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[h] Petites Trahisons Entre Vvardenfelliens


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2 réponses à ce sujet

#1 redolegna

redolegna

    Les vacances de Monsieur Hulot


Posté 23 février 2006 - 17:49

Ce récit n'appelle pas de suite. Mais je pense faire quelques autres textes sur le thème du titre.


Où l'on assiste à la mort d'une vieille connaissance, ainsi qu'au puissant esprit de déduction des Ordonnateurs de Vivec.



  Mon bras craque sous la violence du coup. Mon arme éclate et je me tiens étourdi une seconde de trop en face de mon ennemi, qui m’allonge une de ses bottes redoutables. Sa lame transperce ma poitrine et la fouille, à la recherche de mon cœur. Je m’abats lourdement sur le sol et je ne sens qu’à peine mon adversaire me donner un coup de pied pour dégager sa lame.
  Je tente en vain de me raccrocher à la raison et au monde qui m’entoure, mais trop tard : des couleurs inconnues m’entourent et je me perds en elles. Mais elles finissent bien trop tôt par laisser la place au noir, qui obscurcit ma vision. Alors que je succombe, j’essaye de me remémorer ma vie : ne m’a-t-on pas dit qu’en de tels instants, celle-ci défilait devant les yeux ? Pas pour moi, malchanceux décidément jusqu’au bout.
  

  L’Ordonnateur se pencha sur le corps sans vie et le palpa. Il secoua la tête vers son escouade et leur intima l’ordre de se recueillir quelques instants sur la dépouille funèbre de feu Bolvyn Vénim. Un des vétérans émit un bruit désagréable, qui ressemblait fort à un reniflement de dédain.
« Quelque chose te déplaît dans le rite des Tribuns ? gronda son chef.
— Non, chef. Mais à force de tenter le sort, c’était sûr que Bolvyn allait finir par en crever. L’était plus tout jeune, asteure ! et il voulait encore combattre en personne. Bien d’un Rédoran, ça. Mourir dans une Arène. Ah ! rien que des muscles, pas de cervelle pour y repenser à deux fois avant de jouer les m’as-tu-vus !
— Ouais, renchérit un des gardes, l’était fin timbré, le Vénim. J’dis pas qu’il était pas un bon guerrier et qu’il a sauvé la Maison Rédoran mais mettre sa capitale à Ald’Ruhn ? Avec le temps qu’ils ont là-bas ? Et pourquoi pas en haut du Mont Ecarlate ? Et si y avait qu’ça ! Quelqu’un a entendu parler de Shisti ? C’était à un mage telvanni, mais il l’a assiégé ! Et pour un peu, si un de ses conseillers avait pas eu la chance d’envoyer un aventurier un peu plus intelligent que la moyenne, les Rédorans tourneraient encore en rond parce qu’ils n’auraient pas trouvé comment entrer chez le sorcier !
— Silence ! tonna l’Ordonnateur qui dirigeait le petit groupe. Le Grand Maître Vénim est mort comme il a vécu : honorablement. Que tous s’en souviennent avant de se moquer de lui !
— Ça, c’est pas sûr, ne put s’empêcher de dire un des gardes de Vivec trop bavard. Un caravanier qui venait d’Ald’Ruhn m’a raconté une drôle d’histoire sur le fils Saréthi qu’aurait été… »

  Il s’arrêta net quand son chef lui intima une fois de plus l’ordre de se taire, mais cette fois accompagné de la menace de sa masse en ébonite.

