Il y a peu, j'ai, sur les conseils répétés d'un ami, essayé Fable, le jeu bien connu de Lionhead. Jeu centré sur l'évolution du personnage, pas seulement en matière de montée en puissance, mais surtout en matière de "personnalité", les moments-clé de l'intrigue constituant en des choix, souvent à deux solutions, qui influent sur les variables "effroi" et "charme" du personnage, et aussi sur une troisième variable, d'alignement bipolaire bien/mal. On est d'accord, le manichéisme c'est la gangrène, à la Guilde des Héros comme à Megaton. Mais c'est pas ça la question.
Dans le tuto, en démonstration de ce principe, le joueur est aussi confronté à quelques choix. Trahir ou non la confiance de son employeur pour ses intérêts propres, ici la distinction entre les deux attitudes est évidente (honneur/égoïsme, d'où la compréhensible assimilation bien/mal). Mais il y a aussi cette situation, où le PJ est confronté à un mari volage, et il peut choisir soit de le dénoncer à son épouse, soit de garder le silence, empochant une "compensation".
C'est là que le bât blesse : le choix considéré comme une "bonne action" est la dénonciation. Pire : tout le village est aussitôt au courant de l'infamie du personnage.
Outre le problème de cohérence de la chose, le côté "moral" est discutable. Est-ce en effet "bien" agir que de jouer les balances et de risquer de détruire un couple ?
Plus loin dans le scénario, le choix est laissé au PJ, qui vient de défaire un chef bandit, de l'exécuter ou de le laisser partir.
Là encore, j'ai été un peu gêné par le fait que l'exécution soit considéré comme l'action apportant des points d'alignement "mauvais", alors que c'est là l'attitude la plus "loyale bonne" qu'on puisse imaginer (laisser vivre le bandit implique de condamner les innocents qu'il dépouillera dans le futur, etc.)
Ces exemples pour en venir à la question qui nous occupe.
On l'a vu dans Fallout 3 aussi (mais les exemples de Fable étaient plus flagrants et servaient donc mieux le propos), un système de sanction des choix du PJ par un système d'alignement bien/mal est inefficace et peu convainquant.
Dès lors, quel système peut-on imaginer pour rendre les "conséquences" des choix du personnage les plus cohérentes possible ?
Je ne parle bien sûr pas (quoique, à bien y réfléchir...) du JdR papier, où le Maître peut toujours traiter de façon très précise, PNJ par PNJ, le cas du ou des PJ.
Je parle plutôt des JdR PC ouverts où les actions et choix du PJ peuvent êtres multiples, et où garder une cohérence globale est difficile.
Augmenter le nombre d'alignements n'est, je crois, pas une solution. Les systèmes à la D&D (alignements à quatre pôles : Bien/Mal et Loi/Chaos) se retrouvent très vite bloqués, même en JdR papier.
Daggerfall avait sa solution : un nombre très important de variables de réputation, couvrant toutes sortes de milieux sociaux et géographiques.
Toutefois, le système avait ses tares : c'était vite le bordel, certaines variables n'étaient jamais modifiées, d'autres jamais utilisées, et ça ne prenait pas (je crois, si quelqu'un peut confirmer ou infirmer) en compte l'influence d'une variable de réputation sur une autre (du genre la réputation auprès d'un groupe social (par exemple la noblesse de Sentinel) qui pourrait impliquer une meilleure ou moins bonne réputation auprès d'un autre groupe social (pègre de Sentinel, ou noblesse de Daggerfall))
Pour le projet Morrowind 3e433 avait été imaginé un système de Variables d'Intérêts correspondant chacune à un idéal (Richesse, Pouvoir, Justice/Loi, Compassion et Connaissance), système qui semble déjà plus pertinent, mais qui n'a finalement jamais été testé IG. Et qui malgré ses qualités ne couvre pas toutes les situations.
