de bonnes manières, pas pour les faire se marrer. »

Tout le long de la colonne, les sergents ordonnèrent de se redéployer en cinq lignes de vingt hommes et de poursuivre la marche dans le silence le plus total. Les légionnaires obéirent plus docilement, impressionnés par la majesté du lieu.

Vingt Dunmers les attendaient, à cent mètres environ des bâtiments à la forme étrange. Ils étaient armés jusqu’aux dents et leurs cuirasses rutilaient. Non, corrigea le capitaine en regardant mieux. Ce n’était pas des armures de métal qu’ils portaient, soigneusement astiquées jusqu’à ce qu’elles brillent. Leurs harnachements étaient en verre, de ce verre volcanique qu’on ne trouvait que dans la région. Instinctivement, l’officier chercha les points faibles de pareil attirail. Le verre, même sous cette forme, restait cassant. Des boules de feu l’auraient fait voler en éclat. Les veines du cou ne bénéficiaient d’aucune protection et, une fois le verre en morceau, il devenait très dangereux d’en porter.

Mais ses hommes remarquaient surtout les arêtes tranchantes, les barbelures qui hérissaient jambes, bras, épaules, tête. Les elfes paraissaient hors du monde, venus de cet Oblivion dont on ne parlait qu’avec terreur. Et on aurait pu croire que ceux qui se tenaient là étaient bel et bien des démons, des Daedras, comme on les appelaient, plutôt que des êtres de chair et de sang. Ils respiraient l’assurance, ou peut-être même l’orgueil, sûrs de leur supériorité, prêts à se mesurer à ceux qui leur faisaient face, même à un contre cinq. Et malgré l’ordre de tenir la position, les légionnaires ne pouvaient s’empêcher de se sentir de plus en plus mal à l’aise. Trividius se balança d’un pied sur l’autre jusqu’à ce qu’un regard sévère d’un sergent le décourage de faire le pitre.

Un Dunmer s’avança.

« Je suis Galdal Omayn et les Tribuns m’ont désigné pour mener les Exaltés de la Porte.. Quel sujet amène la Légion en ces lieux consacrés ? »

Le ton de sa voix était clair. Étrangers. Rien à faire ici. Partez ou nous vous combattrons. Mais le capitaine était rompu à discuter avec des elfes désagréables.

« Mon commandant nous a envoyés renforcer la garnison du Fort Silène, à Ald’Ruhn. Je dois avouer que nous nous sommes un peu égaré. Nous nous demandions si nous pouvions profiter de l’hospitalité des serviteurs du Temple pour la nuit. Je crois que le vent se lève et nous n’aimerions pas être pris dans une tempête de cendres.
– Ah. Malheureusement, la saison des pèlerinages a commencé et les pèlerins affluent. Nous n’avons plus une place de libre dans les Tours.
– Oh. Tant pis. »

Les légionnaires n’avaient pas croisé une caravane, pas même un vagabond qui ait l’air d’un pèlerin. Omayn mentait.

« Nous dormirons à la belle étoile, annonça le capitaine. Mes hommes manquent un peu d’entraînement. Ça ne pourra pas leur faire de mal de se préparer à une campagne. Qui sait, hein ? Le Temple demandera peut-être un jour l’aide de la Légion pour en finir avec les Cendrais. On m’a dit que c’étaient de farouches combattants.
– Plus farouches que vos porcs, en tout cas, » lança un Exalté.

Un air de colère se peignit sur tous les visages de la troupe impériale. Même les sergents découvrirent les dents devant pareille insulte. Mais le capitaine ne se départit pas de son air affable.

« Je préviendrai les intendants à Fort Noctuelle, sire chevalier. Pas de porc pour les campagnes dans les Cendres. Du bœuf. Meilleur pour le sang, je crois ? C’est ce que vous vouliez dire, n’est-ce pas ?
– Sire Saréthi ne...
– Je suis certain d’avoir parfaitement compris les conseils culinaires du sire Salyn Saréthi, commandant Omayn, coupa le capitaine sur un ton qui ne laissait place à aucune discussion. Je suis sûr qu’il se préoccupe uniquement de la bonne condition physique de troupes qui vont être affectées près de la ville de son parent, l’honorable Athyn Saréthi. Ses intentions sont donc tout à fait louables. Mais il se fait tard et nous aimerions planter nos tentes. »

Galdal Omayn se détourna brutalement pour ne pas montrer la fureur qui contractait ses traits et fit signe à sa troupe de réintégrer l’abri des tours. Le vent commençait déjà à siffler comme tous les soirs. Les Exaltés se séparèrent en deux groupes et disparurent à la vue des légionnaires, maintenant amplement consolés de l’affront qui leur avait été fait.

« Nous campons sur le Mont Écarlate. Dépêchez-vous de franchir les portes avant la nuit noire. Exécution ! »

Surpris, alarmés par un tel ordre, les légionnaires mirent un petit moment avant de marcher en bougonnant sous les encouragements pas très tendres de leurs sergents. Le capitaine actionna les leviers enchantés qui déclenchaient l’ouverture des herses dans le passage entre les tours. Cent hommes avancèrent en maudissant les officiers, les Dunmers, les missions où il fallait se porter volontaire et bien d’autres choses.

Omayn ressortit brutalement de la Tour de l’Aube alors que le dernier des légionnaires franchissait la mince séparation entre civilisation et terre de démence.

« Que faites-vous ?
– Vous le voyez : nous nous préparons à passer la nuit, répondit le capitaine. D’autres pèlerins risquent d’arriver demain. Nous ne voulons pas les gêner, aussi nous quittons la route. Nous allons encore avancer d’une demi-lieue pour ne pas nous trouver entre eux et les lieux de prière. Simple logique.
– Mais vous foncez droit vers les repaires des bêtes du Fléau.
– Eh oui. Regrettable, mais il est inutile que nous vous causions un désagrément supplémentaire. Merci pour votre préoccupation, commandant Omayn.
– Mais... en serrant un peu, peut-être que nous pouvons vous accueillir... »

Omayn défaillait presque. Laisser cent hommes se faire tailler en pièces par les bêtes du volcan, cela ressemblerait un peu trop à du meurtre aux garnisons environnantes. Il fallait...

« Non, non. Et maintenant, si vous le permettez, mes hommes m’attendent. »

*****


Les Exaltés observaient les légionnaires installer leur camp. Le Mont Écarlate était dépourvu d’arbes, aussi les Impériaux ne purent-ils pas doubler leur fossé rudimentaire d’une palissade, se laissant très exposés à la moindre attaque. Le vent soufflait désormais en rafales et les soldats du Temple ne voyaient plus que par intermittence les légionnaires. Omayn se rongeait les sangs.

« Maudits bâtards vérolés, marmonna Salyn Saréthi. Oser menacer mon grand-oncle...
– Arrêtez tout de suite, Saréthi. C’est par votre faute qu’ils sont ici. Qu’est-ce qui vous a pris d’insulter cet officier ?
– Il n’a aucun droit de venir ici !
– Pas ce capitaine ! Frald de Fort Noctuelle !
– C’est un Impérial. Ça n’est pas suffisant ?
– Par notre bonne mère Almalexia ! c’est ce genre d’âneries qu’on vous apprend maintenant à Molag Mar ? Frald est originaire de Bordeciel. Il s’est engagé dans la légion et...
– Ah ! raison de plus ! Envoyer un de ces bouchers de Nordiques en Vvardenfell après ce qu’ils nous ont causé...
– Assez ! »

Les Exaltés dévisagèrent, interloqués, leur chef. Il ne manifestait pas souvent ses émotions, mais cette journée semblait l’avoir poussé à bout. Galdal Omayn tremblait de rage. Salyn Saréthi sut cette fois lire les signes d’une explosion imminente, bien plus dévastatrice que ne le serait une éruption du volcan.

