Sacs à dos avec vêtements chauds et de rechange, trousse de secours complète plus deux tubes d'aspirine (faute de morphine, ça peut aider à marcher avec un membre cassé), lampe torche, radio (celle pour écouter la musique et les nouvelles du monde), le livre de survie cité plus haut, couverture de survie, sacs plastiques (pour protéger certaines choses de l'eau y compris les pieds si nécessaire et pour ramener les déchets), allumettes espagnoles qui s'enflamment sur n'importe quel truc râpeux, tablettes à brûler avec leur mini réchaud, gourde et pastilles pour purifier l'eau, gamelle, canif multi lames, poignard, stylo lance fusées, corde et ficelle, boussole, carte IGN, jumelles, sac de couchage et quelques autres bricoles que je dois oublier… Ha oui, quelques produits lyophilisés, potages, sel, sucre, café, chocolat, pipe et tabac, et une demi tonne de conserves.
Sinon, de bonnes chaussures de marche, une casquette, k-way (blouson et pantalon), des gants, des vêtements en coton épais…
Sur la carte d'état major tout semblait assez plat. Sur le terrain ce fut une autre musique. Après presque 3 heures de marche en montée moyenne à très accentuée et quelque haltes méritées on finit par arriver à grand un lac. Le refuge visé se trouve au nord-est et entre lui et nous une chaîne de montagne. On vise ce qui ressemble le plus à un col et, après une demie heure de repos et un petit repas réconfort, on attaque l'ascension : Neige, éboulis, escalade, corniches, on se retrouve crevés et en pleine haute montagne avec le brouillard qui commence à tomber et le moral aussi. J'estime notre position et la direction à prendre, direction qu'il est difficile de tenir vu le terrain qui oblige à mille détours. Faux plats, champs de neige, descentes en skiant sur nos godasses, quelques chuttes comiques, montées crevantes, une grosse frayeur quand je me retrouve au bord d'un à-pic invisible car tout est blanc uniforme et j'ai failli plonger pensant que le terrain continuait à l'horizontale. Autres frayeurs sur des corniches à décourager un isard et où les sacs à dos bien dodus deviennent un handicap.
On commence à avoir un petit coup au moral, déjà près de 7 heures qu'on a quitté la voiture. Il fait froid, on est au mois de juin mais il y a de la neige partout, on ne s'y attendait pas. On n'y voit plus grand-chose et on discute pour savoir s'il ne vaut pas mieux s'arrêter, se couvrir comme des malades, se faire un potage bien chaud et attendre le lendemain. Puis, coup de bol, le brouillard semble se dissiper, le nuage est passé, on continue !
On finit par apercevoir une série d'étangs et de petits lacs avec tout au fond celui où se trouve le refuge. Ca ne parait pas trop loin, on devrait arriver bien avant la nuit. En fait il nous a encore fallu plus de 2 heures pour y parvenir gelés, trempés et à bout de fatigue après de nouvelles galères : traversée à plat ventre sur un pont de neige de peur qu'il ne s'effondre sous nos poids, traversée de la rivière qui alimente le lac avec de l'eau glacée jusqu'aux cuisses (on a épargné le principal de quelques centimètres) et pour finir on s'est fait toute la rive gauche du lac dans des éboulis éprouvants (alors qu'il y avait plus haut un sentier bien peinard) manquant de rouler à tout moment vers le bain, avec les pieds gelés et trempés qui faisaient "plash, plash" dans les chaussures, et un épuisement vraiment total faisant paraître les derniers mètres comme des kilomètres mais le refuge est au bout.
Le bonheur au bout avec du bois tout prêt à brûler dans la cheminée, un toit, des murs, une porte, une table, des bancs, des matelas, des bougies, des conserves (bon ça on avait et on en a nous aussi laissé en partant avec du bois pour la cheminée et tout et tout, comme ça se fait dans tous les refuges paumés de nos montagnes). Le pied ! je vous dit. D'ailleurs les pieds on les a longtemps laissés devant le feu à coté de nos pompes et des chaussettes en chantant tout ce qui nous passait par la tête.
On a passé trois jours à beaucoup flemmarder et un peu randonner dans le secteur. On n'a eu qu'une visite, trois hommes qui venaient d'un endroit bien plus près (seulement deux heures et demi de marche) qui ont mangé avec nous puis sont repartis, mais quand on leur a dit d'où on venait et par où on était passé ils nous ont regardé comme si on était des fous, ils n'en revenaient pas (on a eu de la chance de s'en tirer à si bon compte en fait) et en nous indiquant sur la carte un chemin beaucoup plus facile au retour pour éviter la chaîne de montagne, un vrai col quoi, qui contournait tout ça. Plus long et plus loin sur la carte mais tellement plus rapide et aisé sur le terrain.
Au départ, on pensait rester un peu plus mais le temps n'étant pas terrible, au bout de trois jours, on a pris le bon chemin de retour qui nous a évité de nombreuses difficultés de l'allé.
Et puis les sacs étaient beaucoup plus légers, adieu thons, sardines, raviolis et cassoulets, ce qu'on n'avait pas mangé, on l'avait laissé.