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[h] Quand Umbra Rencontre Umbra


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10 réponses à ce sujet

#1 Not Quite Dead

Not Quite Dead

    Rincevent


Posté 13 avril 2009 - 14:38

Quand Umbra rencontre Umbra


La petite pendule d'argent tic-taquait avec obstination, indifférente à la gêne de l'unique occupant du salon. Celui-ci était assis du bout des fesses sur un protège-fauteuil au motif tristounet de fleurs de roche. Il restait comme prostré dans cette inconfortable position, sans bouger d'un pouce, respirant à peine, les mains sur les genoux. Malgré ces précautions, le siège ployait sous son poids et celui de son imposante armure. Son casque lançait à la ronde son horrible grimace figée, monstre de métal désorienté au milieu de la délicate dentelle du guéridon où on l'avait posé.

La vieille dame revint à petits pas, portant dans ses mains rongées d'arthrite un plateau où trônaient les biscuits au beurre et la tisane déclinés. Les yeux du visiteur le suivirent jusqu'à la table basse avec une contrariété résignée: il y avait deux tasses qui furent bientôt remplies à raz-bord.

« Deux sucres? » demanda-t-elle sans prêter -ploc! ploc!- attention à la réponse.

« Tu prendras bien un biscuit ou deux avec ta tisane » décida-t-elle en lui fourrant une soucoupe surchargée entre les mains. Ignorant ses récriminations, elle fit le tour de la table et prit place dans son fauteuil préféré.

Le tintement joyeux de sa cuillère couvrit un instant le tic-tac lancinant de la pendule.

Lorsqu'elle eut bu deux gorgées de son infusion -une mixture à base de racines de bulbe-liège et d'anthères noires qu'il avait toujours trouvé écœurante-, elle s'enquit:

« Alors, mon scribounet, comment s'est passé ce séjour à Suran?
- M'man! Je t'ai déjà dit de ne plus m'appeler comme ça!
- Au lieu de faire ton ronchon, raconte plutôt tes soucis à ta vieille mère! Ca n'a rien donné, n'est-ce pas? »

L'Orc admit dans un soupir résigné: « Certaines rencontres étaient prometteuses, mais au final personne n'a pu me donner ce que... ce que j'attendais. »

La vieille dame s'était levée et tapotait l'épaule bardée d'acier de son rejeton. Le fauteuil émit un grincement d'agonie.

« Tu te montres toujours si secret sur tes activités, mon scribounet... mais ne crois pas que j'ignore ce que tu recherches si désespérément. Comme si on pouvait cacher quelque chose à sa mère! »

Ainsi elle savait? Le soulagement et la culpabilité envahirent le cœur d'Umbra avec un tel élan qu'il se leva d'un bond. Le soulagement fut toutefois de courte durée.

« Ne t'inquiète pas: j'ai pris des mesures. »

Voilà. Si elle croyait pouvoir le dissuader... Il se redressa de toute sa taille. Il n'était tout de même plus un gamin! Des rois craignaient le nom qu'il s'était choisi! Ce n'était pas sa mère qui...

« J'ai contacté des spécialistes pour t'aider. Les meilleurs. Tout est arrangé. »

Elle... elle allait l'aider? Et elle avait contacté des... spécialistes? Elle qui ne voyait généralement pas plus loin que le bout de son tricot?

« Tu sais, m'man, la Morag Tong...
- Qui ça? Mon pauvre petit, mais ils n'y connaissent rien, ceux-là! C'est à des gens de Cyrodiil, qu'il faut s'adresser, pas à des elfes noirs renfrognés avec des boutiques impossibles, si tu veux décrocher un rendez-vous valable!
- Un ren... un rendez-vous valable?
- Tu sais, si j'ai rencontré mon Gurthmog, c'est grâce à eux: le Rosier de la Tour d'Or Blanc! Et même s'il n'est plus qu'un souvenir à présent, cette vieille baderne m'a offert ce qu'il y a de mieux dans ma vie: toi! s'attendrit-elle.
- Je... j'ai peur de comprendre... coassa Umbra. Ce que je cherches, selon toi, c'est...?
- L'âme sœur, évidemment! C'est de ton âge: tu as bientôt quarante ans! Et même si tu resteras à jamais mon petit scribounet en sucre, il est normal que tu veuilles rencontrer une compagne! Qui sait? Vous pourriez même vous installer ici, avec moi! »

Sonné, le guerrier se laissa choir sur le fauteuil qui rendit l'âme dans un craquement sinistre. Les sons ne lui parvenaient plus qu'assourdis, comme lorsqu'au cœur d'une mêlée les râles s'unissaient au fracas de l'acier. Sa vue s'était assombrie, comme sous l'effet de volées de flèches ennemies éclipsant la lumière du soleil. Contre le babillage de sa mère qui s'abattait sur lui, qui le martelait, nulle esquive, nulle échappatoire.

« Comme tu le vois, tout est arrangé, conclut-elle avec satisfaction.
- Mais, m'man... protesta Umbra.
- Tututut! Tu vas me faire le plaisir d'obéir à ta mère, pour une fois. Cécilia Matrima, la coordinatrice du Rosier de la Tour d'Or Blanc t'attend dans la Cité Impériale, et Malacath m'est témoin qu'il n'est pas question que tu lui fasses faux bond pour repartir vagabonder je ne sais où! »

***


Et quoi? Umbra avait bien dû jurer. De sa vie, il n'avait jamais su dire non à sa mère.

#2 abg

abg

    L'ABG pour les civilisés


Posté 14 avril 2009 - 00:03

La suite, il ne l'écoutait plus que d'une oreille... Elle venait comme un rêve étrange, ouaté... Oui, demain, il prendrait la route de Vivec, tout était arrangé, payé d'avance, et le scribounet en sucre n'allait certainement pas faire sa tête de guar ! A la grande ville, Ano Andaram, un capitaine à la réputation absolument irréprochable saurait le conduire sur le continent. De là, il prendrait la route de Cyrodil et de la Cité Impériale. Tout était arrangé là-bas aussi et le rendez-vous avec la coordinatrice, une... mère maquerelle ne put-il s'interdire de penser, fixé depuis un mois déjà...

Il avait fait d'autres rêves dans sa longue existence, bien des cauchemars aussi, celui-là, bercé par le lancinant tic-tac de la pendulette, était sans doute le pire ! On connaît les mères orques. Qu'il ait atteint un bel âge pour sa race n'y changeait rien : plus possessives et maternelles n'existe pas ! Selon un proverbe ayant cours à travers Tamriel entière : « Il n'y a rien de pire qu'une mère orque, sinon une belle-mère orque ! »

Ah si seulement ils n'avaient jamais quitté les monts de la Queue du Dragon ! Il avait de qui tenir : son père Gurthmog ne tenait pas en place, il avait été tenu pour un des plus grands guerriers de son peuple, ce qui n'était pas rien en ces temps où les orques n'étaient tenus que pour des voleurs de poule au mieux, pour des monstres à exterminer au pire ! Que sa mère ait pu rencontrer son géniteur par le biais d'une tenancière de boxon de la capitale impériale était déjà sidérant ! Mais le pouvoir, cet Uriel Septim qu'Umbra avait si bien servi, ne ménageait pas ses efforts pour intégrer les orsimers.
Gurthmog était donc compté parmi les premiers orques à avoir servi dans les légions de l'Imperium. Bien servi même puisqu'il était devenu officier, promu chef de cohorte ! Tout ça pour mourir sous les coups de son propre fils dans le chaos du Simulacrum...
« Tu as bien compris les instructions de ta maman, mon Kurtzounet ? Je t'ai tricoté un cache-nez pour ton voyage, il ne s'agit pas d'arriver là-bas enrhumé tout de même. »

Kurtz gro-Gurthmog, connu de tous sous le nom d'Umbra, terreur d'un continent !

Le rêve le plus marquant de la longue vie d'Umbra n'avait rien de recommandations maternelles. Il avait douze ans en ce temps là et en tant qu'orque avait déjà atteint l'âge de maturité. Il se demandait encore s'il s'agissait d'un rêve ou de quelque sortilège. En ce temps là tout semblait s'effondrer et aller de mal en pis; c'est avec crainte que le peuple regardait la Tour d'Or Blanc. Alors cette sorcière impériale lui était apparue dans sa cellule de la prison où il cuvait une beuverie de bidasses. « Tu dois sauver ton souverain, Kurtz ! » Il s'était alors trouvé engagé dans la plus longue et la plus folle de toutes ses aventures. Une aventure qui l'avait conduit à travers tout Tamriel, de Bordeciel au Val-Boisé, du Hall du Colosse jusque dans la Crypte du Coeur en Argonia, traqué par les sbires de Jagar  Tharn ! Qu’avait-il fait à l’échelle du monde ? Il avait parcouru toutes les contrées qui existent et combattu des créatures capables de vous flétrir le cœur d’un seul regard. Dans cette quête extraordinaire il avait fait couler le sang d’un nombre incalculable d’hommes et de Mers et contemplé avec autant d’horreur les atrocités de la guerre et les abominables excès de la paix. Non, il ne lui restait rien à voir ou à faire en ce monde.

Et sa mère voulait le marier !

Umbra, qui avait parcouru les catacombes du Palais des Septims massacrant tous ceux qui osaient se mettre en travers de son chemin, jusqu'à son propre père, pauvre pion trahi, victime des sortilèges et des illusions de l'Usurpateur ! Il était le Champion de Tamriel, aujourd'hui assis sur un fauteuil à ponpons dans le salon d'un petit héritage de vétéran à Pélagiad, bourgade aux marches orientales de l'Empire.
Personne n'avait vu le véritable visage du Champion en ce temps là. Personne n'aurait pu même admettre qu'il fut un orque ! Le mémorial à sa gloire le représentait masqué de son heaume que seule sa mère pouvait lui faire quitter, un heaume d'orque !
Umbra avait définitivement adopté le nom de cette épée que l'on disait avoir été forgée par la sorcière Naenra Waerr, une épée conquise au cours de cette folle quête à travers le continent. Fuyant les honneurs et refusant le triomphe, c'est de fait telle une ombre qu'il avait disparu. Le Champion Eternel demeurait une énigme dans l'Histoire de ces années troublées et Umbra entendait bien qu'il en soit ainsi. Personne n'était disposé à voir une peau verte tenir le rôle !

Umbra avait donc combattu dans l'ombre. Il n'était certainement plus question de lutter pour cet empire auquel il avait sacrifié son père et ses illusions. Aux confins de Hauteroche, il avait œuvré pour l'indépendance et la reconnaissance du jeune royaume d'Orsinium, au côté du roi Gortwog gro-Nagorm, combattant les agents sournois de l'Empire et les soldats des roitelets brétons ou rougegardes.

Sa mère pendant ce temps s'était retirée dans cette colonie poussiéreuse, à l'autre bout du continent. Devenue impériale plus que les impériaux, elle brodait des coussins dans cette maisonnette à l'ombre d'un fort impérial !
Que l'on aille pas croire que les orques vivent tels des sauvages en haut de leurs montagnes ! Même en ces temps périlleux, la correspondance circulait régulièrement d'un bout à l'autre du continent. Chaque semaine, Umbra lisait les gentilles petites lettres que lui envoyait sa maman. Entre deux embuscades sanglantes il lui répondait longuement.

Le Miracle de la Paix le laissa comme tant d'autres désemparé, seul avec ses souvenirs, ne sachant rien faire d'autre que la guerre, écœuré par sa propre existence. A la fin, il était venu lui aussi dans ce pays des cendres, car ici ou ailleurs... Umbra n'attendait plus rien et certainement pas un foyer où soigner ses rhumatismes en racontant ses aventures à ses enfants. Tant avaient péri de son fait, des mioches, au cours de ces guerres atroces alors comment aurait-il pu regarder les siens sans s'effondrer ?
Tout ce qu'espérait Umbra était une mort de guerrier et quelqu'un d'assez honorable pour recueillir cette épée maudite qu'il portait, cette épée buveuse d'âme. Mais nul ici ne répondait à ses défis et voilà que sa propre mère le défiait de se marier ! De sa vie, Umbra n'avait jamais su dire non à une femme, ni à Ria Silmane ni à sa propre mère...

La nuit, pourtant passée dans une chambre proprette et des draps parfumés à la lavande, ne lui avait procurée aucun repos. Il faut être de Sithis pour dormir sur ses deux oreilles quand on a tant de sang sur les mains ! Il y avait bien longtemps qu'Umbra ne dormait plus guère la nuit.
Le petit jour le vit prendre le chemin de Vivec, en armure traditionnelle de l'Orsinium avec un cache-col décoré au crochet autour du cou et un petit panier à pique-nique sous le bras...