« Dranor, Veran, avec moi ! Nous allons passer la nuit dans le camp des légionnaires, quoi que ce capitaine ait à en dire. »

*****


Quand Trividius avait fini son service, il discutait volontiers avec son caporal. Cela faisait plus de dix ans qu’ils avaient les mêmes affectations et si le sous-officier n’était pas tendre envers lui à l’exercice ou pendant les marches, toute animosité disparaissait au repos. Trividius était une grande gueule et une forte tête, mais un excellent compagnon. Il racontait les histoires comme personne.

« Alors, Trive ? demanda un soldat qui venait de finir son tour de veille. T’as promis que tu nous dirai ce qui s’est passé ensuite ce soir.
– Ben, vous me connaissez les gars. Moi, j’suis fidèle à ma femme. »

Les légionnaires éclatèrent de rire bruyamment. Trividius était capable d’énoncer de tête les prix de chaque prostituée dans chaque bordel de Cœurébène, une ville où, selon un Dunmer déplaisant, ne vivaient que des marins ivrognes, des soudards et des filles perdues.

« Alors, princesse ou pas princesse, j’lui ai dit ça : “Rien n’sera possible entre nous, poupée. Vaut mieux qu’j’m’en retourne auprès d’mes camarades faire le soldat, comme j’sais faire, et vous, c’est mieux aussi que vous retourniez sur vot’trône faire la princesse. Vous devriez vous en tirer comme une reine, sauf vot’respect, madame.” Et j’voyais bien qu’ça lui fendait le cœur de pas pouvoir me remercier comme elle voulait, mais l’service, c’est l’service, pas vrai les gars ? Vous en auriez fait autant à ma place, je l’sais bien.
– Et après ? »

Le son de la voix était légèrement grondant. Trividius se retourna pour voir que les trois Dunmers qui étaient revenus plus tôt dans la soirée s’étaient approchés du cercle et l’écoutaient attentivement. Les légionnaires leur ménagèrent un peu de place et ils s’assirent plus confortablement.

« Eh ben, j’ai jamais r’vu c’te donzelle. Mais ma permission était presque toute finie, alors je m’suis dit qu’ce s’rait une bonne idée de rentrer vite fait au Fort. On plaisantait pas avec la discipline. On pend toujours les déserteurs par les pouces. Ça fait pas d’bien, à c’qu’on dit. Seulement, sur la route du retour, les anciens serviteurs m’avaient tendu un piège et... »

Infatigable, Trividius continua son histoire pendant des heures, jusqu’à ce que l’aube pointe, s’égosillant presque quand les bourrasques de vent emportaient sa voix.

« Faudrait qu’je vous cause de la fois où j’ai cru que je perdrais mon nez tellement il faisait froid et où un ours parlant a pissé dessus pour le réchauffer...
– Alerte ! »

Trividius se retourna pour voir d’où venait le cri, bougonnant qu’on l’interrompait à chaque fois qu’il voulait raconter ses histoires préférées. Les dix-huit Exaltés restants à la Porte des Âmes et une dizaine d’Ordonnateurs avaient dépassé le camp des légionnaires et avançaient vers  des centaines d’êtres repoussants. Sans perdre de temps, Omayn et les deux elfes qui l’avaient accompagné passèrent leurs casques, mirent l’épée au clair et bondirent par-dessus le fossé pour rejoindre le groupe.

Dans le camp, seules les sentinelles, une petite quinzaine d’hommes, étaient armées. Les autres avaient retiré leur cuirasse. Il leur faudrait plusieurs minutes pour s’équiper. Le capitaine ordonna de se former en escouade de dix soldats, dont un sergent. Les histoires de Trividius avaient tenu toute la troupe éveillée, lui compris, et la fatigue des Impériaux était cruellement évidente. Contrairement aux Exaltés et aux Ordonnateurs, ils n’étaient pas rompus au combat contre ce genre d’ennemi ni n’avaient d’équipement adéquat. Mais il était clair que leurs adversaires étaient en trop grand nombre pour les serviteurs du Temple seuls.

Cinq minutes plus tard, les légionnaires rejoignaient leurs alliés bien involontaires. Le capitaine observa tout de suite les différences de tactique : les Exaltés attaquaient tous à la fois, sans se ménager, de manière complètement individuelle, cherchant à attirer le plus de pestiférés à eux, puis se déchaînant avec leurs lames et leurs armures tout aussi redoutables ; au contraire, les légionnaires se battaient en groupe, jamais plus de trente hommes à la fois, gardant les autres en réserve et faisant régulièrement tourner cet effectif. Les légionnaires cherchaient à encercler leurs adversaires. Ils évitaient ainsi de s’exténuer, besoin d’autant plus criant ce matin-là.

Des dix Ordonnateurs, cinq avaient déjà succombé quand les légionnaires étaient arrivés au contact, et trois Exaltés étaient tombés à leurs côtés. Le soutien des Impériaux leur accorda un bref répit, mais forcément passager. Le capitaine évalua rapidement le nombre des bêtes. Il devait y en avoir encore deux cents. Les Dunmers en avaient éliminé une soixantaine.

Quatre autres Exaltés moururent à brefs intervalles l’un de l’autre. Une fois que les combattants étaient épuisés, c’en était fini d’eux, faute d’endroit où se replier. Puis le capitaine ordonna à deux groupes supplémentaires de monter à l’assaut, de dégager Omayn et ses combattants et de leur offrir un écran de protection. Trividius en faisait partie. Rapidement, douze Exaltés furent derrière les Impériaux.

« Caporal, hurla le conteur, il en manque un !
– C’est ce crétin de Saréthi ! beugla le sous-officier en réponse. Y a trente de ces saloperies entre lui et nous. Il est foutu ! »

Sans réfléchir, Trividius se lança en avant, dans la masse indistincte troupe, balançant son épée à droite et à gauche, coupant des membres et des têtes, avançant inexorablement au grand dam de son sergent. Avec un temps de retard, toute son escouade le suivit dans la brèche qu’il avait ouverte.

Sentant la résolution des monstres se déliter peu à peu, le capitaine envoya les cinq escouades qu’il maintenait en réserve derrière eux. Des hommes réussirent à rejoindre Trividius et protégèrent ses flancs pendant qu’il abattait son épée sur tout être suffisamment stupide pour rester sur son chemin.

« Ça te fera une nouvelle histoire à raconter, hein, vieux renard ? lui lança son caporal quand il parvint à sa hauteur. Comment tu as renversé le cours de la bataille pour aider un Dunmer à la nuque raide et à la langue encore mieux pendue que la tienne ! »

Trividius ne hocha même pas la tête. Il gardait les yeux fixés sur Saréthi. Brutalement, l’elfe trébucha sur un rocher et s’écroula, tête la première. Les pestiférés qui l’entouraient se jetèrent sur lui, prêts pour la curée. Dans un dernier effort, le légionnaire fendit par le milieu une abomination qui devait faire deux fois sa taille. Il se jeta de côté pour éviter sa chute, roula sur lui-même et se releva à deux pas de Saréthi. Il enfonça sa lame dans le ventre du plus proche de ses adversaires, le gratifia d’un coup de pied pour dégager son épée, la libéra d’une torsion du poignet et agrippa le corps sans connaissance de l’elfe. Il commença à le traîner en se défendant toujours de son arme. Les légionnaires se précipitèrent pour le protéger.