« Ecoute-moi bien, petit crétin, siffla l’Ordonnateur. Si je t’entends encore faire un commentaire avant la fin de l’année, je te fais muter à la Porte des Ames avec ordre de patrouiller chaque jour derrière le Rempart Intangible. C’est ça que tu veux ? »

  Le garde secoua la tête. Il savait qu’il aurait dû garder les lèvres closes, mais il ne put s’empêcher de demander :
« Que va-t-on faire de son corps, chef ? On ne va quand même pas le laisser pourrir là ?
— Non. Nous allons le ramener au quartier rédoran où ils devront s’en occuper. »

  Les Ordonnateurs soulevèrent le cadavre déjà raide et commencèrent à l’emmener. Ils sortaient de la fosse quand l’un d’eux fit :
« Tout de même, chef. Il devait être sacrément dingue pour combattre sans son armure d’ébonite… »
  Les trois autres gardes s’arrêtèrent net. Celui qui avait parlé leur lança un regard inquiet.
« Quoi, c’est vrai, non ? Je sais qu’il maniait bien l’épée, mais de là à ne faire confiance qu’à ça…
— Par les Tribuns, s’exclama le chef. Nos devons remettre ce corps là où il était, et tout de suite ! Il  doit y avoir enquête !
— Enquête pour quoi ? Les duellistes ne sont jamais poursuivis, vous l’savez bien chef. J’ai entendu dire que vous en étiez un fameux, quand vous étiez pas encore au service du Temple.
— Les duellistes ne sont pas poursuivis, rétorqua l’autre, mais il leur est interdit de dépouiller leurs adversaires ! C’est un crime des plus graves, que nous devons punir sans délai !
— Il en aurait plus trop eu l’utilité, de son armure, alors pourquoi…
— Bonne Almalexia ! Tu t’es mis au service du Temple et tu ne sais toujours pas ce qu’est l’honneur ? Le respect de la famille ? Vénim a des héritiers, et cette armure leur revient de droit !
— Ben, si jamais on la retrouve, j’espère qu’ils connaissent de bons forgerons… Vous avez vu cette plaie à la poitrine ? La cuirasse doit avoir été fendue dans toute sa longueur, pour qu’il y ait une blessure pareille ! Le type qui a fait ça doit avoir une arme terrifiante ! Et c’est pas avec nos masses qu’on arriverait à le tenir à distance, elles sont sûrement plus courte que son épée !
— Oui, répondit le chef du petit groupe, mais ce n’est pas non plus un simple bout de métal… Reniflez un peu, vous verrez… Les chairs ont été brûlées et très peu de sang a coulé. La lame qui a fait ce genre de blessure devait porter un enchantement puissant, sans doute du feu.
— Vous savez quoi, chef ? Cette histoire sent pas bon. Vous vous souvenez de ce pauvre type, là, comment il s’appelait déjà ? Varus Vantinius, ouais, c’est ça. Chef de la légion en Vvardenfell jusqu’à il y a un mois. Retrouvé mort dans l’Arène, et sans l’épée qu’il avait fait retrouver, Chrysamère. J’ai entendu qu’on n’avait rien fait pour retrouver son adversaire.
— Oui, fit un des Ordonnateurs, j’m’en souviens bien. Une drôle de blessure, comme un coup de hache. On avait soupçonné un Orque de s’être vengé, mais c’était pas allé bien loin. C’est comme pour le mage, il y a trois semaines, aussi. Trébonius Artorius, un gars stupide et qui aimait faire des sales blagues, mais réglo quand ça lui prenait.
— Qu’est-ce qui lui est arrivé ?
— Sais pas. On a retrouvé que sa tête.
