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[Artémus]

Prologue :

La guilde des mages était déserte, Ald Ruhn dormait paisiblement sous un ciel chargé de nuages sombres où ne brillait aucune étoile. Sous des draps chauds se terrait Réloth Velbarran, jeune apprenti a la guilde, attendant nerveusement un sommeil qu'il ne pouvait s'empêcher de craindre. Dans son esprit confus, il revivait le terrible cheminement qui l'avait conduit dans les ruines de Mzahr, ancien bastion du peuple Dwemer et théâtre de rites ignobles.
Dans ses songes, il repassait la porte rouillée et branlante encore maculée de cendres. Bientôt, il pouvait entendre résonner ses pas descendant dans les profondeurs de cet édifice grinçant et sale. Les ombres dansaient encore, comme dans ses souvenirs, et le dédale de couloirs obscurs semblait changer chaque nuit. Parfois, il croyait entendre grincer les mâchoires terribles d'une créature mécanique, alors que son coeur battait le rythme des engrenages toujours omniprésents dans sa mémoire.
En vérité, quelquechose le suivait, il le savait, quelquechose dépourvu de visage. Aussi froide qu'un linceul, une silhouette boîtait vers lui dans les ténèbres. Son souffle rauque et sifflant faisait bourdonner les parois étoites du Corridor. Lui, Réloth, n'avait pu supporter cette présence, il n'avait pu affronter cet être difforme qui rampait vers lui.
A l'abri de sa couverture, il sentait encore cette poigne glaciale, interminable. Il se débattait, encore et encore, mais l'étreinte était si vive, si dépourvue de vie. Il s'enfuit, toujours plus loin dans la pénombre. Ses rêves lui renvoyaient les échos de sa fuite, il haletait, cherchant frénétiquement une issue. Arrivé aux portes, il revoyait le ciel, sombre et chargé de menaces. Il s'écroulait enfin, seul et tremblant parmi les cendres.
Le souffle raisonnait encore, ce souffle infecte suivi d'un cri strident, son cri : Réloth se réveilla en sursaut.

[Artémus]

Chapitre 1

Le soleil pointait enfin au delà des collines. Réloth, qui n'avait pu retrouver le sommeil, faisait les cent pas à travers son dortoir poussiéreux. Dans la grande salle, les mages semblaient s'activaient plus que de coutume : on avait découvert le cadavre d'un caravanier gisant devant la guilde.

Réloth sortit de ses quartiers, intrigué par la rumeur qui se répandait déja dans toute la cité crabe. Ses confrères parlaient de ce Dunmer : les gardes l'aurraient découvert sans vie, le visage figé dans une expression de terreur intense. Ajoutée aux cauchemars de la veille, cette nouvelle fit naître une profonde angoisse dans l'esprit du jeune mage. Il décida de se rendre a la bibliothèque, la lecture avait le pouvoir de lui faire oublier ses craintes, ne serait-ce qu'un moment.
L'édifice était désert, la plupart de ses condisciples s'affairaient à l'extérieur. On pouvait entendre le vent souffler sur l'immense carapace qui constituait le toit de la guilde. A la lueur des bougies, Réloth se frayait un chemin parmi les rayonnages, cherchant du regard un volume qui aurrait pu lui échapper, dans lequel il trouverait le réconfort, et qui sait, des réponses aux questions qui le hantaient depuis de nombreux jours.

Ce silence l'intriguait, jamais la bibliothèque n'avait été déserte auparavant. Parfois, il croyait entendre le souffle rauque et sifflant, de l'autre côté d'un rayonnage, mais ses craintes n'étaient qu'immagination, il était en sûreté dans la guilde.
Cette pensée jadis rassurante l'ammena à se rappeler de l'évènnement macabre survenu le matin même. Il frissona. Comment cet homme s'était-il fait tuer ? Pourquoi les gardes, toujours très présents dans les environs, n'avaient-ils rien perçu d'anormal ? Toutes ces questions s'entrechoquaient dans son esprit sans pouvoir s'organiser, il poursuivit donc ses recherches.

Son attention fut attirée par un petit volume dont la couverture rouge sang semblait luire a la lueur des bougies, il étendit le bras pour l'attrapper lorsque tout à coup, un courant d'air lui glaça le sang. La porte de la bibliothèque venait de s'ouvrir dans un souffle. Il regarda dans sa direction, et découvrit avec stupéfaction que cette pièce de bois massive s'était ouverte d'elle même. Il s'approcha pour la refermer, traversant une nouvelle fois ce long couloir de livres. De retour à ses occupations, il fut pris de terreur : Le livre rouge avait disparu ! Paniqué, il courut vers la sortie, traversant le rayon a toute vitesse. Craignant de trouver la porte bloquée, il l'ouvrit de toutes ses forces pour tomber nez à nez avec Volsius, le mage bibliothécaire. Surpris par la panique de Réloth, il lui demanda si tout allait bien; ce dernier, intrigué mais rassuré par la présence du mage lui expliqua qu'il venait de se rendre compte de l'oubli d'un livre et qu'il devait retourner dans ses quartiers au plus vite afin de le rammener. Volsius sourit, c'était un vieux Bréton au visage amical qui avait passé de nombreuses années de sa vie à enrichir la bibliothèque de nouveaux volumes. Sa barbe grise soigneusement taillée et son crâne chauve lui donnaient un aspect sage et placide semblable à celui des Oracles de jadis.