La bataille ne dura pas beaucoup plus longtemps. Les Impériaux achevèrent de massacrer les pestiférés de façon presque routinière, pendant que les Exaltés survivants revenaient leur prêter main-forte.

Une heure plus tard, Salyn Saréthi se réveilla, pour voir Trividius affûter tranquillement son épée ébréchée.

« Des os solides, ces bestioles, commenta-t-il. Vous vous sentez en état de présenter des excuses ?
– Des excuses ? Je ne comprends pas... »

Omayn se pencha au-dessus de l’Exalté allongé et son ombre le recouvrit entièrement.

« Je crois bien que si, Salyn. Ces hommes se sont montré courtois, quand nous les avions éconduits, leur capitaine a fait preuve de plus d’esprit que vous, ils ont fait preuve d’honneur en venant se battre alors que telle n’était pas leur tâche, un simple soldat s’est porté courageusement à votre secours et ses camarades l’ont suivi, en perdant trois des leurs. Ils ont fait preuve de toutes les qualités que vous proclamiez bien haut n’avoir jamais été rencontrées dans la Légion. Des excuses, oui, je crois. »

Saréthi soupira. Omayn ajouta :

« Et en personne. À Cœurébène, devant le commandant Frald. »

Saréthi gémit. Trividius eut un grand sourire.

« J’aurai pas sauvé vos miches grises si j’voulais pas vous voir avaler vot’langue à essayer de vous excuser. J’tiens enfin une histoire vraie qui s’ra moins croyable qu’celles que j’raconte d’habitude ! »

Et le rire des légionnaires résonna sur les pentes du Mont Écarlate.

#11 Zakuro

Zakuro

    La Pitchounette


Posté 27 août 2008 - 23:44

L'aérostat de bric et de broc



Accoudée à un comptoir, le regard triste, perdu dans le vide, la jeune Nordique buvait machinalement le verre de mazte posé devant elle. Elle était là depuis le début de la matinée, et n'avait pas bougé d'un milimètre. On aurait dit une statue. Elle ne pouvait s'empêcher de ressasser toutes les horreurs qu'elle avait vécu, et qui lui avait fait perdre l'être qui comptait le plus au monde pour elle : son fiancé.

Elle porta instinctivemment le verre à sa bouche. Il ne fallait plus qu'elle y pense, il fallait qu'elle oublie... Se noyer dans l'alcool ne lui rendrait pas Ulfgar, elle le savait, mais elle ne parvenait pas à s'en empêcher, sa vie semblait vide de tout sens maintenant... elle n'avait plus de famille depuis longtemps, n'avait jamais vraiment eu de maison, et l'argent que lui avait donné le Breton ne lui permettrait pas de tenir longtemps si elle restait inactive. Les larmes lui montèrent une nouvelle fois aux yeux, et l'une d'entre elles roula sur sa joue. Elle s'empressa de l'essuyer avec sa manche, puis se cacha la tête dans ses mains, pour que personne ne voit ses yeux rougis par la fatigue, et la tristesse. Trop tard, malheureusement.

L'aubergiste l'observait déjà depuis un moment. Malgré tous ses efforts, la Nordique cachait très mal ses émotions. Tout les clients avait remarqué son désarroi, mais les gens n'étaient pas du genre à se mêler des affaires des autres, ici... Il avait bien sûr essayé de lui parler, mais la jeune fille s'était murée dans un silence profond, ne répondant que par quelques phrases brèves, ou ne répondant parfois pas du tout. Il s'avança vers elle et lui dit
doucement:


- Il va bientôt faire nuit, vous devriez rentrer chez vous...

Elle leva ses yeux bleus foncés vers lui. Il n'avait donc pas compris ??? Elle voulait rester seule, et réfléchir  !! Etait-ce donc si difficile ??
Elle ne répondit pas, et but une autre gorgée de mazte..

- Vous n'avez personne pour vous raccompagner ? Continua l'aubergiste.

Il balaya machinalement la pièce du regard, puis fronça les sourcils.


- Où est donc le jeune homme qui vous accompagnait la dernière fois? Demanda t-il tout à fait innocemment, sans même penser que cela pouvait être la cause de la détresse de la jeune femme. Co... Comment s'appelait-il déjà ? Ulf... Ulfdar ?

La jeune femme ne put retenir ses pleurs plus longtemps. Entendre quelqu'un prononcer son nom la ramena durement à la réalité qu'elle avait tant de mal à essayer d'oublier. Il était mort, et elle ne pouvait rien faire. Elle ne verrait plus jamais ses yeux bleus si profonds posés sur elle, elle ne verrait plus jamais son sourire, elle ne sentirait plus jamais la chaleur de son corps contre le sien... Les larmes qu'elle essayait de contenir depuis le matin se mirent à couler sans qu'elle ne puisse les contrôler.


- Ulfgar... Parvint-elle à articuler entre deux sanglots.
  
- Imbécile, imbécile, imbécile,... Se répéta mentalement l'aubergiste, tandis qu'il attrapait un verre à essuyer pour masquer sa gêne. Cependant, après quelques minutes de silence, la curiosité l'emporta, et il ne put s'empêcher de dire, en lui tendant une serviette... douteuse :



- Je suis désolé. Que lui est-il arrivé ?

La jeune femme essuya ses larmes, sans même regarder l'état du chiffon qu'il lui tendait, but une autre gorgée, et raconta tout d'une voix étouffée, s'interrompant quelques fois, quand l'émotion était trop forte.
    
                                            

*******


Tout avait commencé deux semaines auparavant, alors qu'ils étaient venus à Ald'Ruhn dans l'espoir que la Guilde des Guerriers leur donne une mission (ils auraient d'ailleurs tout acceptés, tant ils avaient besoin d'argent). Alors qu'ils allaient entrer dans le batiment (qui avait une forme bien curieuse, d'ailleurs, pour les deux Nordiques qui n"avaientquasiment jamais quitté Balmora), un Breton assez agé, posté devant la guilde des mages, les apostropha :

- B... Bonjour. En fait... Mhhhh... Vous avez l'air d'être des guerriers, je... Je me trompe ? Voyez-vous... J'ai besoin d'aide, et je me demandais si... Si vous seriez prêts à m'aider... Il y'aura une forte récompense... Bien sûr...

Les deux Nordiques échangèrent un regard étonné, puis Ulfgar répondit :

- Eh bien... nous pouvons toujours essayer... De quoi s'agit-il ?

- J'ai construit une machine volante, un aérostat, voyez-vous. Une machine vraiment magnifique... enfin à mon avis. Construite avec de...euh, des pièces Dwemer trouvées à la... décharge et puis quelques... sorts de lévitation. Très malin. Une bonne idée, oui je sais ! J'ai même engagé une bande de...enfin, un équipage. Ils devaient voler si loin... vers le nord ! Loin... vers Solstheim ! Je les ai payés, et bien payés... Ils devaient localiser le euh... Tertre de Hrothmund et récupérer un euh... objet. Ils devaient... m'apporter une amulette spéciale. Selon les légendes... Hrothmund était... euh... il avait plein d'amies, des femmes ! Il était laid pourtant... comme un troll ! Il possédait une babiole magique... qu'il portait. L'Amulette de Charme Contagieux. Selon les archives... il fut enterré avec. Voilà pourquoi j'ai construit cet aérostat et engagé un équipage. Je voulais... je dois récupérer cette amulette, voyez-vous. Mais... aucune nouvelle... je suis inquiet... je crois que mon équipage a échoué. Ont-ils dévié de cap en volant ? Ou peut-être... ont-ils trouvé l'amulette et... ils sont partis ! Rencontrer des femmes ! Aucune femme ne peut résister à un homme avec l'Amulette de Charme Contagieux... dans un aérostat, en plus ! Dites, vous ne... loueriez pas vos services par hasard ? Je vous... paierai... largement... pour retrouver mon aérostat. J'ai besoin de savoir ce qu'il en est advenu. Simplement pour... être sûr. Et bien entendu... pour me rapporter l'amulette ! J'en ai besoin.

