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[h] Le Garde Lune


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2 réponses à ce sujet

#1 Brosys

Brosys

Posté 11 novembre 2008 - 00:00

Première fic sur wiwiland et les TES. De quoi rendre nerveux hm. On verra bien les com :)

Indiquations spatio temporelles :

L'histoire se déroule dans la province Impériale de Morrowind, environ huit mois après les évènements des jeux de Morrowind et Tribunal. Comme le lecteur aura le loisir de le découvrir, le point de vue adopté sur certains points (par exemple, le statut du Nérévarine par rapport à Indoril Nérévar, le Roi) est légèrement différent de ceux sous entendu dans le jeu original.


PROLOGUE

Morrowind/Resdayn, 12 Soirétoile, Marais de Rublesse au Sud de Longsanglot.


Pour la énième fois Irvin Pain se demandait pourquoi il se trouvait, lui et sa compagnie, posté si loin de la capitale. La Garde Royale était sensée protéger les souverains et leur entourage mais les seuls agresseurs potentiels que Pain distinguaient étaient des rats et des braillards. Haussant les épaules – geste plus difficile qu'il n'y paraissait quand on était engoncé dans une armure lourde et encombrante – il commença sa ronde. Trapu et musclé, Irvin était aussi un peu gourd et sa progression dans flaques de boues qui entouraient le camp provisoire ne devait pas manquer de susciter les rires de ses compagnons, depuis leur tour d'observation et l'agréable feu de camp qui s'y trouvait.

Son visage dur, qu'on aurait dit coupé à la serpe refléta une expression agacée en pensant à tous les endroits où il serait mieux que dans ces maudits marais de Rublesse, à chercher d'invisibles membres d'une secte contre-monarchiste qui auraient soi-disant une planque dans les environs. D'ailleurs cette mission lui avait paru étrange dès que leur capitaine leur en avait parlé et, bien que ses camarades soient prompts à rires de ce genre de chose – et à lui rappeler que son rôle se bornait à obéir, son instinct lui disait que tout cela finirait mal. Brusquement, l'homme stoppa. Il lui avait semblé percevoir un éclat furtif dans son champ de vision.

Balayant les alentours du regard il s'apprêta à conclure à l'hallucination quand son pied buta sur quelque chose. S'accroupissant en regardant attentivement il eut la surprise de voir un morceau de métal rougeâtre dépassant de la boue. Un désagréable picotement le parcourut tandis qu'un tout aussi désagréable sentiment de familiarité le gagnait, au fur et à mesure qu'il dégageait la boue et la terre qui recouvrait le métal. Et alors vint le choc.

C'était un corps, indéniablement. Et pire, c'était un corps de garde royal. Certes, seule la tête et son casque était dégagée, et le tout était encore boueux et enveloppé de terre, mais c'était bien suffisant pour quelqu'un qui passait sa journée à voir défiler les soldats rouges. Un panel d'images horrifiques lui traversant l'esprit, Pain se releva et commença à courir le plus vite possible en direction du camp. Glacé par la peur qu'il ressentait pour ses camarades – et, il faut l'avouer, pour lui même – Pain ne vit pas la racine qui se trouvait devant lui et dans laquelle il se prit les pieds, le faisant chuter lourdement au sol, son casque – et la tête qu'il contenait - percutant violemment une pierre et le faisant peu à peu sombrer dans l'inconscience.

***

Morrowind/Resdayn, Sainte Cité de Vivec, 13 Soirétoile, Canton du Temple, Palais de Vivec.

En ce bel après midi la foule se pressait sous le Grand Balcon du Palais de Vivec, à l'extrémité sud du Canton du Temple. Et pour cause un évènement exceptionnel était sur le point de se dérouler : le Seigneur Nérévar allait s'exprimer au sujet des événements récents. L'excitation du peuple était à son comble, on hésitait pas à piétiner jeunes et vieilles pour s'attribuer les meilleures places, on hésitait pas non plus à se monter les uns sur les autres et à dresser des tours en bois – vites détruites par les ordonnateurs, si prodigues en coup de masse – dans lesquelles les places étaient payantes. Cependant c'était assez compréhensible.

Ne parlait on pas de celui qui avait d'abord vaincu Dagoth Ur, de celui qui avait, d'un doigt, arrêté la course du Ministère de la Vérité quand celui ci était sur le point de chuter sur le Grand Sanctuaire – et d'annihiler Vivec au passage, excusez du peu -, de celui que ni les maux de la chair ni ceux de l'âge ne pouvaient abattre ? Ce dernier point qui stupéfiait particulièrement depuis que le département de l'information avait décidé que rendre publique une partie des prophéties serait un excellent coup médiatique. Ne parlait on pas de celui qui était l'égal des dieux ? Et à propos de dieux, le peuple se demandait bien où ses tribuns avaient pu passer. On n'avait pas vu d'Almalexia ou de Vivec depuis des mois et des mois – pour ne pas parler de Sotha Sil. Et la Chute de la Lune, l'évanouissement de la muraille magique de Longsanglot, l'explosion de la statue colossale qui représentait l'union des trois tribuns n'étaient pas pour rassurer. Certains insolents osaient même suggérer – quoique toujours très discrètement et bien peu fort – que les trois dieux vivants qui, si longtemps, avaient été là pour leur fidèles étaient… morts.

Bien entendu la Section des Réprimandes du Temple mettait bon ordre à ces murmures mais on ne pouvait éviter l'inévitable et il fallait bien avouer qu'en ce jour du 13 Soirétoile – à deux jours de la Prière des Vents du Nord, pour ne rien arranger – tous les ordonnateurs du monde auraient la partie rude si ils avaient voulus exercer un semblant de contrôle sur le peuple.

Peuple duquel, soudain, monta une clameur phénoménale qui fit trembler les murs de la ville, si l'on en croit certaines sources bien informées – ou bien alcoolisées. On aurait vu, on aurait aperçu, on aurait peut être distingué l'ébauche d'une silhouette sur une des plates formes menant au Grand Balcon. Et le tumulte devint indescriptible quand, sur le perchoir, apparut la haute silhouette en armure noire que le peuple avait appris à vénérer.

Ah c'est sûr qu'il était impressionnant. D'une taille avoisinant les deux mètres – géant pour un dunmer et grand même pour les altmer, dans une armure sur le modèle de celle des Grands Ordonnateurs, mais noire, avec moult incrustations d'or et de pierre précieuse, le blason de l'Astre-Lune resplendissant sur le bouclier, Indoril Nérévar le Réincarné était vraiment, vraiment impressionnant. Et il le fut encore plus quand une image magique tridimensionnelle de lui, largement plus grande que l'original, se matérialisa au dessus de la foule, déclenchant de véritables émeutes et même des combats pour s'approcher le plus possible de l'image idolâtrée.

