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[rp] Seyda Nihyn


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260 réponses à ce sujet

#226 redolegna

redolegna

    Les vacances de Monsieur Hulot


Posté 05 octobre 2007 - 17:10

Dolvane dédia un grand sourire à Aëana.

"Il se passe que mon adieu était peut-être prématuré, damoiselle d'Althée. Comme je vous l'ai dit, je comptais me rendre au sud, vers Cœurébène, mais la légion défend de s'aventurer à moins de cinq sur les routes. Et je suis pour l'instant tout seul, à attendre qu'une petite troupe aille vers Pélagiad, Cœurébène ou Balmora. Peu importe la direction, je ne veux pas m'éterniser ici. C'est ce que j'expliquais à votre compagnon, n'est-ce pas, Suetius ?"

Modifié par redolegna, 05 octobre 2007 - 18:13.


#227 Not Quite Dead

Not Quite Dead

    Rincevent


Posté 06 octobre 2007 - 10:02

« Peu importe la direction, hein? » releva l'Impérial vieillissant d'une ton résigné.

L'idée, absurde, que Dolvane fut en fuite traversa l'esprit de Gnaeus. Mais à la réflexion, cela lui parut peu probable, compte tenu de la haute estime en laquelle il était tenu à l'Auberge d'Arrille et du peu de discrétion dont il avait fait montre quelques instants auparavant. Il en vint donc à une conclusion bien plus déplaisante: le Breton se servait des circonstances pour se joindre à eux, parce qu'il n'avait pas encore renoncé à son ridicule projet le concernant.

Il se tourna vers les deux Bretonnes pour leur demander, ses yeux tout particulièrement fixés sur l'aînée:

« Qu'en pensez-vous? Apparemment votre ami se rendait précisément là où nous comptions aller: à Coeurébène. La Légion a organisé une battue dans les environs pour en finir avec une troupe de brigands et il ne serait sans doute pas très avisé de les inviter à nous attaquer par un nombre trop restreint... »

Gnaeus songea tout à coup que l'organisation de cette battue était probablement ce qui avait empêché le Chevalier Gravius de le recevoir dans la matinée. Il ne souhaitait pas perdre davantage de temps encore à vérifier si le contenu des avis placardés çà et là qu'il avait entrevus en traversant le village était bien conforme à ce que prétendait le ménestrel.

#228 Timalk-Ae

Timalk-Ae

    PoneyMaster !


Posté 06 octobre 2007 - 11:35

"Mais c'est parfait !", s'exclama Aëana, ravie.
Elle sourit à Gnaeus, puis à Dolvane.
"Nous avons besoin les uns des autres. Et au final, tout le monde est gagnant."
Son sourire s'effaça lentement. Il ne fallait pas perdre de vue la cause de ce rebondissement : des brigands. Bah, ils ne devaient pas risquer grand chose...

#229 redolegna

redolegna

    Les vacances de Monsieur Hulot


Posté 06 octobre 2007 - 17:28

"Comme vous dites, damoiselle d'Althée. Absolument parfait."

Dolvane pesait ses mots. La présence de la Brétonne était étrangement réconfortante et ce phénomène n'était sans doute pas uniquement dû à son apostolat. Un voyage d'une journée ou deux en sa compagnie lui ferait le plus grand bien et le but n'était pas moins intéressant. Il n'avait pas les moyens d'acheter les instruments qui seraient importés, mais leurs propriétaires laisaient généralement les bardes les manipuler quelque peu avant de les mettre en vente, pour mieux démontrer leurs qualités. Cependant, pour que l'humeur ne soit pas trop sombre pendant le trajet, Dolvane comprit qu'il allait devoir faire montre d'un peu d'humilité. Ce n'était pas dans ses habitudes, mais il n'avait pas non plus envie que Suetius passe son temps à le regarder d'un sale œil.

"Je me suis laissé emporter tout à l'heure, serviteur de l'Empire, déclara-t-il. Je ne sais pas si vous pourrez me pardonner pour mon comportement intrusif et déplacé. Je vous présente mes excuses pour cela et pour les quolibets douteux dont vos oreilles ont dû teinter en sortant et en rentrant chez Arrile. Cela ne se reproduira plus, je vous le garantis, tant que nos pas seront liés."

Le sourire qu'il adressa au vieux légionnaire était un peu honteux, bien moins large que celui qu'il avait arboré un peu plus tôt au début de leur entretien à l'issue malheureuse. Un sourire d'excuse, une tentative de conciliation.

#230 Not Quite Dead

Not Quite Dead

    Rincevent


Posté 06 octobre 2007 - 19:16

Le vétéran ne s'attendait apparemment pas à de telles paroles de la part du skald. Il n'avait pas l'habitude qu'on lui présente des excuses, ou tout au moins pas spontanément. Il inclina la tête en signe d'appréciation et répondit avec une légère raideur qui n'était sans doute pas tout à fait dépourvue de gêne:

« Je pense pas que je pourrais l'oublier ou vous le pardonner de sitôt, mais sachez que je ne vous en tiendrai pas rigueur, pour peu que vous ne reveniez pas sur ce sujet.  Je me suis peut-être moi-même montré... ahem! un peu plus sec que je ne l'aurais dû, tout à l'heure, monsieur... Ma foi! je dois avouer que j'ignore toujours quel est votre nom; car j'imagine que Dolvane n'est pas votre patronyme, n'est-ce pas? »

#231 redolegna

redolegna

    Les vacances de Monsieur Hulot


Posté 07 octobre 2007 - 09:09

En temps ordinaire, Dolvane lui aurait répondu du tac au tac qu'on l'appelait le Flamboyant. Mais il venait de remonter très légèrement dans l'estime du légionnaire, à ce qu'il semblait du moins. Il n'était pas question de se donner en spectacle.

"Philor. Mon nom complet est Dolvane Philor."

Le Bréton s'agita, un peu mal à l'aise, puis précisa.

"C'est le nom de ma mère."

