Tôt le matin, on sonna à la porte d'entrée.
Tarenenre leva un sourcil intrigué : Qui donc pouvait bien leur rendre visite aussi tôt ?
La jeune femme Aldmer reposa sa tasse de thé sur la soucoupe, s'essuya délicatement les lèvres, se leva, et se dirigea vers la porte.
Au passage elle jeta un regard dans le grand miroir de l'entrée, referma les pans de son kimono de soie blanche, ajusta ses nattes blondes et pressa le pas : La personne derrière la porte commençait à s'impatienter et à donner de l'index contre le chambranle !
- Voila ! J'arrive ! Chantonna t'elle.
Elle ouvrit la porte et découvrit l'auteur des coups :
Un homme d'un cinquantaine d'années, cheveux grisonnants et bouclés. Le visage carré et couperosé de frais.
- Oh ! C'est vous ! Dit Tarenenre
L'homme entra sans y être invité, défit la ceinture de son imperméable et écrasa son mégot dans un cendrier.
- Bonjour Tarenenre ! Votre ... amie Emma, est elle là ?
- Hé bien, je... Commença Tarenenre.
- Inspecteur Cosadès ?! De toutes les andouilles de la création que je m'attendais à trouver, pendus à ma sonnette, j'étais loin de m'imaginer que se serait vous !
Caius Cosadès pivota sur ses talons, et dévisagea l’auteure de cette apostrophe :
Emma descendait les marches de l'escalier principal, vêtue d'une veste de kimono, le même que Tarenenre, mais noir. Une cigarette à la main droite, la gauche passée négligemment dans la ceinture de la veste.
- Moi aussi, je suis content de vous voir, Indoril. Allez passer un pantalon !
- Vous avez un mandat ? J’espère ?
- Pas besoin, c'est une visite... disons amicale... Dit Cosadès en retournant la couverture d'un magazine. Tiens ? Vous lisez « Moteurs » ?
- Pas seulement, j'y écrit aussi ! Vous vous intéressez aux voitures de luxe et aux courses automobiles, Cosadès ?
- Un peu... Surtout de manière professionnelle, à vrai dire...
- Ah oui, je vois... Un souvenir de vos jeunes années passée à la circulation, sans doute...
Cosadès réprima un sourire fugace : il y avait bien longtemps que les sarcasmes d'Emma ne le touchait plus, et qu'il avait décidé de ne plus y prêter attention.
Emma se glissa dans un des fauteuils du salon, et replia ses longues jambes sous elle.
Cosadés se débarrassa de son imperméable, et se laissa tomber dans le fauteuil en face.
Tarenenre arriva avec deux tasses de café sur un plateau. Et se demanda s'il n'aurai pas mieux valu apporter des pistolets...
Cosadès sorti un paquet de cigarettes de sa poche, se rappela que Tarenenre n'acceptait pas que l'on fume au salon, et le remit dans sa poche. Puis il croisa ses jambes, se renversa dans le fauteuil et demanda :
- Le nom d' Aidara Ashirbibi, vous dit quelque chose ?
- Pas vraiment, non. Qui est ce ? Un copain à vous ?
- C'est un fonctionnaire de l'ONTEC (Organisation des Nations de Tamriel pour l’Éducation et la Culture). Il a disparu depuis hier soir...
- Et vous êtes venus le chercher chez moi. Ce qui est tout à fait normal, car j'en fait la collection... !
- Des témoins nous ont dit l'avoir vu monter dans une voiture, en compagnie de deux jeunes femmes...
- Le veinard ! Mais vous savez, Cosadès, embarquer des garçons à la sauvette, c'est n'est pas notre genre...
- L'un des témoins -certainement un abonné à « Moteurs » - dit avoir formellement reconnu le modèle de la voiture : Une Turbotraction, Année Zéro ! Vous roulez bien en Turbotraction, Indoril ?
- Bien vu Cosadès ! Je vais même vous éviter une question bête : c'est bien une Année Zéro que je conduit. C'est même une Zéro-Zéro, une des trois...
Cosadès fronça les sourcils :
- Comment ça ?
- Les Années Zéro sont les premiers (et derniers) modèles à être sortis des chaînes de montage de l'usine Turbotraction, avant l'incendie...
- Oui, je sais cela, à l'époque je lisais vos articles...
- Vraiment ? Vous m'en voyez ravie !
- C'était avant d'en faire partie, comme protagoniste... Et que sont les Zéro-Zéro ?
- C'est le nom donné par le Père Turbot à ses voitures de pré-séries. En quelque sorte, ce sont des modèles uniques, entièrement montés à la main, presque des prototypes...