* * *


A Vivec, Bérel Sala fulminait ! La matinée était déjà bien avancée alors qu'il traversait le parvis du Grand Sanctuaire. Il y avait avisé un novice. C'était probablement un de ces oblats confiés dès leurs plus tendres années au Temple pour y servir Almsivi. Le chef suprême des ordonnateurs de Vvardenfell ignorait son nom et s'en moquait éperdument ! Le godelureau balayait mollement les pavés de la place et c'est en le tirant par l'oreille qu'il avait dû lui mettre franchement le nez dans une fiente de braillard qui souillait l'endroit. Que de telles ordures jonchent le sol du sanctuaire le plus sacré de l'île le mettait hors de lui. Naturellement le pauvre moinillon tout à sa corvée n'y pouvait pas grand chose, si ce n'est faire disparaître prestement l'objet de la fureur de l'officier. Bérel Sala était surtout furieux parce qu'aucun de ses subordonnés n'avait encore trouvé un archer compétent pour débarrasser le ciel de ces créatures répugnantes ! Imaginez un instant que le feston blanchâtre ait chu sur le passage d'une procession !

Bérel Sala foulait le sol à grandes enjambées. Les deux factionnaires n'eurent que le temps de rectifier leur position quand il poussa à la volée la double porte de son bureau.
« Ah, Seigneur Sala, le rapport de la nuitée... »
L'elfe qui venait de l'interpeler était le capitaine de semaine, un obscur officier probablement sans avenir dont il ne parvenait même plus à retrouver le nom...
« Un étranger a fait un peu de scandale ce matin, dans le canton nord... 
- Un étranger faisant un esclandre dans le Quartier Étranger, en quoi voulez-vous que ça me préoccupe, capitaine ?
- Et bien, Seigneur, selon le rapport des îlotiers, c'est un orque... Un de taille... assez pour rosser un de nos hommes si je puis me permettre cette précision...

Bérel Sala étouffa un soupir; Il ne supportait plus ces n'wah que l'Empire déversait sur l'île par cales de navires entières. Un orque, un légionnaire ivre probablement...

« Non, vous n'y êtes pas, si je puis me permettre, Seigneur Commandeur. Ce n'est pas un soldat en permission semble-t-il... Probablement un mercenaire, un... de poids, à en juger par la valeur de son équipement ! » se hâta de préciser le semainier...
- Eh bien, qu'a-t-il fait qui réclame mon attention ?
- Il a interpelé l'ordonnateur îlotier, lui a demandé si sa mère... pardonnez moi Seigneur Sala... si sa mère venait d'un... ahem... établissement de tolérance de la Légion et si elle lui offrait des cache-cols brodés au crochet. Ce n'est pas tout... Le scandale était patent et public. Il a bien fallu sévir selon le règlement. L'ordonnateur a appelé une escouade en renfort pour le maîtriser. L'homme était incohérent dans ses propos, il s'est d'abord plaint qu'on allait lui faire rater son bateau, a tenté de défier nos elfes en duel avant finalement d'éclater en sanglots. Quand il a compris qu'on le menait ici, il a déclaré « Merci les gars ! »
- Skouma ? Mal du Fléau ? Ça n'a aucun sens, mais vous avez bien fait de le mener ici !

Bérel Sala fit craquer ses doigts en souriant de contentement. Non seulement il avait trouvé sur qui passer son aigreur mais aussi comment mettre un peu d'ordre dans le sanctuaire... Les orques ne sont pas réputés pour leur affinité avec l'élément aérien mais cela ne le préoccupait guère. Ce qui lui importait pour l'heure était de débarrasser le Ministère de la Vérité des braillards des falaises qui y nichaient et, au pire, ce ne serait pas le premier aventurier sans aveu écrasé sur le parvis...

#3 Havelock

Havelock

    Des fleurs, du rose, un peu de poésie, bordel !


Posté 18 avril 2009 - 13:06

Le capitaine Tedryn Driler fixait un point légèrement à gauche de l'oreille de Bérel Sala. Le travail de garde vous apprend rapidement à vous tenir droit, mais aussi à regarder fixement dans le vide tout en enregistrant des foules de petits détails. Et le capitaine se tenait droit, vraiment très droit. Les mauvaises langues auraient pu dire qu'il avait un balais dans le... Enfin vous voyez... Mais en fait non, les mauvaises langues ne diraient rien, du moins rien en présence d'un Bérel Sala aussi dangereusement calme. C'était le seul détail vraiment notable dans cette pièce, une zone de calme lourd de menace, l'œil d'un cyclone de fureur.

Le capitaine n'était pas arrivé à ce poste en étant complètement idiot. Prendre un air patelin, houspiller les nouvelles recrues, se faire offrir un verre dans les tavernes, c'était bon pour les sergents. Les capitaines, eux, devaient être capables de prendre des décisions rapidement, et d'analyser la situation avec pertinence. Et après une analyse tout ce qu'il y a de plus pertinente, il conclut qu'il préfèrerait être sergent, avoir une solde et un prestige moins élevés, mais ne pas avoir à être dans cette pièce, face à un Bérel Sala qui, après avoir navigué à travers des océans de colère complètement déchainés, godillait désormais avec entrain dans les eaux calmes d'un lagon de rage pure.

Pourtant la journée avait bien débutée. Ce matin Ulveni Oren lui avait adressé un grand sourire alors qu'il prenait le chemin du ministère, et normalement ça lui suffisait pour pouvoir parler d'une bonne journée.
Même l'orc cinglé arrêté plus tôt n'avait pas posé de problèmes. Non seulement il s'était rendu, mais en prime il avait avoué. Absolument tout. Même un vol à la tire commis, selon les témoins, "par une saloperie de Khajiit". L'interrogatoire avait été interrompu car on n'avait pas assez de papier pour noter tous les aveux, mais une chose était certaine, on allait pas tarder à afficher un taux d'élucidation des enquêtes avoisinant les cent pour cent, ce qui est de nature à réjouir n'importe quel officier. Ce gros barbare se montrait aussi docile qu'un chaton, il avait accepté de remettre toutes ses armes, et également son armure, à l'exception de son casque. Allez savoir pourquoi. Tedryn n'avait pas insisté, mieux vaut un prisonnier coopératif et casqué qu'un prisonnier réticent, et des gardes assommés.

* * *


Kurtz gro-Gurthmog, quant à lui, réfléchissait dans sa cellule, en tapotant doucement le bas de son casque. Il était un orc simple, à ne surtout pas confondre avec un orc simplet. Beaucoup l'avait pris pour un simplet, et n'avaient plus jamais recommencé. Le fait qu'ils soient morts y était sans doute pour quelque chose.
Non, il était juste simple, dans le sens qu'il disait ce qu'il pensait, et le faisait. Pas besoin de tours, détours et circonvolutions quand on peut aller en ligne droite.

Sur le coup ça lui semblait une bonne idée. De la prison ! S'il était en prison à Vivec, il ne pouvait certainement pas aller à la Cité Impériale, hein ? Parfaitement logique, ça. Et comment rester en prison à Vivec ? En avouant des crimes. Bien entendu, il avait pas mal de morts sur les décombres de sa conscience, mais ça ne pouvait pas vraiment compter comme des crimes, c'était la guerre. Ouais, la guerre. Rien à voir avec des crimes. Mieux vaut voir ça comme ça. Mais quand l'elfe avait commencé à l'interroger, Kurtz avait vite compris qu'il essayerait de lui coller tout et n'importe quoi sur le dos, et il leur avait juste donné... un coup de main, ouais, c'est ça, un coup de main. Rien de mal à aider les autorités, c'est le devoir de tout bon citoyen, non ? C'est ce que lui répétait sa mère sans arrêt. Sa mère...
Il y avait comme un problème. Qu'avait dit l'avorton qui l'avait bouclé quand on avait interrompu l'interrogatoire? Ah ouais... "Votre mère devrait avoir honte d'avoir engendré un monstre pareil". Ouais. Sa mère. Il y avait comme un problème, là. Un gros. Un grand criminel dans les geôles de Vivec, ça risquait de se savoir. Ces crétins de gardes allaient se vanter, c'est certain. La nouvelle allait faire le tour de la ville en un rien de temps, puis la quitter, continuer sa route et atterrir tout droit dans l'oreille de sa mère. Ça allait la tuer...
-Maman...
Juste un murmure, un souffle à peine plus puissant que le battement d'une aile de papillon. A peine plus puissant.

* * *


-J'ai du mal comprendre. Veuillez me répétez ça, capitaine.
Ces mots sonnaient à la fois comme un ordre et une mise au défit de le faire et mettaient Tedryn au supplice. Et ce calme... Bons Dieux, si ça continuait comme ça, il allait se mettre à sourire, et personne n'aimait être dans les parages quand le patron souriait.
-C'est Melar Baro, monsieur.
-Une nouvelle recrue, aussi malin qu'un guar atteint de gangrène mentale, c'est bien ça ?
Il avait réussi à placer le point d'interrogation, mais sans le prononcer. Il s'agissait moins d'une question que d'une affirmation.
-Oui monsieur, bravo monsieur. Hum, donc, Baro est préposé à la garde des pièces à conviction et des biens de nos pensionnaires.

* * *


Pas tué grand monde ces derniers temps, ça lui ferait plaisir, à maman, non ? Hrumf ! Que je ne tue plus... Peut-être. Que je sorte, surement. Que vaut-il mieux affronter ? La cité impériale ? Ma mère ? La cité impériale, ma mère... La cité impériale. Définitivement.
Mais on est loin du sol, et je ne suis pas une saloperie de mage ! Passer son temps à voler comme un braillard des falaises, et puis quoi encore ! Mais les gardiens ne m'écouteront jamais. Faut que je vois le chef, il comprendra surement, non ?
Kurtz cessa de tapoter son casque et le retira doucement. Il approcha une des cornes d'une aspérité de la pierre, près de la base d'un des barreaux. Marrant comme les gens sont peu soigneux. On laisse la maçonnerie s'abimer, et après on s'étonne de ce qui arrive.

* * *


-Et donc ce Melar Baro a déserté ?
-Oui, monsieur.
Tedryn Driler était maintenant franchement pâle, ce qui chez un dunmer se traduit par un gris tout de même assez foncé. Gris souris, ou gris taupe. A moins qu'il ne s'agisse d'un gris acier.

* * *


Voilà, en tirant encore un peu ça devrait... Chclong!
Un des barreaux avait cédé, Kurtz le tenait fermement en main. Un gros morceau de roche y restait accroché, donnant à l'objet l'aspect d'une masse rudimentaire. Il aurait bien aimé soupeser sa nouvelle arme, mais celle-ci ne pesait rien, ce qu'il mit sur le compte du caillou. Après tout, elle était enchantée, cette lune, pas étonnant qu'un de ses fragments le soit. Son casque gisait à ses pieds, de toute façon il n'en aurait plus vraiment besoin.
Un bruit de pas s'approchant résonna dans le silence ambiant, un gardien avait du l'entendre. Il ré-affermit sa prise sur son arme, en espérant que cette absence apparente de poids ne l'en rendrait pas moins efficace.

* * *


-Et non content de déserter, il a tué deux de ses camarades, avec une grande épée sombre, avant d'utiliser un parchemin de lévitation pour filer en direction du nord-ouest, c'est bien ça?
Ça y est, il commençait à sourire. Pitié, faites qu'il ne se mette pas à rire.
-Oui monsieur.

* * *


Finalement, poids ou pas, cette arme était rudement efficace, presque trop. Elle n'avait pas de poids, mais conservait son inertie quelque part, apparemment. Le garde gisait au sol, inconscient. Si Kurtz avait forcé, il aurait refait la décoration façon Sixième Maison. Mais il ne préférait pas. Déjà parce que s'il devait parler au patron des gardes, mieux valait ne pas commencer par les trucider, les gardes.
Et pire encore, sa maman en entendrait peut-être parler, et ça lui ferait de la peine.
-Bon, si je me souviens bien, ça doit être par là.
Kurtz sourit, vision rare et à même de vous empêcher de dormir durant quelques semaines. C'était amusant de voir comment aucune prison ne le retenait bien longtemps.

* * *


-Et ce n'est pas tout, n'est pas ?
-Monsieur ?
-N'essayez pas de me le cacher. Allez, dites le moi. N'ayez pas peur. Qu'y a-t-il d'autres?
Son ton affirmait très clairement le contraire lorsqu'il lui disait de ne pas avoir peur.
-Et bien puisque vous en parlez, il semblerait que tout nos parchemins de lévitation aient disparu, nous sommes coincés ici. Je crains que Baro n'ait empor...
-Ahah.
Oh non, il commence à rire, je suis foutu.
Ce rire était totalement dénué de gaité ou d'humour. A vrai dire il s'agissait moins d'un rire que d'un gloussement, voire d'un spasme.

A ce moment la porte dans le dos du capitaine s'ouvrit et quelqu'un toussa poliment. Reconnaissons ce mérite au capitaine, il ne tressaillit même pas, toute son attention étant concentrée sur Bérel Sala, qui affichait désormais un visage de dément rigolard, ce qui n'est pas franchement drôle.