- Eh bien, nous...

- Je suppose que j'aurais dû... partir... moi aussi, continua t-il sans s'occuper du jeune homme. Mais... voler... par ce temps froid et peut-être.... des dangers ! Voilà ce que j'ai gagné à... avoir embauché quelqu'un d'autre.... pour faire ce boulot... enfin, cette expédition...Oh, cette machine..., cet aérostat, est tellement belle. Le meilleur... la chose la plus ambitieuse que...enfin..c'était mon projet préféré. Et elle volait tellement...bien ! Enfin...elle volait et...euh...ça suffisait...hmmm...

- Nous acceptons avec plaisir.

La jeune femme faillit s'étrangler. Avait-elle bien entendu ?? Il avait dit oui ??? Etait-il tombé sur la tête ?! Elle lui jeta un regard affolé, cherchant ses yeux en éspérant y trouver une réponse, mais le Nordique regardait toujours le vieil homme, l'air sûr de lui. S'il avait su...

Le Breton baissa les yeux, visiblement déçu.

-Oh... eh bien... c'est bon. Je comprends... Je... j'attends. ( Il releva soudain la tête) Avez-vous dit que vous m'aideriez ? C'est sup... je veux dire... c'est merveilleux ! Comme je l'ai dit, l'aérostat se dirigeait vers le nord, vers Solstheim... L'Amulette de Charme Contagieux est... enfin, est censée être à... dans le Tertre de Hrothmund. Sous la surveillance de la bête... le loup quoi. Mais vous devez... prononcer le nom du loup ! Pour pouvoir entrer ! Dites "Ondjage". Répondez mal et le tertre sera scellé... à jamais !

- Mhhh... Ces seules informations ne nous permettront jamais de trouver ce tertre...Savez vous autre chose ?

-Eh bien... Le Tertre de Hrothmund est une crypte. Il est dit que... enfin, le tertre est sous la surveillance d'un loup. Il y a une formation, voyez-vous. De la pierre, de la glace... en forme de loup, celui qui a tué Hrothmund ! On dit qu'il a été enterré sous les yeux d'un loup. Il n'est visible que depuis le ciel... ou... un engin volant. Voilà pourquoi je l'ai construit. Construire un aérostat, engager un équipage pour trouver le tertre et récupérer l'amulette, puis me la rapporter ! Un plan parfait, je croyais... Attendez... Je dois avoir une carte, quelque part...

Le vieil homme fouilla frénétiquement dans ses poches, puis en tira un bout de parchemin soigneusement roulé.

- V... Voilà, c'est tout ce que je peux vous fournir... Faites attention... Je ne voudrais pas qu'il vous arrive... Quelque chose...

- Nous partons tout de... Waoooh !! S'interrompit Ulfgar, violemment tiré en arrière par la jeune femme, visiblement en colère.

- Mais qu'est-ce qui t'a pris ??? Siffla t-elle. On ne peut pas aller là-bas !!! Tu n'as donc jamais entendu ce qu'on raconte sur Solstheim ?

- Ecoute Haema, on a vraiment besoin de cet argent...

- Mais tu ne sais même pas combien il va nous donner !

- Mais tu l'as bien vu, non ? Il est complètement déséspéré ! On ne peut pas le laisser comme ça !

- C'est tout lui, ça, pensa t-elle. Toujours penser aux autres avant de penser à soi-même...

- Tu verras Haema, tout va bien se passer, dit-il avec un charmant sourire, celui auquel elle ne résistait jamais.

Elle leva la tête, et eut le malheur de croiser ses magnifiques yeux bleus.
Un regard et un sourire... Il n'en fallait pas plus pour faire céder la jeune femme...

- Bon, ça va... Tu as gagné... Soupira t-elle. Allons-y...

Le voyage dura cinq jours, après lesquels ils purent enfin poser les pieds sur Solstheim.
Le jeune homme sortit la carte, l'observa quelques instants, et déclara :

- Bon, le tertre est au nord, je suppose que l'aérostat ne doit pas en être très loin...

- Tu sais, les cartes et moi... Répondit la jeune femme d'une voix fébrile. Elle était d'une paleur extrème (elle avait du mal à supporter les trajets en échassiers des marais, et le bateau la rendait malade),ses yeux étaient cernés, et avançait d'un pas chancelant.

- Allons-y. Dis Ulfgar en souriant.

Ils s'engagèrent donc dans la grande forêt de Hirstaang. Magnifique, si on enlevait toutes les créatures qui la peuplaient, et qui étaient particulièrement dangereuses et difficiles à tuer, comme les sprigganes ou les ours... Heureusemment, il faisait beau, et les deux Nordiques ne sentaient quasiment pas le froid, grâce à leur immunité (quelle bénédiction ! Sans elle, les sorcières de givre deviendraient bien plus que de simples dangers ! ).

Le voyage dura cinq jours.

A l'aube du sixième, alors qu'ils arrivaient vers les montagnes de Moesring, Haema aperçut un gros morceau de métal, à moitié enterré dans le sol, et recouvert par le givre. Elle s'agenouilla, écarta une mèche de ses cheveux, et entreprit d'extirper l'objet du sol. Il était cependant beaucoup trop lourd pour elle, et même avec l'aide d'Ulfgar, elle ne parvint pas à le soulever.

- Sûrement une pièce de l'aérostat, déclara la jeune femme, d'une voix légèrement inquiète. Nous sommes sur la bonne route !  J'éspère seulement qu'il ne leur ait rien arrivé...

Cette nouvelle leur redonna un peu d'espoir (mais généra aussi de nouvelles inquiétudes), et ils continuèrent leur chemin.

Pas longtemps.

A peine une demi-heure plus tard, ils découvrirent le reste de l'aérostat, quasiment enseveli sous la neige, ainsi que tout les membres de l'équipage. Il n y'avait aucun survivant. Les deux Nordiques auraient pourtant apprécié un bon feu, et un endroit où dormir ! Ils étaient dans un piteux état, leurs vètements et armures étaient déchirés un peu partout, à cause des combats, les mains d'Haema  étaient complètement gelées, puisqu'un loup l'avait mordu à la main, et lui avait arraché un gant, en lui occasionant une belle blessure (pas très pratique pour le tir à l'arc), et il ne restait de l'autre que quelques morceaux de cuir, qui l'encombraient plus qu'autre chose, et qu'elle avait finis par jeter.

Ulfgar s'empara du journal posé à coté du capitaine, le parcourut rapidemment, éspérant y découvrir une information plus précise sur l'emplacement du tertre, mais il ne trouva rien. Il le garda quand même, "en souvenir", dit-il, puis ils rassemblèrent leurs dernières forces, et escaladèrent la montagne. La dernière étape avant de trouver le tertre...

Le vent se leva soudain. Violent, glacé, contre lequel même l'immunité au froid des Nordiques ne résistait pas... Haema eut une brève pensée pour les Bersekers, et comprit alors pourquoi le froid les avaient rendus fous (Ce qu'elle ne comprenait toujours pas, en revanche, c'est pourquoi est-ce qu'ils se promenaient à moitié nu dans la neige, mais bon, ils devaient avoir leurs raisons...). Puis la neige se mit à tomber à son tour, fouettant les visages découverts des deux Nordiques déjà frigorifiés, les empêchant de voir à plus de deux mètres.