- Pourquoi « une des trois » ?
- Parce qu’il n'en reste que trois au monde ! Une se trouve au Musé de l'Automobile de Cheydinhal, l'autre, est dans mon garage, et la troisième...
La troisième est la propriété du Prince Martin Septim, lequel est de mœurs...heu, variables...
Cosadès se leva brusquement et apostropha Emma :
- Cela suffit, Indoril ! Passe encore que vous foutiez de moi, mais je ne tolérerais pas que l'on porte atteinte à la personne du Prince !
- Enfin, Cosadès, calmez vous ! Tout cela est de notoriété publique !
- Peu importe ! La personne du Prince est...
- Je ne vous savais pas si monarchiste, mon pauvre vieux !
Cosadès se calma brusquement, et se rassit.
- J'imagine que vous n'allez pas m'expliquer les raisons de la présence de ce fonctionnaire dans votre bagnole ? Ni ou vous l'avez déposé, après votre rodéo ?
- Quel rodéo ?
- Oh, ne jouez pas à ça avec moi, s'il vous plaît ! Hier soir, un course poursuite a eu lieu dans la Citée Impériale, impliquant une moto -de marque Sapetoku- et une voiture ! Aucun des témoins interrogés n'a été capable de dire précisément si c'était une Turbotraction, et encore moins de nous donner l'année ou le modèle, comme vous venez de le faire ! En revanche tous s'accorde pour dire que la voiture était occupée par deux femmes, une blonde et une brune...Et j'ajoute que la seule personne capable de conduire un tel véhicule à une telle vitesse...
- C'est bon, Cosadès, vous avez gagné ! Oui, j'avoue, je suis en cause dans cette course poursuite ! Mais vous n’êtes pas venus jusque ici pour me coller une prune pour excès de vitesse ?
- Oh non ! En fait vous avez de la chance. Je doit être le seul à avoir fait le rapprochement entre vous et le véhicule. A force de vous connaître, sans doute... J'ajoute que vous avez le chic pour vous coller dans des situations insensées, et je suis bien curieux de voir dans quoi vous avez mit les mains...
- Je ne comprends pas... ?
- Ce fonctionnaire, ou est il ?
- Aucune idée, Cosadès ! Il a littéralement sauté dans ma voiture, hier, aux alentours de la citadelle, en me suppliant de démarrer car sa vie était en danger, paraît il...
- A ce que je crois, sa vie était bien plus en danger en étant à votre bord... Ricana Cosadès. Poursuivez...
- A dire vrai, c'était lui qui était poursuivi... Ce gars, avec la Sapetoku...
- Oui, on l'a retrouvé dans la rivière...
- Il est mort ?
- Non, mais sérieusement amoché quand même...
- Je vous assure, je ne l'ai pas touché... ils s'est foutu en l'air tout seul...
- Je sais, je sais, j'ai vus les traces de gomme... Le pilote de la moto, je m'en fiche ! Ce qui m'importe, c'est le fonctionnaire. Qu'en avez vous fait ?
- Oh !? Après que l'autre soit parti en valdingue, il n'a pas voulu rester avec nous...
- Étonnant !
- … Et donc, je l'ai laissé à la premier station de bus venue... à Saint Jauffre, je crois...
- Et ensuite ?
- Ensuite, j'ai semé vos collègues de la Police Montée, et je suis rentrée ici...
Cosadès regarda fixement Emma dans les yeux, avant de lâcher un « mouais... ! » peu convaincu.
Puis il se leva, enfila son imperméable, et se dirigea vers la sortie.
- Indoril, vous ne me dites pas tout, mais pour le moment, pour le moment, je veux bien me contenter de cette version... Prenez ça comme un remerciement pour votre aide sur le trafic de Skouma, l'an passé... Mais prenez garde, si je suis obligé de revenir pour vous reprocher quelque chose, ce sera avec un mandat d'amené, et la discussion se passera dans mon bureau, et sera beaucoup moins cordiale... A bon entendeur... Au revoir, Tarenenre !
Caius Cosadès tourna les talons, et sorti en claquant la porte.
Dans son fauteuil, Emma avait l'air sombre et renfrognée. Tarenenre s'approcha doucement, et posa les mains sur la tête du fauteuil.
- Vraiment, je ne comprends pas pourquoi tu t'amuses autant à le défier de la sorte... Pourquoi ne pas lui avoir simplement dit toute la vérité ?
- Parce que la vérité n'est tout simplement pas croyable... Bon sang ! Tu as vu toi aussi ce qui s'est passé !?