— Ça suffira pour aujourd’hui, merci, coupa le chef de la patrouille d’un ton sans réplique. Nous allons faire notre rapport sur cette mort et tenter d’établir le lien avec les deux autres.
— Pas difficile à établir le lien, chef. Il vient de Seyda Nihyn et il se prend pour le maître de cette île.
— Comment cela ? Il n’y a rien à Seyda Nihyn. Rien d’autre que des pêcheurs et des Impériaux fouineurs.
— Ah, à vous aussi les percepteurs ont rendu visite, chef ? Mais y a une chose dans c’port, chef : des bateaux-prisons impériaux qui viennent directement de Bravil, dans la province impériale. C’est là qu’ils mettent tous les condamnés qu’ils ne peuvent pas enfermer dans leurs prisons, et ils les envoient vers les terres nouvelles. Bref, j’étais en permission là-bas, il y a bien cinq mois. L’vieux Hrisskar m’payait à boire et m’donnait quèques tuyaux sur c’qui se passe en ce moment dans la légion. J’ai vu quelqu’un sortir d’un navire, des chaînes aux mains, entrer dans un des bâtiments officiels et ressortir avec un sac sur le dos et quelque chose de lourd dedans. Il a parlé à Arrile, vous savez le Haut Elfe qui s’occupe de la taverne dans ce petit village, et il lui a demandé la route de Balmora. J’lui ai d’mandé ce qu’il comptait y faire et y m’a répondu, vous savez quoi ? qu’il y resterait pas longtemps, qu’il comptait s’installer à Ald’Ruhn. Et puis, il a regardé mon uniforme et il a fait un grand sourire pas franc et ben désagréable… Et il a ajouté qu’il irait aussi à Cœurébène, pis à Sadrith Mora, à Vivec, partout, et qu’il avait l’intention de pas s’embêter avec les péquenauds comme moi. J’ai failli lui coller une rouste, mais j’étais en perm’ et j’voulais pas qu’les gardes s’énervent. J’suis retourné à Vivec, et y avait toutes ces histoires avec la tueuse, alors je l’ai oublié, ce type… Mais je l’ai revu, y a pas longtemps. Il traînait une fille, et il lui avait tranché la gorge. Il m’a dit que c’était elle la meurtrière et qu’il lui avait pas fallu deux jours pour la retrouver. J’ai pas apprécié mais je me suis rappelé l’avoir vu à Seyda Nihyn et j’lui ai d’mandé s’il avait vu autant de pays qu’y voulait. Y m’a répondu qu’oui, merci, et y m’a montré quèq’chose d’étonnant. Il avait une médaille sur son armure, et ça disait qu’il était maître de la légion par ici. Et pis, il a souri du même sourire pas franc que la fois d’avant et il a déroulé un parchemin devant mes yeux et y m’a expliqué qu’l’était maintenant aussi archimage de la Guilde. J’ai rigolé et pis j’ai dit : « Et quand c’est-y qu’vous s’rez maître des Rédorans (pasque j’avais vu à une bague qu’il avait qu’il l’était) ? Et pis Hortator de toutes les Maisons ? » Et il a continué de sourire et il a dit : « C’est marrant que vous me parliez de ça. Cherchez Vénim, un de ces jours, et demandez-lui s’il pense toujours qu’il est le seul capable de les mener. » Alors j’m’demande si c’est pas lui qui serait responsable de tout ça… Il transportait pas mal de matériel avec lui, et j’ai bien cru reconnaître une hache daedrique sur lui… Et la Dunmer qu’il traînait, sa gorge avait les mêmes cicatrices qu’le seigneur Vénim…
— Oui, c’est trop beau pour être une simple coïncidence. Je vais en référer en haut lieu. Le seigneur Sala et monseigneur Saryoni devraient en être informés. Nous ne pouvons pas tolérer ce meurtrier dans nos rues. »

