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[h] L'ombre Des Rôdeurs


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8 réponses à ce sujet

#1 GrandPas

GrandPas

Posté 19 juin 2005 - 14:51

L’Ombre des Rôdeurs


Prologue


Cela faisait une heure déjà que Carsius Closus patientait dans la sombre pièce principale de l’Auberge d’Arrile. Il avait attendu ainsi depuis le début de la soirée au beau milieu de cette épaisse odeur de rôti et de vin mal fermenté. Il y avait, ce soir là, plus de monde que d’habitude. La fin de l’été approchait et déjà les ombres naissaient de toute part sur les murs de pierre et les tapisseries de la pièce, allant et venant au grès des flammes du foyer principal. On aurait dit la surface ondulante d’une mer sombre.





La mer ; c’était pour cela que Carsius était venu jusqu’au port de Seyda Nyhin de grand train. L’arrivée du bateau avait été annoncée pour la fin de journée et il ne souhaitait pas manquer cette occasion. Il était assez rare que des prisonniers de sa majesté l’Empereur Septim soient libérés, et plus encore qu’il le soient sur Vardenfell. Le « bateau-prison », comme on avait coutume de le nommer, apportait de la main d’œuvre peu chère et souvent très déterminée. Certes, il s’agissait d’anciens forçats, mais cela valait le coup du risque. Carsius commençait tout juste à élargir l’assise de sa compagnie de transport de marchandises, et il avait besoin d’hommes n’ayant rien à perdre pour conduire les convois qu’il avait projeté d’envoyer vers les Terres de Cendre. Peut-être trouverait-il les hommes qu’il cherchait ?






La porte de la pièce principale s’ouvrit brusquement, et un garçon d’écurie apparu, essoufflé. Il inspira un grand coup alors que les rires et les commérages habituels faisaient place à un silence tout relatif : « Le bateau est en vue ! Il sera là d’ici une bonne demi-heure ! »
Le brouhaha repris le dessus alors qu’une dizaine d’hommes se levait pour se rendre dores et déjà sur le port. Carsius se leva à son tour et s’avança vers la sortie. Dehors, le soleil avait disparu derrière l’horizon, mais il faisait encore clair. La journée avait été belle, et l’air était encore chargé de chaleur. Carsius traversa tranquillement la place pour se rendre sur les quais. Il avait encore un peu de temps, mais déjà, il cherchait comment il allait pouvoir s’adresser aux anciens forçats. Qu’allait-il leur dire pour les convaincre de travailler pour lui ? Certes, l’argent pouvait tout arranger, mais il s’était promis de n’y recourir quand dernier lieu. Ses affaires étaient peut-être florissantes, mais il ne pouvait tout de même pas se permettre de verser de trop grosses primes, ceci d’autant plus qu’il devait avant tout s’assurer la fidélité de ses nouveaux hommes de main.





I
l leva les yeux et constata que sa réflexion l’avait mené jusqu’aux quais. Une petite foule commençait à se former le long de la barrière protégeant le bureau des taxes. On pouvait y voir des hommes d’affaires d’un certain rang, des curieux en tout genre, des dockers, des enfants et quelques hommes dont les vêtements trahissaient un long et rude voyage. Carsius inspecta minutieusement la foule pour tenter de repérer de potentiels concurrents. Il commençait à se rassurer en l’absence de candidat crédible lorsqu’il se sentit lui-même désagréablement épié. Il balaya à nouveau les visages du regard et aperçu au bout d’un moment la silhouette d’un individu encapuchonné qui semblait le fixer de manière insistante. Un instant, il crut même pouvoir distinguer la vive lueur de ses yeux dissimulés sous le vêtement. Gêné, il se détourna un instant puis, se reprenant, il fit face de nouveau car il voulait être certain de ne pas avoir à faire à un espion d’une guilde concurrente…




Sans doute avait-il dû rêver car à l’endroit même où se tenait quelques instants plus tôt l’individu, il n’y avait absolument personne. Carsius voulu le chercher dans la foule mais l’agitation le rappela à ses préoccupations d’origine. Le bateau ne tarderait plus à accoster. Il inspira profondément, fit une prière à Almalexia, et attendit, le regard fixé sur le navire.





                                              *            *            *

Modifié par GrandPas, 23 juin 2006 - 13:04.

L'histoire cachée d'un ordre secret en Morrowind :"L'Ombre des Rôdeurs"
"Quand les choses les plus folles renversent ce que vous avez toujours connu!"

#2 GrandPas

GrandPas

Posté 25 juin 2005 - 21:48

Les prisonniers descendaient les uns à la suite des autres, aveuglés par la lumière du soleil couchant. Il y avait principalement des Dunmers appelés aussi « Elfes Noirs », mais on trouvait aussi quelques humains de provenances diverses. Le capitaine du navire était en grande discussion avec l’officier du port, sans doute pour un désaccord concernant le prix de la livraison. Les intendants du bureau des taxes quant à eux s’employaient à dénombrer la « marchandise » et à la répertorier dans de grands registres impériaux.





Carsius inspectait de la tête aux pieds les différents individus qui allaient bientôt être libérés. Il voulait repérer à l’avance les hommes les plus robustes à qui il proposerait de travailler pour lui. Il avait déjà repéré deux dunmers remarquablement bien bâtis et un barbare des terres du Nord lorsqu’il aperçu, sortant à son tour du bateau-prison, un elfe de plus petite taille à la peau claire. Sans doute devait-il s’agir d’un « elfe des bois ». En Vardenfell, on parlait d’eux sous le nom de Bosmers. Carsius en voyait un pour la première fois, et il était surpris de le voir ici, sortant de galère.



On ne les voyait que peu dans les cités car ils avaient pour réputation d’être extrêmement discrets, et de vivre principalement dans les forêts. Certains avaient entendu dire qu’une ville entièrement construite dans les arbres avait été aperçue par des voyageurs au Nord de Seyda Nihyn. Mais personne n’avait pu toutefois s’en assurer. Parfois en voyait-on dans les tavernes à la tombée de la nuit pour vider les bourses des gros clients. Mais pour Carsius qui vivait dans les grands pâturages au Nord de l’île, c’était une première. Tout d’abord curieux, il se fit vite une raison en voyant que le Bosmer était plus petit et moins carré que les autres. Il ne ferait sans doute pas un combattant très performant, ni très endurant.




Comme c’était le dernier forçat, Carsius se dirigea vers la sortie du bureau des taxes, à l’endroit même où sortiraient les nouveaux hommes et elfes libres d’ici quelques instants. C’est ici aussi que les intéressés feraient leurs offres et que les graciés signeraient, pour certains, leur premier contrat. Il attendit donc. A l’extérieur de la ville l’attendait sa caravane et il ne souhaitait pas rentrer bredouille. Tout était en place pour accueillir les nouveaux mercenaires de façon à prendre bien garde à ce qu’ils ne jouent pas de mauvais tours.






A cet instant, la porte s’ouvrit pour laisser sortir le premier libéré. Aussitôt, des hommes se dirigèrent vers lui pour lui faire des offres. Mais il ne s’agissait pas encore de l’un de ceux que Carsius avait repéré. Aussi continua-t-il d'attendre avec une certaine impatience. Au fond de lui, il était assez stressé, mais il s’efforçait de garder une apparence calme et autoritaire. Enfin, vinrent ceux qu’il attendait. Il se dirigea tranquillement vers eux de manière à paraître relativement rassuré sur la supériorité de l’offre qu’il avait à faire.




«- Comment t’appelle-tu, demanda-t-il au premier dunmer ?
- Mon nom est Yanak. Aurais-tu quelque chose à me proposer ?
- Mon nom est Carsius Closus, et j’ai effectivement une excellente proposition à te faire.
- Est-ce bien payé, demanda immédiatement Yanak ?
- Mieux que toutes les autres propositions que les autres pourront te faire, affirma Carsius le visage calme. C’est à prendre ou à laisser, je ne tolèrerai aucune négociation.
- De quel travail s’agit-il pour que ce soit aussi bien payé que tu le dis, rétorqua Yanak soupçonneux ?
- J’ai besoin de gros bras pour conduire et protéger mes caravanes de marchandises à travers Vardenfell. Mon entreprise est florissante, si tu prouves ta valeur, de nombreuses opportunités t’attendent.
- Combien, répondit sèchement l’ancien forçat ?
- 150 pièces d’or au mois. »



Yanak parut réfléchir un moment. Mais Carsius était pressé car le second dunmer venait de sortir et il était déjà abordé par les autres potentiels employeurs. Le barbare de Soltheim ne tarderait pas non plus à faire son apparition.



« - J’accepte, répondit enfin Yanak. Mais si tu ne tiens pas parole, je ne donne pas cher de ta peau, dit-il menaçant.
Carsius qui était environ de la même taille que lui, lui saisit immédiatement le col de sa chemise dépenaillée et le rapprocha brusquement de son propre visage en sifflant
- Je n’accepte aucune menace de la part de mes employés et encore moins de ceux qui ne le sont pas encore. Par ailleurs, tu apprendras que je suis un homme de parole. Alors tiens-toi à la tienne et tu t’en sortiras bien. »



Il le lâcha et recula un peu. Les passants et les employeurs s’étaient arrêtés un instant pour regarder ce qui se passait. Yanak avait gardé tout son calme et regardait tranquillement son agresseur. Puis il sourit pour lui-même.