Et puis d'un coup le silence. Laissant voir une peau grise, Nérévar retira son gantelet droit et brandit son poing en direction de la foule. On eut bien sûr pu penser qu'il s'agissait d'un geste de menace, voir de haine. Il n'en était rien. Il s'agissait en fait d'un geste désormais bien connu visant à monter l'anneau d'Astre-Lune, preuve irréfutable de l'identité du Seigneur Nérévar qui, effectivement, scintillait au doigt de celui ci, qui remettait lentement sa pièce d'armure. Le silence devint absolu, total, presque étouffant, le temps semblant s'être arrêté. Et puis enfin la voix du messie résonna dans la Cité, une voix forte mais envoutante, semblant hypnotiser l'univers.

« Dunmers et étrangers je vous salue. Je suis conscient que les évènements récents vous ont profondément ébranlés et que, même si la fin de la Guerre Ecarlate fut heureuse et signa la défaite du Diable Dagoth Ur, de nombreuses questions restent en suspend. J'ai l'intention, aujourd'hui, d'y répondre car vous méritez tous ici de connaitre la vérité, vous qui êtes Vvarfendell, vous qui êtes Resdayn ! »

Nérévar fut alors dans l'incapacité de poursuivre – ou plus vraisemblablement, fit semblant d'être dans l'incapacité de poursuivre – devant le tonnerre d'applaudissements, et d'insultes anti impériales, qui éclata quand le nom de « Resdayn » fut prononcé. A ce stade quelques explications s'imposent : dans le cadre d'un discours ouvertement anti-impérial et tout aussi ouvertement nationaliste, Saint Nérévar et Helseth Hlaalu – dont l'accord n'avait pas manqué de susciter les plus vives interrogations – avaient décidés d'autoriser Resdayn comme dénomination officielle de Morrowind (même si « Morrowind » restait usité en part égale). Revenons au tonnerre d'applaudissement, qui cessa dès que Nérévar eut levé une main.

« Amis, du calme ! Il ne sied guère à un peuple aussi fier et noble que celui de Resdayn de se comporter ainsi. Ainsi donc, vous méritez de connaître la vérité et je vais vous la révéler. Sachez que Vivec, Alamalexia ainsi que Sotha Sil sont morts. »

D'abord un silence, lourd, quand Nérévar s'interrompit pour laisser le temps au peuple de digérer la nouvelle. C'était une erreur bien sûr. On ne pouvait pas concevoir la mort de dieux. Absurde. Le silence se transforma en un puissant grognement de mécontentement au fur et à mesure que Nérévar confirmait l'absence d'erreur de langage par son silence. Nérévar qui fit un signe discret à Besil Arctus, Seigneur de la Garde de l'Etoile, le corps d'armée privé du Seigneur Nérévar pour lui intimer de se tenir prêt à une éventuelle intervention. L'apparition tridimensionnelle, comme de bien entendu, ne reproduisit pas le signe. Défaillance ? Toujours est il que le Réincarné reprit la parole avant que le grognement n'enfle en de trop grandes proportions, jugeant que la foule était « cuite à point ».

« Oui les tribuns sont morts. Comment, me demanderez vous, des dieux peuvent mourir ? En effet les dieux, les vrais dieux, ne peuvent pas mourir. Mais Amalexia n'était pas une déesse pas plus que Vivec ou Sotha Sil. Apprenez ce qu'ils vous ont fait et jugez ensuite de leur divinité ! ».

Le peuple se vit ensuite conter la plus incroyable des histoires. Comment leurs tribuns avaient ignoblement assassinés leur Roi, la première incarnation de Nérévar. Comment, grâce à un artefact interdit créé par Nérévar - le peuple n'était pas prêt, de l'avis du Saint, à apprendre l'existence d'une chose aussi sidérante que le coeur de Lorkhan - qui avait commis l'erreur de leur montrer, ils avaient acquis un statut divin et avaient provoqués la malédiction d'Azura, spoliant les éclatants Chimers de leur éclat et les transformant en ces parodies grisâtres.

Oh, il fallut un peu de temps pour que l'horrible réalité – du moins la réalité transformée et adaptée pour produire l'effet adapté - soit acceptée par le peuple. Toutefois celui qui tenait ce discours n'était il pas un Roi Saint qui les avait délivrés du mal ? Alors comment ne pas y croire ? Et puis en plus quelle autre façon d'expliquer la disparition de la Triune ? Et quand les mots « redevenir Chimer » furent prononcé plus aucun doute ne subsistait. Nérévar était plus qu'un héros, c'était un Ange venu sauver les Chimers désormais Dunmers et les délivrer de leurs afflictions. C'est sous des jets de fleurs – mais comment la plèbe était arrivé dans les plates formes suspendues au dessus du balcon ? Comment avait elle eu les roses de lune, une fleur aussi rare et chère ? –, des homélies, des prières, des acclamations, des vivats, que Nérévar et son escorte regagnèrent le Palais de Vivec – et déjà, les audacieux pariaient sur le futur nouveau nom de ce dernier. Toutefois la foule ne vit pas le sourire de son idole quand celle ci tourna les talons. C'était un sourire glacial et fort inquiétant. Pas du tout le sourire d'un Saint.

Chapitre 2

Cité Impériale, Palais de l'Empereur, aile ouest, Salle Indigo


« Sa Majesté l'Empereur »

Dès que les premiers sons partirent de la gorge du héraut tous mirent un genoux à terre. Du plus noble des Ducs aux plus humbles des vicomtes tous regardaient le sol, ne prêtant aucune attention à l'époustouflante symphonie des instruments accordés magiquement, toute leur attention concentrée sur les faveurs qu'ils allaient pouvoir solliciter quand ils parviendraient à s'approcher d'Uriel Septim. L'intéressé fit son apparition quelques secondes après qu'on l'ait annoncé. Malgré son âge avancé et une certaine lassitude perceptible en lui, il émanait de l'Empereur du Monde, comme la propagande le désignait, un sentiment de puissance enivrant. Sa démarche, grave et affectée ne parvenait pas à masquer sa conviction d'être bien différent des hyènes en costumes présents dans la salle.

Et en effet il ne ressentait que du mépris pour la foule rassemblée. Tous ces pleutres qui se terraient derrière leurs privilèges et pour qui « peuple » était un mot aussi répugnant que « meurtre » ou « peste ». Il se sentait infiniment plus à l'aise quant il sortait incognito et regardait son peuple évoluer, vivre sa vie, dans l'Empire qu'il maintenait sur la bonne route. Ou du moins qu'il espérait maintenir sur la bonne route. Comment en être sûr quand la corruption galopante du Conseil et de la bureaucratie empêchait toute mesure noble d'émerger de la fange ? Poussant un soupir il se dirigea vers le premier noble qu'il devait « absolument rencontrer par hasard », selon l'expression d'Ocato. Il s'agissait du Duc Von Sherrma. Un plaignant, bien évidemment. Selon les services de renseignement, le grief qu'il comptait adresser à l'Empereur était simple : bien que Duc, ses terres étaient l'équivalent de celle d'un petit comte et se trouvaient dans une région perdue de Morrowind. Le temps qu'il se remémore ces éléments, Uriel était parvenu jusqu'à l'individu qui avait tout du noble caricatural. Enveloppé dans une tunique bouffante aux larges dentelles dorées, puant le parfum, son visage, ressemblant vaguement à celui d'un crapaud, généreusement poudré, sa vue même importunait l'Empereur. Qui n'en laissa pourtant rien paraître.