  Le chef des Ordonnateurs mena sa patrouille dans les couloirs étroits du Palais de la Sagesse et toqua respectueusement à la porte du Grand Sanctuaire. Un acolyte du Temple leur ouvrit et les annonça. Le grand chanoine Tholer Saryoni se leva avec précaution et alla à la rencontre des gardes. Il écouta patiemment leur rapport, sans les interrompre. Il approuva de la tête les déductions de ses hommes et finit par répondre.

« Ma foi, cher capitaine, dit-il en ignorant résolument le tressaillement de l’Ordonnateur, étonné par cette promotion, il me semble que vos talents de fin limier ont été fortement sous-estimés. Je vais donc vous donner un blanc-seing qui vous permettra de circuler librement dans tout le Vvardenfell, sans restriction aucune. Vous aurez ordre de traquer cet assassin qui ose nous défier. Mais auparavant, je vous recommande, à vous et à vos hommes, d’effectuer le pèlerinage de la Courtoisie, pour vous purifier dans les Eaux bénites par notre seigneur Vivec. »

  Les Ordonnateurs saluèrent et repartirent en direction des canaux des mystères. Une silhouette sortit de derrière les tentures et les regarda s’éloigner. Le chanoine lui jeta un regard et attendit.

« Bien présomptueux, finit par dire l’inconnu. Et bien imprudents de n’avoir averti personne d’autre que vous.
— Tant mieux, répliqua Saryoni. Je n’aime pas devoir faire nettoyer le sang dans les sanctuaires. Il n’y aura personne d’autre à… remettre sur le droit chemin…
— Bah, je n’ai fait qu’empoisonner l’eau. Quand ils remonteront à la surface, ils prendront une aspiration d’air, boiront un peu la tasse et mourront. Il vous suffira d’accuser un quelconque ennemi. Que diriez-vous… d’une vengeance des Telvannis pour le meurtre impuni de Gothren dont ils suspectent le Temple ?
— Pourquoi pas, en effet, Nérévarine ? Et maintenant, cher ami, le seigneur Vivec vous attend. Ces troubles-fête ne pourront plus vous gêner quand vous aurez achevé votre entretien avec notre bien-aimé Tribun. »
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#2 redolegna

redolegna

    Les vacances de Monsieur Hulot


Posté 24 mars 2006 - 23:06

La plaine s’étendait, morne, devant l’armée en marche. Les pieds des soldats foulaient le sol grisâtre, dépourvu de toute végétation. Une fois de plus, le Temple tentait de se débarrasser du fléau des Cendrais nomades. Le prétexte était cette fois plus spécieux que d’habitude : un Zaïnab aurait pillé une caravane de pèlerins, à la tête d’un fort parti de malandrins.

Aucun des hommes qui avançaient sans mot dire ne l’aurait reconnu, mais tous mouraient de peur. La colonne avait pleinement conscience que chaque expédition de ce genre avait tourné au désastre. Les Cendrais avaient l’avantage du terrain, portaient des armures plus légères que leurs futurs adversaires, et se risquaient rarement dans une bataille rangée. Nombre de soldats prudents avaient multiplié les précautions, plaçant des sorts de marque dans leurs casernes sur le continent et apprenant à se servir de l’intervention d’ALMSIVI.

Les prêtres du haut clergé cherchaient en vain à raffermir le courage de leurs troupes : jamais les Cendrais n’avaient eu à faire face à une armée aussi grande, pensez donc ! cinq mille hommes sous les armes, entraînés, guidés par Vivec. Ils se heurtaient toujours à un mur de silence. Les Rédorans et les Indorils qui constituaient l’essentiel de l’host ne s’appréciaient guère, mais ils aimaient encore moins les prêtres qui les avaient tirés de leurs garnisons.

Certains soldats étaient épuisés d’avoir marché depuis Vivec, après leur débarquement en Vvardenfell, jusqu’au Nord de l’immense île. Les haltes étaient rares et les hommes ne dormaient presque plus depuis trois jours et demi qu’ils étaient entrés dans les territoires hostiles des Terres-Cendres.

Quand le soir tomba et que le camp fut dressé, à la fin de la première semaine, personne ne put trouver le sommeil réparateur. Les hurlements du vent sonnaient comme des trompes cendraises dans les oreilles des hommes. A l’aube, l’armée repartit, encore plus lentement qu’à l’accoutumée. Aux environs de midi, le soleil n’avait toujours pas percé entre les nuages et le moral continua de chuter.

L’attaque vint sans prévenir. Une volée de flèches s’abattit sur l’armée et les Cendrais qui venaient de tirer, postés sur une éminence proche, disparurent aussitôt sans même jeter un regard à leurs victimes.

Ce harcèlement continua pendant des jours. L’armée ne progressait plus que de trois lieues du lever au coucher du soleil, paralysée par l’effroi, dans la contrée dévastée des Cendres, sur un sol dur où l’on ne pouvait enfoncer convenablement les piquets des tentes. Les soldats, frigorifiés, commençaient à se plaindre de toutes sortes de maladies que les guérisseurs, débordés et épuisés par les veilles, ne parvenaient pas toujours à soigner. Sans livrer un seul combat, les effectifs de l’armée fondirent vite d’un cinquième et la situation alla en se dégradant.