« - Nous nous sommes bien entendus. J’accepte de travailler pour toi, je ne t’agresse plus, et toi, tu ne me touches plus jamais comme tu viens de le faire.
- Nous nous sommes bien entendus, confirma Carsius en esquissant ce qui paraissait être un sourire. Maintenant va m’attendre à l’auberge d’Arrile et prends toi un verre. Je te rejoindrai d’ici une demi-heure. »




Yanak fit demi-tour et se dirigea vers l’auberge. Carsius put ainsi se consacrer au second candidat avec un soulagement évident. Mais pour celui-ci, tout se passa sans difficulté. L’offre de Carsius était supérieure aux autres propositions, et l’autorité dont il venait de faire preuve à l’égard de Yanak faisait de lui un entrepreneur crédible et donc susceptible de bien payer.



Le second dunmer se nommait Jiub. Il paraissait sympathique, cultivé et très intelligent tant et si bien que Carsius en vint à se demander s’il avait effectivement à faire à un ancien forçat. Il ne s’en fit que plus méfiant et se promit de jeter un œil particulier sur cette brillante recrue. Si tout se passait bien, il pourrait en faire à l’avenir un administrateur efficace.


« - Tu peux rejoindre le prénommé Yanak, qui a fait le trajet avec toi, à l’auberge d’Arrile. Je ne tarderai pas à vous y rejoindre. Prends un verre et bois le à ma santé.
- J’en boirai un d’abord à la mienne si ça ne vous fait rien, répondit Jiub joyeusement. La liberté et un bon job ça se fête ! Mais si vous payez bien, peut-être en boirai-je un à votre santé ! Mais derrière cette apparente humeur facile, il semblait se cacher un esprit bien plus calculateur.
- Ne bois pas trop, dunmer, répondit froidement Carsius ! Je ne veux pas d’ivrogne dans mes rangs ! »



Mais Jiub ne sembla pas se soucier de cet ordre. Il se dirigea impatiemment vers l’auberge. Le Nordique venait de sortir à son tour et, comme les hommes venaient à lui pour lui faire des offres, il les écarta sans douceur et se dirigea vers l’auberge d’Arrile en maugréant : « Je n’ai que faire de vos offres. Mes services ne sont pas à vendre ! »
Carsius le regarda s’éloigner vers la taverne.


« -Vous ne le convaincrez pas, je puis vous l’assurer.
Carsius sursauta et se retourna, surpris, pour voir qui lui parlait. Un elfe de taille moyenne se tenait face à lui et lui souriait. Carsius ne l’avait absolument pas entendu venir et n’avait pas senti sa présence avant que ce dernier ne parle.
- Comment peux-tu en être aussi certain Bosmer, répliqua-t-il en essayant de ne pas laisser paraître sa surprise.
- Vous le savez bien, répondit l’elfe. Vous m’avez vu descendre du bateau-prison et vous savez que je viens de faire une longue traversée dans les mêmes cales que lui.
- Et pourquoi refuse-t-il donc toute propositions ?
- Il souhaite regagner Soltheim et rejoindre son clan. Il m’en a longuement parlé lors de notre voyage. »



Carsius le dévisagea un moment. Le Bosmer avait la peau claire quoique brunie par le soleil, il avait une voix douce et chantante, et était plus grand qu’il ne le lui avait semblait la première fois. Mais le plus surprenant était ses yeux. D’un vert très sombre, ils paraissaient d’une profondeur telle que le négociant se demanda ce qui pouvait bien s’y cacher.



« - Je suppose que tu ne m’abordes pas sans raison, demanda Carsius soupçonneux.
- Non, c’est exact, répondit l’elfe très calmement. Je vous ai entendu dire que vous cherchiez des mercenaires pour accompagner vos convois de marchandises…
- Comment le sais-tu, coupa brusquement le marchand ?
- Je vous ai entendu le dire, reprit calmement l’elfe. Vous ne parlez pas particulièrement discrètement.
- …
- J’aimerais donc savoir où vous conduira votre prochaine caravane, car il se peut que la destination m’intéresse. Dans ce cas, étant donné que j’ai besoin d’un peu d’argent, je vous propose mes services. Ça remplacera mon « ami le barbare ».
- Je n’avais pas particulièrement prévu de t’embaucher. Tu n’as pas exactement la même carrure que « ton ami le barbare », exposa-t-il sans détour.
Mais le Bosmer ne parut pas vexé. Il se contenta de sourire.
- Mais vous avez besoin d’hommes qui n’ont rien à perdre et qui n’ont pas froid aux yeux, poursuivit l’elfe, sinon vous ne seriez pas là. Par ailleurs, sachez une chose : il ne faut jamais se fier aux apparences –il s’arrêta un instant puis demanda net- quel prix me proposez-vous ? »



Carsius regarda encore son interlocuteur en silence. Il le vouvoyait, ce qui donnait un sentiment d’éducation. Il paraissait très habile à écouter furtivement les conversations et à approcher les gens avec une discrétion parfaite. De plus, il semblait très fin d’esprit, d’une manière différente que Jiub. Il pouvait faire une recrue exceptionnelle en son genre, mais ce qui effrayait Carsius, c’était qu’il ne pouvait absolument pas cerner le personnage qui se tenait devant lui. Quelque chose lui disait que cet elfe était bien plus qu’il voulait en laisser paraître. Mais qu’avait-il à perdre de tenter le coup ? Chacune de ses embauches du jour représentait un risque. Pourquoi ce dernier l’inquiétait plus que les autres ?



« - C’est entendu, dit-il enfin, je te prends.
- Très bien, répondit l’elfe d’un ton égal, mais vous ne m’avez pas dit où vous comptiez vous rendre.
- Balmora. Mais je ne vois pas en quoi cette information peut t’intéresser.
- J’aime savoir où je vais, répondit l’elfe, c’est tout. Quand partons-nous ?
- Demain matin à l’aube, dit Carsius, si Almalexia est avec moi. En attendant, rejoins les autres chez Arrile et prends y un verre. Je vous rejoins d’ici quelques minutes.
L’elfe commença à s’éloigner d’un pas léger lorsque Carsius l’interrompit :
- Je ne t’ai pas demandé ton nom !
L’intéressé s’arrêta instant, puis il répondit :
- Vous pouvez m’appeler Tylis, ça fera l’affaire. »



Puis il s’éloigna vers l’auberge. Carsius le regarda s’éloigner en se demandant sur quel genre de personnage il était tombé. L’avenir le lui dirait sans doute [Il chercha de nouveau du regard le Bosmer, mais il avait disparu] ou peut-être pas…





* * *

Modifié par GrandPas, 23 juin 2006 - 13:09.

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#3 GrandPas

GrandPas

Posté 04 juillet 2005 - 12:39

La nuit était tombée depuis plus d’une heure maintenant. Sathar était sortit de Suran peu de temps avant la disparition des derniers rayons de soleil. Il avait passé la journée à l’auberge de Désèle à attendre avec une certaine inquiétude le moment où il pourrait s’éclipser le plus discrètement possible. Sur les ordres du chanoine du Temple de Molag Mar, il était venu s’entretenir avec le responsable du Temple de Suran sur une affaire de la plus haute importance. Puis il était allé rencontrer le seigneur Oven Dren de la maison Haalu, pour lui demander son soutien lors de la prochaine réunion du grand conseil. Le Temple allait avoir besoin d’alliés si les informations récoltées s’avéraient exactes.

Un frisson de frayeur le traversa et il se mit à espérer que ces informations seraient vite démenties. Mais au fond de lui-même, il savait cela peu probable. C’est pourquoi il avait fait le choix de ne pas retourner immédiatement à Molag Mar, mais de filer rapidement vers Vivec pour avertir le grand chanoine en personne. Le temps lui manquait et les Tribuns devaient être informés sans attendre. Peut-être cette décision allait-elle lui coûter cher auprès du chanoine de Molag Mar, mais il était prêt à en prendre la responsabilité.





Il s’avança vers la rive de la rivière Nabia qui coulait au Sud de Suran et découvrit enfin la petite embarcation qu’il avait achetée plus tôt dans la matinée à un pêcheur. Il regarda inquiet tout autour de lui de peur d’avoir été suivi. Lentement, il scruta les bosquets et les abords du cours d’eau tout étincelant d’argent à la lumière des deux lunes. Mais c’était pour lui un spectacle assez angoissant. Il n’était pas habitué à œuvrer la nuit, et il ne se rendait pas bien compte qu’il était parfaitement à découvert. Il déposa son précieux colis contenant les informations signées de la main du chanoine de Suran à l’intérieur de la barque et entreprit de la pousser à l’eau.




Après un léger bruit de raclement, l’embarcation glissa silencieusement dans l’eau. Sathar y monta prestement, sortit les rames et commença à les plonger maladroitement dans l’eau. Mais finalement, la barque s’ébranla et commença à prendre de la vitesse. Au bout d’un moment, il commença enfin à se sentir en sécurité.




Mais soudain, un grand froid l’envahit… Il vacilla un instant… puis s’effondra de tout son long sur le fond de la barque… Une flèche noire lui transperçait la nuque.