Une vague de vieux souvenirs le recouvrit et ses épaules s'affaissèrent. Il se détourna pour que ni les jeunes femmes ni le vétéran ne se rendent compte de son émotion soudaine. Il pesta contre lui-même. Que lui arrivait-il ? A eux deux, Suetius et Aëana avaient vraiment de drôles d'effet sur lui...

#232 Timalk-Ae

Timalk-Ae

    PoneyMaster !


Posté 07 octobre 2007 - 09:44

Aëana profita de l'occasion et tenta timidement :
"Je... vous dois aussi des excuses, Gnaeus."
Chassant sa honte, elle reprit d'une voix plus ferme :
"Je ne pensais pas vraiment ce que je vous ai dit. Et vous n'avez aucune dette envers moi."
Elle détourna le regard une seconde, puis ajouta d'un ton rieur :
"Par contre, si vous pouviez arrêter de m'appeler magicienne..."

#233 Salizar d'Ombrelune

Salizar d'Ombrelune

    Quincaillerie Royale


Posté 07 octobre 2007 - 13:38

Des applaudissements suivi d'une voix familière se firent entendre derrière eux.

Bravo ! Bravo ! Ca m'arracherait presque une larme si j'en avais encore...faîtes attention Messire Impérial, vous allez devenir aimable si vous continuez de la sorte.

Il sourit.

Maintenant que tout le monde est réconcilié et que les provisions ont été faites...

Il avait troqué sa tenue de ville contre une armure de cuir clouté complète dont les excroissance ferreuses avaient été noircies au charbon pour ne pas briller dans la nuit et portait deux fourreaux à la ceinture.

Je vous propose , si vous n'y voyez pas d'inconvénient, de ne pas perdre plus de temps en effusion et de nous depêcher de rejoindre Smeira qui connaît un "raccourci". En avant fiers compagnon, Coeurébène la Pouilleuse nous attend !


#234 redolegna

redolegna

    Les vacances de Monsieur Hulot


Posté 07 octobre 2007 - 14:22

Smeira ? Ce nom n'évoquait rien au skald et il se vantait pourtant de connaître mieux que quiconque la plupart des habitants du Vvardenfell. Se pouvait-il que ce soit une voleuse comme ce Dunmer aux accents de joie exagérés et aux manières déplaisantes ? Ou bien était-elle la membre d'une organisation secrète ? Dolvane se morigéna pour ce genre de pensées. Il savait bien qu'il était vain de vouloir présumer de la personnalité de quelqu'un avant de l'avoir rencontré. Mais il ne pouvait pas s'empêcher d'avoir un peu peur de ce qui allait suivre. D'autant que... Désormais, ils seraient six et Suetius, tout radouci qu'il soit, n'aurait pas forcément l'envie de supporter sa présence qui n'était plus nécessaire.

"Je présume, elfe noir, qu'il s'agit d'une de vos connaissances de longue date pour que vous puissiez vous fier à ses affirmations sans vous poser de questions. Il me tarde de rencontrer une personne en qui un voleur ait aveuglément confiance. Cela serait un beau sujet de chanson, avec un titre comme Ma mie m'a fait pendre, ou dans ce genre-là. Une marche funèbre, peut-être ?"

Dolvane se rendit compte trop tard de l'énormité de l'insulte qu'il venait de proférer. Que lui arrivait-il au contact de cette compagnie hétéroclite ? Lui d'habitude si ouvert, riant, aimable envers tous ressentait la plus profonde antipathie pour ce Dunmer, passait son temps à réfléchir aux conséquences de ses paroles... Qui elles, invariablement, restaient de monumentales gaffes cependant !

#235 Salizar d'Ombrelune

Salizar d'Ombrelune

    Quincaillerie Royale


Posté 07 octobre 2007 - 14:34

Salizar leva un sourcil.

Je me demande bien de quel voleur vous parlez...quelqu'un a vu un voleur dans les environs ?

Quant à Smeira...cela fait pratiquement une cinquantaine d'année que nous nous connaissons, et je lui dois certainement plus de vies qu'il y a de bons vers dans vos chansons.

Et toujours son éternel sourire horripilant...

#236 Not Quite Dead

Not Quite Dead

    Rincevent


Posté 07 octobre 2007 - 16:00

L'arrivée de Salizar d'Ombrelune et la mention du fait que Smeira serait leur guide avait considérablement rembruni Gnaeus Suetius Nefans. Il avait suivi trop de Dunmer sur trop de "raccourcis" pour ne pas regretter que son épaule ne fût tout à fait remise.

« Peut-être pourrions-nous enfin nous mettre en route? » s'enquit-il sans relever les sarcasmes de l'elfe noir.

#237 Salizar d'Ombrelune

Salizar d'Ombrelune

    Quincaillerie Royale


Posté 13 octobre 2007 - 11:15

-Bien, tout le monde est prêt, nous y allons. Nous allons passer par un sentier naturel, aussi ne vous étonnez pas si je m'éloigne de la route. Vous ne pourrez pas le distinguer à travers la végétation, mais vos pieds le sentiront. Restez près de moi et vous ne risquez rien.
Notre objectif est une grotte sans nom à flanc de montagne, qui a été aménagée par des contrebandiers il y a environ un siècle, et qu'une petite troupe composée de Hlaalu, d'impériaux et de votre serviteurs ont délogés voici 60 ans.
Il est très possible que des animaux s'y soient installés, alors soyez sur vos gardes.

Il avait dit ça d'un ton ferme et avec une autorité qui aurait fait penser n'importe quel auditeur à quelques haut gradés impériaux, et commenca à marcher sans se presser, suivi par le reste du groupe.

La suite ici.

#238 Not Quite Dead

Not Quite Dead

    Rincevent


Posté 05 juillet 2012 - 22:16

[HRP] Venu du Passage [/HRP]

Pendant que Beau Gosse partait porter un pli de Sellus Gravius à la Guilde des Mages, le Sergent-Instructeur se dirigea lourdement vers l'auberge d'Arrile où il éclusa coup sur coup toute une bouteille de brandy, sans pouvoir lâcher des yeux les plaquettes identitaires remises par le lancier Suetius alors qu'ils rejoignaient la grande route.