Kurtz passa la porte, posa sa masse à l'entrée, car ses interlocuteurs étaient généralement nerveux quand il avait une arme en main, et s'avança.
-Excusez-moi de vous déranger, mais j'aimerais revenir sur quelques points de ma déposition.
-Gggh...
-Voilà, tout à fait. Je suis innocent. De tout. J'étais un peu déprimé et... Enfin, vous voyez, j'ai avoué des choses que j'ai pas fait.
-N!? Le visage de Sala affichait un air étonné, comparable à celui du comptable qui réalise qu'il vient de tuer tous ses collègues à coups de crayon bien affuté après qu'on lui ait refusé encore une fois une augmentation.
-D'ac-cord. Donc il faudrait me libérer, maintenant. Vous comprenez ? Me li-bé-rer.
-N!
-Et me donner un moyen de redescendre, d'accord? Kurtz parlait maintenant du ton qu'il pensait juste d'employer avec un enfant un peu lent. En réalité il aurait terrorisé n'importe quel enfant, mais comme il en croisait rarement ces derniers temps, tout allait bien.
-N'wah !
Sala, en prononçant ce mot, sembla se ressaisir. Il dégaina son épée et se rua en direction de Kurtz.
Celui-ci esquiva le coup avec une facilité déconcertante, et une vivacité surprenante pour quelqu'un de son gabarit. Dans le même temps, il envoya une simple claque, du revers de la main, au visage de Sala, qui décolla du sol avant de s'étaler proprement sur son tapis.
Bon, celui là ne risque plus trop de m'aider, voyons voir avec son larbin, songea Kurtz.

Le capitaine redoutait cet instant, et il était maintenant trop tard pour l'éviter. Il avait cru qu'en restant immobile il passerait eut-être inaperçu, mais c'était raté. Et voilà que le prisonnier le regardait, un léger sourire aux lèvres, et s'avançait vers lui. Un prisonnier qui avait mis k.o. un guerrier exceptionnel d'une simple baffe, comme on se débarrasse d'un insecte gênant. S'il ne se faisait pas dessus, c'était uniquement car cette tâche s'était accomplie à son corps défendant quelques secondes plus tôt.

-Vous allez m'aidez à descendre, ou je devrais m'occuper de vous.
Le capitaine eut alors un sursaut inespéré et malvenu de bravoure:
-C'est une menace?
-Non. Une promesse.
On ne voyait plus que le rouge des yeux complètement révulsés du capitaine.
-Mais il y a des gardes partout dans les locaux, et au moins autant en ville !
-Ça c'est mon problème. Le votre est que je descende.
-Mais... Mais... Mais on n'a plus de parchemins de lévitation, un de nos hommes s'est enfui avec ! Nous sommes tous coincés ici !
-Enfui où ça?
-J'en sais rien, moi, enfui, quoi. Il a tué deux de nos hommes avec votre épée et...
-MON ÉPÉE ! C'était un rugissement, un cri à peine articulé. Le capitaine ferma les yeux dans l'attente de la mort.

* * *


Kurtz se tenait à l'extérieur, près de l'entrée de la lune, sa masse improvisée en main, l'air concentré. Il se jeta alors dans le vide. Ce qu'il espérait arriva. C'était un pari insensé, mais il avait gagné ! L'enchantement de Vivec, celui empêchant la lune de tomber, s'appliquait toujours à la masse, ce qui avait considérablement ralenti sa chute. un observateur éventuel aurait pu voir un orc suspendu à un caillou, descendant doucement. Mais tous les gardes semblaient s'être rassemblés plus au nord de la ville. A priori personne n'avait jamais vu son visage, on ne pouvait donc pas le reconnaitre, il s'approcha donc d'un attroupement silencieux. Un ordonnateur, mort gisait au sol. Certains de ses collègues regardaient en direction du nord, vers le quartier étranger.

Si un esprit faible avait Umbra en sa possession... Non. Si Umbra avait un esprit faible en sa possession, ça risquait de faire du vilain. Et c'était sa faute.
Arrivé à la sortie de la ville, près du quartier étranger, il vit un marchand en train de pleurer, agenouillé près de son guar décédé.
-Où?
Le marchand pointa du doigt la direction de Seyda Nihyn. Kurtz la prit.
Si Umbra pouvait agir librement, la trace serait facile à suivre. Une trace rouge de sang et de chaos. Kurtz sourit, il était dans son élément.

* * *


Le capitaine rouvrit les yeux, surpris d'être encore en vie. Bérel Sala était encore inconscient. Tant mieux. Il sortit dans le couloir, qu'il remonta, enjambant les gardes inconscients, se rendit à l'extérieur, et respira un grand coup. Il éclata alors d'un rire mêlé de sanglots, simplement heureux d'être en vie.

Modifié par Havelock, 18 avril 2009 - 22:09.


#4 Kira

Kira

    Top-modeleuse...


Posté 06 juillet 2009 - 23:58

Une fois de plus, Vendas Darano soupira et tapota pensivement sa plume de braillard sur le bureau...

-"Il y a des jours comme ça, se dit-il... Il y a des jours avec, et des jours sans... Totalement sans, comme celui-là..."

Une fois de plus, il examina la troupe hétéroclite rassemblée dans le poste principal de la tour de garde...

-"Eh bien, messieurs, prenons comme hypothèse de base que votre histoire complètement décousue était au-dessus du niveau de compréhension normalement exigée d'un chef de la garde, et reprenons tout à zéro, en détaillant bien, cette fois-ci..."

Le groupe de suspects le regarda sans grand enthousiasme... L'un d'entre eux, vêtu d'une armure d'ordonnateur passablement cabossée, choisit ce moment précis pour perdre définitivement connaissance, s'effondrant au sol en un tas indistinct... Sans lui préter grande attention, un orc gigantesque se leva du banc où il avait logé son immense carcasse et s'éclaircit timidement la gorge...

-"Humm, capitaine..."

Vendas Darano se tourna vers lui avec l'expression d'un kagouti à la saison des amours...

-"Quoi, encore?..." Puis, considérant la stature de son interlocuteur "Avez-vous.. heu... quelque chose à déclarer qui pourrait justifier cette révolution?.."

-"Eh bien, capitaine, c'est ce que j'essaye de vous expliquer, justement... Je faisais route depuis Seydah Nihyn afin de retrouver quelqu'un qui m'a volé quelque chose..."

-"Qui, quelqu'un?... Et quoi, quelque chose?... Ne pouvez-vous, pour l'amour d'Azura, être un peu plus précis?..."

-"Pour être plus précis, capitaine, je dirai que c'est quelqu'un de fort mal intentionné qui s'est approprié un objet fort précieux qui le dépasse complètement..."

Le capitaine s'apprêtait à lancer une nouvelle remarque, quand il considéra soudain le vide que représentait son rapport en cours de rédaction... Se forçant à refermer sa bouche, il réussit par un effort de volonté considérable à tordre ses lèvres en ce qu'il espérait être le plus proche d'un sourire bienveillant et encourageant...

-"Oui, je comprends bien mieux comme ça... Poursuivez, je vous prie..."

-"Donc, je l'ai suivi jusqu'à Ici, Balmora donc, et c'est là que j'ai été rejoint par l'autre capitaine et ses hommes..."

Vendas ferma douloureusement les yeux... Ainsi donc, c'étaient de vrais ordonnateurs, et non, comme il l'espérait confusément, une troupe de théatre égarée...

-"L'autre capitaine?... Ah, nous progressons... Qui, parmi vous messieurs, est capitaine?..."

Une main se leva timidement au milieu du groupe...

-"Levez-vous, nom de d'là!... Garde à vous, prénom, nom et grade, et qu'ça saute!..."

Brusquement réveillé, l'ordonnateur sauta sur se pieds, tentant de retrouver tant bien que mal une attitude à peu près martiale malgré son casque partiellement enfoncé qui lui donnait l'air de cligner de l'oeil en souriant...

-"Tedryn Driler, monsieur, capitaine des gardes de la cité de Vivec, détaché au ministère de la vérité!..."

Vendas Darano n'aimait pas les ordonnateurs, cette bande de demi-fanatiques bas de plafond, et en tenir une troupe entière prise en situation compromettante lui mettait un peu de beaume au coeur...

-"Donc, mon cher Tedryn... Je peux vous appeler Tedryn, n'est-ce pas?.. Donc, disais-je, nous en étions restés à votre rencontre à Balmora... Est-ce ceci qui a déclenché ce mémorable pandémonium?..."

Tedryn considéra un moment le capitaine de la garde, quelque peu désarçonné par son ton enjoué, joint à son regard glacé... Cette attitude lui rappelait quelqu'un et il frissonna aussitôt...

-"En fait, ce monsieur" Dit-il en désignant le grand orc "Ce monsieur a quitté le ministère de la Vérité sans accord officiel et, afin de ne pas décevoir mon supérieur, je me suis mis à sa poursuite avec mes hommes ici présents..."

Un vague gémissement d'approbation émana du groupe pitoyable appuyé contre le mur...

-"Nous avons donc fait route vers Seyda Nihyn puis, ayant recueilli divers témoignages sur notre suspect, avons poursuivi jusqu'à Balmora..."

Vendas considéra un moment Tedryn Deiller avec commisération... Avoir peur de son chef au point de faire en courant la route de Vivec à Balmora afin de retrouver un évadé du gabarit de l'orc qui se tenait là, ce pauvre petit capitaine en fer-blanc ne devait pas souvent avoir des nuits paisibles...

-"Donc, nous voici tous arrivés à Balmora... Messieurs, nous avançons, il me semble..."

-"En fait" Tedryn toussota d'un air géné "C'est là que la situation nous a un peu échappé..."

Le grand orc lui coupa la parole...

-"J'ai entendu dire que mon bonhomme avait été vu dans une taverne, le Club du Conseil... Je m'y suis donc rendu.. Mais les gens n'étaient pas disposés à m'aider..."

Vendas réprima un ricanement... Aller dans un repaire de la Camonna Tong demander de l'aide quand on a une telle tête d'orc s'apparentait, selon lui à de l'inconscience...

-"Et ces messieurs" Il désigna Tedryn et son groupe "Sont arrivés au moment où j'étais en train de quitter la taverne..."

vendas Darano poussa un soupir de soulagement... A partir de ce moment-là, il avait pu, en regroupant les témoignages des survivants de la taverne, reconstituer la suite des évènements...
Le groupe d'ordonnateurs s'était rué dans la taverne pour se retrouver face à un orc essayant de se frayer un chemin vers la sortie au moyen, selon les témoins, d'un consommateur malchanceux qu'il utilisait comme massue improvisée en le tenant par un pied pour lui faire décrire de larges moulinets autour de lui... Cette technique semblait d'ailleurs efficace, puisqu'il avait réussi à traverser la salle inférieure sans encombres avant de tomber nez à nez avec les ordonnateurs...
Il s'en été ensuivi un moment d'arrêt, marqué par un silence pesant...

Et c'est justement le moment que choisit un inconscient pour crier "Mort aux n'wahs!... Mort à l'Empire!..."

Cela produisit, toujours selon les témoins, une vaste confusion qu'il serait un peu présomptueux de qualifier de combat, tout le monde tapant allègrement sur la première personne qui lui tombait sous la main...
Par miracle, les ordonnateurs et l'orc, ainsi que sa massue improvisée, s'étaient retrouvés dehors plus ou moins sains et saufs, juste au bon moment pour se retrouver encerclés par la garde de Balmora qui les avait amenés manu militari au poste le plus proche...

Vendas se passa une main sur le visage...

-"Donc, vous êtes en train de me dire que toute cette situation vient du fait que la Camonna Tong vous a attaqués sans aucune provocation de votre part?..."

-"En quelque sorte, oui, monsieur.... Je cherchais juste mon voleur..."

-"Et nous, nous cherchions juste notre évadé..."

vendas Darano écrivit encore quelques lignes sur son rapport, puis le signa...

-"Messieurs, en tant qu'autorité compétente, je décrète que, n'ayant pas déclenché la bataille d'aujourd'hui, vous ne pouvez être tenus pour responsables de rien...J'espère que la Camonna Tong fera désormais plus preuve de discernement quand au choix de ses éventuelles victimes..."

Les suspects réunis devant lui le considérèrent avec incompréhension...

-"Ici, la loi est comme ça... Est tenu pour responsable celui qui a la bêtise de commencer le combat... Maintenant, fichez-moi le camp en vitesse, et si je vous revois dans ma ville, je vous lâcherai les chiens de nix dessus... Dehors, j'ai dit!..."

La troupe se dirigea vers la sortie, en clopinant pour la plupart de ses membres...
Resté seul, Vendas relut son rapport avec un air las... Un coup léger à la porte l'arracha à ses amères réflexions...

-"Quoi, encore?..."

-"Heu, capitaine..." C'était l'orc gigantesque qui se tenait l'air géné dans l'encadrement de la porte...

-"Quoi?..."

-"Capitaine, si vous rencontrez ma maman, pourriez-vous éviter de lui parler de tout ça?... Elle serait très triste et très fâchée, vous savez..."

-"Ne vous inquiétez pas, je n'en soufflerai aucun mot à madame votre mère... Ceci restera notre petit secret..."

Vendas écouta les pas de l'orc décroître, sentant monter en lui un fou-rire incoercible...

"Ne-pas-dire-ce-qui-s'est-passé-à-la-maman-de... "Commença-t-il à écrire...

Il n'avait pas demandé son nom à l'Orc... Laissant libre cours à son hilarité, il entreprit de déchirer son rapport en petits morceaux...