« Seigneur Von Sherrma, nous sommes fort aise de vous voir céans. Il nous siérait toutefois encore davantage que vous nous faisiez part des tracas qui vous affligent, selon votre propre entourage.

Toujours paraître le plus informé, toujours employer ce maudit « nous ». Que cela agaçait Uriel Septim. L'idée de parler de lui au pluriel le répugnait. Si il devait se multiplier et multiplier également le nombre de ses vies d'Empereur, nul doute qu'il finirait fou ! Un temps il avait pensé à entamer une vaste réforme du langage de cour mais Ocato – qu'Akatosh loue la sagesse de ses conseils – l'en avait dissuadé. Cependant, tout le monde ne renonçait pas aussi facilement à ses projets, pas le Duc en tout cas, qui répondit immédiatement, de son ton le plus mielleux.

- Votre Impériale Majesté aura-t-elle l'indulgence de me permettre, avant tout, de lui affirmer que cette soirée est resplendissante, toute à son image, commença Sherrma, inclinant servilement la tête. Quant à l'affaire qui nous occupe j'ose affirmer que même Son Excellence Ocato n'a pu vous informer à l'avance de l'inquiétante nouvelle dont je vais faire part à Votre Majesté et dont même Sa Majesté Helseth Hlaalu est encore ignorante, bien que des messages soient partis l'en avertir il y a une heure et…

- Nous vous prions d'en venir au fait, Seigneur Von Sherrma, notre temps est précieux et les nouvelles fiscales et territoriales, bien que certainement « inquiétante », pour vous, ne suscitent nul sentiment semblable en nous, interrompit sèchement l'Empereur.

- Je prie votre Sublime Majesté Impériale d'excuser mon impudence mais vous faites erreur. Voici : le corps régimentaire des Gardes Royaux, matricule 45, que le Roi Helseth a placé sur mes terres conformément à votre excellent arrêté visant à arrêter les infâmes complotant contre la monarchie de Morrowind a… disparu. J'ai préféré vous en avertir avant que l'information ne soit communiqué au Roi, étant donné les évènements récents qui ont secoués la province, et l'empressement de certains à se soustraire à l'autorité de Votre Impériale Majesté. Par certains je veux bien sûr dire le Seigneur Nérévar… »

L'individu avait ménagé son effet et bien préparé son dernier mot. Il avait, malgré la gravité de la nouvelle qu'il annonçait, l'air immensément satisfait de lui même, telle une mouche suceuse de sang resplendissante dans la catastrophe. Toujours est il que le ridicule poudré avait doublement touché un point sensible : l'Empereur ignorait complètement qu'un corps d'armée, dont il avait, par ailleurs, complètement oublié l'existence, avait disparu. Et le Duc avait réussi à rappeler à son Empereur que celui ci se montrait incapable de gérer un sauveur devenu bien encombrant. Devant se retenir pour ne pas faire montre de son agacement, le souverain répondit soigneusement, pesant chacun de ses mots.

« Vous avez bien agi, Seigneur Duc. Soyez assurés que l'Empire et nous mêmes vous sommes reconnaissant de votre diligence. Nous vous ordonnons de garder le silence total sur cette affaire et de rappeler vos messagers le plus vite possible. Helseth découvrira cette disparition tout seul mais sa réaction nous éclairera sur ses intentions. Maintenant, disposez. »

Uriel Septim avait toujours eu des dons de clairvoyance dont il s'était servi pour faire de l'Empire ce qu'il était. Et ces même dons lui disaient que cette disparition était le début d'un sinistre engrenage. Pris d'un frisson dans la chaleur torride de la salle il resserra son manteau d'hermine et fit signe à ses gardes. Il allait s'éclipser un moment. On verrait bien pour les autres « rencontres au hasard ». On disposerait de la sensibilité des nobles. On subirait les reproches aimables d'Ocato.

Gagnant une petite pièce appelée salon pourpre, le souverain qui régnait sur la moitié du monde s'assit sur un fauteuil et eut soudain l'air très vieux, comme si tous ses soucis lui revenaient brusquement en mémoire. Il eut un sourire faible à la pensée que finalement, même si il était monarque absolu de l'Empire humain, il avait bien peu de pouvoir dans le territoire fort réduit de son propre corps. Et il était soucieux. Qui était derrière cette disparition de masse ? Helseth ? Pourquoi, comment, que gagnerait il à faire disparaître sa propre garde d'élite ? Le Seigneur Nérévar ? Là c'était beaucoup plus logique : faire disparaître les troupes d'élite du Roi en préparation d'une révolte massive. Raisonnement évident, coupable parfait. Mais preuves inexistantes. Et en plus l'instinct du souverain lui disait qu'il y avait autre chose derrière tout cela. Mais quoi ?

***

A sa décharge l'impérial ne demanda pas grâce et n'émit aucun son alors que la lourde épée d'argent le transperçait de part en part. Pas plus que tous les autres soldats qui se faisaient massacrer dans la cour du fort. Cela rehaussa un peu l'opinion qu'avait Thorvald Lame de Glace des impériaux. Un peu. Ce qui ne l'empêcha pas de hurler à sa horde de charger le dernier carré de résistance offert par la légion et de planter sa lame dans la gorge du commandant du fort, reconnaissable dans son armure de templier, faisant jaillir un geyser de sang. Rapidement le bruit des combats et les cris de guerre des combattants laissèrent place au silence de mort qui planait sur Divel, la forteresse septentrionale de l'Empire, à la frontière de Skyrim. Prenant six braves avec lui Thorvald monta l'escalier face à lui quatre à quatre pour se retrouver face au pigeonnier. Il n'avait fallu que quelques bières nordiques pour convaincre le préposé aux volatiles d'indiquer précisément le nombre des oiseaux présents ce jour là. Complaisance qui ne l'avait pas empêché d'être le premier à mourir, quand les féroces guerriers du nord avaient utilisés leur magie pour envelopper le pigeonnier d'une gangue de glace. Sort qui fut dissipé quand Thorvald leva une main en direction de son chaman. Il eut un large sourire en voyant les cadavres d'oiseaux, morts gelés, tomber au sol. Il fit un geste et un guerrier les rassembla. Douze exactement. Pour la première fois Thorvald se permit un profond rire de gorge. Aucun n'avait eu le temps de partir et l'ennemi n'était pas averti de leur présence. Entendant des pas lourds le chef de guerre se retourna et vit venir Shemar Crocs du Ciel, son second et également un guerrier puissant et respecté. Egalement bâti comme un ours, d'une tête de plus que Thorvald. Ce qui ne cessait de l'agacer.