- Allons bon... Maugréa Ulfgar. Une tempête de neige... On avait bien besoin de ça...

La jeune femme ne répondit rien, n'ayant même plus la force de bouger les lèvres.

Après une longue heure d'errance, ils finirent enfin par arriver au tertre d'Hrotmund, qu'ils découvrirent complètement par hasard sur le flanc de la montagne.

- Enfin !!! Murmura t-il d'une voix soulagée. Encore un petit effort, Haema, nous y sommes presque !!

Et alors qu'il allait toucher la peau d'ours qui recouvrait l'entrée, un loup des neiges jaillit de nulle part, et lui sauta à la gorge. Le Nordique n'eut pas le temps de réagir, et s'effondra sous le choc. Sa tête heurta une des pierres dont l'entrée du tertre était constituée.

- Ulfgar, non !! Cria la jeune femme, d'une voix desespérée.

Le loup se tourna alors vers elle, et eut seulement le temps de voir l'épée de la Nordique, tremblante de rage, s'abattre sur lui avant de mourir.  

Elle se précipita vers le corps inanimé du Nordique.

- Ne m'abandonne pas, murmura t-elle. Ne m'abandonne pas...

Il était déjà trop tard. Son coeur s'était déjà arrêté de battre de battre, et ses yeux s'était fermés à tout jamais...

- Non... Ce n'est pas possible !! Dit la jeune femme, en larmes.

Elle essaya de lancer un sort de soin, bien qu'elle sache que cela ne changerait rien, mais elle était trop fatiguée, et ne parvint même pas à soigner une seule de ses propres égratignures.  

Elle resta une bonne demi-heure agenouillée dans la neige. Elle ne sentait plus rien, ni le froid, ni le vent, ni la douleur de sa blessure à la main, plus rien... " Il faut que je me réveille, pensait-elle. Il faut que je me réveille... Ce n'est qu'un mauvais rêve... Oui... Un mauvais rêve... Rien d'autre...".  

Mais les minutes passaient, et elle ne se réveillait pas.

Se rappellant soudain de sa mission, elle se releva en titubant, s'approcha de la porte et tenta d'entrer. Une voix d'outre-tombe retentit :

- Crinière de lune et dents étoilées,
Fléau de Hrothmund ainsi certains m'ont nommé.
Je suis le loup qu'une âme peut dompter
En énoncant le nom qui m'a été donné.
Point de mensonge, il me faut la vérité,
Et mes richesses cachées vous gagnerez.
Une mauvaise réponse, et pour l'éternité
Ma porte de de glace sera scellée.
Quel est mon nom ?


- On... Ondjage, répondit la jeune femme.

- Vous avez bien parlé et ainsi gagné
Car Ondjage est bien le nom qui m'a été donné
Vous avez maintenant accès au tertre de Hrothmund !!


Bien maigre consolation, quand on pense à ce qui venait de lui arriver...

Elle entra en grelottant, d'un pas mal assuré. Le tertre était sombre, et elle n'avait pas de torche. Elle marcha en tatônnant jusqu'au centre de la crypte, où elle aperçut un objet brillant posé sur une grosse pierre, dans laquelle une hache était profondemment enfoncée. Les battements de son coeur s'accélérèrent. Enfin ! Après tous ces efforts, l'amulette était enfin à elle... Elle prit le bijou, le contempla quelques instants, puis le rangea en soupirant.

- Tout ça pour ça... Lança t-elle, pour se rassurer, et briser le silence pesant qui l'entourait, et  la rendait nerveuse.

Un bruit retentit derrière elle. Elle se retourna subitement, le coeur battant à tout rompre, et aperçut un squelette qui ressemblait vaguement à celui d'un loup (difficile à dire, il devait bien lui manquer la moitié des os). Elle plissa les yeux, croyant avoir mal vu, mais il s'avança de quelques pas, et lui confirma que c'était bien un squelette de loup. Il s'élança soudain en courant vers elle (malheureusement, tous les os de ses jambes étaient présents), et chercha à la déséquilibrer. Paniquée, la Nordique lui jeta trois boules de feu, qui eurent raison de lui. Cependant, ce dernier effort l'avait vidée du peu qu'il lui restait en énergie, et elle s'endormit, à même le sol, devant la hache de Hrothmund.

Elle se réveilla une dizaine d'heure plus tard. La neige avait cessé de tomber et il n y avait pratiquemment plus de vent. Le soleil était en train de se lever, colorant le ciel d'un mélange de violet, de bleu et d'orange. Elle sortit du tertre, l'esprit encore embrumé,s'agenouilla une derniere fois à coté du cadavre d'Ulfgar, puis partit, en ayant pris soin d'emporter le journal du capitaine que le Nordique avait gardé.

Elle passa une semaine à errer, le regard vide, la faim lui tenaillant le ventre, puis finit par atterir, sans trop savoir comment, à Thirsk, où elle put enfin se réchauffer, et  manger autre chose que du loup à peine cuit. Quelqu'un la prit en pitié et la ramena à Fort Molène, où elle prit le bateau pour rentrer à Vardenfell.

Une fois arrivée à Ald'Rhun, elle se dirigea vers "l'homme de la guilde des mages", et lui tendit l'amulette, sans dire un mot.

- Vous avez retrouvé... l'amulette ? Vous avez vraiment retrouvé l'Amulette de Charme contagieux... et vous me l'avez ramenée ? Oh, c'est merveilleux ! Je vous en serai reconnaissant jusqu'à la fin de mes jours ! Tenez... s'il vous plaît... prenez cet or. (Il lui tendit une bourse relativemment lourde)  C'est... la moindre des choses. Vous savez... je me demande quand même... enfin... j'aimerais savoir... ce qui est arrivé à l'aérostat. Après tout, ça a quand même coûté... enfin, je veux dire, beaucoup d'or a été investi...

- Il s'est écrasé. Il n y'avait pas de survivants.

Elle lui tendit le journal.

- L'aérostat s'est... écrasé ? C'est horrible, affreux... quelle perte de temps... et d'argent !
Hein ? Ah oui, et de vies humaines, aussi. Après tout, il ne faut pas oublier l'équipage. Et bien... merci beaucoup de m'avoir relayé ce... cette... cette information. Mais... Où est passé le jeune homme qui vous accompagnait ? Ne me dites pas que...

- Si.

- Je suis vraiment...

- Je dois vous laisser, au revoir.

Elle partit, sans lui laisser le temps de finir, et s'engouffra dans la première taverne venue, en l'occurence, La Marmite Du rat.



                                    

******


- Je comprends, lâcha l'aubergiste. Cela a dû être vraiment difficile pour vous... Je suis... Vraiment désolé...

Elle lui fit un pâle sourire.

- Ce n'est pourtant pas de votre faute...

Elle se leva subitement, paya l'aubergiste, puis sortit. Raconter tout ça l'avait un peu allégée, elle se sentait mieux. Elle balaya la rue du regard. La nuit était tombée, les gens étaient rentrés chez eux, et seul quelques gardes en patrouille éclairaient de leurs torches les rues sombres de la ville. Il fallait qu'elle trouve un endroit où dormir, elle aussi...Peut-être à la guilde des guerriers... Il y'avait toujours de la place pour les membres... Bon, ce n'était pas très confortable, mais au moins, elle n'aurait rien à payer... Et peut-être que  le lendemain, elle pourrait demander si il y'avait une mission de disponible... Elle était venue pour ça, non ? Ulfgar n'aurait pas voulu la voir se morfondre dans une taverne toute la journée,  et si elle voulait éviter d'y penser, il fallait qu'elle s'occupe...
Elle sourit. Une page venait de se tourner, et elle allait en écrire une nouvelle...