En désespoir de cause, le Grand Capitaine Ordonnateur, qui, à la tête d’une petite force d’élite fanatisée, commandait l’armée, chargea des messagers rapides de demander du secours à la légion et à la Guilde des Guerriers, les suppliant d’envoyer de forts contingents à l’aide des troupes embourbées dans cette campagne désastreuse.

Trois mois après le départ de Vivec, les vivres commencèrent à s’épuiser. Le ravitaillement avait été au mieux sporadique dès l’entrée dans les Terres-Cendres, mais il se tarit tout à fait. La chasse ne rapportait rien : le rare gibier était éloigné par les insaisissables Cendrais. Les soldats mangèrent d’abord les quelques racines qu’ils trouvèrent. Ils se résolurent bien vite à faire bouillir leurs lourdes bottes de cuir, puis à grignoter les pages des livres sacrés, malgré les anathèmes lancés par les prêtres et les protestations véhémentes des Ordonnateurs. Plutôt hanter un tombeau pour l’éternité que mourir de faim !

Les messagers envoyés à la légion revinrent bredouilles : aucune garnison n’acceptait d’envoyer ne serait-ce qu’un seul homme pour tout au moins aider les misérables troupes à se retirer. Mais la Guilde, elle, offrit les services d’un millier de combattants équipés qui rejoignirent rapidement les rangs de l’armée et lui rendirent un peu de sa confiance. Les seuls à ne pas partager l’allégresse furent les intendants quand on leur apprit le coût de ce secours inespéré : les Guerriers exigeaient cinq cent mille septims et l’assurance qu’aucun des non-Dunmers envoyés ne serait molesté ni privé de butin. La générosité de Vivec était manifestement inconnue de ces barbares païens…

A quelques temps de là, les éclaireurs rapportèrent avoir aperçu des dizaines de feux de camp à une faible distance. Les Cendrais se préparaient à affronter leurs adversaires frontalement pour la première fois, en une immense bataille rangée. L’armée fut prise d’un formidable espoir car les nomades n’étaient guère plus qu’un millier, peu rompus à l’affrontement direct.

Au petit jour, la marche reprit, l’armée disposée en ligne de bataille : cinq cents guerriers sur chaque aile et trois mille Rédorans et Indorils au centre, encadrant l’état-major, les Ordonnateurs et les prêtres. Sjoring Apre-Cœur commandait l’aile droite et son fidèle lieutenant orque à gauche.

Avant la huitième heure, les Cendrais furent en vue. Dès qu’ils furent à portée de tir, les soldats levèrent leurs boucliers et le déluge de flèches ne les ralentit pas un instant. Alors les hommes des Cendres se massèrent face au centre de l’armée en marche et attendirent.

« Sjoring, hurla le Grand Capitaine, débordez-les sans perdre une seconde ! Encerclez-les, que cette vermine ne nous échappe pas ! »

Le Guerrier eut un étrange sourire et il leva le bras, alors que de l’autre côté l’Orque en faisait autant. Puis, avec un rire carnassier, il abaissa la main et, comme un seul homme, les Guerriers chargèrent les soldats du Temple en même temps que les Cendrais se lançaient eux aussi à l’assaut.

Ce ne fut pas un combat. Un combat a des règles. Ce fut une épouvantable boucherie. Pas un n’en réchappa parmi les soldats. Déroutés, anéantis par cette trahison, nul ne songea seulement à s’enfuir à l’aide des sorts si soigneusement mémorisés trois mois auparavant. Quand le massacre fut achevé, Sjoring essuya soigneusement son arme du sang qui risquait d’en corroder le métal et grimpa sur une petite colline où un Dunmer au visage impénétrable l’attendait.