« Belle bataille Thorvald Lame de Glace ! Je n'aime pas ces planqués de scribouillards mais faut admettre que Mukha Langue de Serpent nous a bien aidé avec sa glace. Et quel plaisir de massacrer ces couards de sudistes ! Mais quand frapperons nous un objectif important ? Comme la Cité Blanche !

- Modère tes ardeurs mon frère, répondit Thorvald, saracastique, les sudistes sont aussi rusés et fourbes qu'ils sont nombreux, et tant que la Patrie toute entière ne nous soutient pas il nous utiliser un concept impérial : la prudence. Puis aussi, les sudistes ont des mages. Et des machines. Et de nombreuses autres tactiques de couards qui sont pourtant bien douloureuses »

Thorvald comprenait parfaitement ses hommes et savait que son refus de poursuivre plus avant immédiatement pourrait être assimilé à un signe de faiblesse par ceux ci, et utilisé par ses rivaux. Mais il n'en avait cure. Car ce qu'ignoraient tous ses hommes c'était que leur chef n'avait pas obtenu les plans de la forteresse impériale, et tous les détails du dispositif défensif par ses propres moyens et des astuces de sorcier. Il devait sa victoire – bien que la bravoure et la force de ses guerriers soit indéniable – à un mystérieux bienfaiteur qui le contactait par des rêves. Il se demandait comment Shemar aurait agi si il s'était vu presque sommé d'attaquer les impériaux. Se faisant ces réflexions Thorvald eut le loisir de voir ses hommes se remettre en selle. Suivant leur exemple il prit la tête de la formation et tous galopèrent jusqu'à la frontière, la neige se soulevant derrière les sabots du destrier de chaque combattant.

En voyant cette glace blanche Thorvald pensait à Bordeciel, au Vieux Royaume qu'il chérissait tant. Tout cela il le faisait pour son peuple. Ces porcs du sud le révulsait ! Pour gagner son Empire le traître Tiber avait utilisé la magie – une infâme créature artificielle, la fourberie, la… tactique ! Ou était passée la bravoure, l'honneur, le courage ? Dans les pots de vins que les familles devaient versés aux contrôleurs impériaux bouffis dans leur graisse pour pouvoir tricher au niveau de leurs têtes de bétail et subsister ? Ou dans les enfants à qui on apprenait à chérir l'Empire et à ignorer les coutumes de leur propre patrie ? La chevauchée de Thorvald était désormais empreinte de colère, de rage. Encore et encore il se répétait sa promesse. Détruire l'Empire et l'Empereur, et au même moment dans tous les territoires annexés par l'occupant, nombreux étaient ceux qui partageaient les mêmes pensées.

Modifié par Brosys, 15 novembre 2008 - 13:17.


#2 Brosys

Brosys

Posté 15 novembre 2008 - 13:07

Chapitre 3

Plan d'Oblivion, heure et date inconnue

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Divayth Fyr était perplexe. Bien sûr les daedras étaient fourbes, vicieux, manipulateurs, pervers et possédaient de nombreux autres traits de caractères frappants, dans tous les sens du terme. Cependant, les très nombreuses années d'études de Fyr lui avaient appris, entre autre, deux choses : les daedras, en particulier les drémoras, étaient loin d'être discrets et ils étaient toujours ponctuels. Trop impatients de jouer des mauvais tours aux mortels. Pourtant dans le sous plan d'existence dans lequel Fyr se trouvait, nul Valkynaz – car c'était l'un d'entre eux qu'il devait rencontrer – n'avait pris un aspect redoutable pour l'apostropher. Et aucun drémora à l'horizon. En fait la seule « animation » dans ces terres de laves et de surfaces carbonisés était la lumière qui se dégageait de la pierre sigilaire, au sommet de la forteresse drémora de Brise Monde.

Fyr se demandait d'ailleurs s'il n'allait pas aller, tel le plus vulgaire des badauds de Sadrith Mora, taper à la porte des daedras. L'idée ne manquait pas de charme. Pourtant la prudence – relative – l'emporta et il résolut de léviter aux alentours de Brise Monde pour chercher des traces susceptibles de le renseigner. Au bout d'un certain temps Fyr commença à subir le contrecoup de sa débauche de magie. Renonçant à poursuivre son exploration il se laissa chuter lourdement sur le sol brûlant et s'allongea, pensant que son sens aiguisé des présences magiques l'aviserait en cas de danger.

Et pourtant il ne put éviter un violent sursaut quand il fut réveillé par un coup à l'épaule. Un coup de poing. Se téléportant instantanément à quelque distance il vit son « agresseur ». Il éclata de rire, autant pour lui même que pour bien faire comprendre à son vis à vis qu'il avait affaire à trop forte partie. Et pour cause, le vis à vis était un churl, un misérable plébéien parmi les drémoras. Et pourtant ledit churl devait être tout seul dans le pan d'existence. Car sinon, pleutres comme sont ces êtres, il serait allé voir le kynval le plus proche en espérant une montée en grade tout en s'assurant qu'il serait bien entouré pour capturer l'intrus. Amusant. En une fraction de seconde le mage telvanni fut devant le drémora et l'envoya au sol et sans perdre un instant, le maintint au sol à l'aide d'une forte pression sur son dos. Le daedra, furieux et humilié prit la parole, autant que c'était possible avec le visage collé au sol.


« Sale ver de terre dunmer j'ai des pouvoirs que tu n'imagines pas, je suis Altiir Rhza, destructeur des cités, seigneur du meurtre et du viol, prince des massacres, je suis, je suis.. »

« Une vermine qui va répondre à mes questions si elle ne veut pas se voir appliquer le traitement réservé aux vermines, coupa Fyr avec une violente pression de botte. Dis-moi ce qui s'est passé ici et pourquoi le Valkynaz Rhamarur n'est pas là pour me rencontrer ? »

« Valky.. ooh, vous êtes le Seigneur Mage Telvanni, que Votre Sublime Excellence Maitre des Magies, Grand Maitre des Sceaux pardonne ma vile insolence, et acceptez la réponse, l'humble réponse que je vais vous faire. En début du troisième cycle journalier une lumière a surgi loin dans le ciel. Sa Noire et Impie Seigneurie Rhamarur ainsi que le Markynaz Vhul Athur se sont rendus à proximité et puis leur énergie a brusquement disparue ! Ensuite il y a eu une grande explosion et tous mes camarades ont disparus ! »