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#12 jeanlouis

jeanlouis

    814ème majorette évadée


Posté 04 septembre 2008 - 11:02

Les 7 victimes

Son activité de livreur de russulita aux champignons lui ayant permis de se constituer un petit pécule, Pourcempécé décida de poursuivre son voyage.
La qualité dont il avait fait preuve dans cette gustative fonction l’avait fait remarquer et on lui avait proposé maint emplois, dont un émanait d’un certain Caïus Cosades, un homme louche à qui il avait livré un paquet non moins suspect lui aussi, en plus de la russilita à la gelée de scrib, « y en a qui ont de drôle de goût, quand même », mais il avait refusé ; l’ordre des lames auquel on lui proposait d’adhérer sentait plutôt l’ordre des larmes.  

Il fit part de sa décision à Ajira qui s’en trouvait désolé bien sûr, mais son affaire s’était énormément développée grâce à lui et la renommée grandissante aidant, beaucoup de jeunes la sollicitait  pour se faire engager et une montagne de CV spontanés ( Cherche Vocation) énumérant souvent une liste de diplômes inutiles pour livrer de la russulita, même bien préparée, s’entassait sur son bureau. La main d’œuvre ne manquerait donc pas.

Pourcempécé quitta la guilde des mages avec l’intention de se rendre à Vivec, la capitale, mais ne voulant pas avoir l’allure d’un pécore se rendant au salon annuel du Guar dwemer à pédale il se dirigea tout d’abord de l’autre côté de la place chez  Glagius Clanller le tailleur où il fit l’emplette de quelques vêtements un peu plus présentables. Ceci fait, il alla prendre l’échassier des marais, celui de 15h41.

L’échassier était bondé, c’était l’heure de sortie des rond-de-cuir de l’empire mais tant pis, on se serrerait un peu, malgré cette affluence le trajet se passa bien, sans incident notable, juste une petite algarade entre une jeune elfette courte-vêtue souffletant un vieil orc dont la main tremblotante avec effleurée, par mégarde disait-il, la croupe potelée.

Enfin l’échassier arriva à sa destination et à peine débarqué la vision était grandiose, il avait devant lui des sortes de tours comme écrasées par le pilon des dieux en colère, leur donnant une forme pyramidale, dessinées sur le modèle d’un architecte étranger, Lekor’buzier et construites par Bohuiggue, une entreprise n’utilisant qu’un seul type de matériaux inventé par un breton, qu’un scribe apathique, consultant sans arrêt un étrange appareil dwemer nanti de deux aiguilles se poursuivant l’une l’autre, avait dans son indolence si particulière à sa profession, très mal orthographié et donné le nom de béton.

Toutes ces constructions baignant dans l’eau profonde de canaux alimentés par les flots de la mer toute proche étaient ceintes de boulevards circulaires, sans doute pour permettre à la garde qui patrouillait sans relâche d’en assurer aisément la défense.

Pourcempécé s’approcha de l’accès au quartier étranger et franchit le premier pont qui  s’appelait « san gate » ce qui en langage du coin voulait dire « à la porte ».

Très accueillante la Capitale ! Hélant un quidam qui passait par là ce dernier l’informa qu’il lui fallait sans retard allait  se présenter au bureau de la garde situé dans le quartier du Temple, non s’en l’avoir prévenu que Vivec était particulièrement dangereuse ces derniers temps, des meurtres atroces venaient de s'y commettre , sept victimes étaient dénombrées, toutes la gorge tranchée, cinq d’entre elles étaient des étrangers et 2 ordonnateurs, et lui conseilla la plus grande vigilance.
C’est un peu inquiet que Pourcempécé se mis en recherche du bureau de la garde.

Après avoir tourné un peu en rond, tous les quartiers se ressemblaient, l’architecte avait fait ce qu’on appelait un copier/coller en langage architectonique il n’eut comme seule ressource que de lancer un sort de GPS ( Grande Prospection de situation ) et finit par repérer l’antre de l’administration militaire de Vivec
Un lieu  entremêlé  de couloirs et de portes qu’ il lui fallut ouvrir une à une pour enfin dénicher le bureau recherché.

Deux gardes étaient là, à leur rien faire habituel, debout, la mine renfrognée, leur nom inscrit sur un petit parchemin plié en deux posé au centre de leur bureau, bien mis en évidence, faisant état de leur prétentieuse position.
L’un s’appelait Tarer Braryn et l’autre Elam Andas, Pourcempécé » décida de s’adresser à ce dernier qui lui semblait presque intelligent.
- Bonjour, je me nomme Pourcempécé et j’arrive de Balm..…

- Je ne vous connais pas ! Que voulez-vous ?


Quel l’accueil ! Pas chaleureux du tout, glacé même, mais Pourcempécé avait appris comment amadouer ce genre d’individu peu amène, il préleva de sa bourse une pièce d’or qu’il déposa discrètement sur le bureau et s’approchant d ‘Elam Andas, lui mumura à l’oreille.

- Pour les bonnes œuvres de la Garde

- C’est aimable à vous, mais nos orphelins sont nombreux…


Pourcempécé compris rapidement le message et une autre pièce vient rejoindre la première sur le bureau poussiéreux.

- Très nombreux nos orphelins ! Les terres cendres sont impitoyables.

Pourcempécé replongea la main dans sa bourse et se dit qu’il lui fallait faire un effort pour ces malheureux orphelins qui avaient perdus leur parent tragiquement, mais qui ne manquaient pas de tuteurs apparemment, il déposa sur le bureau plusieurs pièces supplémentaires.

- Très très très nombreux nos orphelins !

Pourcempécé se dit qu’à ce rythme c’est sa bourse qui allait devenir orpheline, mais bon il fallait en passer par là pour ne pas circuler en ville sous l’œil suspicieux de la garde et à regrets il déposa de nouveau quelques pièces sur le coin du bureau. Un petit monticule avait pris forme et luisait sous le faible éclairage de la pièce, le garde y jeta un cupide coup d’œil et d’une main aussi vive qu’un coup de bec d’un braillard des falaises, fit disparaître le tout dans une poche de son armure.
Cette  brusque et soudaine appropriation eut comme effet une amabilité soudaine doubler d’une politesse frôlant l’obséquiosité.  

- Je suis Elam Andas, chef de l'Ordre de la Garde de Vivec. Voulez-vous me poser des questions sur mon métier ? Ou cherchez-vous un petit travail ?

- Du travail, je ne suis pas contre, avez-vous une tâche à me confier ?

- Nous avons en ce moment même un grave problème.

- De quoi s’agit-il précisément ?

- Plusieurs meurtres se sont produits à Vivec, ces temps-ci. Toutes les victimes ont eu la gorge tranchée et la plupart ne semblent pas s’être débattues. Cinq d’entre elles sont des étrangers, les deux autres étant des Ordonnateurs. Ces derniers étaient armés et de garde, mais ils n’ont même pas eu le temps de se saisir de leur arme. Aucune des victimes n’a été dévalisé

- Oui, on m’en a déjà parlé et que voulez-vous que je fasse ?

- Je suis dans l’incapacité de vous engager, car seuls les Ordonnateurs peuvent faire partie de l’Ordre de la Garde. Mais je vous promets une belle récompense si vous nous débarrassez du tueur et si me venez nous faire votre rapport. Rien ne vous oblige à accepter mais, si cela vous intéresse, je peux vous dire ce que nous savons au sujet des sept victimes et ce que les témoins ont vu.