* * *


La flèche avait fait mouche avec une précision déconcertante. Sous la capuche du tireur, deux yeux verts brillaient comme des émeraudes à la lueur étrange des lunes. Le regard était perçant, presque magique. Les pupilles qui s’étaient étrécies au point de ne former que deux fentes de lumière se dilatèrent doucement. L’individu se glissa telle un spectre en dehors des bosquets qui longeaient la rive de Nabia. Son pas était léger et il n’émettait aucun son. Il était une ombre, rien de plus, aussi silencieuse, aussi invisible, aussi irréelle… Il se glissa sans un bruit dans l’eau glacée de la rivière et nagea jusqu’à l’embarcation qui dérivait, libre de tout maître.


Indril finit par atteindre la barque et se issa à bord dans un silence parfait. Il récupéra sa flèche, la nettoya rapidement et la glissa dans son carquois. Un splendide arc elfique était noué en travers de son dos. Puis il noua une lourde caisse trouvée dans l’embarcation au cadavre du serviteur du Temple et le laissa glisser dans l’eau. Ainsi, nul ne le reverrait jamais car le Nabia n’était jamais à sec, surtout à une si courte distance de l’estuaire.  



La barque continuait de dériver comme un débris de bois au milieu de la rivière. Indril se pencha vers le colis qu’il cherchait.

Soudain, ses yeux brillèrent davantage. Il se retourna vivement et parcouru du regard le paysage qui l’entourait. Il était absolument seul... L’appel venait de plus loin…

Il vérifia un instant le contenu du sac qu’avait porté sa victime, puis se glissa à nouveau dans l’eau pour rejoindre la rive occidentale du Nabia. Arrivé sur la rive, il s’assit un moment et ferma les yeux. Puis, comme il se concentrait, il tendit son esprit loin vers l’Est d’où lui semblait être venu l’appel. Intérieurement, il se mêla à chaque arbre, chaque plante, chaque animal à une vitesse que seul l’esprit peut atteindre. Puis il entendit à nouveau l’appel de façon plus nette. Il s’en approcha encore…

Soudain il ouvrit les yeux.

Un instant il resta immobile. Ses pupilles brillaient d’une lueur étrange mais fascinante. Puis il se leva, noua le colis à sa ceinture et se précipita vers l’Est, sans un bruit. Il avait parcouru quelques mètres, quand les nuages voilèrent la lumière des astres. Au même instant, il disparu sans laisser une trace de son passage.

Au loin, le cri d’un rapace déchira le silence oppressant de la nuit.


* * *

Modifié par GrandPas, 23 juin 2006 - 13:19.

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#4 GrandPas

GrandPas

Posté 07 juillet 2005 - 10:54

Le cheval allait à plein galop sur la route qui allait d’Aldruhn à Maar Gan. Son cavalier avait les traits tirés, il était vraisemblablement épuisé. La poussière qui couvrait son vêtement trahissait un long voyage. La nuit était tombée et il était dangereux de galoper à cette vitesse sur le terrain accidenté qui entourait Bal Isra. Mais il ne voulait pas laisser un instant de repos à sa monture qui renâclait à continuer à une telle allure. Les oiseaux nocturnes s’éloignaient vivement à son passage. Les battements répétitifs du galop s’accordaient au battement du cœur du cavalier. Ses tempes tambourinaient et sa vue se troublait fréquemment.



Soudain, loin derrière lui, apparut un nuage de poussière. Il ne pouvait s’agir que de cavaliers. Le prêtre se retourna pour évaluer la distance qui le séparait de ses poursuivants : trop courte à son goût ! Vu la quantité de poussière soulevée, ils devaient être au moins une bonne demi-douzaine. Son visage devint un peu plus blême mais il talonna à nouveau sa monture. Il ne fallait pas qu’ils le rattrapent.



En effet, les jours précédents, il avait gagné le Nord de l’île et rencontré une des tribus cendraises. Il avait obtenu de la sage-femme de leur clan des informations précieuses concernant la légende de Nérévar et de la promesse de sa réincarnation. Mais pour cela, il était passible de mort. Il devait à tout prix semer ses poursuivants et rejoindre ses confrères.
Ils ne cessaient de se rapprocher. Le prêtre dissident était épuisé et sa monture écumait, trahissant ainsi un état de fatigue qui pouvait leur coûter la vie. Il se retourna désespéré et aperçu nettement les cinq cavaliers, cinq ordonnateurs du Temple. Ils l’avaient pris en chasse depuis la sortie d’Aldruhn et n’avaient jamais perdu de terrain depuis. Il fallait s’y résigner. Ils allaient le rattraper et le torturer jusqu’à ce qu’il trahisse les siens ou jusqu’à ce qu’il meurt.



Mais comme il se résignait et commençait à lâcher la bride de son étalon, il se passa quelque chose d’inexplicable. Les cavaliers lancés à sa poursuite quelques instants plus tôt n’étaient plus à ses trousses. Le nuage de poussière lui-même commençait à se dissiper, révélant leur arrêt. Qu’est-ce qui avait pu les pousser à renoncer ? Ils étaient pourtant prêts à tout pour lui mettre la main dessus !  



Cependant, la nécessité fut plus grande que la curiosité et le prêtre dissident relança sa monture sur le chemin de Maar Gan.


* * *


Les chevaux des ordonnateurs étaient lancés à plein galop. Ils ne cessaient de se rapprocher de leur proie. Le prêtre dissident ne tarderait pas à payer sa trahison envers le Temple. Les ordres avaient étaient clairement énoncés : « Vivant si possible, mais mort conviendra » ! Aussi talonnaient-ils ardemment leurs montures, conscients de l’importance de faire disparaître le traître. Ils gagnaient en terrain et pouvaient maintenant apercevoir le cavalier. Ils dégainèrent leurs sabres dans un même mouvement et tinrent leurs lames vers le ciel étoilé : Il était à eux !



Soudain, une flèche vint se planter dans la gorge d’un des ordonnateurs qui s’écroula sans vie. Au même moment, un cavalier surgit de nulle part et se planta sur la route, entre eux et leur proie. Son cheval se cabra en hennissant bruyamment. Ils tirèrent violemment sur leurs rennes pour ne pas entrer en collision, mais lui resta immobile, ne détournant pas son regard. Il était vêtu entièrement de vêtements de voyages et portait un long manteau de cuir sombre. Ses yeux étaient dissimulés par l’ombre que créait son capuchon. Cependant ils pouvaient distinguer la sueur sur son visage. Il avait participé à la course sans même se faire repérer ! Dans sa main se tenait l’arc qui venait de chanter.



Le chef des ordonnateurs hurla de rage à sa vue et chargea son nouvel adversaire. Ses hommes se lancèrent à sa suite le sabre au clair. L’individu ne bougea pas.



Soudain, il releva la tête et ses yeux brillèrent non pas à la lueur de leurs torches, mais à la lueur des deux lunes. Son cheval fit un écart et de son manteau sortit une épée étincelante. Il la brandit et s’élança à l’encontre du maître de la charge.



Les lames s’entrechoquèrent violemment et le chef des ordonnateurs fut propulsé avec une facilité déconcertante à terre. Déjà l’épée tournoyait à nouveau, déviant le second coup et transperçant le cœur du troisième cavalier. Le dernier s’arrêta net, hésitant…



Mais l’inconnu n’hésita pas et en un instant, il était sur lui. Les armes s’entrechoquèrent avec force et l’ordonnateur ne réussi à esquiver que maladroitement les deux premiers coups. Le troisième vint du poignard que son adversaire dissimulait habilement jusqu’à présent. La lame s’enfonça dans le flan du gardien du Temple sans qu’il ne comprenne ce qui arrivait. Mais déjà le dernier cavalier revenait sur l'étrange guerrier avec une rage renouvelée pendant que son chef se relevait difficilement de sa chute. Sans hésiter, l’individu lança habilement son poignard vers son agresseur. Ce dernier esquiva le jet avec dextérité. Mais, il ne vit pas venir le coup d’estoc qui le suivait... Il s’écroula à son tour….



Il ne restait plus que le guerrier à cheval et le chef des ordonnateurs à pied. Ils se toisèrent un moment… L’inconnu descendit avec souplesse de sa monture et se dirigea d’un pas déterminé vers son dernier adversaire. Le combat fut bref car le gardien du Temple s’était blessé dans sa chute. Pourtant, il vendit cher sa peau et repoussa un moment les assauts de son adversaire. Mais son ardeur le poussa à baisser sa garde pour se fendre, ce qui lui valut la vie. Il s’effondra sur le sol, aux pieds d'un "étranger". Tout c’était passé si vite…Il ne saurait jamais qui était ce nouvel adversaire du Temple…



* * *

Daevar rengaina son épée et contempla le carnage. Une lueur de regret passa dans ses yeux, mais il ne s’y attarda pas. Il entreprit soigneusement de dissimuler les cadavres et libéra un par un les chevaux de leurs harnachements. Puis il les calma et les renvoya à la nature.

Il rappelait sa monture et allait reprendre la route lorsque ses yeux se mirent soudain à briller étrangement. Il les ferma et tendit son esprit….

Il les rouvrit au bout d’un instant et regarda longuement la direction dans laquelle le prêtre dissident avait disparu. Puis il détourna résolument sa monture vers l’Est. On venait de le rappeler…



* * *

Modifié par GrandPas, 23 juin 2006 - 13:27.