« Et pourquoi toi, petit churl, es tu là à me parler ? Non je pense qu'il s'agit plutôt d'un piège habile pour capturer le plus grand génie de cette ère, que dis-je, le faiseur de héros ! Bref. Donne-moi une raison de te croire et ne pas me débarrasser de ta poussière dans les eaux du néant »

« Regardez le ciel »

« Pathé.. »

Fyr sentit une énergie magique colossale, monstrueuse au dessus de lui et, finalement, leva les yeux. Et même lui fut renversé par la vision qui s'offrait à lui : un trou noir, d'une amplitude et d'une taille inouïe, gavé de puissance maléfique daedrique et nécromancienne qui aspirait Brise Monde et ce sans aucun bruit. Tombant au sol sous l'effet de la panique Fyr se dit qu'il devait s'agir d'une apparition de Prince ou de tout autre événement signifiant sa mort immédiate. L'absence de bruit ne signifiait pas qu'il n'y en avait pas, il devait être si démesuré, ce bruit, que ses sorts destinés à lui protéger l'ouïe s'étaient activés et l'avaient momentanément privé de ce sens !


Puis la vérité sauta au visage du mage le plus détesté parmi ses confrères. Un sort de capture d'âme ! Un sort de capture d'une telle puissance qu'il ne capturait pas une entité daedrique ou un seigneur précis mais tout un plan d'existence ! La force magique que le sort laissait échapper était si démente que Fyr fut pris de convulsion et que pour la première fois de sa vie il éprouva une terreur absolue, sans concession. Sachant que cela lui prendrait un temps précieux mais n'ayant pas le temps, il s'assit en s'appliquant divers sorts d'apaisement visant à calmer son rythme cardiaque qui à terme finirait par le tuer, ainsi que sa confusion mentale. Il fut rapidement sain d'esprit et la vision qui s'offrit à lui ne le terrassa pas. Pourtant il y avait de quoi. La pierre sigilaire et le rayon d'énergie autour duquel gravitait le plan avaient été aspirés et là où se trouvait auparavant l'ancienne forteresse il y avait une zone de néant, une zone monodimensionnelle d'une terrible noirceur qui progressait, annihilant tout. Le mage se releva, son pied butant dans le cadavre du churl. Mort de terreur probablement. Pensant que ce survivant serait un cas intéressant à étudier le telvanni réduisit la taille du cadavre et le fourra dans une poche. Puis il se mit à courir vers la porte d'Oblivion qu'il avait invoqué et qui scintillait au loin, le Néant sur ses talons.

Et cependant il distança rapidement l'abomination magique qui progressait à un rythme peu soutenu, sans doute en raison de la résistance que lui opposait toute cette matière daedrique. Ne s'accordant que quelques secondes pour souffler il s'apprêta à reprendre son chemin quand il vit des silhouettes massives qui entouraient la porte. Le fait qu'il y ait plus d'un survivant était intéressant, tout comme le fait qu'ils ne soient pas encore passés dans le monde réel. Mais quoiqu'il en soit Fyr n'avait pas le temps. Puisant dans ses réserves déclinantes il se jeta un sort d'invisibilité et parvint au niveau des créatures. Et, lui qui pensait avoir son quota de surprise, fut à nouveau stupéfait. Il connaissait ces choses de pure obsidienne, luisantes et mortelles pouvant détruire les champs magiques, d'une vitesse inégalable pouvant passer d'une dimension à une autre. On les appelait les Spectres du Portail et ils ne se matérialisaient dans les dimensions connues que très rarement et selon des règles qui échappaient aux autres formes de vies. Cependant on savait qu'ils étaient très dangereux. Mortels. Et qu'ils aspiraient et détectaient la magie et les magiciens.

Et Fyr était un grand mage. Le coup combiné porté par les trois bras armé luisants des créatures l'assomma, lui déchira les muscles du torse et commença à lentement pomper sa magie. Lentement mais sûrement il était vidé de son sang, de ses forces, de sa raison. Une larme coula sur son visage à l'idée qu'il allait mourir sans rien connaître de la vie au-delà de la magie, une autre en se disant que sa vie avait décidément été celle d'un mage jusqu'à la fin et qu'il ne pourrait jamais tenir la promesse qu'il avait faite à ses femmes. Mais soudain un miracle se produisit. Au moment où Fyr allait glisser dans les ténèbres dont on ne se relevait pas une lumière violente entoura son corps et fit reculer ses agresseurs, finissant par l'aveugler lui-même.


Et quand il osa rouvrir les yeux… il se retrouva sur un lit de soie blanche qu'il tâchait honteusement de son sang. Pourvu que les propriétaires dudit lit n'en soient pas offusqués au point de lui refuser les soins dont il avait besoin, se dit il avant de sombrer dans l'inconscience.

***

Dans le ciel de Morrowind, 19 Soirétoile

« Laissez nous seuls »

Tous les mages se retirèrent et ils furent, effectivement, seuls. Une chimere d'une exceptionnelle beauté aux cheveux d'un roux flamboyant, vêtue d'une sobre tunique blanche, allongée sur un autel magique parcouru d'énergie et un dunmer dans une lourde armure noire. Ce dernier ne connaissait pas la peur et avait oublié la plupart des faiblesses inhérentes aux sentiments, ce qui ne l'empêcha pas de ressentir un frisson inexplicable quand il s'apprêta à prendre la parole. Pour se redonner une contenance il défit son casque et le tint sous le bras. Et cependant il se refusait toujours à briser l'étrange silence qui s'était instauré dans la pièce, malgré tous ses efforts aucun son ne sortait de ses lèvres. Quelle honte pour un être de sa sorte, d'être paralysé par un reliquat d'émotion d'avant son ascension. Il fut libéré – quoique bien plus tendu – quand, enfin, la femme prit la parole.

« Mon Roi a-t-il été dépossédé de sa verve légendaire ? Pourtant Astre-Lune brille à votre doigt. Quoiqu'il en soit, vos compétences magiques étant toujours intactes, peut être même supérieures à l'ancien temps d'après ce que je distingue, vous devez savoir que je n'étais pas responsable de mes deux tentatives et... »

« Suffit, coupa le grand dunmer, pour reprendre les mots d'une amie je dirais que vos actes ont été « d'une ignominie sans borne et vous le payerez un jour car les dieux ne sont pas tels que vous les imaginez ».

Quand toi et les deux autres vous m'avez tué la première fois c'est votre propre soif de pouvoir qui vous a guidé, et non la folie résultante de la perte de vos pouvoirs. Car j'admets que ta deuxième, et entre nous, ridicule, tentative pour m'assassiner n'était guidée que par une maladie appelée folie ».