- S’il y a récompense, ça m’intéresse bien sûr, allez-y dites-moi ce que vous savez.

- Aucun des cinq étrangers tués n’était arrivé à Vvardenfell depuis plus d’une semaine.

- Comme moi ? ça commence très fort, vous n’auriez pas plutôt un p’tit boulot de gratte papier, un truc simple, tenez par exemple : la gestion des dons anonymes ou mieux faire la comptabilité de votre orphelinat par exemple, ça pourr…

- Taisez-vous ! Ecoutez donc la suite….. voilà  Trois ont été retrouvés dans le quartier étranger, deux dans des couloirs et un au bord d’un canal, un autre dans le quartier Hlaalu et le dernier flottant dans l’eau, près de l’Arène

- C’est tout ? c’est maigre et sans indice, mais finalement très simple, voyons…. trois étaient sans papiers donc sans existence, il ne suffit pas d’avoir un corps et un esprit, encore faut-il avoir des papiers ! Vous le savez bien c’est vous qui les attribuait au gré de vos humeurs, ils étaient déjà morts avant d’exister !
Les deux suivants voulant régulariser leur situation se sont perdus dans les méandre de votre administration, mort de lassitude et de désespoir à ne pas trouver le bureau, le garde, le chef pour régler leur problème, toujours mal renseigné bien intentionnellement par vos sbires pourtant nombreux et faciles à trouver car toujours regroupés près du distributeur dwemer de Matze au kanet doré et par d’autre aussi nombreux mais qui n’aiment pas être dérangés pendant la préparation de leur pari sur les courses de guar.
Un autre, celui qui pêchait au bord du canal s’est fait bouffer par un poisson carnassier qui en avait marre de nager dans une eau de plus en plus polluée par vos immondes égouts.
Celui du quartier Haalu, une bavure sans doute, un ordonnateur l’aura soupçonné d’un emprunt maladroit de Cube Dwemer et l’a occis sans autre forme de procès.
Quand au dernier, un sans abri qui campait au bord du canal sous une tente de fortune sera tombé à l’eau pendant sa revasserie d’une luxueuse maison à Balmora.

- Vous êtes sûr ?

- Certain ! C’est tellement évident

- Mais on nous a dit qu’ils ont tous eu la tête tranchée avec une dague !

- Fariboles de vos bardes, qui dans l’étrange lucarne Dwemer, veulent se faire mousser et faire de l’audience.

- Ben, vous alors ! vous en connaissez des choses

- Hum…..et si on reparlait de ma récompense maintenant que j’ai résolu cette affaire, hein ?

- Oui, oui, voilà, je vous laisse le choix entre la Ceinture de l’Armure de Dieu ou un casque et une cuirasse indoril.

-  Je vais prendre la ceinture, dans le cas où un jour prochain il faudra que j'me la serre…ahahhahah ! Adieu !


#13 Thaeris

Thaeris

Posté 05 septembre 2008 - 22:16

Morag Tong : contrat sur Guril Réthéran

Les Fleurs d'Or

  

              Un décor simple. Un bar sans prétentions. Mobilier de bois rustique, à peine dégrossi. Quelques Kanets, deux tapisseries miteuses en guise de décoration. Au lever du rideau, tous les personnages sont en scène. Ils bavardent, boivent, aiguisent leurs couteaux.

              Le Prologue se détache et s’avance.

  

  

LE PROLOGUE

  

              Voilà. Ces personnages vont vous jouer l’histoire de Guril Retheran. Guril, c’est l’assassin en robe qui est debout là-bas, et qui ne dit rien. Il regarde droit devant lui. Il pense. Il pense qu’il va être Guril Retheran tout à l’heure, qu’il va surgir soudain du maigre dunmer noiraud et renfermé que personne ne prenait au sérieux dans la famille et se dresser seul face à la   Morag Tong, seul en face du Névérarine, son assassin, qui est le héros. Il pense qu’il va mourir, qu’il est jeune et que lui aussi, il aurait bien aimé vivre. Mais il n’y a rien à faire. Il s’appelle Guril Retheran et il va falloir qu’il joue son rôle jusqu’au bout…

              Et, depuis que ce rideau s’est levé, il sent qu’il s’éloigne à une vitesse vertigineuse du lieu où il se trouve, Les Fleurs d’Or, du quartier Rédoran, de Vivec, de Nirn, de nous tous, qui sommes là bien tranquilles à le regarder, de nous qui n’avons pas à mourir ce soir.

              Le dunmer au bouclier, qui parle avec la rousse, la belle, l’aubergiste Sorosi, c’est Talis Drurel, l’entraineur de Guril. Il est de la maison Rédoran. Tout le portait vers la maison Telvanni : son goût de l’esclavagisme et de l’intrigue, son goût du pouvoir et de la réussite, sa roublardise aussi, car Talis est bien plus sournois que Guril, et puis un soir, un soir de beuverie qu’il n’avait passé qu’avec des Telvanni, un soir où Talis venait de voler la bourse d’un marchand, il a été trouver le recruteur Rédoran qui rêvait dans son coin, comme en ce moment, le regard fixe, au garde à vous, et il lui a demandé pour s’engager. Personne n’a jamais compris pourquoi. Le recruteur a baissé sans étonnement ses yeux graves sur lui et il lui a dit « oui » avec un petit sourire triste… L’aubergiste attaquait un nouveau tonneau de mazte, ses comparses riaient aux éclats, là-bas, au milieu des autres Telvanni, et voilà, maintenant, lui, il allait être l’entraineur de Guril. Il ne savait pas que Guril ne devait plus jamais s’entrainer sur cette terre et que ce titre honorifique lui donnait seulement le droit à l’allocation chômage.

              Cet homme nerveux, aux cheveux en bataille, qui s’agite là, près de sa table, c’est Rothis Nethan. C’est un savant. Il a des cernes, il est fatigué. Il joue au jeu difficile d’éviter un duel d’honneur. Avant de rencontrer Faral Retheran, quand il n’était qu’un savant parmi d’autres, il aimait la musique, les belles reliures, les longues flâneries chez les petits libraires du quartier étranger. Mais il s’est accroché avec Faral Retheran. Il a laissé ses livres, ses objets, il a retroussé son pantalon et a pris ses jambes à son cou.

              Quelquefois, le soir, il peine à trouver le sommeil, et il se demande s’il n’est pas vain de tenter d’éviter un duel d’honneur. Si cela n’est pas une tache sordide à effectuer et à laisser derrière soit, quelqu’en soit l’issue… Et puis, au matin, sa peur de la mort le reprend, et il se cache, l’estomac noué, comme un fraudeur fiscal.

              La jolie dunmer qui lave une chope, à côté du comptoir, c’est Sorosi Radobar, la propriétaire des Fleurs d’Or. Elle servira à boire à ces messieurs, jusqu’à ce que son tour vienne de se lever et de crier à l’assassin. Elle est bonne, digne, aimante. Elle ne lui est d’aucun secours. Guril est seul, seul avec son entraineur qui est trop saoul et qui ne peut rien non plus pour lui.
              
              Ce garçon pâle, là-bas, au fond, qui rêve, adossé au mur, solitaire, c’est le Messager. C’est lui qui ira annoncer la mort de Guril tout à l’heure. C’est pour cela qu’il n’a pas envie de bavarder ni de se mêler aux autres. Il sait déjà…

              Enfin, le dernier acteur de cette petite tragédie, celui dont les étoiles chantèrent le nom à sa naissance. L’héroïque réincarnation de Névérar, l’élu d’Azura. Il n’a rien trouvé de plus héroïque à accomplir ce soir que de mettre un terme à l’existence d’un brave dunmer. Ce n’est pas un mauvais bougre, il ne fait que son travail et il vous pourfendra héroïquement Dagoth Ur, mais cela ne retiendra pas sa lame lorsque l’heure sera venue pour Guril Retheran de mourir.