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#5 GrandPas

GrandPas

Posté 13 juillet 2005 - 09:44

Tylis ouvrit soudainement les yeux….


Ils brillaient d’une manière étrange, comme cela se produisait pour ses frères de race chaque fois qu’ils communiquaient entre eux. Cela ne lui était pas arrivé depuis bien longtemps… Mais cette nuit là, l’appel paraissait différent. Il avait été lancé par un esprit puissant pour l’ensemble de son Ordre. Tylis n’avait pas souvenir d’en avoir déjà perçu un si puissant. Quelque chose de grave se tramait…


Il se redressa calmement et regarda autour de lui. La caravane de Carsius Closus avait établit son campement non loin de Pélagiad. Tout le monde dormait mis à part deux gardes. Jiub était l’un d’eux. A part  le doux crépitement du feu que l’on avait ravivé récemment, tout était silencieux. Tylis fixa son regard sur les flammes et se concentra…



Il ferma les yeux et laissa son esprit s’étendre et prendre conscience de la vie qui circulait dans chaque être vivant qui l’entourait. Puis il étendit davantage sa perception. D’être vivant en être vivant, son esprit parcourait à toute vitesse les lignes de la vie, pour se rapprocher de l’Appel. Enfin, il l’entendit clairement, puissant et vibrant. Il s’élevait de l’Est, loin vers l’Est, au pays du soleil levant, au pays de l’Aube d’Azura. comme un souffle puissant, une voix clamait :


« Sous les monts de l’Ecarlate, une ombre s’éveille. Mais le temps n’est pas encore venu pour Nérévar de revenir achever ce qu’il avait commencé. Aussi le pouvoir de l’Aube et du Crépuscule est-il mandé pour accomplir ce à quoi je l’ai toujours destiné….
… Ne craignez rien, je veille sur vous »








*       *       *


(fin du prologue, j'attend vos commentaires ici) :green:

Modifié par GrandPas, 23 juin 2006 - 13:32.

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#6 GrandPas

GrandPas

Posté 19 juillet 2005 - 11:48

Chapitre I



« - Si j’ai bien compris, nul ne sait ce qu’il est advenu du dissident, rugit-il ! J’avais mis cinq hommes à ses trousses ! Vous ne vouliez pas non plus que j’envoie toute une garnison pour un seul homme ! Vous êtes une bande d’incapables ! »


Le grand chanoine était dans une rage folle. Devant lui se tenait un ordonnateur au garde à vous. Il venait de lui faire un rapport pour le moins incomplet et très insatisfaisant de la poursuite qu’il avait ordonné contre le prêtre dissident qui était entré en contact avec les tribus cendraises. Mais personne n’était capable de lui dire où étaient passés ses hommes et où se trouvait maintenant le traître.


« - Vous êtes tous des incapables, répéta-t-il furieux ! Disparaissez avant que je ne vous choisisse comme victime expiatoire ! »


L’homme s’inclina avec raideur puis se dirigea vers la porte et comme il allait quitter la pièce, le grand chanoine ajouta : « Appelez-moi le responsable du ministère de la Vérité. »
L’ordonnateur acquiesça puis s’enfuit presque en courant du bureau de son maître.


Tholer Saryoni, grand chanoine du Temple, resta seul perdu dans ses réflexions. Depuis bientôt deux ans, les dissidents –comme ils se faisaient appeler- semblaient s’être regroupés et organisés entre eux. La preuve en était qu’ils commençaient à se manifester de plus en plus souvent. Bien heureusement, le ministère de la Vérité n’avait pas tardé à prendre en main ces traîtres. Le Temple ne pouvait supporter de se voir diminué, désunifié, surtout en cette période de troubles. Il fallait rayer au plus vite la menace que représentaient les dissidents, et cette charge pesait lourdement sur ses épaules. Il se replongea dans le livre qu’il étudiait avant d’être dérangé par ce rapport exaspérant.


Au bout d’un moment, on toqua à sa porte. Il se redressa, ferma le livre, le dissimula dans un de ses tiroirs avant d’aboyer un « Entrez ! »
La porte s’ouvrit pour laisser apparaître un homme de grande taille, vêtu d’une armure d’ordonnateur. Il salua le grand chanoine avec circonspection puis se tint immobile.


« - Bonjour Inquisiteur, repris plus calmement Saryoni.
- Bonjour maître.
- Je vous ai fait appeler parce que j’aimerais que vous preniez personnellement en main une affaire délicate sur laquelle mes autres agents ont échoué. »

Comme l’Inquisiteur restait silencieux, le Chanoine poursuivit : « Il s’agit une fois encore des dissidents. Leur ardeur a redoublé, ils se mettent de plus en plus souvent à découvert, ils poussent l’audace un peu trop loin à mon goût et ils déstabilisent grandement les dogmes sur lesquels sont fondés la force et l’unité du Temple ! » Tholer Saryoni avait achevé sa phrase presque en hurlant.

Mais le Grand Inquisiteur ne broncha pas. Aussi le chanoine reprit : « Dernièrement, un de ces traîtres est parti en excursion dans les Terres des Cendres. Il y a rencontré une tribu cendraise qui a accepté de lui transmettre un certain nombre d’informations concernant la prophétie de la réincarnation de Nérévar…  
- Ils sont en train de reconstituer les textes des Apocryphes, interrompit l’Inquisiteur sur un ton dépourvu de toute émotion.» Ce n’était pas une question.
- « J’en ai bien peur, répondit le chanoine avec une soudaine lassitude. »

Le Grand Inquisiteur regarda pour la première fois son maître avec attention. Il avait les traits tirés, de grandes cernes soulignaient avec force des yeux amplis d’inquiétude, son front demeurait plissé sous l’effet de la réflexion et son teint paraissait extrêmement pâle. C’était un homme épuisé qui gouvernait le Temple sous l’autorité des Tribuns. Voyant qu’il l’inspectait, Tholer reprit d’une voix plus stricte : « Cinq ordonnateurs étaient lancés à sa poursuite : pas un n’est revenu et personne ne sait ce qu’il est advenu du dissident. » Il leva les yeux vers son interlocuteur « Il me faut ces informations le plus vite possible. Elles ne doivent pas tomber dans des oreilles adverses, cela nous porterait un coup trop violent.
- J’ai bien compris, maître. Je m’occupe du traître.
- Bien, très bien, répondit Tholer d’un ton rassuré mais fatigué. Alors mettez-vous immédiatement au travail. »



L
’Inquisiteur prit congé de son maître puis quitta le bureau. Encore une journée chargée se dit-il pour lui-même.  Mais son visage ne reflétait aucune lassitude. C’était un de ces visages de marbre, imperméable à toute émotion, forgé pour rester insensible à toutes situations et à tous les spectacles de torture qu’il orchestrait au ministère de la Vérité. C’est pour cela qu’il en avait pris la tête. Il traversa les couloirs du palais de la justice à grands pas et se dirigea tout droit vers les bureaux de Bérel Sala, premier dirigeant des ordonnateurs.


Il frappa à la porte puis ouvrit sans attendre de réponse. Bérel était assis à son bureau. Il redressa la tête pour voir l’intrus et écarquilla les yeux en voyant se tenir devant lui le Grand Inquisiteur en personne.

« Tiens ? Qu’est-ce qui peut-être à ce point important pour que vous descendiez chez moi, Grand Inquisiteur ? Serait-ce que vous n’avait plus personne d’autre à torturer que moi ? » L’air sardonique du grand chef des ordonnateurs dissimulait une grimace de dégoût. Il n’avait jamais supporté l’homme qui se tenait devant lui, ni le travail qu’il exécutait. D’ailleurs, le sentiment était partagé car l’Inquisiteur avait toujours fait preuve d’un grand dédain vis-à-vis de lui.

"- Je ne viens pas pour le plaisir de vos yeux, Sala, répondit-il sèchement ! Seulement, étant donné que vos hommes sont incapables de fournir un travail efficace, il faut bien que je m’en occupe à votre place !
- De quoi parlez-vous, je vous prie, répondit calmement Bérel ?
- De la disparition de vos cinq hommes envolés alors qu’ils traquaient un dissident en possession d’informations cruciales, siffla l’Inquisiteur.
- Je vois que vous vous tenez au courant mon cher, répliqua sèchement Bérel. Et qui vous a chargé de l’affaire ?
- Le Grand Chanoine."

Bérel fit une grimace puis prit l’air résigné : « Que puis-je pour vous, Inquisiteur ?
- Dites-moi où ont été vu vos hommes pour la dernière fois ainsi que tout ce que vous savez sur le dissident qu’ils poursuivaient.
- Peu de choses en vérité, répondu Bérel. Ils ont été vus pour la dernière fois à Ald’Ruhn. Ils ont quitté la ville Rédoran il y a quatre jours, au soir. Le dissident ayant appris qu’il y était attendu (avait) a fait demi-tour vers Maar Gan. Depuis, plus de nouvelles. Le prêtre avait vraisemblablement réussi à entrer en contact avec la sage-femme du clan des Ursilakus. C’est la tribu cendraise le plus au fait concernant les prophéties du Nérévarine.  Il y a donc un risque important pour que les informations que transportait le dissident soient riches et précises. » Il soupira « Je ne pense pas pour autant que les Ursilakus soient en possession des textes secrets.
- Il ne s’agit pas de le penser Sala, mais d’en être sûr, gronda l’Inquisiteur. »

Sur ce, il tourna les talons et sortit du bureau. Bérel resta un moment songeur. L’Inquisiteur lui sortait par les yeux, mais pour une fois, il devait reconnaître que ce dernier avait raison. Il fallait s’assurer que le Temple ne soit pas ébranlé par les machinations des prêtres dissidents. Il voyait bien les conséquences dramatiques que cela aurait si les dogmes étaient remis en cause. Combien de fidèles se retourneraient contre le culte des Tribuns ? Combien contribueraient au retour du culte des anciens Dieux ? Ceux-ci sont pourtant réputés pour leur instabilité et leur égoïsme, l’opposé des Tribuns !