Celui-ci et ses compagnons se trouvaient à l'étage du Bureau du Recensement, momentanément transformés en hôpital de campagne et Vulpes, pour ce qui le concernait, aurait souhaité ne jamais avoir répondu à leur appel à l'aide. Pour tout dire, il songeait sérieusement à raccrocher.

#239 Timalk-Ae

Timalk-Ae

    PoneyMaster !


Posté 09 juillet 2012 - 20:17

Le bal des idées de Vulpes, aussi désordonné fusse-t-il, était cependant bien loin de la danse chaotique à laquelle se livraient blessés, guérisseurs et coursiers dans le bureau des taxes et du recensement. Aëana et un mage de la Légion couraient d’une pièce à l’autre, portant à bouts de bras diverses fioles scintillantes, déroulant derrière eux des bandages blancs sitôt rougis par le sang. Quelques jeunes légionnaires se livraient à un chassé-croisé effréné dans les couloirs, amenant ingrédients, matériel et vivres par vagues infatigables. Les blessés, allongés ou assis, faute de place, remuaient faiblement, agités de convulsions parfois, sursautant de douleur sous les mains qui les soignaient, ou adoptant simplement une position plus confortable pour observer le ballet épuisant.

Dès le retour du groupe à Seyda Nihin, Aëana avait demandé à ce qu’on la laisse s’occuper des blessés. Grâce au soutien de Vulpes et vu qu’il ne restait qu’un guérisseur en garnison dans la ville, on l’y autorisa après l’avoir auscultée à son tour, et sans manquer cependant de lui avoir fait boire préalablement un élixir revigorant.

Les rescapés avaient rapidement investi l’étage du Bureau des Taxes et bientôt les moindres recoins du bâtiment résonnaient de leurs murmures. Aëana avait commencé par réexaminer Malicia de la tête aux pieds pour s’assurer de n’avoir manqué aucune blessure. Sa respiration était lente, son cœur battait doucement, mais les potions avaient correctement guéri ses plaies et son état semblait stable. Rassurée, l’alchimiste s’employa à l’installer sur un lit à l’écart, dans une petite salle éloignée du reste du groupe, afin qu’elle pût se reposer tout son soûl.

On lui fournit du matériel d’alchimie sans qu’elle eût à le demander, et elle put abandonner son modeste mortier pour démarrer la distillation de sa première véritable potion depuis bien trop longtemps. Une douce odeur de bulbe-liège envahit peu à peu le bâtiment, et Aëana se jura de compléter son équipement rudimentaire avant de repartir.

Elle assit Gnaeus et commença à lui ôter sa cuirasse, constatant avec horreur que sa plaie s’était rouverte, et qu’à nouveau sa chair était profondément crevassée. Il serrait les dents et ne voulait pas laisser transparaître sa douleur, mais ses yeux trahissaient une peur sourde. La Brétonne aurait voulu le remercier de lui avoir sauvé la vie mais, ne sachant comment s’y prendre, elle préféra garder le silence. Il lui sembla que le vétéran aussi avait des choses à lui dire, mais d’un accord muet ils se turent tous deux, remettant à plus tard cette conversation difficile. Aëana, reconnaissante, traita l’Impérial avec une douceur et une pudeur particulière. Elle le fit s’allonger sur le ventre et appliqua avec minutie le distillat de bulbe-liège et de résine dans sa blessure, en appuyant cette fois plus fermement sur les lèvres de la plaie, pour être certaine que les tissus se ressouderaient correctement. Avoir des instruments d’alchimie de qualité à sa disposition était un atout indéniable : le potentiel de son philtre s’en trouvait décuplé et elle avait bon espoir que Gnaeus se remît rapidement. Toutefois, elle prit le soin de lui bander le bras aussi fermement que possible afin de bloquer son épaule et de prévenir tout mouvement susceptible de rouvrir sa blessure.

Le mage de la Légion qui l’assistait était un Impérial à la silhouette élancée et aux yeux clairs, qui avait dépassé la trentaine. Aëana et lui s’étaient échangé des sourires mais peu de mots ; ils agissaient de concert sans même se concerter, car ils étaient tous les deux mus par un même désir, un réflexe universel partagé par tous ceux qui consacrent leur vie à préserver celles des autres. Avec quelques sortilèges, il avait réparé le poignet du vieux brigand, pendant qu’Aëana faisait délicatement boire sa potion à Noiraud. Tous deux avaient regardé Petit se réveiller indemne, libéré du sommeil magique dans lequel Aëana l’avait plongé. Le bras gauche de Pieds-Plats, cependant, était brisé en de si nombreux endroits que ni l’Impérial ni la Brétonne ne purent le soigner. Les meilleurs guérisseurs de Seyda Nihin étaient partis avec l’Officier-Chevalier, et le magicien n’avait pas les talents nécessaires pour soigner la fracture correctement : les éclats d’os seraient restés figés dans la chair sans se ressouder. Aëana, quant à elle, aurait dû opérer le légionnaire, ce qui semblait excessivement risqué. Les deux guérisseurs dialoguèrent brièvement et décidèrent d’envoyer une missive à la Guilde des Mages.

La place manquait dans le Bureau des Taxes, qui se vida peu à peu, au fur et à mesure que le jour tombait. Les allers et retours des coursiers se raréfièrent puis s’arrêtèrent totalement. Lorsque Dolvane demanda à retourner à la taverne d’Arrile, Salizar s’était déjà volatilisé depuis longtemps. Après les avoir soignés, on envoya les deux brigands dans une cellule en attendant de savoir ce qui allait être fait d’eux. Les blessés légers ou dont l’état s’était amélioré, comme Gnaeus, furent logés dans les baraquements des gardes où ils pourraient dormir plus à leur aise.

Bientôt ne restaient plus au Bureau du Recensement que Malicia et Noiraud, toujours inconscients, et les deux guérisseurs pour veiller sur eux.

Aëana se posta au balcon pour contempler le coucher de soleil sur la baie. La flamme du phare dansait vaillamment sous le ciel orangé, prête à remplacer la lumière du jour pour une nuit de plus.