Bien que jusque là le visage de la chimer soit resté parfaitement neutre, l'inquiétude perça sous l'indifférence affectée quand Nérévar, car c'était lui, eut fini de discourir. Et l'inquiétude de la femme était assurément fondée quand on savait que la Reine Almalexia, la seule chimer de Nirn, avait assassiné son époux et son roi à l'aide de robes et de bougies empoisonnées, le tout avec l'aide des deux plus proches conseillers dudit Roi, à savoir Vivec et Sotha Sil, le premier qui était l'amant de la Reine. Le Seigneur Nérévar ne laissa pas le temps à son ex femme de répondre et, non sans un sourire sardonique, reprit la parole.

« Oh ma douce, je suis fort aise de te voir enfin le bec cloué, je sais d'après les souvenirs qui me sont revenus que ce n'était pas facile, dans le temps. Quoiqu'il en soit sache que malgré tes actes, régicide suivi plus tard d'une seconde tentative d'assassinat contre ma personne, folie meurtrière, nombreux blasphèmes contre les seuls vrais dieux du peuple chimer, actes ayant entraînés la privation du statut de chimer, etc, etc, je suis disposé à te pardonner »

On eut peine à imaginer expression plus humaine sur la femme qui se prenait pour une déesse. Un masque sembla se briser quand elle éclata en sanglot et se jeta dans les bras de Nérévar. Ce dernier sentit toute sa magnifique construction mentale vaciller quand il embrassa sa Reine, ses plans au sujet de celle-ci remis en question, sa résolution ébranlée.

« Chut, chut Almalexia, tout t'es pardonné, j'ai guéri la folie engendrée par le cœur en même temps que j'ai rattaché ton âme à ton corps. Maintenant tu as besoin de repos ma Reine »

Nérévar passa la main devant les yeux d'Almalexia qui sombra aussitôt dans l'inconscience. Prenant le corps endormi dans ses bras il déposa la femme sur un grand lit qui avait été placé non loin de l'autel, en prévision de l'inéluctable contrecoup qui frapperait la ressuscitée et Nérévar. Ce dernier eut tout juste le temps de conjurer un sort qui lui ôta son armure et de s'écrouler sur le lit aux côtés d'Almalexia. Aller chercher dans les pan d'Oblivion une âme gardée par une armée, la rattacher à un corps blessé qui lui-même devait être réparé, c'était une sacrée dépense d'énergie. Même pour un homme investi de pouvoirs divins. Il va de soi que Nérévar aurait été consterné si il avait su que sa main, pilotée par son subconscient, rencontrait celle d'Almalexia. Il aurait été encore plus consterné si il avait su qu'une ombre d'un noir bleuté s'était dissimulée dans la pièce et qu'elle avait réussi à maintenir sa cohérence quelques minutes. Bien assez pour assister au comportement fort inhabituel du Seigneur Nérévar.

Et cependant il ne dormit pas longtemps malgré la fatigue de ses tissus organiques. Il fut réveillé par des tapes faibles et discrètes sur son épaule. Il ouvrit les yeux pour voir un jeune mage en robe blanche, simple novice dans l'organisation. Ce dernier ouvrait des grands yeux stupéfaits à la vue de l'ancienne déesse du Tribunal et de l'homme qu'il n'avait sans doute vu qu'en représentation tridimensionnelle. Faisant appel à tout son sang froid il réussit à parler.


- Votre Seigneurie, excusez mon intrusion mais le Seigneur Payne m'a envoyé de toute urgence vous prévenir que lors de l'opération d'aujourd'hui lui et les acolytes ont détectés un mage de grande puissance et qu'ils l'ont rapatrié à grand frais jusqu'ici. Il se trouve actuellement dans la salle 3 avec le Seigneur Payne les acolytes qui ont jeté un sort de confinement. Le Seigneur Payne ne m'avait pas prévenu que Votre Seigneurie serait plongée dans un rituel aussi stupéfiant et euh… accompagnée aussi me suis-je permis d'entrer.

- Je vois. Fra Payne ignorait qu'elle était ici comprenez vous ? Et il est essentiel que tout le monde l'ignore sauf mes seigneurs mages. Aussi, veuillez m'excuser, mais comprenez qu'au regard de la Cause votre vie ne pèse pas lourd.


Le jeune novice n'eut pas le temps de crier avant que son Seigneur ne pose un doigt sur son front. Au début il sembla que rien ne se passerait puis la surface du corps du novice se troubla, sembla onduler, et il se désintégra. Purement et simplement. De lui on ne pouvait plus rien voir sinon un peu de poussière. Nérévar eut une moue désolée. Il était désolé que la magnifique vision d'Almalexia, paisiblement allongée sur son lit aille de paire avec cette poussière puant la chair humaine brûlée. Il fit donc disparaître l'odeur et sa source d'un geste avant de réenfiler son armure et de partir. Quand il sortit de la salle il vit que ses ordres avaient bien été appliqués. Quatre grands ordonnateurs hauts gradés de la branche des Litanies, fidèle à sa cause, étaient présents devant la salle. Il leur donna ses instructions.

- Que personne n'entre. Elle ne pourra sortir que d'ici vingt quatre heures et pas au-delà du périmètre A1.

Les grands ordonnateurs inclinèrent la tête et Nérévar passa par une succession de couloir jusqu'à rejoindre la salle où se trouvait le mage que Payne avait trouvé. D'un geste il fit signe au découvreur et à ses hommes de partir avant de fermer magiquement la porte d'un claquement de doigt. Nérévar fut surpris de revoir
Divayth Fyr et cela lui arracha un sourire. C'était une bonne surprise. Il faudrait encore un certain temps avant que le mage telvanni ne se réveille, aussi l'ancien Roi décida de profiter de la vue offerte par le hublot présent dans la pièce. Et quelle vue ! En formation serrée c'étaient des centaines d'aéronefs d'une taille impressionnante qui volaient à grande vitesse loin au dessus de la couche nuageuse, recrachant d'impressionnantes quantités de magie dans leur sillage. Ils seraient à Longsanglot dans deux jours, et alors le rêve des dunmers deviendrait une réalité. Tous leurs rêves.

Modifié par Brosys, 15 novembre 2008 - 13:12.