Il riait encore quand la massue de l'orc tomba du banc en geignant faiblement.....

#5 Thalivor Naïlo

Thalivor Naïlo

    Fauteur sur gages


Posté 28 août 2009 - 13:35

Et voilà, il se retrouvait une fois de plus seul dans la rue, à devoir courir dans tout Vvardenfell à la poursuite d'une épée qui ferait de plus ne plus de ravage au fur et à mesure qu'elle prendrait possession de son propriétaire... Il soupira. Il n'y avait qu'à lui que ça arrivé ce genre de chose. Avisant de sa main, il se rendit également compte qu'il avait oublié sa massue... Il aurait pu au moins la poser dans une taverne. Bah, elle serait surement mieux traiter chez les gardes. Un bon séjour n'avait jamais fait de mal à personne, non ?

Bon, ce qui était sûr, dans tous les cas, c'était qu'il avait à nouveau perdu la trace d'Umbra, comme c'était déjà arrivé aux environs de Seyda Nihyn. Non pas que sa trace fut dur à retrouver, mais à chaque fois, cela lui avait fait prendre n retard non négligeable sur celle-ci. Bon, procédons par déduction : il venait du Sud, en suivant l'épée. Celle-ci laissé une longue ligne droite sanglante à travers l'île. Elle était donc logiquement ressorti par le Nord. Enfin, si elle avait une quelconque logique... Bon, disons qu'elle avait illogiquement continué vers le Nord. De toute manière, c'était la seul piste qu'il lui restait...

Kurtz gro-Gurthmog se dirigea donc à petite foulée vers la porte Nord de Balmora, prenant soin d'éviter les passants. Les renverser n'aurait qu'était un moyen de prendre encore du retard. Il attendit donc d'être à la porte pour prendre sa vitesse une vitesse de fond et continuer sa longue course le long de la trace sanglante de l'épée et de son malchanceux porteur.

Passant la porte, et ayant parcouru quelques mètres à peine, il su que son intuition ne l'avait pas trompé. Ah, il commençait à la connaître cette satanée épée ! Le cadavre d'un pauvre bête innocente gisait sur le côté de la route. Un chien de Nix à en juger par les quatre pattes. Il semblait qu'il avait voulu aller se désaltérer à la rivière et qu'il avait trouvé du fer en lieu et place de l'eau... Mais Kurtz ne s'arrêta pas sur ce détail. Il avait pris l'habitude des batailles et des morts, et ce n'était la perte d'un simple chien, une des espèces les plus courantes sur cette foutue île...

Avisant du coin de l'oeil des cadavres qui le menait, semblait-il à présent, vers Caldéra, l'orc se demanda pourquoi il était revenu sur cette île... Il avait eu la belle vie pendant ses long voyage partout sur Tamriel. Détruire ses ennemis pour ma gloire de son souverain. repaître Umbra du sang de ses justes ennemis. Ah, c'était la belle époque. Et puis voilà, il ne savait même plus pourquoi, qu'il avait du revenir en Morrowind. Et à partir de là, tout c'était dégradé. Oh, certes, il continuait de se battre... Mais... moins déjà.. Et puis, entre chaque bataille, il devait aller boire le thé avec sa mère, et écouter ses longues recommandation qui pouvait durer des heures et des heures. Mais qu'avait-il fait pour mériter cela ?! Oh, certes, il aimait sa mère... Mais de loin, là où elle ne pouvait plus lui donner ces cache-nez immondes. Il s'était bien débrouillé seul toutes ces années non ?

Enfin, elle était comme ça, sa maman. Et au fond, il l'aimait bien comme ça, non ? Elle était gentille, au fond. Elle ne voulait juste pas voir que son bébé d'amour, comme elle le disait, grandissait, lui aussi... Enfin, si, elle le voyait... Mais à moitié, disons. Cette idée de vouloir le marier, quand même.. Il n'en revenait toujours pas. Il se demandait toujours comment il allait s'en sortir. Il ne pouvait décemment pas prendre une femme... Non, il n'était vraiment pas fait pour cela.

Passant à Caldéra, il s'arrêta pour s'acheter quelque chose à manger... Il fallait tout de même bien qu'il se nourrisse. Et bien, oui, même Umbra avait besoin de nourriture, comme tout un chacun. Ce n'est pas parce qu'on est un grand héros que notre corps n'a plus besoin de répondre à ses besoins premiers... La nature est quand même parfois mal faite... Comme s'il avait le temps de manger... Il n'avait jamais eu le temps de manger, et pourtant, il avait toujours du le faire. Il soupira une nouvelle fois.

Il continua ensuite sa course, suivant Umbra à sa trace morbide, le tout avec un certains détachement que tout autre être n'aurait pas eu. Ah, les cadavres commençaient à grossir de plus en plus. Elle ne se contentait plus des petites proies, maintenant... Sur le bord de la route, un homme nu baignait dans son sang? Sans doute quelqu'un qui avait voulu lui demander de l'aide... Dommage pour lui...

Ah, la piste commençait à bifurquer vers l'ouest. Où voulait-elle en venir ? Enfin, ce n'était pas vraiment la peine de se demander avec cette épée. Elle allait là où il y avait le plus de vie et pas trop de danger pour son porteur. C'était pour cela qu'elle n'avait pas fait de grand massacre dans les villes qu'il avait traversé. Mais il y avait un certain nombre de village côtier par ici... Après avoir massacré Gnaar Mok, elle se rendrait surement à nouveau vers le Nord pour attaquer Ald'Ruhn.  Espérant la rattraper avant cela, Kurtz accéléra et se llança à travers les montagnes.

Là encore, les cadavres s'empilaient. Des braillard des falaises, pour la plupart. Pas des grosses pertes... Il arriva finalement à Gnaar Mok, et quelle ne fut pas sa surprise en se rendant compte que le village ne semblait pas déplorer de nombreux morts... Un simple pêcheur, à priori.

"Que c'est-il passé, demanda-t'il au premier passant venu et faisant en sorte de diminuer au maximum son empressement dans sa voix.

-Bah, y semble qu'un fou furieux a attaqué c'pauvre Delmon Farethi et lui a piqué son bâteau après l'avoir embroché et j'té à l'eau. Pauv' vieux Delmon.

-Et vers où est-il allé, continua Kurtz cette fois-ci avec beaucoup plus d'empressement.

-Qui ? L'vieux Delmon ? Ca dépend d'vos croyances, ça, mon gars...

-Mais non, s'emporta Kurtz se retenant de ne pas le gifler risquant ainsi de le tuer... L'autre... Le fou...

-Té, z'êtes bien stressé vous autres de la ville. Fallait l'dire tout d'suite qu'vous poursuiviez l'fou. L'es parti vers l'Ouest encore... Ch'ais pas où y veut arriver, mais m'est avis qu'il partageras bentôt la couche des poissons..."

L'Ouest... Le continent... Si Umbra arrivait là bas, quels dégâts ne ferait-elle pas ?

"Où y a-t'il un bateau de disponible ? continua Kurtz de plus en plus pressé.

-Té, l'autre... On est d'pauvre pêcheur nous... On a juste l'notre pour chercher d'quoi manger... Rin d'plus...

-Bon, conclut Kurtz l'air décidé..."

Il alla vers un bateau qui s'amarrait, saisi le pêcheur et le jeta par dessus bord. Il avait une maigre connaissance des bateau, mais il apprendrait sur le tas... Il parvint à mettre voile sans trop de malheur. Heureusement que le petit port était vide. Sortant de la crique, il cria :

"Et si l'un de vous va dire ce qu'il s'est passé à ma maman, il le regrettera longtemps.

-Té, s'exclama le vieux pêcheur en aidant son collègue à remonter sur le quai, ces gens d'la ville, sont tous fou. Moi j'dis, c'est tout cet air qu'respire des dizaines d'autres qui leur bouffe le cerveau.

-J'pense qu't'as raison, répondit l'autre et s'essorant. Té, mais n'y pense pu. Vint donc avec moi, j't'offre un liqueur."

#6 Cogite Stibon

Cogite Stibon

    Théoriquement moddeur


Posté 23 septembre 2009 - 13:26

Le soleil de midi répandait une chaleur étouffante. Les sabots des deux mules soulevaient la poussière de la route rouge. Le chariot avançait mollement, guidé par un cochet apathique, et heureusement sourd. Mais Cécilia Matrima avait de quoi se réjouir : depuis le matin, les huit jeunes filles gardaient un maintien impeccable, et chantaient sans relâche  la gloire des Neufs Divins. Enfin, toutes sauf une...

"Lenwin, tu pourrais faire un effort. La vertu, le maintien et la discipline sont les qualités essentielles pour devenir une Rosière de la Tour d'Or Blanc. Prends exemple sur tes camarades !"

L'interpellée se redressa à contrecoeur sur son banc, et entonna le refrain. A contrecoeur. Devenir une Rosière et épouser un petit notable de l'Empire était à cent lieux de ses ambitions. Mais elle n'avait pas trouvé d’autres stratagèmes pour convaincre sa cul-bénie de mère de la laisser quitter la Porte de Pell. Quel malheur d'être née au mauvais endroit, à la mauvaise époque et des mauvais parents.

                                                                       * * *

Kurtz gro-Gurthmog aurait voulu à tout prix éviter ce manoir, mais la piste sanglante laissée par le porteur de sa lame maudite ne lui laissait pas le choix. Enfin, Rugdumph gro-Shurgak, un vieil ami de sa mère, ne l'avait pas vu depuis des années. En gardant son casque, il avait toutes les chances de ne pas être reconnu. Dévalant la pente des montagnes de Jerall, il tombât sur un spectacle devenu tristement familier : un tas de cadavres fraîchement embrochés, et deux survivants se lamentant devant.

"Que c'est-il passé ici ?
- Mon chancelant, mon maître d'auberge, ma femme d'antichambre ! Ce céleri les a tous malaxé ! Quel malheur ! répondit l'orc vêtu de velours.
- Par où est-il parti ? demanda Kurtz, un peu décontenancé
- Je crois qu'il va empreindre la route bleue. Vous allez le charrier ? Vous aurez droit à toute la grasse attitude de Lord Rugdumph gro-Shurgak et de Lady Rogbut gra-Shurgak, dit l'orc, désignant la petite fille à ses côtés.
- Lady gra-Shurbak ? Je ne savais pas que vous aviez une soeur.
- C'est ma fille, pas ma soeur. Nous utilisons des pantomimes, à la manière empirique. Une façon de mieux nous interner dans l'Empire.
- Euh, toutes mes félicitations. Ma mère sera contente d'avoir de vos nouvelles !" dit Kurtz en repartant au pas de course.

                                                                      * * *

Enfant, Lenwin avait découvert, en fouillant le coffre de menuisier de son père, un double fond contenant une série de livre, "La véritable histoire de la reine Barenziah". Même si certains passages lui étaient restés incompréhensibles, elle avait été passionnée par l'histoire de cette héritière de sang royal, partie anonymement à l'aventure sur les routes. Quel destin extraordinaire ! Quel contraste avec sa petite vie ! Etre née dans une famille modeste mais respectable, quel ennui ! Un jour, je serais reine, s'était-elle alors promis. Et pour asseoir ses prétentions dynastiques, elle avait innocemment demandée à sa mère si, par hasard, son véritable père ne serait pas un prince égaré déguisé en chasseur, plutôt que Papa. L'affaire s'était soldée par une retentissante paire de claque, un mois de repas sans dessert, et un long discours sur la vertu et la fidélité des épouses. Décidément, Lenwin était née des mauvais parents.


                                                                      * * *

Tertia Viducia Observait la petite troupe de dunmer dépenaillés qui se tenait devant elle. Elle en avait vu défiler toutes sortes aventuriers pouilleux dans sa boutique de Cheydinhal, mais aucun d'aussi mal fagotés. On aurait presque pu croire qu'ils s'étaient mis sur le dos tout ce qu'ils avaient pu voler sur une corde à linge. Le dernier, caché derrière les autres, ne portait qu'un jupon de dentelle...
"Donc, si j'ai bien compris, vous voulez m'acheter des armures, mais vous n'avez pas d'argent, et vous voulez me laisser ces trucs en gage ? dit-elle en désignant la pile d'armures d'ordonnateur déposée sur son comptoir.
- Ces trucs ?  C'est la meilleure armure qui existe ! S'écria le dunmer en jupon avant de se taire sous le regard courroucé de celui qui semblait être le chef.
- La meilleure armure ? Vous n'allez pas m'apprendre mon métier. C'est trop encombrant pour les amateurs d'armure légère, et pas assez rigide pour faire une cuirasse lourde. A qui voulez-vous que je les vende ? Il n'y a que les fanatiques psychopathes de Morrowind pour porter ça.
- Sale Nwa'h ! Je vais te faire ravaler tes paroles impies !
- Ferme-la, Valen, ou tu auras affaire à moi, s'écria le chef. Excusez-le, il a bu trop de skouma. Ecoutez, on ne veut pas que vous les revendiez. On repassera les prendre d'ici une ou deux semaines, avec le paiement.
- D'accord, mais si vous n'êtes pas là dans deux semaines, je les fonds pour récupérer le métal. Il faut bien que je rentre dans mes frais"  

Quelques instants plus tard, la petite troupe quittait une boutique débarrassée de son stock de rebuts et d'invendus. Tertia Viducia se frottait les mains, n'en revenant pas d'avoir fait une si belle affaire.