Une voix s’éleva timidement :


« Dame Aëana ? »


C’était Petit qui prenait l’air, sous le balcon, heureux de s’être réveillé vivant pour respirer l’odeur de la nuit tombante.


« Je… J’voulais vous remercier. On m’a dit que j’vous devais la vie. »


Aëana sourit en lui répondant :


« Merci. »


Petit la regarda, confus, hocha la tête et s’éloigna à pas lents.


Sans trop savoir pourquoi, l’alchimiste lui était reconnaissante. Au fond de la grotte, quand il s’était trouvé au bord de la mort, c’était comme si elle s’était réveillée pour lui. Il avait été une lueur qui l’avait guidée dans la nuit. Toutes ses questions s’étaient envolées et elle s’était sentie à sa place, pour la première fois. Elle était pourtant bien loin de son village natal et des montagnes de Hauteroche, bien loin de son atelier d’alchimie et des livres de son père. Mais elle était auprès de Malicia et auprès de Gnaeus, plongée avec eux dans l’obscurité, brandissant devant elle toute la lumière qu’elle avait pu rassembler.
Elle avait compris que le métier de guérisseur ne se pratiquait pas à l’ombre d’un chêne, après un accident de chasse, ni un lendemain de foire, une fois l’alcool essuyé et les rixes oubliées. C’était au plus proche de la mort que l’on sauvait des vies, comme sa mère l’avait fait de son temps. Aëana n’avait pas connu les guerres, mais son père portait encore les cicatrices des épées orques. La jeune Brétonne n’avait jamais réalisé que sa mère, sa chétive mère, avait aidé les écorchés, sauvé les mutilés et soulagé les brûlés, et que pour une vie épargnée il y avait eu dix deuils.
Etre guérisseuse, c’était lutter de toutes ses forces, c’était combattre la douleur et chasser la mort.

Aëana ne pouvait tourner le dos et rejoindre les prairies verdoyantes où elle avait grandi, et où la vie, insouciante, fleurissait à chaque détour du chemin. Retourner chez elle, ce n’était pas revenir parmi les siens, c’était fuir, tout simplement.


Les deux lunes apparaissaient lentement dans le ciel, et Aëana quitta son balcon pour retourner s’asseoir au chevet de Malicia. Elle lui prit la main et la contempla dormir quelques minutes, avant de froncer légèrement les sourcils. La jeune Lame avait toujours été particulièrement pâle, aussi Aëana n’avait-elle pas remarqué plus tôt à quel point son amie était livide. Elle lâcha sa main et saisit son poignet pour prendre son pouls. La pression artérielle était correcte, pourtant son cœur battait extrêmement lentement. Certes, la Brétonne avait perdu du sang, mais les potions de soin qui lui avaient été prodiguées l’avaient rapidement régénéré. Aëana ne comprenait pas. Inquiète, elle appela le guérisseur de la Légion qui ausculta à son tour Malicia et parvint aux mêmes conclusions : ses blessures avaient bien été guéries, mais elle faiblissait.


Aëana massa son amie avec douceur mais fermeté, appuyant d’une main experte sur certains organes stratégiques afin de relancer le flux sanguin. Pendant ce temps chauffait dans l’alambic une décoction d’étouffe-herbe et de feuilles de plume-lo qu’elle compléta par de l’essence de riz-de-sel. Le tout se condensait pour plonger, goutte après goutte, dans la potion de bulbe-liège et de résine qu’elle avait concoctée et utilisée jusque-là.


« Je vous en prie, dit-elle au mage. Allez chercher Gnaeus Nefans Suetius, qui dort dans les baraquements. Dites-lui… ».


Elle ne finit pas sa phrase.


De plus en plus alarmée, l’alchimiste ne savait que faire en attendant que le philtre soit prêt. Elle serrait la main de Malicia, refusait de la lâcher, mais le flux et reflux du sang dans le creux de sa paume se faisait de plus en plus imperceptible. Aëana regarda la flamme qui dansait sous l’alambic et crut revivre les soirées passées auprès de la cheminée, au chevet de sa mère malade.


Un jour, alors que les joues de sa mère étaient particulièrement creuses et qu’il ne lui restait que peu de cheveux sous son châle, Aëana s’était mise à pleurer. Sa mère avait juste assez de force pour parler, mais cette nuit-là, elle s’était mise à chanter faiblement pour que sa fille, rassurée, s’endorme.


Alors qu'elle faisait délicatement boire son philtre à Malicia, Aëana tenta de se rappeler les paroles de la berceuse, et sa voix claire s’éleva doucement :


Entends-tu dans le chœur de la nuit
Ce chant à ton oreille
Il te dit que les larmes et la pluie
Sèchent dans ton sommeil


Rêve des lueurs dorées du matin
Et nous quitterons la nuit, la main dans la main

Et quand brillent Masser et Secunda
Elles brillent pour toi


Rêve des lueurs dorées du matin
Et nous reverrons l’aube, ensemble, demain.


Le lendemain, sa mère était morte.

Le plus douloureux depuis qu’elle l’avait quittée, c’était de ne garder que ce souvenir du visage de sa mère : blanc, émacié et mangé par les cernes. Autrefois, quand elle était encore pleine de vie, elle l’emmenait dans les bois pour tresser des couronnes de fleurs, qu’elles mêlaient à leurs chevelures. Aëana se rappelait du nom de chaque bouton, de chaque pétale, mais le sourire qui se cachait derrière les cheveux d’ébène de sa mère, lui, était parti avec les ans…

Aëana sortit son carnet de sa sacoche, ouvrit son flacon d’encre et saisit sa plume. Elle dessina le visage délicat de Malicia sur le parchemin, reproduisant ses moindres traits, la courbe de ses cils, la fragilité de son cou, la douceur de ses lèvres qui respiraient encore. Elle était belle, et Aëana ne l’oublierait jamais.

Modifié par Timalk-Ae, 04 août 2012 - 20:21.