Après avoir échangé quelques mots avec le vieil homme, il regagna sa chambre a la recherche d'un peu de calme et d'un livre a rammener pour ne pas éveiller les soupçons du bibliothécaire. Il n'aimait pas mentir, mais depuis quelques temps, son comportement l'exigeait. Ses terreurs passagères le rendaient bien souvent étrange, et il devait parfois ruser pour que rien n'y paraisse.
Arrivé dans sa chambre, il se jeta sur le lit, encore dans la crainte d'autres évènnements injustifiables. Le visage enfoui dans son oreiller, il sentit une présence : Il n'était pas seul dans la pièce. Il se redressa lentement et inspecta successivement chaque recoin de la chambre. Après avoir ouvert l'armoire, il s'approcha du bureau où il avait l'habitude d'écrire son journal.
Tout sembla se glacer autour de lui lorsqu'il vit, juste sous ses yeux, le livre rouge sang de la bibliothèque !

[Artémus]

Chapitre 1, Suite :

Comment était-ce possible ? Comment ce livre avait-il quitté la bibliothèque sans l'aide de personne ? Réloth songea tout d'abbord a un sort d'invisibilité. C'était en effet l'hypothèse la plus probable pour justifier l'ouverture mystérieuse de la porte. Cependant, il se souvint que le livre était toujours sur l'étagère lorsque le courrant d'air s'engouffra dans la bibliothèque.
Ce livre l'intriguait, dès lors qu'il posa les yeux dessus, il fut attiré par lui. Et pourtant, même en cet instant, seul face a lui, il ignorait son contenu. Il remarqua que le titre avait été effacé, pire encore, la couverture était rongée en plusieurs endroits et une odeur de moisi imprégnait sa surface.

Il l'ouvrit à la première page, le papier était froid au toucher. Là où devait figurer la préface, il découvrit d'étranges illustrations. La première représentait un Dunmer vêtu de haillons, agenouillé devant une imposante silhouette masquée. Dans la seconde, l'elfe noir gisait aux pieds d'un énorme Insecte, et ses yeux sans expression laissaient couler des larmes de sang. Réloth tourna la page, révélant deux nouvelles illustrations à la composition presque identique. Celle de gauche représentait le même Dunmer, debout sous le soleil, les bras levés. Autour de lui se massait une foule de fidèles a la mine réjouie. Celle de droite en revanche, horrifia le jeune mage : a la place de l'homme se tenait un être immonde, son visage n'était qu'un creux béant et noir d'où s'extirpaient des ombres. Au dessus de lui, un Soleil noir prenait la forme de l'étrange insecte déja représenté dans ce livre infâme. Ce messie sans visage était acclamé d'une marée de Cadavres levant leurs membres décharnés vers sa silhouette difforme.

Submergé de dégoût, Réloth ferma le livre et l'enferma dans son tirroir. Ce monstre, il l'avait déja vu auparavant, sans jamais pouvoir le chasser de ses songes. Il s'afaissa sur son bureau, la tête entre ses bras tremblants, et attendit, immobile.

Après de longues minutes passées dans le silence le plus total, la Guilde sembla s'animer de nouveau. Le jeune elfe noir pouvait percevoir quelques bribes de conversation tandis qu'un petit groupe de mages traversait le couloir ajacent. Ils parlaient de l'Archimage et de ses inquiétudes suite au meurtre perpétré devant la guilde. L'un d'entre eux accusait les Telvannis de vouloir briser le monopole des magiciens avec une de leurs habituelles machinations. Réloth n'y croyait pas, d'après les descriptions qu'il avait entendues, le cadavre ne portait aucune trace de blessure. Or, il était de notoriété publique que les telvannis faisaient toujours appel a des assassins pour exécuter leurs basses besognes. Tout cela lui semblait bien étrange.

Après un après-midi passé à flâner parmi les maisonettes d'Ald Ruhn, Réloth sentit revenir en lui un peu du courage perdu au cours de ses longues nuits sans sommeil. Il était ensuite allé boire un verre a la Marmite du Rat, en compagnie de deux de ses confrères. La présence d'autres apprentis et les conversations des clients l'avaient réconforté, et même les images du livre rouge semblaient se perdre dans le lointain... Dumoins, pour le moment...