« Alors, Orvas, vous êtes satisfait ?
- Très. Avec une défaite pareille, les Indorils ne réuniront plus jamais assez de forces pour revendiquer un quelconque territoire en Vvardenfell.
- Ce qui laisse les Hlaalus face à des Rédorans affaiblis, un Temple qui vient de perdre ses meilleurs serviteurs et dont le dogme n’arrive définitivement pas à s’imposer totalement, et des Telvannis encore désorganisés et individualistes, que le pouvoir sur cette île n’intéresse pas encore. Vous avez bien manœuvré, Orvas.
- Oui. Mon frère est un obstacle, mais les obstacles peuvent être… supprimés. Mais vous ne perdez pas au change non plus.
- Avec ces cinq cent mille septims, dont je ne compte offrir aucune part aux Cendrais malgré les serments que je leur ai faits, je vais en effet pouvoir m’élever dans la hiérarchie de la Guilde. Percius Mercius a fait son temps. Il n’est pas mauvais tant qu’il ne s’agit que de se battre, mais il se laisse trop embarrasser par son honneur quand il faut conclure des affaires. Son éviction à mon profit pourrait nous laisser envisager une nouvelle… collaboration.
- Pourquoi pas ? Vous êtes plutôt intelligent, pour un n’wah. Résolvez le problème de ces maudits Voleurs et vous verrez que vous n’avez pas affaire à un ingrat.
- C’est-à-dire ?
- Que tôt ou tard, le grand maître de votre Guilde cherchera à passer la main et qu’à ce moment, vous aurez un allié de poids dans la course à sa succession : le nouveau maître du Vvardenfell et de ses richesses. »

Les commissures des lèvres de Sjoring se relevèrent lentement. Il regarda les milliers de cadavres qui jonchaient la plaine des Cendres et dont ses hommes pillaient méthodiquement les corps que les braillards commençaient à se disputer.

L’avenir s’annonçait radieux.
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#3 redolegna

redolegna

    Les vacances de Monsieur Hulot


Posté 04 avril 2006 - 20:42

L’homme avait un visage grotesque, difforme, plein de verrues et tuméfié par-dessus le marché. Son interlocuteur ne put s’empêcher de frémir de dégoût quand il l’invita à s’asseoir à sa table, au Mur du Sud. Phane Rielle n’avait pas l’air dans son assiette non plus quand il vint lui servir un godet de sujamma. L’individu s’en octroya une lampée d’une façon immonde, en lapant le liquide ambré et en faisant claquer sa langue. La bibine que vendait le Voleur lui semplait apparemment un divin nectar. Les brasseurs de la région d’origine de ce type ne devaient franchement pas être dignes de ce nom, conclut le Bréton distingué.

« Paraît que vous avez une offre à me faire, » rota le débris plus qu’il ne le dit.

Sa voix était avinée, pâteuse, comme s’il avait déjà beaucoup bu, mais les facultés d’absorption de ce personnage de cauchemar semblaient infinies. Il s’empara d’une cruche de shein à portée de sa main et se la vida dans le gosier, au vif déplaisir du Bréton, car Bacola Closcius lui avait fait comprendre qu’il paierait toutes les consommations de cet inconnu.

« En effet, on ne vous a pas menti sur ce point. On m’a assuré de votre efficacité et de votre professionnalisme. A savoir que vous effectuez votre travail sans vous faire prendre ni vous faire remarquer, précisa le Bréton d’un air un peu dubitatif.
— Ben, mon bon maît’, j’puis vous assurer qu’vous avez pas à vous biler pour si peu. J’suis l’plus meilleur dans ma partie, assura l’ivrogne sans faire mine de remarquer la grimace dégoûtée de son vis-à-vis, apparemment horrifié d’un tel usage de la grammaire.
— Peut-être, coupa sèchement l’autre, mais je ne peux pas dire que votre aspect m’incline particulièrement à vous croire. Il faudra m’en dire un peu plus pour me convaincre.
— C’qu’vous êtes méfiants en Haut’roche, beugla le malotru. Pour eun’simp’bosse qui fait d’mal à personne, voilà-t-y pas qu’vous commencez à m’d’mander d’vous prouver ma compétence dans des affaires qu’les honnêtes gens de c’t honnête établissement veulent pas savoir, j’en suis ben persuadé. J’vais vous dire, vous heurtez ma sensibitilité, bredouilla l’homme dont la langue s’emmêlait un peu, sans doute à cause des deux pintes de cognac de Cyrodil qu’il s’était généreusement envoyé pendant sa diatribe.
— Il n’empêche que je ne me contenterai pas de mots. Je veux des faits, et je veux que l’on puisse les confirmer dans certains cercles fermés de ma connaissance. Je n’ai pas confiance dans la parole d’un Nordique bavard comme une pie et plus plein que dix barriques. La Confrérie que je sers n’aime pas perdre son temps. »