#240 Not Quite Dead

Not Quite Dead

    Rincevent


Posté 10 juillet 2012 - 23:33

Ajourée par une étoffe brune, la lanterne évoluait au-dessus du dortoir comme un feu follet, multipliant les allées et venues au-dessus des ronflements ou des gémissements, marquant une courte pause au-dessus d'un visage marqué par les affres de la douleur avant de poursuivre sa course errante.

Ce n'était pas chose aisée que de progresser dans ce baraquement étroit réaménagé en hôpital de campagne, aussi le mage mit-il quelque temps à localiser le lit sur lequel le vétéran s'était installé. Enjambant un rescapé indemne qui s'était résolu à dormir roulé dans sa cape sur le plancher, il finit par arriver auprès de lui. Il allait l'effleurer de sa main libre lorsqu'il s'aperçut que l'Impérial vieillissant s'était réveillé à son approche et le fixait.

« Pardonnez-moi, Lancier Suetius, murmura-t-il, mais il vaut mieux que vous me suiviez. Votre amie est au plus mal. »

Les yeux gris du jeune mage trahissaient une inquiétude telle que Gnaeus ravala ses questions et, sans desserrer les dents, se redressa de sa couche aussi rapidement que possible.

Les deux Impériaux sur ses talons, la lanterne voilée reprit ses vagabondages au-dessus des dormeurs, en direction de la sortie. Le bandage qui emprisonnait son épaule gauche et les effets lénifiants du philtre ingurgité empêchaient le blessé de se mouvoir avec aisance, de sorte que son cadet dut parfois lui offrir son bras pour lui permettre de progresser le long de ce qui était davantage un couloir encombré qu'un cantonnement.

Du coin de l’œil, le jeune homme examinait ce patient à la mine sévère.

Il était rare de croiser des evocati encore en service, ici, aux confins de la province de Morrowind, où le corps de la troupe était composé de jeunes plutôt que de vétérans et où les anciens légionnaires ne bénéficiaient que rarement de conditions favorables pour l'acquisition de terres cultivables. De toute évidence, cet homme-là ne rêvait pas de couler ses vieux jours dans une ferme allouée par l'Empire. Plus tôt dans la soirée, en effet, lorsque l'alchimiste bretonne l'avait aidé à revêtir une large chemise de toile, le mage avait repéré sur le torse et la hanche du vieux légionnaire les vestiges de blessures qui ne se retrouvaient que sur les héros, les inconscients ou les cadavres (la différence entre les deux premières catégories étant à son sens souvent difficile à établir et, à terme, pratiquement toujours futile). Un tel homme n'entendait manifestement pas couler de vieux jours du tout et il était douteux qu'Arkay ne satisfasse pas son vœu.

Je conduis un mourant à une mourante réalisa-t-il alors qu'ils grimpaient les marches conduisant à l'étage du Bureau des Taxes et du Recensement. Cette pensée importune, il ne parvint pas à la chasser de son esprit alors que, autant par discrétion que par devoir, il s'assurait dans la pièce attenante que l'état du Dunmer restait encourageant.

***


Du seuil de la pièce, Gnaeus considéra un long moment la scène qui s'offrait à lui. Des doigts d'Aëana naissait une Malicia d'encre et de papier, paisiblement endormie sous la lumière conjointe de Masser et Secunda. La jeune fille y était esquissée avec une beauté et une pureté rares que rehaussaient encore sa fragilité et sa tristesse.

Et les yeux bruns de l'ancien avoué n'eurent pas à se poser sur la gracile silhouette, pauvre chose noyée dans une chemise semblable à la sienne, au centre de la pièce, pour savoir que la plume de la guérisseuse disait vrai:

Malicia avait été cela, et bien plus encore, avant que son souffle, épuisé, ne déserte ses lèvres pour une destination connue d'Arkay seul.
Elle avait été une fille.

Elle voulait juste laisser se tarir ses larmes et puis dormir, oui, voilà, à Caldera, chez sa mère, sa mère...


Une amie.

Fugitif comme un rayon de soleil par un froid matin de Souffregivre, un pâle sourire s'esquissa sur les lèvres de l'Impérial.

« Je vois que le désespoir ne vous avait pas abattu au point de vous faire renoncer à prendre des précautions. C'est une bonne chose. J'avais cru un instant que vous étiez prête à vous jeter tête baissée dans ces cavernes, au sortir d'une leçon d'escrime. »

Il s'inclina légèrement vers Malicia et poursuivit: « Je vous prie de m'en excuser: c'est la seconde fois aujourd'hui que je vous juge mal. »


Ainsi qu'une sœur.

Ténèbres, une forme indistincte bougea dans le lit à coté, Aëana, c'est vrai ? Ne l'aime-t-elle pas ? Elle, toujours à ses cotés ?

Malicia relâcha la pression contre le coussin comprimé contre elle, et elle défit sa génuflexion, combien de temps était-elle restée là ? Aëana a du s'apercevoir que la
petite fille n'allait pas bien, elle était sans doute restée un moment auprès de la fillette, attentionnée comme elle était, fillette qui n'a pas sentit la présence de sa grande sœur.


« Vous étiez une piètre Lame, jeune fille. » lâcha-t-il d'une voix nouée.

Il s'avança au-devant du corps et le contourna par la droite, avant de s'assoir sur le bord du lit désormais funéraire. Sa main droite s'éleva, hésitante, comme pour réordonner l'agencement de la courte chevelure de la jeune fille ou caresser sa joue de nacre, puis renonça et retomba sur la cuisse du vieillard.

« Une piètre lame, et cela ne pouvait échapper à quiconque a consacré son existence à se battre. »

Les narines du vétéran se plissèrent avec un mélange de colère et de dégoût contenus à grand-peine.

« Tu étais une enfant, pour l'amour des Divins! Une enfant ne peut faire une bonne lame. Tu avais trop d'innocence et de tendresse encore, crois-moi; tu avais un cœur, Malicia. Les lames n'en ont pas. Elles ne doivent plus en avoir. Sans quoi elles se brisent. »

Gnaeus marqua une pause et acheva d'une voix rauque:

« Qui forge une bonne lame ou qui défait une lame ennemie est digne de louange, assurément. Celui qui détruit une enfant n'est plus même un criminel. C'est un monstre. »

C'était autant un verdict qu'une promesse.