- Oui.
- Et tu arrives à le croire ?
- Hé bien... oui, je crois à ce que j'ai vu !
Emma secoua la tête :
- Enfin, quoi ! Un type nous poursuit en moto, nous rattrape, je m'attends à me faire canarder et là, pouf ! Plus rien ! Disparu le... C'était bien un Dunmer, hein ? Ce... comment déjà ?
- Aidara Ashirbibi ! C'est le nom qu'a donné Cosadès, et c'est le même que sur la carte d'identité... C'est bien un cousin Dunmer
- Au fait tu a fait quoi des fringues ? Et de la mallette ?
- En lieu sur, ne t’inquiète pas !
Emma se leva, alla jusque à la fenêtre, tira le rideau et regarda dehors. Elle secoua la tête :
- Je ne pouvais pas raconter ça à ce gros con de Cosadès ! Tu imagines ? « votre fonctionnaire, il a disparu comme ça, hop ! Comme par... Elle fit une pause. Comme par magie...
- Oui, c'est de la magie... Admit Tarenenre
- Raison de plus pour ne pas lui dire la vérité ! Je ne tiens pas à me retrouver en prison pour hérésie !
- Mais pour enlèvement, tu veux bien ?
- Il n'y a pas eu enlèvement à proprement parler...Il reste ses fringues et... la mallette !
- Quoi, la mallette ?
- Elle nous permettrait peut être d'en apprendre plus ! Peut être qu'en l'ouvrant on trouverait des éléments qui... ?
- Et si on ramenait le tout, fringues et mallette au consulat, et qu'on s'expliquait ?
- Bonne idée ! J'ai hâte de voir la tête du Consul, quand on va lui parler de magie ! On est pas dans l'Archipel de l'Automne ! Tarenenre ! Et puis, la situation est assez tendue comme ça, avec les Dunmers...
- Bien sur, cela n'a absolument rien à voir avec ta curiosité maladive ? Elle a bon dos, la situation internationale !
Emma sourit : Tarenenre la connaissait vraiment bien !
- Bon, elle est ou, cette mallette ?
- Là ! Sous le canapé !
- C'est ce que tu appelles un lieux sûr ?
- Oui, car je ne t'ai jamais vu le soulever pour faire le ménage en dessous...
- …
Emma accusa le coup, et passant la main sous le canapé, elle en ramena une mallette en cuir, ainsi que de nombreux moutons. Elle secoua l'objet : il y avait quelque chose de lourd dedans ! Puis, s'asseyant dans le fauteuil, elle examina la mallette :
- Zut !
- Quoi ?
- C'est une serrure à chiffre !
- Ah !
- A chiffre ET à lettres !
- Essaie 007 !
- Déjà fait !
- Sa date de naissance ? Tiens, voilà ses papiers !
Emma manipula les cadrans de la serrure, compara avec la date sur la carte d’identité, fit plusieurs tentatives et renonça.
- Marche pas ! Je vais plutôt aller chercher des outils !
- Non, attends, essaie, heu, 3E427
Emma composa la combinaison, et la serrure s'ouvrit.
- C'est quoi, 3E427 ?
- Fête nationale Dunmer.
- Ah.
Emma ouvrit la mallette et regarda à l’intérieur :
Il n'y avait qu'un objet : Un large collier composé de plusieurs lanières de cuir ornées de perles de bois de différentes couleurs. Les lanières étaient attachées à la carapace chitineuse d'un insecte de grande taille, probablement un scarabée , se dit Emma, et se rejoignaient, à l'autre extrémité, dans un gros fermoir de cuivre.
Emma sortit l'objet de la mallette et l'examina à la lumière.
- Hé ben...
- C'est quoi ? Demanda Tarenenre.
- Un collier, enfin, je crois.
- Finalement, on sera peut être coffrés pour enlèvement, hérésie ET trafic d'antiquité ! Il n'y a rien d'autre ?
- Pas même un papier ! Dis donc, c'est pas idiot ! Le type était à l'ONTEC, c'est peut être du trafic d’œuvre d'art !
- A l'ONTEC ? Tu dérailles ! Si ça se trouve, c'est juste le collier pour sa petite amie !
- C'est un peu vieux pour ça ! Et même si c’était le cas, je serais sa copine, je lui foutrais dans la gueule !
- Oui, bon... On en sait pas plus ! Qui pourrais nous renseigner ?
Emma réfléchis quelques instants puis répondis :
- Je sais : Nous allons nous rendre à la Grande Bibliothèque de Tamriel ! Je connais bien le conservateur, Sire Elodry, Il saura nous aider !