Juste comme il disait ces mots, les yeux du Nordique s’étrécirent et son regard n’eut plus l’air étourdi par les vapeurs capiteuses de l’alcool.

« J’traite pas avec la Confrérie Noire, déclara-t-il tout net et sa voix elle aussi avait changé, presque complètement débarassée de son accent. La Morag Tong a des idées bien arrêtée en matière de concurrence déloyale et je tiens à conserver mes abattis dans ma panse, merci bien.
— Il ne s’agit pas de cette… organisation, répondit le Bréton avec raideur. Mes clients, dont je ne suis que l’intermédiaire, je tiens à vous le rappeler, m’ont offert une forte somme pour un travail qui n’est pas sans risque et bien éloigné de la légalité, il est vrai, mais qui ne relève pas de l’assassinat.
— Peut-être, riposta le Nordique, mais maint’nant, c’est à vous de me donner des garanties. Je veux savoir quelle tâche je dois mener à bien, et combien je serai payé. Et je veux des arrhes.
— Vous pouvez toujours courir pour que je donne le moindre septim à un type qui boit son poids en spiritueux.
— Allons, Dorellion, lâcha le Nordique et une joie perverse dansa dans ses yeux quand il vit le Bréton tressaillir à l’énoncé de son nom, ne tentez pas cela. Si vous m’avez fait contacter, c’est par le biais d’un canal précis, et vous savez dans ce cas que ma réputation n’est plus à faire. »

Dorellion lui lança un regard noir et posa sa main sur la garde de son épée, mais quelque chose qu’il aperçut du coin de l’œil le fit se raviser. Il ramena sa main au-dessus de la table très lentement, en faisant attention à ce que son geste ne soit pas mal interprété.

« Il s’agit de contrebande, dit-il enfin.
— Skouma ? Sucre de lune ? Ou peut-être quelque chose de plus lourd, comme du verre ou de l’ébonite. Quoi que ce soit, ça va vous coûter cher : on n’acquiert pas mes services pour rien, et ce que vous voulez me faire convoyer me fera sans doute risquer ma tête.
— Rien de tout cela. Il se trouve que l’organisation qui m’emploie a besoin d’un certain nombre de papiers. Je me suis mal exprimé en parlant de contrebande. Ces papiers ne sont pas… officiellement agréés, mais ils le paraissent. Appelons ça un usage de faux, si vous voulez. Vous serez chargé de les transporter depuis Longsanglot jusqu’à Balmora.
— Dites-moi ce qu’il y a d’écrit sur ces papiers, ça m’évitera de rompre le sceau et de devoir dissimuler ça. Ne me dites pas que vous ne le savez pas, ou que vous n’avez pas le droit de me communiquer ces informations, Dorellion, ajouta très vite le Nordique comme l’autre s’empourprait furieusement. Ou vous me faites confiance, ou je m’en vais et j’annonce que vous n’êtes pas un partenaire sérieux. Si je fais ça, personne n’acceptera de seulement envisager de répondre à vos propositions.
— Très bien, si vous m’y contraignez… Les Hlaalus connaissent des différends profonds. Une fraction, la plus conservatrice, de la famille Dren considère que l’autre est dangereusement libérale envers les n’wah comme ils nous appellent. Et Orvas Dren est riche, très riche. Je ne vous apprendrai rien en vous disant qu’il contrôle la Cammona Tong et, par elle, la Guilde des Guerriers et que cela le plaçe en position de prendre le contrôle de la Maison Hlaalu. Son frère et sa sœur voient cela d’un très mauvais œil, d’autant que le roi Helseth semble décidé à ouvrir le Morrowind vers l’Empire et qu’ils n’apprécieraient pas de ne pas en profiter.
— Au fait, Dorellion. On ne vous a pas appris à être direct ?
— Bref, le duc Védam a chargé son représentant à la Cour Impériale de lui faire parvenir des papiers concernant Orvas. Des documents qui précisent que l’Empereur met tous ses biens sous la tutelle de leur sœur Ilméni, à Vivec, précisa Dorellion. »