                                                                      * * *

En grandissant, Lewin s'était passionnée pour la vie des grandes aventurières : Lady Benoch, maîtresse de la garde impériale, Lady Brisienna, la grande espionne ayant réussi à imposer la paix impériale dans l'Ouest, et bien d'autres. Partir à l'aventure, se battre à l'épée, et gravir les échelons du pouvoir, voilà un destin digne d'elle. Un voisin de ses parents, Irroke le Large, avait même accepté de lui donner des leçons d'escrime. Enfin, jusqu'à ce que sa mère l'apprenne. Elle avait eu droit à une nouvelle paire de claque, et un sermon sur la chance de ne pas vivre à une époque où une femme devait se battre pour préserver sa vertu, et une nouvelle leçon sur ses devoirs d'épouse. Décidément, Lenwin était née à la mauvaise époque.

                                                                      * * *

Le capitaine Tedryn Driler exhortait ses hommes à se hâter.  Mais les ordonnateurs traînaient la patte.

"Chef, je ne comprends pas pourquoi on a du abandonner nos armures. Ces cottes de mailles sont toutes rouillées, et ces bonnets en fourrures sont ridicules, osa finalement demander Valen Dreth.
- Puisque tu es si malin, Valen, tu pourras expliquer aux gardes impériaux ce qu'une section d'ordonnateurs fait hors de Morrowind, en violation complète avec le traité de l'armistice. Tu as été tellement habile tout à l'heure dans la boutique. Et tant que tu y es, tu pourras aller expliquer au seigneur Sala pourquoi on a déclenché un incident diplomatique, à cause d'un prisonnier qu'on aurait du rattraper il y a longtemps."

Baissant la tête devant la colère de leur chef, les soldats accélérèrent. La piste de l'orc, sur la route bleue, menait droit à la Cité Impériale.

                                                                      * * *

Adolescente, Lenwin avait découvert la vie des grandes courtisanes de la cour. La plus flamboyante de toutes, la grande Gémile, avait même réussi à devenir la concubine de l'Empereur, au nez et à  la barbe de l'impératrice Caula Voria. Certes, elle avait fini en disgrâce, mais quelle destin et quelle vie fabuleuse. Devenue prudente, Lenwin s'était bien gardée de parler de sa nouvelle ambition à sa mère, ou à qui que soit d'autre. Elle ne s'était confiée qu'on son meilleur ami, le jeune Piner. "Si tu dois devenir une concubine, pourquoi tu ne t'entraînes pas avec moi", avait-il répondu en s'approchant d'elle, le regard humide. Cette fois, c'était Piner qui avait reçu la paire de claque  - ce qui avait tellement refroidi ses ardeurs qu'il avait fini par rentrer dans les ordres. Les garçons de la campagne n'avaient aucun sens du romantisme. Décidemment, Lenwin était née au mauvais endroit.

                                                                      * * *

Le soir tombait sur Cyrodill. Dans le chariot, la plupart des jeunes filles s’étaient endormies. Lenwin sentit son coeur battre plus fort, à la vue du pont menant à la cité impériale. Enfin, son but était à portée de la main. Il n'y avait plus qu'à trouver un moyen de fausser compagnie à Cécilia Matrima et son troupeau d'oies blanches. Tout d'un coup, elle entendit des bruits et un fracas d'armes : devant les portes de la cité, les gardes se battaient contre un elfe armé d'une grande épée noire...

#7 redolegna

redolegna

    Les vacances de Monsieur Hulot


Posté 25 septembre 2009 - 03:22

Malgré les déceptions successives dans sa jeune vie de Bosmer, Lenwin restait une optimiste : la rixe ne pouvait que prendre fin dès qu’elle viendrait expliquer aux combattants que se battre en duel (ou en multuel, à ce qu’il apparaissait) était un rituel complètement dépassé dans un environnement socio-économique impérial, sans parler des connotations symboliques de l’épée, ce qui révélait beaucoup sur la psychologie des combattants.

Avant de se rabattre en désespoir de cause sur le Rosier, Lenwin avait pris nombre de cours par correspondance. Une inspection plus attentive du coffre de menuisier de son père avait révélé un triple fond, qui dissimulait un petit magot amassé à force de travail (une exploitation impitoyable des elfes et des hommes par des forces thaumaturgiques inexorables, théorisait un apprenti expulsé par la Guilde des Mages).

« Messieurs, commença-t-elle avec une conviction qu’entamaient un peu ses halètements, je suis venue de loin pour vous enjoindre de mettre un terme aux hostilités. »

C’était vrai, pensa-t-elle. Il y avait bien cent cinquante pas du chariot aux portes. Elle n’avait pas couru aussi vite depuis longtemps. Encore heureux que les mules se soient arrêtées net en entendant la cacophonie et qu’elle n’ait pas eu à sauter en marche !

« Les sages nous enseignent que le combat, cet art noble des siècles précédents, n’a pas d’avenir et... Dites, vous m’écoutez ? »

Las ! Quand on a la malchance d’être d’une elfe des bois dont l’essentiel de l’éducation se résume à des gifles quand on a le malheur de hausser le ton, il est rare que la voix ait la chance de passer la rampe, surtout quand ladite rampe consiste d’une quinzaine de gardes et d’un maniaque qui considère que cogner les armes de ses adversaires est le dernier cri en matière d’escrime. Lenwin tapa un peu du pied, se racla la gorge, hurla un peu, sans grand résultat.

En désespoir de cause, elle ramassa un bâton, se glissa dans le dos du Dunmer, une tactique jusque-là ignorée par les légionnaires, lui ôta son casque, s’excusa poliment pour le dérangement, soupira quand aucune attention supplémentaire ne lui fut accordée et abattit l’instrument contendant de toutes ses forces sur le crâne du délinquant. Devant la porte, un garde qui n’avait pas dégainé son épée tirait la langue en écrivant avec difficulté sur un calepin : « Le présumé suspect mentionné susditement à la page première, deuxième, troisième et suivantes (pardon, chef, je ne sais plus ce qu’il y a après trois : c’est cinq ou onze ?) a ensuite montré de la grossièreté envers une charmante jeune dame en ne lui accordant aucune attention ; vu la gravité du fait, je propose qu’il soit pendu haut et court, peine assortie d’une amende de soissan sans caran plein de septims, versable à moi, parce que c’est ce que me devait Iantus Macronius, et que c’est trop facile de se faire tuer par le premier malappris venu pour éviter de régler ses dettes. Et les dés n’étaient pas pipés, la preuve c’est qu’il regardait ailleurs quand je les ai changés de côté, alors ! »

L’escouade délibéra un moment quand leur secrétaire présenta son rapport, puis l’un de ceux qui s’étaient tenus le plus à l’arrière possible déclara que ça suffisait bien comme ça et que tout ce que méritait ce sale type, c’était dix pouces d’acier impérial dans le ventre. Au final, Lenwin compta huits pieds et quatre pouces de métal dans le désormais très très feu Melar Baro. Il y en aurait eu encore plus si, dans la bousculade qui avait suivi, trois gardes ne s’étaient rentrés dedans si violemment qu’ils en étaient restés sonnés pour le compte. A la réflexion, se dit la jeune elfe, c’était presque un miracle que ces incompétents aient survécu assez longtemps pour qu’elle leur sauve la mise.



*****




A quelques lieues de là, une compagnie très réduite d’Ordonnateurs de plus en plus mal en point essayait de nier l’évidence : les Dunmers s’étaient perdus.

« On n’est qu’égarés, ironisait Tedryn Driler qui ne partageait plus la moindre once d’optimisme avec Lenwin depuis quelques jours, mais croyait encore qu’avec assez de sarcasmes, les situations prenaient un tour qui lui donnait moins envie de se jeter sur un kagouti en rut sans armes.
– Chef... On sait bien que c’est de notre faute, mais...
– Rien du tout ! Nous avons pris à l’ouest de Cheydinhal, parce que notre pisteur, Tarer Braryn, affirmait que les traces qu’il avait repérées étaient celles de notre Orque !
– Mais c’était un ours amputé des pattes avant.
– J’avais peut-être un peu bu, confessa Braryn. Il est fort ce cognac, non ? »

Tous les Ordonnateurs qui avaient eu mal aux cheveux après une soirée à noyer leur chagrin en descendant les liqueurs impériales comme si c’était du shein hochèrent la tête.

« Ensuite, il y a eu ces mages avec qui Férano Vaner a cherché à établir le contact...
– Il y en avait un qui m’avait dit qu’on pouvait localiser n’importe qui sur Tamriel avec es bons sorts. J’ai cru qu’en sympathisant...
– Et, bien évidemment, vous n’avez rien trouvé de mieux que de lui raconter nos rites funéraires, ce qu’il a pris pour de la nécromancie.
– On s’en est quand même tiré vivants, chef.
– Mais Séthani Tarhan ne peut plus voir de lézards sans hurler de terreur et Malamus Ilar n’a toujours pas réussi à se débarrasser de son hoquet.
– Je crois que ça y est, chef, je respire normale... hic ! Oh, non !
– Pour couronner le tout, le raccourci de ce petit vieux que nous avons rencontré dans la forêt où nous nous étions cachés des minotaures nous mène tout droit ici, sans la moindre idée de où « ici » se trouve sur une carte !
– Chef, on est absolument tous désolés.
– Pour ça, hic ! oui.
– Confus, honteux.
– On ne nous prendra plus à ce genre de bêtises.
– Hic ! Plus jamais ! »

Cette résolution tint vingt bonnes minutes. Un trop court instant de bonheur pour le capitaine Tedryn Driler avant que Valen Dreth, qui se faisait tout petit depuis l’incident avec les moutons, remarque :

« Il y a quelqu’un sur la route. On pourrait peut-être lui deman... »

La main du capitaine se plaqua sur la bouche de cet imbécile, mais le mal était fait. Trois de ses hommes hélaient déjà le voyageur, dont l’un avec force hoquètements. L’individu fit demi-tour et se rapprocha des Ordonnateurs et releva un bref instant la visière de son casque. Un concert de gémissements désespérés s’éleva :

« C’est encore ce taré !
– Fuy... hic ! ons !
– Pas question, il faut l’arrêter !
– Sauve qui peut !
– Aux armes !
– Alors je fais quoi, moi ? »



*****




Lenwen ne croyait pas aux armes. C’est pourquoi, quand elle ramassa Umbra, elle ne ressentit qu’un picotement curieux le long du bras, une envie de dire zut et de donner une bonne paire de gifles à personne en particulier et tout le monde en général. Elle regarda d’un air triste les légionnaires qui débattaient à présent de la meilleure façon de l’aborder, n’accorda qu’un battement de cils au chariot qui avançait pouce par pouce grâce aux efforts admirables de Cécilia Matrima et de ses apprenties (mais pas du cocher qui avait reçu de la poussière dans l’œil et, aussi aveugle que sourd, restait assis, désemparé, sans avoir la moindre idée de ce qui se passait autour de lui).

La Bosmer se mit en route vers le sud-ouest avec la ferme intention d’écrire un ouvrage définitif sur la question. Quelle question, elle ne savait pas exactement, mais les événements de la nuit avaient été assez incongrus pour ouvrir des milliers de possibilités.

#8 Marty

Marty

Posté 26 octobre 2009 - 20:20

La troupe d'ordonnateurs jaillit  gauchement sur la voie impériale, et non sans difficulté forma un  semblant de barrage à l'orque casqué. Leur chef seul n'était pas  en rang. A deux pas de la route, il serrait un gigantesque tronc  entre ses bras, et maudissait son pays natal pour avoir engendré de  pareils incapables ; et ce faisant, il cognait et cognait sa tête, qui  bientôt aussi bossue que Gro-Kasimodoche, finit par s'effondrer sur  la terre boueuse.

  Kurtz pensa d'abord avoir à faire à  une bande organisée, en quête de sa tête, mise à prix par quelque  lointain seigneur qu'il avait défait ; heureusement, Varen lui cria  :

  
    - Assez voyagé gros ours ! Baisse ton   arme, haut les mains, vide tes poches, tourne la tête, enlève ton   casque, tais-toi quand tu parles, et dépêche toi
            L'orque resta perplexe, il  n'était pas armé, eux non plus ; qui étaient ces rigolos drôlement  fichus ? Il n'eut pas le temps de répondre à sa question que les  ordonnateurs le chargèrent.
  Varen et Férano furent les premier à  tâter des monumentales roustes du monstre...