#3 Brosys

Brosys

Posté 25 décembre 2008 - 19:55

Chapitre 4


Egouts du Quartier de Bloomspire, Sud Est de la Cité Impériale, 19 Soitéroile, 20h


  Les égouts de la Cité avaient rarement été aussi animés qu'en ce dix neuf soirétoile. Masseurian Almeri, dunmer, égoutier, était tout chamboulé de voir, dans son monde de calme, d'obscurité et de silence, des dizaines de soldats en cuirasse courir de ça et là. Et il était au moins aussi stupéfait de leur activité, pour le moins inhabituelle. Ils déposaient des sortes de colis cubiques recouverts d'une multitude de voiles un peu partout, en particulier en dessous des plaques de communication égouts – rues. D'après l'officier qui semblait diriger l'opération, il s'agissait d'empêcher la fuite d'un prisonnier de haute sécurité, évadé de la Prison Impériale, dans les rues de la ville. Toujours d'après le même officier, ladite fuite serait matériellement empêchée par les très habiles sortilèges contenus dans les colis drapés. Le modeste égoutier qu'était Masseurian n'avait guère de raison de douter des dires d'un jeune et fringuant officier de la Légion, tout à l'aise dans son rôle de commandant, imperturbable dans son assurance de leader. Ce n'était pas sans tirer un rictus chez l'elfe d'en dessous la rue. A peine sorti de son académie militaire ce fils de noble qui n'avait connu que lits à baldaquins et bonne chair se croyait prince de son état. Peuh ! Et il était probablement aussi corrompu et cynique que ses aînés. Mais sa contemplation méprisante entraîna une violente bourrade dans son dos de la part d'un légionnaire. Sans même un mot de réprimande d'ailleurs, aucun égoutier ne valait un milligramme de salive.

  A ce stade, d'ailleurs, il convient d'expliquer que les égoutiers sont choisis parmi les prisonniers les plus tranquilles du Quartier Pénitentiaire. On leur proposait un marché : nettoyer les égouts en échange d'une remise de peine. Activité des plus putrides et dégradantes. Et parfois même dangereuse, dans certains secteurs des égouts infestés de choses souvent plus redoutables que les rats. A cet égard, Masseurian était plutôt satisfait que ce soit de vrais légionnaires qui mènent les opérations. En effet, à quelques rues souterraines de là, on avait dénoté des pics d'activité monstrueuse, en particulier… vampirique.  

  Un bruit sortit Masseurian de ses réflexions et de son travail de récurage. Un colis drapé immense, d'au moins huit mètres sur huit, était hissé à grand peine depuis une pente proche jusque dans le segment des égouts où se trouvait le dunmer. De ce colis se dégageait une indescriptible impression de malfaisance. Masseurian avait déjà senti la même chose. Lors de sa première rencontre avec une liche des égouts – rencontre à laquelle il n'avait survécu que grâce à l'intervention d'un mage de guerre, chassant la liche en question. Alors il se passa plusieurs choses étranges. D'une part un sourire barra le visage du dunmer, découvrant une dentition chaotique. D'autre part un anneau de métal rouillé apparut à son pouce droit, qu'il s'empressa de tourner. Aussitôt il disparut de la vision des gardes qui ne se souvinrent pas de l'existence du dunmer nauséabond qu'ils voyaient l'instant d'avant. Un sortilège d'indifférence et d'invisibilité de très haut niveau, qui dépassait largement l'œuvre du sorcier de foire que pourrait se payer, à grand peine, un égoutier.

  Ledit égoutier marcha à pas rapides vers la sortie ouest, à trois cents mètres, qui allait le mener jusqu'au quartier érudits et enfin jusqu'au quartier du marché. Il arriva dans ce dernier au bout d'une trentaine de minutes et ôta son anneau une fois parvenu à la surface, en soulevant la plaque d'égout, non sans avoir regardé qu'il n'y avait personne aux alentours. Il se trouvait, sous un ciel orageux et sombre, dans la cour d'un grand magasin, Les Boucliers de Pelletier, face à un grand buisson. Il glissa sa main dans ce dernier jusqu'à toucher du doigt un tissu grossier, qu'il tira. En quelques instants il se retrouva dans une robe grise de moine qui lui assurait l'anonymat et la discrétion, dans ces rues ou tout le monde regardait tout le monde. Encore quelques centaines de mètres et il parvint dans une ruelle sombre et étroite. Devant lui, sur un tonneau de bois, se trouvait assise une grande silhouette vêtue d'une robe noire et environnée de ténèbres. Sentant sa gorge s'assécher, l'égoutier parla d'une voix rauque.

  - C'est fait M'seigneur. Les cages ont été remplacés par le cinquième cont'gent d'égoutiers. Ces blaireaux d'impériaux citadins qu'vous avez fait mettre avec nous ont fait comme vous avez dit M'seigneur. Ils ont jamais vu d'créatures alors ils ont rien capté.

  - Bien, bien, tu auras ta grande récompense. Tu pourras désormais te reposer éternellement, cher égoutier fatigué, répondit une voix aussi glaciale que sarcastique.

  Une voix glaciale qui ne préfigurait pas l'affreux froid que ressentit Masseurian quand quatre lames s'enfoncèrent dans son dos, sans, étrangement, faire couler une goutte de sang. Une fois le cadavre écroulé au sol, on distinguait, derrière le point ou s'était trouvé l'égoutier, quatre formes humanoïdes drapées dans de belles étoffes noires, la tête levée dans une pose respectueuse vers leur compère assis sur le tonneau. Un geste de ce dernier et ils se dispersèrent aux quatre coins de la cité, pour observer le chaos à venir. Un éclair avait brièvement éclairé la scène, à peu près au moment où les êtres vêtus de noires avaient assassinés froidement l'égoutier qui en savait trop. Et cet éclair avait très furtivement révélé la peau des formes humanoïde. Une peau dorée.

  A quelques centaines de mètres de là une autre tragédie commençait. A la plus grande stupéfaction des civils et des gardes les plaques d'égouts se soulevaient et les trottoirs étaient éventrés, laissant passer des abominations dénués de toute raison. Des liches, des béhémoths et tout un cortège d'horreur qui fondaient sur les cibles mouvantes qui encombraient les rues, dans un flot de sang. Cette nuit là, la cité impériale sombra dans le chaos.
  

  

***

  Pendant ce temps là, au Palais Impérial, Chambre du Prince Cadet.

  Qu'il était bon d'avoir du temps libre se dit le Prince Ebel, affalé sur son lit. Ces derniers temps son auguste père sollicitait de plus en plus ses fils pour leur confier diverses affaires d'état. Il y a encore une semaine il était au Marais Noir en train de négocier un traité commercial avec l'ennuyeux représentant des maisons des marais. Il avait eu le plus grand mal à cacher sa haine viscérale des races animales. Si encore il avait eu affaire à des elfes. Il trouvait les elfes arrogants mais ils avaient des raisons, eux. Objectivement, selon Ebel, le Domaine Aldmeri était l'ensemble le plus civilisé de Tamriel. Sans parler des prouesses historiques des dunmers. Tandis que ces monstrueux hommes bêtes… brrr. Comment osaient ils parler d'égal à égal avec un Prince et Pair de l'Empire ? Le frisson de dégoût et de colère subit qui parcourut son corps fit ouvrir un œil – refermé immédiatement - à la superbe créature lovée contre lui. Emeria Von Bhrürer, fille d'un Duc et Pair de l'Empire, dont les beaux yeux bleus étaient, aux yeux d'Ebel, aussi séduisants que les courbes de son jeune corps de quatorze ans. Bien sûr Ebel se disait parfois qu'il était un peu immoral de prendre de si jeunes maîtresses et que si son travers était connu du bon peuple celui ci pourrait bien revoir son opinion sur le bon prince.