Avec en complément un système de variable d'attention générale, d'attention positive et d'attention négative pour chaque faction. Là encore, sur le papier ça donne très bien, mais ça hélas pas (ecnore) été testé.
Pour couvrir toutes les situations, on pourrait imaginer d'augmenter le nombre de "variables d'intérêt", et de créer une liste de "valeurs" auxquelles pourraient faire appel tous les choix possibles.
Le défaut est bien entendu que ça risque de multiplier le nombre de variables, et que certaines variables peuvent se répondre entre elles ou s'opposer (le sens de l'honneur est lié à la loyauté envers son employeur et à celle envers ses amis, mais aussi à la compassion et à une certaine conception de la justice).
Et il y a bien entendu le problème constitué par le fait qu'il est impossible de savoir pourquoi le joueur fait agir son personnage de telle ou telle façon, vu la diversité des RP possibles. Cependant, vu que la question est celle de la réaction du monde aux actes du PJ, c'est pas trop grave.
Bien entendu, certains jeux proposent quelque chose de très cohérent, mais ce sont des JdR "fermés", dans lesquels il est donc possible de prévoir toutes les possibilités sans laisser ce soin à l'ordinateur.
Un début de solution pourrait être de définir plusieurs "modèles de pensée" généraux (ayant chacun une logique de priorités des valeurs et idéaux différente), auxquels adhéreraient partiellement chaque PNJ. Et de "mesurer" dans chacun de ces modèles chaque choix connu du PJ, et d'en déduire la réaction de chaque PNJ. Bien sûr, ça impliquerait de prendre aussi en compte l'éloignement géographique (sauf acte majeur ou très bonne raison, un vendeur de savates de la Cité Impériale n'a aucune raison d'entre parler d'actions qui ont eu lieu au fin fond de l'Argonie).
Par exemple, dans le cas (voir le spoiler ci-dessous) où le PJ décide de sacrifier la vie de cinq paysans consentants pour sauver celle d'un personnage important (roi, guérisseur...),
- Un personnage de mentalité "pragmatique" (disons qu'il est engagé à 75% dans ce modèle de pensée) verra cela d'un bon œil, et encore plus si sa moralité implique aussi un respect du libre arbitre (à 20% par exemple) de chacun.
- Un personnage plutôt religieux et axé sur le respect de la vie du plus grand nombre (à 70% par exemple) en sera par contre choqué, même si ce sentiment pourrait se voir atténué par une certaine importance accordée au libre arbitre (25% par exemple)
Cette façon de procéder qui s'engage clairement sur les traces des Variables d'Intérêt est par contre plus lourde, dans un premier temps du moins, à mettre en place, notamment parce qu'elle implique de définir pour chaque PNJ une personnalité complète, et d'insérer chaque choix possible du PJ dans chacun des modèles de pensées prédéfinis. En revanche, il permet une gestion dynamique des conséquences des choix (y compris dans le cas de quêtes générées semi-aléatoirement, ce qui pourrait être si j'ai bien compris le cas avec le Radiant Story de TES V) et résout le problème des liaisons entre "valeurs". Pas celui des interdépendances entre réputation vis-à-vis des factions, par contre. Et tenir compte de l'éloignement géographique devrait être possible, plus qu'à trouver comment.
Mais bref, ce n'est là qu'un exemple, qu'une piste.
Qu'en pensez-vous ? Quelles seraient les solutions que vous apporteriez à cela, les façons que vous auriez (ou avez, chers moddeurs ?) de systématiser la gestion des conséquences des choix du PJ dans toutes sortes de situations ?
À vous lire, FNV présente un système très intéressant, mais je ne l'ai pas (encore) essayé... Y'a-t-il un progrès en la matière dans ce jeu ?
(J'avais pour ma réflexion établi une petite liste de "dilemmes moraux", assez génériques, presque des poncifs, mais qui sont pas si faciles que ça à gérer de façon "dynamique". On suppose bien entendu qu'il y a au moins un témoin, sinon ça n'a pas grand intérêt.
La voici :