*****

  « tidadi dadi dadoum  … doum ? Padadadati Tabaaaaaaa … toudoudoudoudou .. dou DOU ? ..  doudou dou .. tadadi .. dadii .. dadaaaaaaaaaaaaaaaa »
  Voyons donc il faut que  tout soit prêt pour le retour de mon petit Kurtzounet, et de sa  douce gazelle ! Quel drap préfère t-il ? Oh je me rappelle quand il  était petit, il me disait toujours « Maman ze veux sselui avec  lé épées ! », voyons voyons où est-il ? Ah le voilà, oh  mais dis donc sotte tu vois bien qu'il est trop petit.. allons  allons, voilà, une superbe couette rose et verte, tricotée pour ses  vingt ans, je suis sur qu'il s'en souviendra !
  Mmmmh, sa chambre reste  bien triste, je devrai rajouter un vase avec quelques pousses de  bulbes liège, et un petit tapis, avec une petite bougie ici, et un  peu de parfum par là ! Oh oh mais quel parfum choisir voyons voiiir  ….............. »

*****



   PAAF dans le nez de Tarer Braryn,  VLAAAAN faisait Sétahni Tarhan, ZOOuuuuuuuuuu *  hiq * wouawouaaaa  renchérit  Malamus Ilar, et Chklong conclua Valen Dreth.
  Les hommes de  Tedryn Driler formait désormais un amas de corps cabossés, gisant  au beau milieu de la voie.

  Le chef des  ordonnateurs s'était entre temps relevé, la face crottée, et  s'avança sur la route. Il avait les yeux dépeuplés de tous  sentiments, la bouche bêtement ouverte. L'orque, suivant son  instinct de guerrier, s'élança vers lui, l'attrapa d'abord par le  col de son armure qui se déchira entre ses doigts, puis le souleva  d'une main par la taille, tandis que l'autre décasquait le bonhomme  pour lui assener quelques claques.  

   C'est alors que  Kurtz reconnut l'ordonnateur.  
   Il se  revit un instant dans la prison de Vivec, et laissa tomber son  adversaire à terre, comme on laisse tomber la savonnette sur ses  pieds, par inadvertance. Faute de pouvoir se couper en deux, Tedryn  Driler s'écrasa au sol comme il l'avait déjà fait, la tête  baignant dans une mare vaseuse qui bordait la route.

  Redressant ses  ennemis comme on plante des piquets, Kurz les épousseta, leur mit  une ou deux claques amicales sur les joues, et s'adressa à eux :
  
    - Euh, je vous avez pas reconnu vous, mairmaillons de misère ! Bon bon bon, venez avec moi, plein d'yeux seront plus efficaces que un seul pour retrouver votre confrère ! Allez !

    - Les mains.. en   l'air, murmura Valen Dreth, ivre fracassé.

    - Bon   bon bon, vous êtes plutôt simples vous les ordonnateurs. Bon bon   bon, Maman m'a toujours dit qu'il fallait aider les plus démunis !   c'est vrai je l'ai jamais fait, mais je peux pas vous laisser là   comme ça vous comprenez ? Bon bon bon, je vous prends en otages !   Allez, suivez moi maintenant !

*****

           « Et si je parlais des prises  d'otage ? Oui ça c'est une idée... mais faudrait-il encore que je  sache ce que c'est réellement ! Bah oui, on ne peut pas écrire sur  des choses qu'on ne connaît pas, c'est complétement nul. Bon,  commençons par là, avec une épée ça devrait être facile ! Non  non c'est mal le combat, je l'ai déjà dis.. oui mais d'un autre  côté je ne veux pas combattre, je veux juste … mmmh .. quoique,  abandonnée en plein Cyrodil, une jeune fille armée d'une terrible  épée noire et rêvant d'aventure, va se lancer à la conquête de  gloire et de prestige ! Oui c'est bien ça, oui oui oui ! »

       - Aaaaaaaaahhaahh !

      Pendant qu'elle pensait, Lenwin était  entrée dans le lac Rumare, avait de l'eau jusqu'aux coudes, et un  pied hésitant à faire un pas de plus, craignant que ce soit le  dernier.
      Apercevant les hautes murailles du port  de la ville, elle jugea plus sûr d'aller emprunter un bateau pour la  traversée.. clap clap clap clap boum aïe clap clap clap clap …

      
      - « Bonjour monsieur y'a-t-il un   bateau à emprunter ici pour que je puisse faire la traversée du   lac Rumare en toute sécurité ?

      - Ben sur' qu'non ma ptite, ici on   trvaille tous vec nos bateaux, et quand tsont plà c'soit qson sur   l'eau à pêcher, soit qu'un dnous a té pris an notage par   raventurier frpeu sunpatiqu' héhéhé !

      - En otage ! Mais oui bien sûr ! Lenwin   pointe son épée vers le cou du marin qui aussitôt ferme les yeux   et récite un Te Akatosh. La toute nouvelle terreur de Cyrodil vous   ordonne de la conduire de l'autre côté de la rive, et ce,   SUR-LE-CHAMP ! Ce disant, une certaine férocité se fit entendre   dans sa voix, à laquelle elle-même n'était pas familière

              L'homme commença à s'exécuter,  lorsque tout à coup, quatre pêcheurs visiblement en colère  surgirent d'un bâtiment, à première vue délabrée, qui se trouvait derrière eux.

      
      - EXCUSEZ moi Madame, mais Y-EN-A-MARRE   !! Pourquoi est-ce que c'est TOUJOURS les pêcheurs qui Prennent   dans votre fichue histoire !! Non, j'en peux plus, vraiment ça   déborde là !! Pêcheurs Pêcheuses réveillez-vous, l'ennemi est à   votre porte !! Du courage, encore du Courage non d'une liiicorne !   Et vous là, marin d'eau douce, même pas bonne à faire la plonge   qu'elle brandit déjà son épée et qu'elle nous crie qu'elle est   une nouvelle terreur !! Vous croyez qu'y en a pas assez des terreurs   ! Ah non mais c'est pas vrai ça, faut pas déconner quand même...   et tous s'éloignèrent.

      - Je .. mince alors .. je savais pas !   Je .. j'vais voir ailleurs, merci, c'est sympa !! leur lança-t-elle,   gênée.

                « Beaucoup plus dur que  c'que j'croyais la prise d'otage, ça doit être une question  d'entraînement.. »
      Puis elle repartit, non pas en  direction du pont par lequel elle était arrivée sur l'île ; elle  s'apprêtait à bêtement tourner autour de la ville, lorsque, rien  ne l'en empêcha...

    *****


      « dou dou douuuuu..  dadii dadaaaaaaaaaa la la louuuuuu la lou – la Laaaaaaaaaaaa...  Mince mince mince, où ai-je donc mis ce fichu panier ? Vieille peau  tu perds la tête ! La dernière fois que j'ai fait un cache-nez pour  mon gros kagouti d'amour .. ah oui, j'étais sur la terrasse.  
      Bon, le voilà. Je vais  leur tricoter un petit ensemble d'habits de nuit, j'ai peur que la  jeune fille craigne un peu la couette, et si elle a des démangeaisons  je m'en voudrai ! Oula oui ! Comme disait mon père, quand y a d'la  gêne, y a pas de plaisir ! Bon bon bon, comment savoir pour les  proportions de la future de mon Kurtzounet ? Oh je crois connaître  un peu ses goûts !! c'est tout de même moi qui l'ai fait héhé  .. »

    *****


       « Et peut-être que si je lui  avais coupé un bras, les autres n'auraient pas rappliqué ? Mmmh,  remarque intéressante. Après, je pense que chaque situation étant  unique, elles doivent chacune avoir un traitement propre.  
      Réfléchissons, si j'avais coupé le  bras au pêcheur, il aurait ptêtre pas voulu me dire où était son  fichu bateau ! Pire encore, mettons que j'enlève une riche fille et  que je lui coupe un bras à elle aussi, sa mort risquerait  d'amoindrir les chances d'en retirer une rançon.. ou pas ? Quel prix  pour un lambeau de chair morte auquel on a jadis accordé de  l'importance ? Mais, est-ce au lambeau qu'on en avait accordé ? Ou à  autre chose ? Y'a-t-il autre chose ? Vite vite il me faut une plume,  une feuille, afin que je puisse .. »

      
      - Wouuuuuuuuf wouuuf,   Grrrrrrrrrrrrrrrrrr.... Aa GRRRRRRRRR Poum !
      
               Lenwin, toujours victime de son  inconscience et de son manque d'expérience, venait de se faire  renverser par un loup visiblement affamé. Heureusement, un réflèxe  inattendu lui fit saisir son épée, et se redresser pour tenir le  loup en respect. Surprise d'elle-même, Lenwin s'adressa au loup  comme à quelque guerrier sanguinaire :

      
      - Tremble misérable ! Tu as devant toi   la toute nouvelle terreur de Tamriel !
      Battant campagnes et  monts, je ferai   de mon nom ; Un son si terrible, au pouvoir infaillible ; Que tous   loups et loupettes, le craindront et fuiront ; Oui le fuiront ce   nom, peur des invincibles ; La crainte des Puissants, l'ombre de   l'Empire ; l'Ombre qui tue et fend, paysans comme rois ; Au fil de   son épée, tous à égalité ! Comprend moi loup, tu es la première   victime d'une série qui n'en finira plus ; les écrivains écriront   tout petit petit pour énumérer toutes mes victimes, la pénurie   d'encre asséchera les encriers ! En vacances les mômes ! Et moi,   j'irai … vers le soleil ! Mais pour l'heure, meuuuuurt !!

         La jeune femme s'élança vers  l'animal qui, la queue entre les jambes, s'enfuyait derrière un  énorme rocher.

           Une fois franchi l'obstacle,  Lenwin se retrouva nez-à-nez avec deux hommes, l'un tenant encore  une torche allumée à la main, et son confrère une massue rouillée,  tâchée de sang. N'écoutant que son courage, elle  attaqua ses nouveaux adversaires avant qu'ils ne réagissent. L'homme  à la torche fut tout de suite touché au coeur par une estocade fatale ;  l'homme armé fut plus complexe à vaincre, mais mettant en pratique  ses quelques cours d'escrime, Lenwin sut se débarasser de l'individu  sans trop de difficulté.  

            Un nouveau problème s'imposait :  la torche, tombée au sol, avait mis le feu à la brouissaille  bordant la roche qui se révélait être l'entrée d'une caverne, feu  qui risquait de se répandre à toute vitesse si le vent se levait...
      


      Quelques heures auparavant...                                                               *****

      
      
       Kurtz,  suivi de la troupe de Vivec, venait d'entrer dans la cité impériale.  Depuis les dernières traces de sang devant les portes de la ville,  ils n'avaient trouvé plus aucune trace d'Umbra, ni de son porteur.

      Le groupe essaya  d'accoster des civils impériaux, mais leur apparence rebutait tous  les honnêtes citoyens de la ville, de telle façon qu'au bout d'une  heure, ils ne savaient toujours rien des événements qui venaient de  se produire. Ils avaient juste appris qu'un cocher aveugle traînait  près du quartier des jardins elfiques, visiblement abandonné, et  qu'ils feraient mieux d'aller l'embêter lui, plutôt que eux, les  valides travailleurs compétents.

      
      - Dîtes les amis,   est-ce que vous savez un peu comment elle est fichue c'te ville ?

      - Moi je suis déjà   venu une fois, dit Valen Dreth, c'était pour le mariage de mon   frère.. En fait, il avait rendez-vous au Rosier de la Tour d'Or   Blanc  pour découvrir l'âme soeur, âme soeur qu'il découvrit, et   du coup .. * paf *

      - Tais-toi mon otage   ! Sais-tu, OU on pourrait se renseigner sans avoir à coller des   roustes aux voyous qui refusent de nous parler ? Moi je ne connais   que le palais ici, pour y être venu plein d'fois, mais le reste...

      - Alors par rapport   au Rosier, c'est * PAF * Agagaaa....
      
            Kurtz et les  ordonnateurs finirent par se renseigner auprès d'un garde qui leur  indiqua précisément le chemin à prendre, clap clap clap clap, et  les voici devant le .. le secrétaire, chauve, large d'épaule, a  priori myope, de la prison impériale.
      
      
      - Nnnouii ?

      - Euh.. euuuuh euh   euh .. Hum ! Pardogniez-nous seigneur ! Où se trouve donc passé   l'individu qui, il y a peu * clin d'oeil intelligent à l'horloge *   gourmanda les gardes devant le beau portail, et fit gicler quelques   gouttes de sang sur vos dales bien posées ?

      - Il est mort,   merci.. suivant !

      - Euuuuuh non non …   euuuh non non seigneur .. euuuuuuuh BORDEL de merde NON ! NON !   c'est toujours à nous ! c'est pas Vrai ça non de Molag   BAAAAAAAAAAAAAAAAAL !!!

      - .. Mon petit fils   a crié toute la nuit, si vous pouviez parler moins fort merci..   Nouii ?

      - Euuuh euuuuuuh …   et l'épée ? L'épée qu'il avait elle est passée où ?

      - Mmmh.. un instant   je jette un oeil au papier du greffier .. quel charlatan celui là !   Gneu pardonnez moi.. Gneuuu...  « Une jeune femme s'en ait   saisie et est partie avec ». Merci au revoir bonne journée   n'oubliez pas de récupérer un dépliant de la ville à côté de   la porte et de signer le registre des visites meerci.. suivant !

      - Mais comm..