  Mais d'un autre côté, comment résister – et comment elle aurait elle pu résister, avec la généreuse dose de drogue disposée dans son plat, au banquet ? Et puis il était prince nom de bleu, rien ne pouvait l'empêcher de faire quelque chose, en dehors d'un ordre de son père. Père qui fermait bien volontiers les yeux sur ses travers, tout affaibli qu'il était par l'âge et le manque de résolution. Ebel eut un sourire félin sonna la cloche. Aussitôt son majordome entra dans la chambre , enroula le corps juvénile dans les draps et se dirigea vers les appartements de la jeune duchesse, où il allait déposer Emeria, qui le matin arrivé ne se souviendrait de rien mais subirait malgré tout un traumatisme plein de dégoût inexpliqué.

  Bien sûr, Ebel vit l'étincelle de dégoût dans les yeux du serviteur, malgré la discrétion de celle ci. Bien sûr il savait que les rares au courant de son secret le considérait comme un ogre immonde, un être contre nature qui agissait encore comme dans les temps anciens, quand forcer les enfants était encore monnaie courante dans les classes dirigeantes. Mais qu'importe ! Il était prince de l'empire que diable ! Toujours nu comme un vers le Prince se dirigea vers la salle d'eau où il fit un brin de toilette et enfila une robe de chambre de soie pourpre particulièrement seyante. Puis il coiffa ses cheveux blancs-platine en une coupe longue et se dirigea vers le balcon de sa vaste chambre, un sourire aux lèvres, fredonnant un air populaire. Arrivé sur le balcon il profita de la vue plongeante qu'il avait sur le Joyau-Capitale de l'Empire. Soudain des bruits parvinrent à ses oreilles. S'orientant sur le côté ouest du balcon il vit des colonnes de fumée partir du Quartier des Diamantaires, puis rapidement de toute la cité. Une monstrueuse cacophonie mélangeant bruits de lutte, hurlement de terreur et explosions se fit bientôt entendre jusqu'à devenir omniprésente. Et puis, après le bruit et la fumée vint une terrible odeur de morts, de morts en tout genre, chair brûlée, chair pourrie et un entêtant parfum de sang.

  La terreur saisit le Prince Cadet Ebel. En ses cinquante trois ans d'existence il avait rarement eu un sentiment d'horreur aussi tenace, même pendant les Campagnes de l'Est. Il s'apprêta à sortir pour savoir ce qui se passait mais fut coiffé au poteau par les lames qui enfoncèrent sa porte, investissant la Suite Princière. Ils étaient au nombre de douze, les membres de ce corps d'élite chargé de la protection des Empereurs et des Princes de l'Empire impressionnait toujours autant Ebel que quand il était tout gosse et qu'il assistait aux défiles de l'Ordre avec son Impérial Papa, dans la Grande Cour du Palais. Le Capitaine Mallon, responsable de la sécurité du prince Ebel s'apprêta à ouvrir la bouche pour parler. Quand son corps – et ceux des autres Lames également - explosa en mille morceau, projetant du sang un peu partout. Ce qui pouvait sans doute poser quelques menus soucis d'élocution.

  Ebel avait fait suffisamment d'études pour savoir que le détachement émotionnel qu'il ressentait devant la mort de ses hommes était le fait d'un puissant sortilège de calme. Dont l'auteur probable venait d'apparaître derrière lui, comme sorti du Néant, dans une lumière bleuâtre. Il s'agissait d'un mer, cela était sûr. Il était vêtu d'une robe de soie rouge pleine de fioritures complexes et de dorures. Ses cheveux étaient noirs de jais, pourvus d'une queue de cheval assez longue, il était de taille moyenne, un peu comme un dunmer ou un humain. Normal jusque là. Sauf qu'il avait la peau dorée, comme les anciens chimers des légendes.

  Ebel n'eut guère le temps de s'interroger sur ce mystère : l'étranger fut devant lui en un pas et lui tint le bras fermement. Aussitôt la pièce sembla se dissoudre et le prince fut aveugle pendant quelques secondes. Quand il retrouva l'usage de la vue il se trouvait agenouillé sur le sol d'une vaste salle décorée avec goût. Des beaux meubles de bois précieux étaient judicieusement disposés, des tableaux d'artistes connus accrochés aux murs. Au centre de la pièce il y avait un siège de merisier doré de feuilles d'or sur lequel était assis un chimer – le Prince ne voyait pas d'autre explication – différent de son kidnappeur. Nérévar. Ebel le reconnut immédiatement car si ses yeux étaient devenus d'un bleu glacé et sa peau dorée comme un lingot de métal précieux, la forme de son visage était identique. Le Prince voulut articuler quelque chose mais aucun son ne sortit. Nérévar parla donc pour deux.

- C'est un plaisir, Votre Altesse Impériale. Je vais vous décrire votre situation en quelques mots. Vous êtes le prince d'un Empire dont la capitale est en ce moment même victime de tels troubles qu'elle risque d'être détruite avant la fin de la journée. Il se pourrait aussi qu'elle subsiste mais de toute façon la Cité Impériale souffrira tant que l'Empire des hommes sera, à peu de choses près, décapité. Vous êtes désormais fils unique car j'ai fait tué Geldall et Enman. Toutes mes condoléances d'ailleurs, mais c'était nécessaire. Je dois ajouter que votre père mourra sous peu si mes prévisions sont exactes – et elles le sont toujours. Pourquoi êtes vous en vie ? Pour qu'un rejeton de la lignée impériale subsiste. Vous serez bientôt mis dans une cuve de substance alchimiste pour être gardé en vie éternellement. Sous la forme d'un légume, je le crains. Ce n'est pas tout. Je détiens aussi l'amulette des rois. Je n'y toucherais pas, n'ayez crainte. Je crains aussi de ne pas pouvoir vous expliquer pourquoi je souhaite garder un prince en vie – surtout vous, méprisable larve, violeur d'enfant, lâche, sans compétence guerrière - et en sûreté ainsi que l'amulette. Le motif est métaphysique, empreint de divin, et dépasse votre compréhension aussi bien que vos connaissances. Dernière chose : vous vous trouvez à Longsanglot que j'ai conquis et je proclamerais bientôt la sécession de Resdayn vis à vis de votre Empire. Je serais couronné dans le même temps. Maintenant, disposez.

  L'ancien roi claqua des doigts et le Prince s'effondra au sol tandis que deux chimers en habits de Grands Ordonnateurs pénétrèrent dans la salle, s'inclinèrent, emportèrent l'auguste corps inconscient, fermèrent la porte, leur dernière vision de la salle se résumant à un sourire satisfait de leur maître.

Modifié par Brosys, 25 décembre 2008 - 19:57.





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