Utilisant un artifice bien connu des écrivains de romans feuilletons, nous allons laisser un instant les protagonistes débrouiller leurs histoires respectives, et nous interesser aux personnages que l'action avait quelque peu laissés de coté...Qu'advenait-il donc de Lielle, tandis que les événements se précipitaient à l'étage au-dessus?... Eh bien, il faut avouer que pour la malheureuse embastillée (ou plutot dans le cas présent enchampignonnée), les choses n'avaient que très peu changé, voire même pas du tout pour peu que l'on se montre pessimiste et lapidaire dans l'appréciation des faits... Enfermée depuis plusieurs heures à présent, elle n'avait réussi ni à ouvrir ses fers, ni à chasser les rats qui la guignaient avec l'air de la trouver fort comestible, ni même à trouver le début du commencement d'une excuse à présenter à l'archimage... Il faut admettre à sa décharge que ces deux premiers impératifs n'avaient laissé que peu de place à l'élaboration d'un chef-d'oeuvre oratoire...
Lielle, donc, était fort occupée à s'acharner en vain sur ses fers, découvrant par la même occasion qu'il est inutile de lancer un sort d'ouverture sur des menottes rivetées, quand un bruit de cliquetis se fit entendre vers la porte... Cette porte, d'ailleurs, ne tarda pas à s'ouvrir, produisant ce merveilleux et sinistre grincement qui est livré avec toutes les portes de cellule, même neuves...
Plissant les yeux, elle parvint à distinguer dans la pénombre une tête chauve et un corps courbé, tête chauve et corps coubé qu'elle identifia en fait très vite comme appartenant à Libère-les-esclaves, argonienne version du prince charmant libérant une héroïne en détresse...
Un fait génant la frappa assez vite, un détail qui pouvait quand même avoir une certaine importance: Libère-les-esclaves était mort sous ses yeux voilà tout juste quatre heures... L'examinant avec un peu plus de soin, elle discerna vite un ou deux indices attestant de la bizarrerie de la situation... Le premier étant le coté droit un peu roussi et cloqué de l'argonien, le deuxième mais non le moindre l'appareil dwemer, ce qu'on désignait habituellement par "détecteur d'ondes" profondément incrusté dans son torse...
«Crrr... Essai... Un deux, un deux, Crrr!...»
La voix de baryton s'élevant de la bouche de l'argonien la fit sursauter... La différence avec le ton habituellement chuintant de Libère-les-esclaves était si choquante que Lielle faillit sacrifier au cliché en défaillant sur place, Mais l'étrange voix s'éleva de nouveau dans la cellule...
«Salutations!... Ah, parfait, ça marche très bien, bravo les techniciens...
-De rien, c'est notre boulot... Serrer les boulons, trimer dur et faire avancer le bazar...
-Oui, bon... Vous êtes surs que c'est ici?...
-Affirmatif!... Cinq untés de KRN-8, juste ce qu'il nous faut...»
Un peu abasourdie par le déroulement des évenements, (Avouez que cela peut quand même paraitre un peu déconcertant de voir un argonien manifestement mort se parler à lui-même avec trois voix différentes) Lielle décida néanmoins de demander d'un ton dégagé:
«Du KRN-8?... Puis-je avoir l'audace de vous demander ce que vous entendez par là?...»
L'argonien mort-mais-pas-mort interrompit un instant une intense discussion avec lui même...
«Vous savez bien, allons... Du KRN-8... Seriez-vous disposée à nous en céder un peu?... Je dois vous avouer que nous en manquons cruellement...»
Lielle fit rapidement l'inventaire de ses possessions... Un bout de ficelle, deux morceaux de viande séchée, un peigne... Soudain, au milieu de l'espèce de petite comptine née du décompte de ses possessions, apparut la solution: Cinq pieces dwemers... Elle les présenta fierement à Libère-les-esclaves...
«Du KRN-8, bien sur... Est-ce cela que vous cherchez?...»
L'argonien tourna un oeil vers la main tendue vers lui...
«Merveilleux!... Monsieur Skantz, vous aviez raison... 5 unités de KRN-8, je vous félicite...
-Ben tiens!... Un détecteur, c'est fiable, ça se trompe pas...»
Tournant de nouveau son oeil vers Lielle, Libère-les-esclaves reprit:
«Et seriez-vous prête à nous en... Céder?...»
Lielle réfléchit rapidement...
«Faisons un échange de bons services, voulez-vous?... Si vous me libérez, je vous cède ce magnifique KRN-8...»
L'argonien entra en bref moment en auto-conciliabule...
«Libérer?... Pouvez-vous éclaircir votre propos?...»
La jeune bretonne montra ses poignets:
«Oter ces morceaux de métal qui me retiennent fixée au mur!...»
L'argonien examina les menottes...
«Allo, les machines?... Nous avons ici des patins d'ancrage défectueux qui empèchent un départ...
-Attendez, je scanne... Houla, qu'est-ce que c'est que ce matériel?... C'est du fer de basse qualité, et tout rouillé, en plus...
-Et à part l'avis d'un spécialiste, que pouvez-vous réaliser?...
-Ben, je peux les faire sauter, mais on risque d'endommager la structure du vaisseau retenu, ou alors, attendez... J'ai la solution...
-Merveilleux!... Procédez, je vous prie...
-On y va... Une bonne electrolyse, et la corrosion va tout descendre...»
Lielle sentit les menottes bourdonner, puis à sa grande surprise, les entraves devinrent noiratres et commencèrent à s'effriter autour des rivets...En une minutes et vingt-deux secondes, elles cédèrent, tombant à terre en un nuage de poussiere...
«Et voilà l'travail... Me remerciez pas, c'est mon boulot...»
Enfin libre, Lielle mit sa promesse à exécution en glissant les pieces dans la main glacée de l'argonien... A la grande surprise de la jeune femme, celui-ci les fit disparaitre dans sa bouche, la refermant aussitot avec un claquement sec...
«Parfait!... Nous pouvons désormais utiliser l'ensemble de nos transpondeurs et déflecteurs...
-Euh, navigateur, ça s'impatiente, la-haut, ils continuent à nous bipper, et se laissent même aller à quelques écarts de langage...
-Diantre!... Eh bien, en route, alors... Vous avez établi un cap?...
-On a le signal fort et clair... Distance établie, durée estimée de tansport par voie pedestre, cinquante-huit secondes...»
L'argonien, ou plutot comme avait finit par l'admettre Lielle, son corps, tourna les talons et se dirigea en hâte ves l'escalier... Restée seule, la jeune aventuriere considéra les faits: Soit retourner en hâte vers Vivec et expliquer à un archimage furieux que oui la mission était un fiasco mais que non ce n'était pas grave, ou prendre son courage à deux mains et aller là où tout le monde semblait converger, en espérant tout de même bénéficier d'un coup de chance permettant de récupérer l'objet qu'elle était venue chercher...
N'écoutant donc que la crainte que lui inspirait son maître de guilde, elle s'élança vers les étages de la tour...
Modifié par Kira, 22 avril 2008 - 15:37.