#241 Timalk-Ae

Timalk-Ae

    PoneyMaster !


Posté 12 juillet 2012 - 18:33

Le cœur d’Aëana sembla s’arrêter de battre, et sa vue se troubla.

« C’est… C’est ma faute Gnaeus… C’est ma faute. »

Elle laissa échapper un sanglot et ses larmes commencèrent à perler sur sa joue. Un monstre. Une criminelle. La voix de Gnaeus résonnait dans sa tête. Il ne la condamnait pas, bien sûr, mais Aëana était responsable.

« Je n’ai pas été assez attentive, pas assez rapide… J’aurais pu… Je ne comprends pas, je ne comprends pas ce qui lui est arrivé, d’où venaient ses maux. »

Elle essuya ses larmes et reprit en tentant de maîtriser les sursauts de sa voix.

« Retournez-vous reposer… Je vais m’occuper d’elle. Nous pourrons… lui dire adieu demain. »

Il y eut un court silence tandis qu’Aëana contemplait le visage de Malicia.

«  Je suppose… que l’on va l’enterrer ? »

#242 Not Quite Dead

Not Quite Dead

    Rincevent


Posté 12 juillet 2012 - 22:47

Gnaeus se retourna à demi et regarda la jeune Bretonne qui hoquetait et retenait à grand peine ses sanglots. La malheureuse était anéantie et culpabilisait manifestement de n'avoir su guérir Malicia.

« Il y aurait beaucoup à dire sur la manière dont notre amie est morte, Aëana, siffla le vétéran. Mais je voudrais que vous vous efforciez de réfléchir à la chose suivante, même si cela ne fera peut-être pas de différence pour vous. Ce funeste souterrain, l'avons-nous emprunté sur votre conseil? Etait-ce à votre volonté que ces maudites sangsues se pliaient? Est-ce vous qui avez plongé deux dagues dans la poitrine de Malicia pour ensuite la laisser se vider de son sang? »

Tandis qu'il se relevait pour s'avancer vers elle avec raideur, l'alchimiste pouvait voir le sang battre sur ses tempes dégarnies.

« Ou est-ce vous qui vous êtes précipitée à ses côtés pour arrêter l'hémorragie? Vous qui l'avez avec votre magie aidée à sortir de cet enfer, elle et tant d'autres, moi compris? Qui l'avez surveillée durant le trajet jusqu'ici? Qui lui avez prodigué vos meilleurs soins? Vous, enfin, qui l'avez veillée jusqu'au dernier instant? »

A chacune de ces questions, l'index du vétéran martelait à présent le sternum de la jeune fille et, de si près, elle s'aperçut que le brun de ses yeux s'était imperceptiblement embué.

« Nous la veillerons ensemble, ou nous irons tous deux chercher le sommeil dont vous avez, vous aussi, grand besoin. »

#243 Timalk-Ae

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Posté 13 juillet 2012 - 14:44

Aëana ravala ses larmes.

« Non, pensa-t-elle. Je l’ai laissée mourir. Je n’étais pas là, je suis arrivée trop tard. »

Bien qu’elle fût toujours écrasée par le poids de la culpabilité, elle ne put soutenir le regard de Gnaeus plus longtemps, baissa les yeux et hocha la tête. S’il voulait veiller la Lame, elle n’avait aucun droit de l’en empêcher.

Elle s’approcha de Malicia et la dévisagea, comme si elle cherchait des explications dans les traits paisibles de son amie. Aëana s’était rapidement attachée à la jeune fille. Elle avait été touchée par sa fragilité, cette fragilité troublante qu’elle ne pensait pas trouver chez une aventurière. Car c’est ainsi que l’alchimiste voyait la jeune fille : comme une aventurière, un agent des Lames, parfois sûre d’elle, parfois impitoyable… et parfois vulnérable. Elle avait senti que Malicia avait besoin d’elle, de son amitié, tout comme Aëana avait besoin de sa cadette.

« Oh Malicia, pourquoi nous as-tu quitté ? Comment n’ai-je pas vu les maux qui t’accablaient ? Je ne comprends pas ce qui t’est arrivé… »

Emue, elle prit la main délicate de la Brétonne dans la sienne et la porta à son cœur.

Une résistance se fit sentir : le coude de Malicia refusait de se plier, comme si ses muscles étaient contractés.

« Que… » souffla Aëana en lâchant vivement la main de sa cadette.

Elle saisit le bras inerte et tenta de faire pivoter l’épaule, mais la manœuvre s’avéra difficile. Ce n’était pas normal. Le corps de Malicia semblait atteint d’une sorte de rigidité cadavérique, mais la guérisseuse savait bien qu’il était beaucoup trop tôt pour cela : les premiers effets mettaient toujours plusieurs minutes à s’installer, et un état aussi avancé ne survenait jamais avant plusieurs heures. Aëana repoussa Gnaeus qui s’approchait, l’air interrogateur, et défit les habits de Malicia. Elle tâta l’abdomen, là où la plaie s’était trouvée.

Confuse, la Brétonne recula d’un pas et réfléchit.

Soudain, elle fit volte-face, attrapa la fiole dans laquelle reposait sa décoction revigorante et en avala une grande gorgée. Sa fatigue disparut lentement, et elle sentit la magie couler dans ses veines, accélérant le flot de son sang.
L’alchimiste se jeta sur les potions de soin de la légion et en gouta deux sous le regard médusé de Gnaeus.

Aucun engourdissement, aucune paralysie. Rien.

Elle agrippa son carnet encore ouvert et revint quelques pages en arrière. Ses yeux se promenèrent sur le papier puis s’arrêtèrent soudain, écarquillés.

D’un seul coup, elle se mit à tourner frénétiquement les pages jusqu’à tomber sur le passage qu’elle recherchait. Elle le parcourut rapidement en remuant silencieusement les lèvres.