Mais quelque chose de plus profond le préoccupait. Il ne savait pas encore quels mots poser dessus, pourtant quelque chose lui disait qu’une fois cela accompli, il saurait exactement quoi faire.


Il écarta ses pensés inquiètes et appela le garde qui se tenait à l’entrée de la pièce. « Allez voir le scribe du grand chanoine et demandez lui un rendez-vous. Il faut que je m’entretienne avec le chef du Temple d’une affaire des plus urgentes. » Comme Bérel Sala semblait s’être replongé dans l’ouvrage posé sur son bureau, le garde le salua et quitta la pièce pour exécuter ses ordres.


Mais Bérel ne lisait pas le rapport qu’il maintenait devant ses yeux. Il était perdu dans ses réflexions, une lueur de vive inquiétude dans le regard.  



* * *
L'histoire cachée d'un ordre secret en Morrowind :"L'Ombre des Rôdeurs"
"Quand les choses les plus folles renversent ce que vous avez toujours connu!"

#7 GrandPas

GrandPas

Posté 23 juin 2006 - 13:47

Chapitre II

La caravane de Carsius était arrivée sans encombre en vue de Balmora. Les rayons du soleil n’avaient pas encore percé l’horizon lorsqu’ils entrèrent sur la place principale de la ville Hlaalu. Les commerces venaient de s’ouvrir et les habitants les plus matinaux contribuaient à l’éveil énergique de la cité.

« - En voilà une que je n’avais pas vu depuis longtemps, s’exclama Jiub.
- Oui, répondit Tylis. Mais Balmora ne semble pas avoir changé pour autant.
- Tant mieux, comme ça nous serons moins dépaysé, reprit Jiub. Si je ne me trompe pas, je connais une bonne taverne de l’autre côté de fleuve : « Le cercle du mur du sud ». Elle ne devrait pas avoir changé non plus. Pourvu que la bière que l’on y sert soit toujours aussi bonne ! »

Tylis sourit face à l’entrain de son compagnon de cale et de caravane. Mais depuis quelques jours, ses sourires étaient inquiets. Il ne parvenait pas à faire abstraction de l’appel qu’il avait ressenti l’autre nuit, près de Pélagiad. Il savait qu’il devait faire quelque chose, mais il ne savait pas comment le faire.

« - A quoi penses-tu Tylis, demanda Jiub ?
- Je pense qu’une bonne pinte me ferait du bien.
- Alors déchargeons vite les chariots et nous pourrons nous reposer un peu au cercle du mur du Sud, s’exclama Jiub dont l’humeur était au beau fixe. »

Le déchargement dura toute la matinée puis les employés de Carsius purent prendre un peu de repos. Jiub, Tylis et Yanak déambulèrent tranquillement dans les rues de la ville, passèrent l’un des grands ponts de la cité et entrèrent dans la taverne du cercle du mur du Sud. La rumeur disait que cette taverne était l’un des repères de la guilde des voleurs. Les habitants de Balmora n’étaient pas bien sûr que cette guilde existe, mais beaucoup prétendaient que les voleurs étaient dirigés par un grand maître. Cependant, cela restait une rumeur à laquelle peu de personnes accordaient du crédit. Ils poussèrent la porte et descendirent les marches menant au sous-sol.

Une obscurité ambiante régnait dans la pièce commune.  Dès la fin de la matinée, les gens avaient investi les auberges et tavernes. Tylis constata qu’une grande diversité d’individus occupait déjà les tables et le comptoir : Des kajiits, des argoniens, des rougegardes et quelques nordiques. Telle était la grande diversité de Vardenfell. Les trois compères s’installèrent autour d’une table proche de la cheminée et commandèrent trois pintes et un peu de pain et de viande.

« - Et bien, entama Yanak, on peut dire que ce Carsius Closus a un sacré caractère. Il sait ce qu’il veut et est déterminé à l’obtenir. [Il s’arrêta un instant, songeur, et reprit] C’est un gars qui me plaît bien. Je pense que je vais continuer avec lui.  
- Il est effectivement rusé et bien organisé, continua Jiub. Il a indéniablement la carrure d’un chef. Mais je pense surtout qu’il a la fibre d’un véritable homme d’affaire. Son entreprise de transport de marchandises est une idée géniale. Je pense bien que je vais rester encore avec lui pour le moment, déclara-t-il. Et toi Tylis ?
- Comment, demanda l’intéressé qui paraissait songeur ?
- Dis donc bosmer, soit un peu avec nous, s’indigna Yanak ! On dirait que tu es à l’autre bout de l’île.
- Tu ne crois pas si bien dire murmura Tylis pour lui-même. Vous disiez ?
- Penses-tu que tu vas rester aux côtés de Carsius, répéta Jiub ?
- Je ne sais pas vraiment, commença-t-il, peut-être que… Mais au même moment son regard se fixa sur le fond de la salle et il s’arrêta net.
- Peut-être que quoi ? demanda impatient Yanak  »

Tylis détourna son regard, regarda son compagnon et lui dit en souriant :
«   - Peut-être vais-je prendre un peu de repos avec les quelques sous que Carsius m’a donné. Je vous rejoindrai sans doute plus tard (ou peut-être pas se dit-il en lui-même). Je crois que j’ai besoin d’aller voir ce qu’il reste de mon ancienne vie.
- Sacré bosmer, dit Yanak en rigolant. J’étais sûr que tu étais un sentimental.
- Dois-je le prendre comme un compliment ? demanda Tylis en souriant.
- Prends le comme tu voudras, répliqua Jiub, mais tu vas nous manquer avec tes airs de seigneur mystérieux.

Tylis et Yanak éclatèrent de rire pendant que Jiub finissait sa pinte. Mais au fond de la salle, là où le bosmer avait regardé quelques instants auparavant, un individu encapuchonné venait de se lever et se dirigeait vers la sortie de la taverne. Juste avant de franchir le pas de la porte, il se retourna vers les trois employés de Carsius et l’espace d’un instant, ses yeux semblèrent briller. Puis il s’éclipsa comme s’il n’avait été qu’une illusion. Tylis sourit pour lui-même… On ne l’avait pas oublié.


* * *

Modifié par GrandPas, 13 septembre 2006 - 22:19.

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#8 GrandPas

GrandPas

Posté 27 juin 2006 - 21:34

Le cavalier avait dépassé Vivec au début de la semaine et se dirigeait maintenant vers Coeurébène. Il était sale, fatigué et paraissait très apeuré. Son cheval boitait d’un de ses antérieur et semblait très abîmé. Il était près de midi et le soleil tapait durement en cette fin d’été. L’après-midi fut longue et le prêtre dissident  se dissimula régulièrement à l’approche des voyageurs ou des gardes impériaux qui patrouillaient dans la région. Il se savait recherché et ne souhaitait pas donner de piste à ses adversaires. Il avait déjà bien faillit être démasqué à Pélagiad, à l’auberge de Michemin où il s’était arrêté pour s’approvisionner un peu. Quelques gardes du fort, qui s’y trouvaient aussi, avaient parlé du Ministère de la Vérité. Le grand Inquisiteur en personne avait pris en main une affaire concernant la trahison d’un prêtre dissident qui semblait avoir disparu dans la nature. Dix des plus dangereux Inquisiteurs du Ministère avaient quittaient Vivec il y a deux jours en direction de Maar Gan. Un avis de recherche avait été lancé.


Edryn Milo [C’est ainsi qu’il se nommait], était alors parti sans attendre. Il devait se rendre au plus vite à Coeurébène pour y embarquer secrètement vers le lieu où était en train de se bâtir le monastère secret. Gilvas Barélo avait été choisi pour diriger cette opération. De tous les dissidents, il paraissait être le plus sage et le plus écouté. Il devait lui ramener à tous prix les informations qu’il détenait. Seul le collège dissident dirigé par Barélo pourrait décider de la conduite à tenir compte tenu de ces nouveaux éléments.