      - Chef !! un soldat   essouflé surgit de la porte avec fracas, Chef ! Un garde a repéré   un début de feu près du quartier du marché, à l'extérieur de la   ville !
      
      



    *****


      
      

      Pendant  ce temps là, à Vivec :

      
      - Une   lettre pour vous monsieur

      - Ah non,   ce soir je suis en vacances ! Mmh.. fonctionnaires, ne craignons pas l'excès de zèle, j'ouvre, pour Vvardenfell !
        
      
      « Mon Bérel, ton frère m'a dit que tu allais être en vacances pour   quelques jours. J'en ai profité pour te prendre rendez-vous sur le   continent, au Rosier de la tour d'Or Blanc. C'est à la Cité   Impériale, j'espère que tu aimeras la ville, je t'ai réservé une   chambre à la pension de Martin Luther Brogue, quelque chose comme   ça.
      Au   moins tu ne te noieras plus dans l'alcool sur le seuil de notre porte ! Ne me remercie pas   petit affreux..
        
      Silvana  Sala »

    Modifié par Marty, 01 novembre 2009 - 23:29.


    #9 Elenwel

    Elenwel

      Granny Smith Wiwi


    Posté 14 février 2010 - 18:03

    Tic tac tic tac… Tic. Figeons un instant le temps, on s'en fiche nous avons le droit, point besoin de se soucier du dragon et de ses frissons. Décrétons que le temps est suspendu. Bien, le feu ne brûle plus, Kurtz et ses compagnons d'infortune baillent aux corneilles, la douce Lenwin regarde avec surprise le brasier tout juste naissant… Paaaaarfait. Bon maintenant, retournons un instant à Vvarfendell, dans un passé pas si lointain.

      Gnaar Mock, ses… ses marais, ses braillards et ses maladies. Charmant petit port de pêche aux charmes pittoresques,  et tout récemment endeuillé par la mort du vieux Delmon. Non loin du village, un dunmer se recueille sur la tombe de son ancêtre Bérel, fort commodément enfoui sous une large couche de limon au fond d'une marre. L'ancêtre Bérel avait plus de dettes que la bienséance ne le permettait, paix à son âme.

      Tac.

      « -Papi ! Eh le vioc, debout là dedans ! Y a urgence.

      bloup.

      -Non mais vraiment, y a pas cinq minutes qu'on vient de m'chouraver mon bateau. MON beau bateau avec lequel j'allais finir de payer TES dettes. Alors maintenant TU sors ta vielle carcasse de là, tu m'renseignes et fissa.

      bloup ironique. »

      Passionnant…  Retournons donc à la cité d'or blanc au moment où nous nous sommes arrêtés.

      *****

      « -Et avec ça je vous sers quoi mademoiselle ?

      Mademoiselle ? Ce n'est pas suffisant pour la nouvelle terreur de Cyrodiil ! Mademoiselle, ça ne fait pas peur, ça n'inspire aucun respect. Mademoiselle ce n'est pas bien. Alors vite trouver un nom qui sonne, un nom qui respire la gloire. Un nom digne du, par exemple, porteur d'une épée légendaire. Un nom comme… Umbra ! Sobre, simple, élégant. Umbra. Et surtout ce nom fait ressortir ma culture, démontre qu'en plus d'être une demoiselle raffinée, je suis une fine connaisseuse de notre histoire… Umbra…

      -Mademoiselle Umbra s'il vous plait. Et je prendrais, une, non deux pintes de ce truc-là.

      -Deux pintes ? Eh bé c'est comme vous voulez après tout… Deux pintes de Tamika pour mademoiselle Umbra, deux ! »

      L'ambiance du Flotteur bouffi, taverne louche mais flottante du port de la cité impériale est un joyeux mélange de tout ce qui se fait de mieux niveau tavernes. Des marins jouent tranquillement aux cartes tout en sirotant une pinte de bière, quelques piliers de bar solitaires traînent de si de là devant une assemblée de verres vides, le regard bovin. Et une jeune elfe fendant ce joyeux barillet de poudre deux pintes de piquette à la main… Pour s'asseoir tranquillement à une table, la plume dégainée prête à couvrir une page de ses aventures.

      *****

      « -M'dame gro-Gurthmog ? S'cusez moi mais j'voudrais m'entret'nir avec vous à propos d'vot fils et d'mon rafiot.

      -GRA-Guthmog, bougre de nigot d'elfe décérébré !  Je suis une femme non ?  Ca se voit pourtant… »

      Et il faut avouer que madame la mère de Kurtz, la terreur de tout un continent, imposait  fièrement  au monde un certain nombre d'attributs frappants de sa féminité.  Et le brave Gnaar-Mockien en aurait surement été subjugué si la musculature de madame n'était elle aussi soulignée par sa tenue, par trop affriolante.

      « -Mon fils ? Mais il fallait le dire plus tôt mon brave, entrez, entrez. »

      *****

      Au flotteur bouffi, l'ambiance joyeuse et bon enfant venait de prendre du plomb dans l'aile alors qu'un dunmer, visiblement très éméché, s'en prenait sans raison à un honnête bourgeois. Enfin sans autre raison que l'apparente richesse de l'homme et son manque manifeste de volonté à repayer un verre… Déplorable…

      L'altercation suivant son bonhomme de chemin, évoluant tranquillement,  passant par tous les stades traditionnels de l'émeute de comptoir; remarques embrumées par l'alcool, insultes, prises à partie de l'auditoire et commentaires déplacés sur la virilité de l'impérial… Que de petits mots charmants et sommes toutes bien banals dans l'établissement. Enfin le dunmer en vint aux mains, projetant, hasard incroyable, l'infortuné sur la chaise en face de Mlle. Umbra à l'aide d'un tabouret de bar. Sur ce il fut gentiment, mais fermement, éjecté du Flotteur.

      «- Veuillez me pardonner, mademoiselle, pour mon arrivée brutale en votre charmante compagnie. J'ai eu, comme vous avez pu le voir, affaire avec un malandrin des plus malpropres aux commentaires fort malpolis.

      Un grognement courtois fut sa seule réponse, Lenwin étant plongée dans un paragraphe relatant de manière audacieuse sa rencontre avec un loup.

    […] lorsque soudain une bête immonde surgit de derrière la grotte, c'était un loup, un loup énorme, noir comme du charbon, mais un loup comme jamais n'en avaient vu des yeux de mortel. Du feu s'échappait de sa gueule ouverte; ses yeux jetaient de la braise; son museau, ses pattes s'enveloppaient de traînées de flammes. Jamais aucun rêve délirant d'un cerveau dérangé ne créa vision plus sauvage, plus fantastique, plus infernale que cette bête qui dévalait du brouillard.


      - Mais je me présente M. Doe, James Doe, éditeur et, osons l'avouer, poètes à mes heures… Je crois remarquer que vous écrivez mademoiselle ?

      -Hummmmm. (Ce qui en langage moins civilisé pourrait être traduit par une proposition ferme, mais délicate, d'aller voir en haut de la montagne si par hasard on y était)

    Alors que je contemplais ce spectacle effrayant, je me sentis frémir de rage; dans ma poitrine, deux partis agitaient violemment mon cœur : j'hésite entre une fuite honteuse et un combat héroïque digne de la légende. Et alors que je m'apprêtais à saisir l'épée

      -Un éditeur ? Veu..veuillez m'excuser pour mon impolitesse… »

      Le visage de Mr.Doe  s'orna d'un sourire charmeur, enfin le poisson avait été ferré…  Cette épée ferait un  merveilleux présent pour le seigneur Vil.

      *****

      Loin très loin de la cité impériale et il y a quelque temps…

      -« QUEWAAAAAAAAA !!!!!!!!! MON PETIT KURZOUNET A VOLÉ VOTRE BATEAU ? MON BÉBÉ S'EST ENFUI ? IL REFUSERAIT DE SE MARIER ??? ET BIEN ON VA VOIR SI SA MÈRE N'EST PAS CAPABLE DE LUI COLLER UNE BONNE FESSÉE ! ALLER HOP MON PETIT MONSIEUR, A LA CITÉE IMPÉRIALE. »

    Voir le messageD.A.D., le 29 avril 2013 - 21:21, dit :

    Un avertissement d'Elenwel, c'est un avertissement qui en vaut deux : si tu n'en tiens pas compte, c'est toujours pour TA pomme, et en général, il ne fait pas de quartier. Mieux vaut éviter les pépins, ça empêche d'y laisser sa peau.

    #10 abg

    abg

      L'ABG pour les civilisés


    Posté 27 juillet 2011 - 13:45

    La journée de Promus Peregrin avait été calme, au point d'en être ennuyeuse. Promus aimait beaucoup les journées ennuyeuses. Seul avec ses rêveries il pouvait de temps en temps se servir une petite tasse de thé au fond de son petit bureau.
    Il était un petit agent de voyage. Il vendait des petits billets pour tous embarquements en partance vers les différents ports de Tamriel, dans sa petite officine de Coeurébène. Promus détestait l'imprévu et l'inconfort. Bien des choses dans le vaste monde lui dressaient les cheveux sur la tête. Mais ici, dans sa petite officine au sein de la grande citadelle impériale, que pouvait-il lui arriver ? Un orque sauvage menaçant de lui trancher la tête ? Tout était petit dans son univers et cela lui convenait parfaitement.

    Un tapotement sec, puis une petite toue insistante. Quelqu'un tentait d'attirer son attention au comptoir, le tirant de sa rêverie. Se composant une mine d'ennui profond, il revint du fond de l'officine où il buvait son thé...
    Un orque se tenait derrière le comptoir.

    « M... Monsieur ? Pardon, Madame ? »
    C'était une orque.

    « Jeune homme je désirerais une place à bord du premier navire en partance pour Cyrodiil, je vous prie, je suis assez pressée ! »
    Promus senti la panique le gagner. Il détestait les orques, même femelles. Ils étaient si grands ! Il déglutit et tenta de regagner sa composition d'employé modèle.
    « B... Bien. Peut-être que... Vous m'avez fait sursauter, vous comprenez ? »
    Non, elle ne comprenait pas. Elle avait posé son petit sac sur le comptoir et, derrière sa voilette, Promus sentait ses petits yeux en bouton de bottine fixés sur lui.
    « Est-ce si compliqué ? »
    La question était banale, mais pour Promus elle était lourde d'implications. Était-ce le manche d'un marteau de guerre qui dépassait de ce sac à main ?
    « C'est que... Je crains de n'avoir... Enfin bref, il ne me reste qu'une place libre à bord du Princesse de Mir Corrup. C'est cher, très cher... »
    Les automatismes commerciaux reprenaient le dessus.
    « Le paquebot Princesse de Mir Corrup propose aux gracieux voyageurs tout le confort requis pour se déplacer avec distinction. Repas de qualité à la table du Capitaine, suites spacieuses, bains chauffés, bibliothèque visée par l'archidiacre de Julianos, bar à vins...
    - Très bien, établissez moi un billet !
    - Comme je tentais de vous le faire entendre, c'est très onéreux, peut-être trop pour une petite bourse... modeste. Sinon l'alternative consiste en un grabat dans la cale du Chance de Dona... Un transport de peau de guar à destination des tanneries de Bravil m'a-t-on dit... Ça sent très mauvais mais c'est économique...
    - Ceci suffira-t-il pour un billet sur le Princesse de Met Corrompu ? »
    La vieille orque posa un diamant sur le comptoir. « C'est ma cousine de Caldera qui me l'a offert pour mon anniversaire », crut-elle bon d'expliquer.
    « Princesse de Mir Corrup, madame. » rectifia-t-il machinalement.

    Promus Peregrin s'épongea le front et établit le billet. Peut-être devrait-il abandonner le thé, trop excitant pour son petit cœur...


    * * *



    A Vivec, Berel Sala fulminait !
    Qu'on aille pas croire que ce soit son état permanent. Parfois le Grand Maître du Chapitre des Ordonnateurs savait prendre un peu de repos. En d'autres temps, d'aucun, de peu de crédit, affirmait même l'avoir vu esquisser un sourire. Ou une grimace...
    Mais l'heure n'était pas au relâchement. C'est d'une totale maîtrise de lui-même qu'il avait besoin pour l'heure, d'une mobilisation de ses facultés à leur plus haut degré de compétence : L'art de masquer son dégoût.
    L'homme qui lui faisait face, sous des dehors patelins et insignifiants, avait le pouvoir de faire tomber des têtes. Pour commencer il était trop près, bien trop près. Berel Sala pouvait presque sentir son haleine. On affronte pas un agent frumentaire de l'Empire sans une certaine distance de sécurité. « changer ce bureau, pensa le Grand Maître, exiger des locaux plus spacieux que ce petit placard des sous-sols du Grand Temple... En haut par exemple, ceux du Patriarche... ». Berel Sala chassa la pensée inopportune, l'instant n'était pas aux songes creux !

    Austinius Potens le regardait fixement dans les yeux. Il ne le lâchait pas du regard même. Berel Sala avait le sentiment qu'il aurait pu se mettre à danser la gigue sur le bureau, l'autre aurait continuer à le considérer, impavide et impénétrable. Une fois de plus Berel Sala dut chasser la folle pensée. L'agent des Lames était un maître dans l'art de déstabiliser son interlocuteur, c'était une évidence. Sans même qu'il ait à prononcer un mot, le chef des Ordonnateurs allait devoir se mettre à table...
    « Réagir, se ressaisir, enfumer ce petit arriviste impérial ! ». Berel Sala en avait maté d'autres...