Elle s’interrompit progressivement et tendit son journal ouvert à Gnaeus, tandis qu’une larme coulait sur sa joue.
En haut de la page avait été soigneusement inscrit : Ingrédients dangereux & effets parasites.

« Oh, Gnaeus… Gnaeus, je crois qu’elle est morte empoisonnée. »

Modifié par Timalk-Ae, 13 juillet 2012 - 16:49.


#244 Not Quite Dead

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Posté 17 juillet 2012 - 09:27

Cette révélation parut avoir sur l'Impérial un effet comparable au philtre avalé par Aëana. Il en oublia son corps endolori et son épuisement.

S'il s'était tout d'abord détourné lorsque la Bretonne avait ouvert la chemise de sa cadette, il mit de côté cette pudeur lorsqu'elle renouvela, à sa demande, sa démonstration.

Empoisonnée!

Il regarda, sans vraiment les voir, les membres raidis de la jeune Lame et les annotations qu'on lui tendait.

Empoisonnée.

A cette idée, la rage et la peine qui l'étouffaient se muaient progressivement en une résolution d'acier. La souffrance ressentie n'en était pas moins grande, mais au moins se profilait, comme une funeste espérance, la perspective de la vengeance.

#245 Timalk-Ae

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Posté 21 juillet 2012 - 19:20

Aëana vit un cortège d’émotions défiler sur le visage de Gnaeus, alors même qu’il posait les yeux sur ses notes sans les lire. Réalisant que les déductions sur lesquelles reposait sa découverte étaient loin d’être évidentes, elle expliqua aussi simplement que son esprit confus le permettait :

« J’ai ajouté des feuilles de plume-lo à ma potion, pour l’aider à dissiper sa fatigue, lui redonner des forces… mais cette paralysie, dit-elle en saisissant le bras de la Brétonne, montre que l’essence de plume-lo a réagi avec une substance déjà présente dans son organisme. Le poison... »

Elle secoua la tête et désigna à nouveau son journal, posant son index sur les mots buisson roux et herbe pourpre, pour s’arrêter sur le dessin d’une poignée de pétales de feu.

« Enfin… il ne s’agit pas d’un poison à proprement parler… mais d’une essence magique capable d’affaiblir l’organisme… »

Elle chercha une comparaison pour clarifier son propos.

« Un peu comme si, à la place de percer les murailles d’une forteresse pour la piller, on utilisait la magie pour obliger les murs à s’enfoncer dans le sol jusqu’à n’avoir plus qu’à les enjamber. Et parfois jusqu’à… jusqu’à ce que la forteresse disparaisse d’elle-même... »

Son menton trembla une seconde, mais elle refoula les larmes et continua :

« C’est pour cela que nos soins étaient inefficaces… Ni les philtres de guérison ni les contre-poisons n’auraient pu la sauver. Il aurait fallu utiliser l’effet magique exactement inverse à celui qui la touchait, pour restituer à son organisme la force qu’il possédait initialement. »

Loin de partager les soupçons de Gnaeus, Aëana repensa avec horreur aux dents acérées des sangsues mort-vivantes, et s’exclama :

« Douce Mara ! Noiraud ! »

Elle sortit précipitamment de la salle pour retrouver le guérisseur de la légion, toujours assis aux côtés du Dunmer.
Paniquée, elle lui expliqua sa découverte en le pressant, mais il la rassura : rien de tel ne semblait affecter Noiraud, qui se remettait lentement de ses blessures, même s’il avait probablement perdu un rein dans la bataille. Il accepta cependant de lancer un sort de fortification sur le pauvre légionnaire, sans effet.

« Je ne comprends pas… » souffla Aëana, la gorge nouée.

#246 Not Quite Dead

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Posté 22 juillet 2012 - 17:34

Du seuil de la porte, le vétéran accueillit cette confirmation de ses soupçons avec un air sinistre.

Le fait que seule Malicia eût été victime de ce sortilège d'empoisonnement assurait que les créatures affrontées dans la Piste du Guar n'avaient joué aucun rôle décisif dans la disparition de la jeune Bretonne...

L'image du meurtrier se présenta à nouveau à l'esprit de l'ancien avoué qui l'écarta toutefois pour reprendre le fil de ses réflexions.

Aëana s'était assurée de ce que le poison n'avait pas été administré dans le dispensaire monté à la hâte à Seyda Neen. Par ailleurs, elle n'avait pratiquement pas quittée son amie des yeux depuis qu'elle s'était agenouillée à côté d'elle. Comme la jeune Lame n'avait manifesté aucune faiblesse avant sa blessure, force était d'admettre qu'elle avait été empoisonnée durant le combat. L'ubi et le quando déterminés, le reste était facile à établir.

« Je... Notre amie m'avait dit que la mère de Malicia vivait dans ce District. Une ville appelée... Caldera, je crois. Il serait bon, je pense, que les derniers rites soient prononcés là-bas. Pourriez-vous m'aider à la préparer pour le voyage? Je pense que votre collègue pourra suffire ici. »

Ayant attiré avec ce prétexte Aëana à l'écart, Gnaeus lui souffla:

« Je pense qu'il faut garder, dans la mesure du possible, votre découverte pour nous et prétendre que ce sont ces sangsues qui ont causé la mort de Malicia. Il est vrai que Malicia a été victime d'un meurtre, mais je crains que les coutumes dunmeri garantissent l'impunité à qui a commis cette atrocité... et qui n'est autre que l'un de nous, l'un de ceux qui se combattait à nos côtés dans la Piste du Scribe. »

#247 Timalk-Ae

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Posté 26 juillet 2012 - 21:32

Aëana avait tristement suivi Gnaeus quand il avait voulu prendre soin de la pauvre Malicia ; c’était ce qu’elle comptait faire avant qu’il ne déclare vouloir la veiller. Mais lorsqu’ils furent seuls, il se retourna vers elle avec une discrétion brusque qui la surprit. Son ton semblait en parfait décalage avec la situation telle que la percevait l’alchimiste. Le choc fut difficile à accuser lorsqu’il lui exposa ses soupçons : qui aurait pu en vouloir à Malicia ?