Le Nordique éclata d’un gros rire.

« Rien que pour ridiculiser ce Dunmer arrogant, je travaillerais presque gratuitement. Orvas dépossédé, il ne pourrait plus faire grand chose, n’est-ce pas ?
— Non, répondit Dorellion, en acceptant le verre que lui tendait le Nordique et en buvant d’un air un peu plus détendu maintenant. Il pourrait toujours gémir, mais il ne pourrait se plaindre à l’Empereur. Après tout, il refuse de parler aux étrangers à Morrowind… Les autres ordres seraient de faire en sorte que la Cammona perde des membres influents. Les frères Iénith, ce genre d’individus… La Maison Hlaalu pourrait s’adresser à la Morag Tong, par exemple. C’est ce qui lui est recommandé de faire par l’Empereur en personne, vous comprenez.
— Je comprends très bien. Et vous vouliez quelqu’un que les sbires d’Orvas Dren n’ait pas l’idée d’arrêter, qui passerait inaperçu, fit le Nordique avec un sourire entendu.
— C’est tout à fait ça, dit Dorellion d’une voix un peu perturbée, presque zézayante. Vous devrez… Vous devrez…
— Eh bien, l’ami, quelque chose ne va pas ? Ce doit être ce vin que je vous ai donné à boire… J’aurais dû faire plus attention, les gens ne l’aiment pas beaucoup. Pourtant, il est tout à fait honnête… J’y suis, s’exclama l’homme au visage disgrâcieux. C’est la faute de la poudre que j’y ajoute. Vous m’en voyez désolé, Dorellion, je suis vraiment un grand maladroit.
— Vous êtes un fumier, oui, articula le Bréton. Combien pour l’antidote ? Cette caisse derrière moi est à vous si vous me le donnez. Elle contient plus de quinze mille septims.
— Oh, il n’y a pas d’antidote, Dorellion. Jamais quand j’exécute un contrat pour sa seigneurie Orvas Dren. Mais je vais vous faire une fleur : il a dit il n’y a pas longtemps une chose qui m’a blessé. Vous connaissez ma réputation : je fais toujours ce pour quoi on me paie. Alors je vais considérer ce tas de septims que vous m’offrez si généreusement comme une avance pour ce que vous me demandiez de faire. Comme cela, tout le monde est content, n’est-ce pas ? Orvas vous voulait mort, vous voilà mort. Védam veut le voir ruiné, Orvas est ruiné. Et moi, je gagne un peu plus que si je m’étais attaché à l’un des deux camps de manière futile, vous comprenez ? En fin de compte, il n’y a que vous qui êtes un peu floué, mais vous vous contenterez sûrement de la vengeance que je vous accorde… »

Le cadavre de Dorellion ne daigna pas répondre. Son visage tout bleu et tordu par l’effet du poison ne laissa échapper aucun son.

« Au fait, vieille branche ! conclut le Nordique. Ma trogne n’est pas plus laide que la vôtre, semble-t-il… “Je ne peux pas dire que votre aspect m’incline particulièrement à vous croire” ! Je peux vous garantir que votre tête ne passera pas inaperçue des gardes de notre belle ville, dès que je vous aurais gentiment déposé dans la ruelle, juste derrière le Club du Conseil… »




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