Il arriva enfin sur la butte qui dominait la cité où résidait le représentant de l’Empereur de Cyrodiil. L’Empire avait en effet profité du conflit qui régnait entre les grandes maisons dunmer qui gouvernaient Morrowind pour envahir leurs terres. Des six maisons qui existaient avant la guerre, seules trois participaient toujours, sous les ordres du représentant de l’Empereur, au gouvernement de Vardenfell. Edryn Milo s’arrêta et regarda longuement la cité. Il allait falloir redoubler de ruse pour passer inaperçu jusqu’aux quais. Surtout dans l’état dans lequel il était… Cette idée le fit sourire. La situation était cocasse bien que désespérée. Il inspira un grand coup puis fit avancer sa pauvre monture. En voilà une qu’il ne remercierai jamais assez…



Il arriva enfin à proximité de la grande porte. Elle était bien gardée mais aucun autre passage n’était envisageable. Le dissident descendit de son cheval et le mena par la bride. Il fit tout son possible pour paraître le plus à l’aise possible lorsque l’un des deux gardes l’interpella :

« - Halte ! Qui êtes-vous, d’où venez-vous et que venez-vous faire à Coeurébène.
- Eh bien, je ne savais pas qu’il fallait subir un interrogatoire avant d’entrer en ville, répliqua ironiquement le prêtre. Coeurébène aurait-elle perdu de son hospitalité ?
- Nous avons reçu l’ordre d’interroger tous les voyageurs entrant dans la cité, répondit sèchement le garde. Vous ne faites pas exception.
- Très bien. Je m’appelle Tumnus Grécor [Edryn avait eu tout juste le temps de se faire une identité]. Je suis érudit et je viens mettre mon savoir au service de la Compagnie de l’Empire Orientale. Je viens de faire un long trajet depuis Suran et il se trouve que mon cheval s’est foulé un antérieur. Moi-même, je suis très fatigué et j’aimerais pouvoir rencontrer mon employeur au plus vite.
- Vraiment ?»

Le garde le dévisagea longuement puis, comme de nouveaux voyageurs arrivaient, il aboya : « c’est bon, passez ! » Le dissident ne se le refit pas dire deux fois, il tira sur la bride et il entra dans Coeurébène. C’est à ce moment précis qu’il les aperçut ; son sang se glaça. Trois ordonnateurs contrôlaient toutes les personnes s’engageant vers les quais.

Celui qui semblait encadrer cette opération restait en arrière de ses deux acolytes et dévisageait tous les individus présents sur la place du Dragon. Lorsque le prêtre l’aperçut, il se dissimula précipitamment derrière son cheval et chercha des yeux quelque chose qui pourrait l’aider à se sortir de cette situation désobligeante. Il était pourtant si près du but ! Au bout d’un moment, il repéra les bureaux de la Compagnie qu’il avait prétendu être son futur employeur. Cette supercherie pourrait peut-être l’aider une nouvelle fois.

Il risqua un regard vers les quais et là, à son plus grand drame, il découvrit que le chef des ordonnateurs marchait droit sur lui. Pris de panique, il enfourcha sa monture, se redressa et la talonna vigoureusement. Cette dernière se cabra sous l’effet de la surprise en hennissant bruyamment. Puis elle se lança au grand galop à la rencontre du soldat du Temple. Ce dernier ne parut que peu surpris. Il se contenta de tirer son sabre et d’avancer à la rencontre de sa proie.

Tous les spectateurs de cette scène inattendue se retournèrent pour regarder se qui se tramait. Le choc promettait d’être violent. Les deux acolytes avaient cessé leurs contrôles et se précipitaient pour apporter du renfort à leur maître. Ces hommes n’avaient pas peur, ils ne laissaient rien paraître de leurs émotions, ce qui fit hésiter le dissident Milo. C’est cette hésitation qui lui sauva la vie ; au moment où il tira sur la bride de son cheval, une flèche siffla à ses oreilles. Il se redressa et aperçut des archers qui prenaient place sur les toits qui entouraient la place.

Il se croyait perdu lorsqu’il vit que le bateau de pêcheurs sur lequel il devait embarquait était en train de se préparer à partir en urgence… Son contact préparait leur fuite. Tout était encore possible.

Il fit mine de se rendre, mais lorsque l’ordonnateur lui intima l’ordre de descendre de sa monture, il la lança au grand galop vers les quais. Son adversaire fut projeté au sol par l’équidé. Il hurla une série d’ordre et ses deux acolytes refermèrent le passage sur lequel allait s’engager le prêtre. Les flèches sifflèrent à nouveau autour de lui. Le bateau était en train de larguer les amarres. Edryn Milo fit une prière à sa déesse. C’est alors que son cheval sauta par-dessus l’obstacle que constituaient les deux derniers hommes de main du Temple avec une facilité irrationnelle. Le dissident se sentit décoller dans les airs pour atterrir quelques instants après sur la selle avec une légèreté déconcertante au milieu des flèches qui ne parvenaient pas à l’atteindre. Sa monture le mena jusqu’aux quais d’où il couru plonger à l’eau pour rattraper le bateau.

Blatta Hatéria le hissa à bord pendant que le matelot déployait les voiles.

« - On peut dire que vous l’avez échappé belle, dit-elle en souriant au rescapé.
Edryn Milo, encore étourdi, regarda vers la terre sans répondre.
- Qu’est-il arrivé à votre cheval, lui demanda-t-elle après un moment de silence.
- [Milo sourit]. Je crois que la Dame lui a donné la force de me sortir de ce danger. J’espère qu’il vivra après tout ce qu’il a du enduré pour me conduire ici.
- Vous apportez des informations importantes ? demanda Blatta inquiète.
- Elles n’ont jamais été aussi graves et aussi porteuses d’espérance à la fois. Le maître doit les lire au plus vite… Il en va de l’existence de Vardenfell. »


* * *

Modifié par GrandPas, 13 septembre 2006 - 22:24.

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#9 GrandPas

GrandPas

Posté 13 septembre 2006 - 22:44

La nuit était tombée plus tôt que la saison ne l’aurait voulu sur la citée mère des Hlaalus. L’air était lourd, pas un souffle ne parcourait la ville. On sentait bien que l’orage était proche. Lorsque Tylis sortit de la taverne accompagné de Yanak et Jiub, un premier éclair zébra le ciel puis un grondement retentit dans le lointain. Il plissa les yeux et scruta l’horizon : une forte perturbation arrivait du Nord-Est.

« - Nous ne devrions pas nous attarder car l’orage qui vient n’est pas bénin.
- Non, lui répondit Jiub l’air soucieux. L’air est chargé d’électricité… Je ne saurais pas dire pourquoi, mais j’ai un mauvais pressentiment.
- Oui, acquiesça Yanak, il est particulier cet orage. Vous avez vu la masse noire qui s’amène ?
- Allez, ne tardons pas coupa Tylis, je ne souhaite pas être trempé comme une éponge et nous avons encore une auberge à trouver ! »

Ils déambulèrent dans les  rues de Balmora, passèrent  au-dessus de la rivière Odaï et pénétrèrent dans les ruelles menant au quartier commerçant. Soudain, le ciel se déchira et la pluie commença à s’abattre sur la ville avec une violence étonnante.

Les trois elfes commencèrent à courir lorsque Jiub –qui était le premier de la file- aperçu une silhouette imposante se mettre en travers de leur passage. Tylis qui l’avait aussi aperçu se retourna pour en apercevoir une seconde leur barrer la route, ne leur laissant ainsi aucune chance de retrait. « Des racketteurs, grogna jiub, il ne manquait plus que cela ! » Immédiatement, Yanak tira sa hache qu’il portait constamment à la ceinture : « Ahhh ! Un peu d’exercice ! »

Les deux silhouettes se rapprochaient lentement. Cinq nouvelles silhouettes apparurent à leur tour. Tylis remarqua que leur démarche était quelque peu saccadée. Un mauvais pressentiment l’envahit soudain. Il plissa les yeux pour apercevoir plus nettement ses adversaires. Comme ces derniers approchaient, il pu enfin apercevoir une partie de leurs visages. A cet instant, il sut ce qui n’allait pas. Il tira son épée du fourreau et murmura pour lui-même : « Des morts-vivants ».

Jiub et Yanak qui l’avaient entendu se regardèrent stupéfiés. « Tant pis, répondit Yanak à la question muette de son camarade, ça ne doit pas être bien différent des complètement vivants… » Il brandit sa hache et l’abattit sur le premier cadavre animé.


* * *






Les trois elfes étaient engagés dans un combat surréaliste mais sans pitié. Les cadavres se battaient avec une détermination effrayante. Chaque coup porté ne les faisaient que vaciller un instant puis ils se relançaient sur leurs proies. La situation devenait critique. Pourtant, aucun ne perdait du terrain : Yanak dévoilait un habile talent au maniement de la hache et Jiub se révélait être un excellent escrimeur. Quant à Tylis, sa lame parait, s’abattait, piquait, touchait à chaque fois. L’elfe des bois avait un talent immense. Il para une nouvelle fois l’attaque d’un des morts-vivants, se fendit et le projeta à terre. Comme ce ballet commençait à l’épuiser, il profita de ce court répit pour crier vers ses amis : « du feu ! Il nous faut du feu ! »

« - Avec cette pluie, répliqua Yanak en faisant tournoyer sa hache ?
- Tans pis pour la pluie, il faut trouver quelque chose et vite !........ Remontons vers la place commerçante ! Avec un peu de chance nous y trouverons des gardes ! »

Tylis commença à se tailler un chemin entre ses adversaires. Ces derniers étaient vraiment répugnants et l’odeur de décomposition qu’ils dégageaient devenait insoutenable. Jiub tenta de suivre son confrère, mais baissant alors sa garde, il sentit la lame grossière de son adversaire s’enfoncer dans son flan droit. Un instant il resta immobile, le souffle coupé. Il distingua vaguement le cadavre s’écrouler sous le puissant coup de hache de Yanak, puis tout se mit à tourner autour de lui. Bientôt, ce fut le noir complet.