              Et maintenant que vous les connaissez tous, que LE PROLOGUE est sorti, ils vont pouvoir vous jouer leur petite scène, bien orchestrée, parfaitement exécutée, sans bavures ni plus d’éclaboussures que nécessaire… Le héros s’approche, arme au clair. Sa lame glisse sans rencontrer d’obstacles entre les côtes de Guril, qui ne crie pas, tout préparé qu’il était. C’est à peine s’il a un froncement de sourcils que déjà il chute, comme une marionnette dont on aurait coupé les fils. Et c’est au tour de Sorosi de pousser son grand cri horrifié, de crier au meurtre tandis que Turil choit de son tabouret et que le névérarine essuie soigneusement son arme. Il perçoit également la course du garçon qui va chercher les gardes, pendant que son sang finit de tacher le tapis miteux sur lequel il s’est affalé. Sa conscience de la scène, qui s’effiloche rapidement, l’informe que l’aubergiste s’est évanouie, et que son assassin s’éloigne tranquillement, alors que Turil rend son mazte et ses ignams des cendres presque à l’endroit où il les a mangés. Rothis n’a rien vu de la scène tout occupé qu’il était à se terrer, et le peu qu’il en a entendu ne l’a pas incité à sortir de sa cachette.

              Le tueur ne sera pas inquiété, ses papiers sont en règle, et quiconque osera rendre justice au défunt devra se heurter aux mêmes gardes que le garçon était parti avertir.

  

  Car la justice n’autorise que les meurtres planifiés et ordonnés à l’avance.

#14 Not Quite Dead

Not Quite Dead

    Rincevent


Posté 07 septembre 2008 - 00:20

Umbra

Curieux crépuscule:
Un corps enfin transpercé
Râle, satisfait.



#15 Thaeris

Thaeris

Posté 14 novembre 2010 - 18:51

Le pèlerinage des sept grâces.

Le sanctuaire de la Fierté.


La route continuait à travers le désert, et le Pèlerin la suivait.

En matière de désert, celui-ci était une apothéose : gigantesque, tendu vers le ciel dans ce qui ressemblait à l'éternité, dans toutes les directions. Il était noir, étouffant et aride, parsemé de creux et de pics, d'arbres morts et de racines de trama, surplombé au loin par les hauteurs démentielles du Mont Ecarlate, et balayé de temps à autres - trop souvent – par les terribles tempêtes du Fléau, faisant naître des rêves, puis des cauchemars, la folie, et pour finir la maladie et la mort (bien qu'il n'y eût pas de sable, rien qu'une croûte dure – même les vents violents qui soufflaient une fois l'obscurité venue ne faisaient que soulever une poussière rouge et âpre comme de la poudre à récurer).

Ça et là, les os blanchis d'un cadavre achevant de se décomposer indiquaient le chemin, car ce sentier à la dérive qui se creusait une voie dans l'épaisse croûte de cendre avait été une grande route. Convois de marchands et de soldats l'avaient empruntée. Depuis lors, le monde avait changé. Le monde s'était vidé.

Le Pèlerin s'était trouvé frappé d'un vertige passager, comme s'il avait fait une embardée ; une sensation qui avait donné au monde entier une dimension éphémère, presque comme si on pouvait voir à travers. Le vertige passa et, comme ce monde sur le cuir duquel il cheminait, il changea de perspective. Il fit défiler les kilomètres d'un pas égal, sans presser l'allure mais sans traînasser. Une outre de peau lui ceignait la taille comme une saucisse de Nix boursouflée. Elle était presque pleine. Il progressait ainsi sur les routes depuis des années, et avait enfin atteint la septième étape de son pèlerinage. S'il avait été un saint dunmer, il n'aurait probablement pas ressenti la soif ; il aurait pu regarder son corps se déshydrater avec un détachement clinique, n'en humecter les crevasses et les sombres replis internes que lorsque la logique le lui aurait dicté. Cependant il n'était pas l'une de ces figures de légende, ni un cendrais, et ne se considérait en aucun cas comme un saint. Autrement dit, il n'était qu'un pèlerin ordinaire, et tout ce qu'il pouvait affirmer avec certitude, c'est qu'il avait soif. Pourtant il ne ressentait aucune urgence particulière de boire. Et tout cela le réjouissait, d'une manière assez floue. C'était ce qu'exigeait ce pays, ce pays assoiffé ; et durant toute sa longue vie, il avait été avant tout adaptable.

Sous l'outre bombée était fixée son arme, soigneusement aiguisée et équilibrée à la main ; il avait fallu ajouter un placage lorsqu'elle lui avait été transmise par son père, car ce dernier était plus léger et plus petit que lui. La graisse avait pénétré si profondément le cuir de l'étui que même ce soleil philistin ne parvenait à le craqueler. La poignée était en bois de santal, d'un grain jaune, très fin. Des lanières de cuir brut maintenaient l'étui en place sur sa cuisse, contre laquelle il battait, au rythme de ses pas. Le frottement avait dessiné une demi-lune plus claire et moins épaisse sur le tissu de son habit, un arc incliné rappelant presque une balafre. Les clous de cuivre fichés dans le ceinturon dessinaient des hologrammes dans la lumière du soleil.

Sa chemise, de cette non-couleur propre à la pluie et à la poussière, était ouverte sur la gorge, et ornée d'une lanière de cuir, qui pendait mollement des œillets perforés à la main. Son chapeau avait disparu. De même que le cor qu'il avait porté jadis. Disparu depuis des années, ce cor qu'il avait laissé échapper des mains d'une amie mourante, en quête des champs de Kummu, et tous deux lui manquaient… Trop d'amis étaient tombés sur la route, et il était à présent le dernier à cheminer dans les pas de Vivec. Même son guar n'avait pas dépassé le sanctuaire de la Justice.

Il atteignit le sommet d'une dune en pente douce. Là, il aperçut enfin le but de son long périple : le sanctuaire de la Fierté, se découpant avec arrogance de la paroi de lave noire contre laquelle il était érigé. Dans quelques instants il verrait s'achever la terrible croisade qui lui avait pris tant d'années et d'amis. Incrédule, ivre de soleil et d'un sentiment de victoire se teintant d'amertume, il dévala moitié courant, moitié titubant la dernière pente le séparant du monolithe, de pierre mordorée, détonnant singulièrement dans ce paysage lunaire.

Le Pèlerin s'écroula au sol, à genoux devant son Graal, se remémorant chaque instant de ce voyage tandis que ses mains parcouraient avec fébrilité poches et sacoches, recherchant la gemme spirituelle qui viendrait s'ajouter à la mer de celles déposées par ses prédécesseurs, ressortant plus ou moins de la cendre. Sa gemme déposée, il resta encore un moment prostré, alors que des images appartenant à un autre que Lui lui traversèrent l'esprit, en un tourbillon de couleurs, de batailles et d'émotions, fortifiant son corps et son mental. Se relevant, il prit note des nombreuses ombres s'étant rapprochées pendant sa prière.

Le Pèlerin poussa un soupir las, son épée allait encore servir. Que Vivec soutienne son bras.

Modifié par Thaeris, 14 novembre 2010 - 19:10.

Orthopuriste faisandé Image IPB ; Fringant Pistolero de l'Incontinence Artésienne ; Scénariste - en pause - pour M3E433.

"D'accord, c'était un voleur et un terroriste... Mais c'était aussi un magnifique baryton !"




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