« Que… Mais… Qui… »

Les membres du groupe défilèrent rapidement dans son esprit, jusqu’à ce que l’un d’eux arrête le fil de ses pensées.

« Smeira ? Mais… mais pourquoi ? Pourquoi aurait-elle fait ça ? »

La tueuse à gage avait probablement le sang froid pour tuer Malicia, et elle en avait eu l'opportunité en la sauvant de deux coups de poignard, mais quelles pouvaient être ses raisons ? Gnaeus en savait-il plus qu’elle à son sujet ? Avait-elle manqué quelque chose en arrivant avec quelques secondes de retard en haut du phare ? Le vétéran avait-il simplement deviné certains non-dits ? Ou bien était-ce encore une fois le signe de sa paranoïa ?

« Ce n’est pas parce que Noiraud n’est pas atteint du même mal que les sangsues ne sont pas… »

Elle s’interrompit progressivement, ses yeux se perdirent dans le vide et elle pensa tout haut :

« Maintenant que j’y pense, ce poison est… enfin… un certain nombre d’éléments concorderaient bien avec l’hypothèse de l’assassinat. »

Modifié par Timalk-Ae, 26 juillet 2012 - 21:33.


#248 Not Quite Dead

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Posté 05 août 2012 - 11:50

Lorsque la jeune Bretonne prononça le nom de Smeira, Gnaeus acquiesça sombrement.

Mais si l'identité de la coupable s'était présentée avec une évidence presque éblouissante (et quoi? Une Dunmer, meurtrière patentée, qui paraissait détester Malicia et qui l'avait de surcroît blessée durant le combat), ses motivations étaient moins transparentes.

« Tout comme vous, les raisons pour lesquelles cette garce de Dunmer a jugé bon d'empoisonner notre amie m'échappent pour l'heure. Ou du moins, ce que j'en soupçonne me semble trop rocambolesque pour mériter d'être mentionné. Mais j'entends bien lui faire exposer dans le détail les motifs de son crime, juste avant son exécution.

Mais il y a long, du corps à la corde, et je serais curieux d'entendre ce qui vous semble confirmer mon hypothèse... et ce qui vous conduit à désigner vous aussi Smeira comme la meurtrière. »

#249 Timalk-Ae

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Posté 05 août 2012 - 14:51

Face au calme froid de Gnaeus, Aëana reprit en bredouillant :

« Et bien je… j’ai procédé par élimination… je ne vois pas qui d’autre… »

Bien évidemment, ses soupçons s’étaient largement tournés vers la Dunmer parce que, mal à l’aise en la présence d’une meurtrière, elle s’en méfiait grandement.

« D’autre part, la réaction alchimique est concentrée autour des blessures de Malicia. Si l’empoisonnement n’est pas l’œuvre des… créatures… alors il est probablement celle de Smeira. »

Elle s’efforça de ne penser qu’aux faits, de laisser l’alchimiste en elle prendre le dessus avec sa logique rigoureuse, pour garder les idées claires. Il faudrait pleurer Malicia plus tard.

« En ce qui concerne les éléments en faveur de votre hypothèse… L’utilisation d’un tel poison présente plusieurs avantages. »

Elle commença à compter sur ses doigts.

« Premièrement, ce type de substance est plus difficile à déceler qu’un poison traditionnel. La plupart des poisons de Morrowind sont fabriqués avec des fleurs ou des champignons endémiques de la province - odorants, pour la plupart. Alors que ce poison-ci est discret, sans qu’il faille avoir recours à une distillation trop longue où à des ingrédients importés.

Deuxièmement, l’effet magique lui-même est discret. Il induit une perte de forces sans symptômes spécifiques… Si la victime est assez résistante, elle s’en remet sans séquelles, et l’épisode peut passer pour une fatigue passagère.

Troisièmement… et justement parce que le poison est difficilement identifiable… les soins prodigués sont rarement efficaces. Les potions de guérison et les philtres revigorants sont sans effet. »

Aëana conclut sa démonstration avec amertume. Voilà qui expliquait en partie pourquoi elle avait été impuissante face au mal qui affectait Malicia. Mais elle aurait pu y penser… Elle se secoua mentalement : rien ne servait de s’autoflageller. Que pouvait-elle faire face à un assassinat ? Comment aurait-elle pu imaginer de si sombres desseins ?

Et elle rejoignit les désirs de vengeance du vétéran : si Smeira était coupable, elle devrait répondre de ses crimes devant les Neuf.

#250 Not Quite Dead

Not Quite Dead

    Rincevent


Posté 08 août 2012 - 13:30

Gnaeus accueillit avec reconnaissance les déductions de la guérisseuse qui apportaient à ses propres soupçons une assise nouvelle. Un poison peu orthodoxe, discret, difficile à détecter et plus compliqué encore à soigner... cela renforçait l'idée que la mort de Malicia était l’œuvre d'un professionnel.

Il plongea ses yeux dans ceux de la Bretonne et y décela un peu de glace, une résolution nouvelle. La saisissant par les épaules, il l'avertit :

« Ni vous ni moi ne connaissez le District alors que, de son côté, Smeira bénéficie de l'appui de toute une clique d'assassins.

Vous avez entendu parler de la Confrérie Noire ? Et bien figurez-vous qu'ici, grâce aux brillantes concessions de l'Armistice, son équivalent bénéficie régulièrement de la plus parfaite impunité !

Je sais bien que, comme moi, vous souhaitez que la meurtrière de Malicia réponde de son crime, mais vous devez réaliser que nous ne pourrons pas compter sur les autorités et que c'est à la Morag Tong que nous allons nous prendre. Nous y risquerons notre peau, assurément. Mais plus encore, nous devrons peut-être emprunter des chemins qui vous répugneront, prendre des mesures qui iront contre vos valeurs, votre compassion. Contre ces gens-là, il n'est pas possible de jouer selon les règles. Comprenez-vous bien à quels sacrifices faire justice nous contraindra ? »




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