Tylis se retourna et vit le dunmer s’effondrer sur le sol. Il se produisit alors quelque chose de tout à fait inattendu. Dans l’air résonna une incantation prononcée dans une langue inconnue. Tous les cadavres animés reculèrent, hésitant. Soudain, la foudre tomba sur chacun des morts-vivants, les enflammant instantanément. Il y eu alors une grande ruade. Les corps enflammés se dispersèrent dans un désordre absolu en poussant des cris que l’on aurait pu croire être ceux de rapaces.

Yanak se précipita vers Jiub, lâcha sa hache et prit son pouls… Le cœur battait encore.

« -Il faut vite l’emmener dans une auberge et panser sa blessure… Il perd beaucoup de sang.
- Très bien, aide moi à le porter, répondit Tylis en rengainant son épée. »

La pluie ne cessait de s’abattre sur la ville avec violence. Trempé jusqu’à la moelle, le triste équipage se pressait maintenant vers un endroit sûr, conscient que le danger les guettait à chaque coin de rue. L’endroit était désert. Tous les habitants avaient trouvé refuge dans les maisons et les auberges.

Ils allaient arriver sur la place commerçante lorsqu’ils virent une dizaine de gardes armés jusqu’aux dents accompagnés par un petit homme encapuchonné. « Ceux sont eux, s’écria ce dernier en les désignant ! Je les ai vu invoquer les morts ! Ce sont eux qui sont en train d’infester la ville ! » A ces mots, les gardes avancèrent d’un pas déterminé vers les trois elfes.

« - Par tous les daedras, s’écria Yanak, on ne peut pas souffler une minute ici !
- Filons ! Vite ! répondit Tylis. Ils n’ont pas l’air de vouloir entendre une quelconque défense. »

Ils prirent leurs jambes à leur coup et s’engouffrèrent à nouveau dans le réseau de ruelles, tournant le plus souvent possible pour tenter de perdre leurs poursuivants. Soudain, des cris de rapaces se firent à nouveau entendre… Les morts revenaient. Tylis, dont la pupille s’était dilatée à ce son effrayant, s’arrêta un instant. « On n’a pas le temps de s’arrêter s’écria Yanak ! Ils sont juste derrière ! » Mais Tylis n’écoutait pas… Ses yeux brillaient à nouveau de cette lueur étrange. « Par là, s’écria-t-il soudain en empruntant une étroite allée.
- Mais qu’est-ce que tu fous, bon sang, hurla Yanak ! On se dirige droit vers cette pourriture de cadavres ! »

Tylis ne répondit pas. Il courrait comme s’il savait parfaitement où aller. Yanak portait à lui seul, en travers de ses épaules, le corps inanimé de Jiub et cette charge ralentissait considérablement leur fuite : ils perdaient du terrain. Yanak jeta un coup d’œil en arrière pour apercevoir les gardes plus enragés que jamais. Au même moment, il aperçu devant eux les silhouettes des morts-vivants. Mais Tylis ne ralentit pas. Au dernier moment, il s’engouffra dans une ruelle perpendiculaire : c’était un cul de sac ! Ils allaient arriver au bout, lorsque les gardes se dessinèrent les premiers à l’entrée de l’impasse. Mais soudain une flèche frôla le crâne de Yanak pour aller se planter dans le cœur du premier poursuivant. Une seconde frappa un second garde.

Yanak ne savait plus ce qui se passait. Il vit Tylis enfoncer la porte et s’introduire dans la bâtisse du fond. Il le suivit sans se poser de questions. Les flèches volaient maintenant dans les deux sens. Ils traversèrent la maison et ouvrirent les fenêtres. Elles donnaient sur la porte Sud de Balmora. Tylis l’enjamba et récupéra Jiub le temps que Yanak fasse de même. Deux chevaux attendaient, scellés et prêt à partir. Yanak enfourcha le premier puis plaça Jiub devant lui. Tylis venait de monter sur le second quand un individu sautant du toit retomba juste sur la croupe de sa monture. Aussitôt, les deux équidés partirent au galop, passèrent la porte Sud de la ville Hlaalu, puis disparurent dans les ténèbres laissant leurs poursuivants bredouilles. Un éclair zébra à nouveau le ciel dans cette nuit inquiétante.

* * *



Chapitre III


« Entrez, s’écria Bérel Sala ! »

Le chef des Ordonnateurs était installé derrière son bureau du Ministère de la Justice, occupé à lire les rapports de ses agents. Un homme entra, vêtu de vêtements de voyage. Il semblait avoir parcouru un long chemin.

« - Bonjour Galan, salua-t-il. Que ce passe-t-il pour que vous reveniez en si grande hâte ?
- Bonjour maître, répondit le voyageur. Je viens vous apporter des nouvelles extrêmement inquiétantes de la ville de Balmora.
- Dites-moi.

L’homme s’installa dans un des fauteuils, défit sa veste, puis entama son récit.

- Je reviens tout juste de la citée Hlaalu. J’ai voyagé toute la nuit pour que vous possédiez ces informations au plus tôt.

Il reprit son souffle :
- Sachez qu’un orage violent est venu recouvrir Balmora hier soir. C’était un orage soudain, très ténébreux… Je pense qu’il a été invoqué par une puissante magie… Car de la magie, j’en sentais la présence partout. L’air en était chargé. La guilde des mages l’a elle aussi sentie. Elle a convoqué un conseil qui devra se tenir d’ici quelques jours à Vivec. Je crains que cet évènement ne perturbe le calme des mages. Il faut en effet une puissance considérable pour convoquer les éléments de la sorte. Si le Temple ne réagit pas vite, il se pourrait qu’ils prennent des initiatives fâcheuses.

Il regarda si son maître le suivait puis, voyant qu’il écoutait attentivement, il reprit :

- L’incident est d’autant plus fâcheux que des morts-vivants ont pénétré dans la ville. Y étaient-ils déjà avant ? Je ne saurais le dire. Simplement, je peux affirmer qu’ils ne se sont manifestés qu’une fois l’orage installé au-dessus de la ville. Nous savons pourtant qu’il ne reste pas de nécromants dans cette région. La guilde des mages les a traqués jusqu’aux derniers… Encore une fois, c’est une chose étonnante et surtout très inquiétante.

Il s’arrêta un moment comme s’il réfléchissait à quelque chose qui lui avait échappé.

- Continuez Galan, ordonna Sala.
- Excusez-moi Sala, mais je songeais que le plus étonnant dans cette histoire, c’est que ces cadavres semblaient chercher quelque chose ou quelqu'un de bien précis. Ils ne se sont que peu attaqués aux habitants et ont disparu aussi soudainement qu’ils étaient arrivés.
- Avons-nous une piste quelconque à suivre pour éclaircir cette histoire ?
- J’ai été consulter le grand prêtre du temple de Balmora dès le lendemain… Il pense que ce nuage de magie provenait des Montagnes Rouges.
- Des Montagnes Rouges, s’exclama Bérel en se redressant !? Mais il n’y a plus âme qui vive là-bas depuis la grande guerre. Cette région a toujours été inapte à accueillir de nouvelles citées. Personne ne peut vivre là-bas ! Il n’y a rien dans ces montagnes. Il n’y a rien !»

Un lourd silence s’installa dans le bureau. Bérel s’était rassit et avait pris sa tête entre ses mains. Galan restait immobile. C’était un homme de confiance qui avait toujours travaillé avec Bérel Sala. Lorsque ce dernier était devenu chef des Ordonnateurs, il avait fait de Galan le chef de son réseau d’espions. C’était sans aucun doute l’homme en qui Bérel avait le plus confiance en ces temps où beaucoup cherchaient à lui prendre sa place au sein de la hiérarchie du Temple.
Galan regarda longuement son compagnon. Il était inquiet pour sa santé. Par ailleurs, depuis quelques temps, il sentait bien que Bérel était confronté à de grands doutes. Il ne partageait pas l’opinion selon laquelle il fallait pourchasser et détruire les dissidents. Il trouvait que ces tortures et massacres décrédibilisaient le Temple, comme si ce dernier craignait quelque chose… La protection des Trois divins ne suffisait-elle pas ?

Galan regarda à nouveau son compagnon et maître, puis se risqua à dire ce que tous deux craignaient d’entendre :

« - En fait, il y a quelque chose dans ces montagnes… [Bérel ne bougea pas] Il y a le cœur de Lorkhan…
- Je sais, dit enfin Bérel dans un soupir. Mais qui peut s’en servir si ce ne sont les Trois ?...
Un nouveau silence s’installa, puis Galan dit enfin :
- Dagoth Ur.


* * *




Tylis, Yanak, Jiub et l’inconnu avaient mené leurs chevaux au grand galop sur une assez longue distance. Yanak avait constaté que Tylis et l’inconnu semblaient se connaître. Il voyait en cet homme une explication quant aux flèches qui avaient retardées leurs poursuivants. Vers deux heures du matin, ils avaient fait halte et l’inconnu avait examiné la blessure de Jiub. Yanak n’avait posé aucune question. Après avoir provisoirement pansé la plaie, Il s’était éloigné du groupe. Yanak n’avait pas pu voir son visage qui était dissimulé par un capuchon. Tylis invita alors le dunmer à se reposer un peu et rejoignit l’étrange individu.