    « Personnalité intéressante, notait l'agent Impérial par devers lui. Fanatique au plus haut degré c'est évident. Lorsque l'on parvient à un tel pinacle de certitude mystique il ne reste plus que le déséquilibre et la chute ! »
    Ou pas. Austinius Potens n'en avait cure et l'autre pouvait bien demeurer accroché à ses certitudes religieuses jusqu'à ce que la Lune Suspendue se décide à tomber. Les informations qu'il lui soutirait suffisaient à son bonheur.

    Austinius Potens était un homme d'exception. Il savait interpréter à volonté tout ce qu'il entendait ; un art précieux lorsque l'on œuvre dans l'ombre à la défense de l'Empire. Chaque phrase pouvait être décomposée en fragments de culpabilité, en nodule de trahison. Précieux était son talent et Austinius avait fait sien l'adage fondateur du droit impérial : « Tous sont coupables jusqu'à ce qu'ils fassent preuve de leur innocence ! ». C'était un don précieux que cette capacité à voir le mal là où les autres ne voyaient qu'innocence bénigne. Déjà, tout jeune, le simple froncement de sourcil d'un petit camarade l'avait conduit à dénoncer un vaste trafic de billes. Aujourd'hui, dans la rue, les rêveries d'une jouvencelle sur son balcon, l'appel d'un poissonnier vantant sa marée... Tout cela était pour Austinius autant de turpitudes, de preuves de crimes abjects.
    Son ascension avait été rapide au sein de l'Ordre des Lames, comme agent itinérant relevant de la frumentaria. Un sien collègue, par la suite accusé et chassé pour haute trahison, avait déclaré un jour que même congelé dans les glaces de Solstheim, et émergeant 30 ans plus tard, Austinius continuerait à poursuivre ceux qu'il soupçonnait. Même s'il lui fallait pour ça hanter les cimetières !
    Tous coupables, sauf à fournir la preuve du contraire ! Interrogé par Austinius on avait rarement ce loisir... Ce n'était pas pour chasser des voleurs de poule que l'on envoyait Austinius Potens. L'homme traquait le gros gibier, les complots contre l'Empire, les menaces dynastiques. Il fallait que l'affaire soit d'importance. Elle l'était...

    « Ainsi donc, mon cher Sala, vous avez tenu cet orque... Et il vous a échappé, dites vous. C'est malencontreux... Au fait, d'où venait-il déjà ? 
    - De Pélagiad. Mes recoupements indiquent qu'il avait quitté ce village le matin même. Sa mère vit là-bas. C'est une veuve de vétéran m'a-t-on dit. En somme il vient de chez vous, n'est-ce pas ? »

    Berel Sala était ravi d'avoir pu placer ce dernier coup de pied de l'âne... Mais Austinius ne s'intéressait guère au fond à l'elfe noir. Au fond de son esprit il notait : « Village de vétérans, ces endroits sont souvent infesté par les mystiques de Talos, ces anciens combattants devenus des soldats perdus. » On l'avait déjà informé d'une affaire semblable du côté de Gnisis...
    « Et vous me dites, Excellence, que vous l'avez arrêté, emprisonné pour tapage... Puis qu'il s'est enfui parce que quelqu'un lui avait volé son épée. C'est étrange, les prisonniers ont rarement l'occasion de porter plainte pour le larcin d'une arme non ? »

    Berel se mordit les lèvres.
    « Manifestement ce n'était pas une épée ordinaire... enchantée ou quelque chose comme ça... Le possesseur du moment semble... beaucoup y tenir !
    - Comme c'est intéressant ! »

    Le complot était peut-être né à Pélagiad mais l'intervention des zélateurs de Vivec était troublante. Potens savait à quel point les prisons étaient utiles pour certains tours de passe-passe, de vraies pépinières à héros plus ou moins auto-proclamés. On oublie quelqu'un à l'ombre et quelques années plus tard, ou le lendemain, il ressort comme un as caché dans une manche, prêt à accomplir toutes sortes de sottises annoncées par prophétie. Armé d'une épée remarquable c'était encore mieux !

    « Et vous me dites qu'il est parti pour Cyrodil ? C'est au moins aussi ennuyeux pour vous que pour nous. Surtout lorsque peu après on m'apprend que des Ordonnateurs, des hommes à vous Sala, ont été aperçu non loin de la Cité Impériale ! Certains mal intentionnés pourraient y voir une grave infraction au Traité de l'Armistice ! »

    Berel Sala ferma les yeux. Tedryn Driler était un imbécile de la plus belle eau, c'était une évidence. Comment nier ? A part en se cachant derrière l'habituel mensonge diplomatique qui ne trompait personne :
    « Des déserteurs je présume, ou des brigands qui se seront emparés d'une de nos cuirasses...
    - Oui, bien entendu, vous n'auriez jamais cautionné une pareille atteinte à la souveraineté impériale ! Nous pouvons compter sur votre collaboration franche et entière. Toutes autres hypothèses, comme orchestrer une tentative de déstabilisation ou tenter de rompre nos bonnes relations, sont à révoquer immédiatement ! »

    Potens avait insisté sur « immédiatement ».

    Blême autant que peut l'être un dunmer, Sala tenta une conciliation :
    « L'orque a dit à plusieurs reprises qu'il avait à faire au Rosier d'Argent ou quelque chose comme ça. Et puis il y a eu la fille, une bosmer vivant là-bas...
    - Ah, vous savez ça ? Je ne dois pas vous sous-estimer, vous êtes un homme informé, Excellence ! »

    Sala s'en voulu immédiatement. La sentence allait tomber... Mais l'espion impérial suivait le cheminement de sa propre pensée :
    « La base arrière du complot à Pélagiad... Le donneur d'ordre là-bas, ou peut-être à Vivec... A tout du moins un soutien logistique à Vivec du côté du Grand Temple. Curieuse alliance improbable entre des vétérans de Talos et des zélateurs du Temple. Les plus beaux complots ne sont-ils pas les plus improbables en apparence ? Un établissement discret, parfait pour ourdir en paix... Un contact local... Des envoyés réveillant l'agent dormant ? Le schéma de la conjuration se dessinait. La cible manifeste était du côté de la Cité Impériale.

    Le très prompt Austinius Potens tenait sa proie. A coup sûr un coup majeur préparé contre la majesté de l'Empire ! Pour une fois, Berel Sala parvint à saisir sa tortueuse pensée. Il avait senti le vent de la boule de feu près de ses oreilles. Autant l'inciter à poursuivre dans cette voie. Tout ce qui pourrait éloigner le frumentaire fouineur de Vvardenfell était bon à prendre.

    « La fille a rencontré les...euh... déserteurs. Elle leur a fait un doigt !
    - Plait-t-il ?
    - Oui, d'après mon mage de guerre, c'est un parchemin très ancien, un maléfice appelé Doigt de la Montagne. Toujours est-il que l'un des ordo... que l'un des fugitifs s'est retrouvé propulsé sur la route, dansant sur des échasses d'étincelles bleues. Celui là ne servi... ne nuira plus ! On m'a dit que les autres avaient rencontré l'orque et ça ne s'est pas mieux terminé pour eux. »

    « Les conjurés s'entre-déchirent ? Comme c'est intéressant, nota Potens... Mais quel rapport exact entre cette fille et l'orque porteur d'épée ? Penser à organiser une quelconque confrontation... »

    « Une autre chose. L'orque... pas lui mais elle, sa mère, ou prétendue telle, la veuve de Pélagiad...
    - Eh bien ?
    - Elle aussi est partie pour Cyrodiil. Elle a embarqué ce matin à Coeurébène...
    - Comme c'est intéressant. L'instigatrice, le cerveau probable, va mettre de l'ordre dans ses troupes alors ? Ou elle va superviser l'exécution de ses ordres ? »

    Berel Sala ne crut pas utile d'ajouter une réponse à ces questions de pure forme. De son point de vue il avait, pour un temps du moins, écarté la tempête de son propre univers. Que les loups de Cyrodiil s'entre-dévorent là-bas !
    Antoninus Bibulus Glaber
    Coaching de PNJs chez Morrowind Renaissance

    #11 Not Quite Dead

    Not Quite Dead

      Rincevent


    Posté 17 août 2011 - 11:15

    Depuis la forge, Umbra savait y faire avec Ceux Qui Saignent. Il en existait de trois sortes: Ceux Qui Brandissent, Ceux Qui Portent et Ceux Qui Tombent. Invariablement, Ceux Qui Brandissent finissaient par Porter, et Ceux Qui Portent finissaient par Tomber. Et des uns aux autres, Umbra Passait, toujours assoiffé(e), jamais repu(e).

    L'Orc était une exception. Nul ne l'avait Brandi(e) si longtemps, nul ne l'avait abreuvé(e) lors d'autant de Festins et surtout... nul n'avait été si longtemps sur le point de céder... sans céder encore.

    Aussi, avec le temps, plutôt que de basculer dans la folie ou de se montrer de plus en plus téméraire, cet Umbra-là s'était-il lassé des combats. Il ne semblait ne plus vouloir prendre qu'une vie: la sienne, et Umbra avait dû se contenter de maigres duels par-ci, par-là. L'Orc le/la tenait et était manifestement trop fort pour Tomber.

    Umbra n'avait donc eu d'autre option que de s'échapper.

    Saisissant une opportunité, Umbra s'était plongé(e) dans l'esprit du moine-guerrier comme dans du beurre et, malgré sa médiocrité, s'était senti(e) grisé(e) par cette nouvelle pitance, après ces années d'austérité.

    Son geôlier sur les talons, Umbra avait gagné le continent et l'ombre de la Tour d'Or Blanc, en quête d'Un Qui Brandit.

    Tout cela pour tomber sur la Bosmer.

    Il y avait dans son esprit une telle confusion, des rêves d'une telle démesure côtoyant une telle ingénuité qu'Umbra s'y était laissé(e) prendre, avec la fascination d'un chat pour un moineau impertinent.

    Elle s'était même grimée du nom d'Umbra, alors que celui-ci, d'ordinaire, se recevait dans un gargouillis terrifié, au terme d'un Festin... et non au détour des gribouillis d'un journal intime!

    Avec curiosité, Umbra avait observé ces mains tachées de sang essuyer d'un revers des torrents de larmes et se remettre à écrire en reniflant.

    Jusqu'où cette Bosmer, pourtant faite pour Tomber, irait-elle? Finirait-elle, contre toute attente, par Brandir? Umbra n'aurait manqué cela pour rien au monde.


    ***


    Après avoir épinglé James Doe, soit disant éditeur, à un arbre dans la clairière où il comptait la détrousser, Umbra pleura un peu, puis s'assit sur une souche et rédigea un chapitre poussif intitulé "l'embuscade".

    ...et mes sens aux aguets m'avaient prévenue contre ce sinistre individu et je ne le suivais que pour mieux le conforter dans sa folle tentative d'abuser d'Umbra, Fléau de Tamriel!

    Quelques pages plus loin, elle se sentit mieux et alla récupérer l'épée, enfoncée de cinq bons pouces à travers la cage thoracique de son agresseur dans un solide chêne.

    Que faire, à présent?

    Le retour du héros dans sa cité natale était toujours un thème porteur, emprunt d'émotion et de modeste grandeur. C'était décidé! Umbra regagnerait la Porte de Pell et leur montrerait quelle grande aventurière elle était devenue.


    ***


    S'il l'avait connu, Kurtz gro-Gurthmog aurait envié les capacités de déduction d'Austinius Potens. L'incendie au marché s'était avéré être une fausse piste: si Umbra avait œuvré là, il aurait reconnu sa griffe. Après avoir erré tout une journée dans la Cité Impériale et ses environs, les ordonnateurs survivants formant dans son sillage une improbable traîne de vilains petits canards, il lui avait bien fallu admettre qu'il avait perdu toute trace de l'épée.

    « Faut pas vous en faire, risqua Valen Dreth, vibrante illustration du syndrome de Longsanglot, vous allez bien trouver une solution, fort comme vous êtes! »

    L'ancien Umbra se préparait à lui envoyer une calotte, par habitude, lorsqu'il s'arrêta.

    « Ma foi. C'est vrai qu'il me reste un dernier recours pour trouver Umbra, plutôt que de chercher au hasard. Ce que fait tout héros dans l'impasse: me rendre dans la première auberge venue et y attendre une miraculeuse coïncidence qui me remettra sur la piste de cette maudite épée.
    - Jamais mené une enquête comme ç-aïe! voulut protester un Ordonnateur imprudent avant de se chiffoner dans l'herbe.
    - Ca arrive tout le temps, assura le Champion de Cyrodiil. Par le passé, je n'osais même plus aller boire un verre. »

    Les Ordonnateurs, dubitatifs, ramassèrent leur collègue, et lui emboîtèrent le pas. Que pouvaient-ils faire d'autre?




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