Ils parlèrent toute la nuit. Yanak perçu leurs murmures chaque fois qu’il se réveilla. Enfin, sur les coups de six heures, Tylis revint vers lui… Il était seul.

« - Salut bosmer.
- Bonjour Yanak.
- Dis-moi, où est passé le drôle de type qui était avec toi ?
- Il est reparti… Il avait quelque chose d’urgent à faire.
- Qui était-ce ?

Tylis sourit et regarda à l’horizon les premières lueurs du jour apparaître. Puis il soupira et dit :
- C’était un Exomer.
- Un quoi ? demanda le dunmer étonné.
- [Tylis eut un vague sourire puis il répondit, songeur] C’est un descendant de la race des serviteurs d’Indoril.

Comme Yanak ne semblait pas comprendre, Tylis soupira à nouveau comme contraint de dévoiler un secret.

- Il y a longtemps, lorsque les six maisons chimers furent unifiées, ce fut grâce au charisme et à la force de Nérévar, Grand Maître de la Maison des Indorils. Il fut aidé dans sa quête par la Dame Azura, ancienne divinité de ce monde. Mais bien avant ces heures de gloire, la Maison Indoril était déjà puissante et sage, et les autres maisons la respectaient… [Il réfléchit avant de poursuivre] Les Exomers ou elfes de l’exil, ont été nommés ainsi car ils arrivèrent à cette époque à Morrowind, chassés de leur propre pays par des perturbations climatiques étranges. Les Indorils furent les seuls à leur offrir l’hospitalité, et ils jurèrent en remerciement de servir pour toujours les seigneurs de cette maison. Au fur et à mesure des années, une amitié immense lia les deux peuples. Les Exomers servaient avec verve les intérêts de la maison et ses chefs. Les princes Indorils aimaient en retour les Exomers plus que leur propre famille.

- Qu’avaient-ils de si fantastique ces Exomers, coupa Yanak, les Indorils ne savaient-ils pas se débrouiller seuls ?

- Les Exomers sont en réalité de proches parents des bosmers. Ils leurs ressemblent d’ailleurs beaucoup. Mais ils ont surtout vécu la période des grands cataclysmes. Comme je te le disais, ils ont quitté leur terre en raison de fortes perturbations climatiques. Ces perturbations n’ont pas été sans effet sur ce peuple, elles ont entraîné des changements sur les nouveaux nés qui les ont ensuite transmis à leurs enfants. Les Exomers ont des pouvoirs surprenants ! Lorsque la Dame Azura fit de Nérévar le roi des chimers, elle confia, dans le secret, la mission aux Exomers de veiller sur son trône. Ils s’en acquittèrent parfaitement jusqu’à l’avènement des Tribuns. Tu connais l’histoire des Tribuns ?

-   Oui, répondit Yanak, à peu près. Je ne suis pas un grand religieux, mais je crois que trois conseillers chimers de Nérévar, Almalexia, Vivec et Sotha Sil, prirent possession, à la fin de la guerre ayant opposé leur peuple (peuple ancestral des dunmers) aux dwemers (peuple désormais disparu des nains), d’un artefact divin. Ils s’en servirent pour éliminer Nérévar et devenir des dieux vivants. Ils usurpèrent ainsi la place des anciens dieux à la plus grande colère de ces derniers.

- Lorsque ceci se produisit, reprit Tylis, Azura proclama une malédiction sur le peuple des chimers qu’elle avait toujours protégé. Leur peau devint sombre et leurs yeux rouges. On les appela dès lors les elfes noirs ou dunmers.  

- Je sais, coupa Yanak, j’en suis un tout comme Jiub, mais ce sont les Exomers qui m’intéressent.

- Peu après la malédiction, reprit Tylis, Azura apparut aux chefs des Exomers et leur confia la lourde tâche de la servir en attendant que son élu, Nérévar, revienne venger sa mort et rétablir le règne des anciens dieux. Depuis, les Exomers agissent dans l’ombre à tel point que tout le monde a oublié qu’ils ont existé. Tous sont des rôdeurs, extrêmement puissants et efficaces. Ils vivent souvent en solitaire, traquant nombre d’ennemis des dunmers, soutenant le mouvement dissident à son insu, luttant contre le Tribunal (le pacte des Tribuns) et contre son serviteur le Temple. Mais depuis peu, une nouvelle menace émerge dans Vvardenfell, et l’Ordre des rôdeurs d’Indoril s’inquiète. C’est pour cela que nous avons croisé l’un des leurs et qu’il est venu à notre aide lorsque nous luttions contre ces zombies.

- Alors, interrompit Yanak, la foudre tombée sur les morts-vivants hier soir c’était lui ?
- Oui, répondit Tylis, et c’est lui qui m’a aussi contacté pour me dire de le rejoindre lorsque nous étions poursuivis par les gardes de Balmora.
- Comment a-t-il fait, s’étonna Yaanak ?
- Les Exomers peuvent communiquer entre eux par la pensée. Ça se manifeste par une illumination de leurs pupilles… Leurs yeux brillent d’une couleur étrange…. »

Tylis s’arrêta en voyant son compagnon le fixer de façon insistante. Un court silence s’établit avant qu’une voix faible le brise : « - Tu es l’un des leurs… N’est-ce pas Tylis ? » Jiub était encore allongé, les yeux ouverts, et il fixait le ciel. Il avait vraisemblablement suivi toute la discussion. Il fit un effort pour se tourner vers ses deux compagnons de route et sourit.

« - Oui, répondit Tylis en lui rendant son sourire. Je suis l’un des leurs…
- Ca alors, s’exclama Yanak ! Voilà ton petit secret ! Pourquoi ne pas nous l’avoir dit avant ?
- On ne le dit jamais, reprit Tylis. Mais je me devais de vous donner quelques explications.
- Pourquoi ça ? demanda Jiub en se redressant douloureusement.
- Parce que j’étais la cible de l’attaque d’hier soir et que je vous ai collé dans le pétrin. Désormais, les forces de l’ordre et les morts-vivants vous traqueront partout car ils vous ont vu avec moi.
- Je ne vois pas pourquoi tu serais recherché, répliqua Jiub, tu sors tout juste du bagne tout comme nous. Nous avons tout les trois purgé notre peine !
- Non Jiub. Les gardes nous traquerons car ils croient que nous sommes des nécromants. Les morts vous traqueront parce qu’ils vous ont vu combattre auprès d’un serviteur d’Indoril.
- Qui, à part nous, sait que tu es un Exomer, demanda Yanak ?
- C’est justement la question que se posent les Exomers. Un grand rassemblement va avoir lieu. Ce qui reste de mon peuple va se réunir à son grand complet pour parer à cette nouvelle menace. [Il ajouta songeur] D’autres raisons nous poussent à convoquer ce conseil, mais il me faut les garder secrètes. [Puis sortant de ses pensées] J’en ai longuement parlé cette nuit avec Oranis.
- De quoi a-tu parlé exactement avec Oranis ? interrogea Yanak inquiet.
- Nous pensons que la meilleure solution pour vous est que je vous mène chez nous, dans notre ville. Elle est cachée et nul n’en connaît l’entrée si ce n’est un Exomer. Une fois là-bas en sécurité, nous pourrons parler de ce qu’il convient de faire pour vous.
- C’est un enlèvement, demanda Jiub ?
- Non, répondit Tylis en riant. C’est un honneur : vous serez les premiers étrangers à pénétrer dans cette cité. J’ai assuré à Oranis que j’avais toute confiance en vous.
- Tu nous en vois flattés, répliqua Yanak en se redressant de toute sa hauteur. Personnellement, je n’ai rien d’autre à faire qu’à te suivre. Cette histoire d’Exomers, de ville cachée et de revanche des dieux m’intéresse beaucoup.
- Une vraie légende à dormir debout, reprit Jiub en essayant de se relever. Mais il grimaça de douleur et se raidit.
- Pour toi dormir n’est pas un problème, ironisa Yanak, c’est d’être debout qui est plus complexe.
- Comment te sens-tu Jiub, demanda Tylis ?
- Mon flan me fait un mal de chien. Mais je pense que je ne vais pas trop mal, répondit-il avec un sourire forcé. Je crois que je n’ai pas le choix, il va falloir que je vous suive.
- Alors en route, s’exclama Tylis ! ça fait longtemps que je ne suis pas rentré à la maison, et il me tarde d’y être ! »

Sur ce, il aida Jiub à se remettre debout et le hissa avec Yanak sur l’une des montures. Puis il enfourcha celle que Oranis lui avait laissée et la talonna. Les trois compagnons de fortune prirent alors la direction de Suran.

« - Au fait, s’exclama Jiub avec sérieux, c’est qui va falloir penser à bouffer ! C’est pas tout ça des grandes histoires, mais moi j’ai faim !
- Moi aussi, grogna Yanak. Alors ferme là ! On s’arrêtera dès qu’on peut. »

Tylis éclata de rire et ils poussèrent leurs montures au galop. La matinée était fraîche, mais elle promettait une belle journée. Cependant, au Nord, on pouvait observer que de gros nuages noirs recouvraient une zone désertique, celle des montagnes rouges.


* * *

Modifié par GrandPas, 13 septembre 2006 - 22:46.

L'histoire cachée d'un ordre secret en Morrowind :"L'Ombre des Rôdeurs"
"Quand les choses les plus folles renversent ce que vous avez toujours connu!"




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