A L'ECOUTE DE SES REVES
Drame en cinq actes avec malédiction, pugilat et danses lascives.
Anonyme.
Dramatis Personae :
Le Prologue
Théodard Amaury, Baron de D.
Lysyvyra, la Plus Jeune Fille du Baron
Rodastyr Gaerwing, un Chevalier au Corbeau
Ambrosius, un Prêtre de Julianos
Omen, un Sorcier Malfaisant
Vaernima, une Princesse Daedra
Leno Ashsmith, un Ecuyer Lubrique
Kiseena, une Confidente Khajiit
Le Chambellan
Un Bourreau
Deux Gardes Idiots
Des Jeunes Filles Légèrement Vêtues
L’Epilogue
Acte Premier
Scène 1
Devant le rideau baissé.
(Entrée en scène du Prologue.)
LE PROLOGUE: Bienvenue, bienvenue, bonnes gens de [ajouter ici le nom du trou paumé où l'on représente la pièce] ! Je ne saurais vous dire à quel point cela me fait plaisir de voir que vous êtes venus si nombreux, malgré le froid et la nuit tombante. Pas plus que je ne saurais vous dire combien doit être grand le soulagement du directeur de la troupe. Oh, ce n'est pas sans raison qu'il s'inquiétait à propos de la représentation de ce soir, remarquez, attendu que, pour quelque obscure raison, cette pièce n'a pas eu un accueil très chaleureux en Hauteroche. Hah ! Les gardes de Glenpoint nous avaient même expuls... Hem ! Peu importe.
Quoi qu'il en soit, vous avez eu raison de venir ici ce soir, bonnes gens de [nom du patelin] ! Car vous verrez une pièce exceptionnelle qui plaira à tous ! Appréciez-vous les Infâmes Personnages trafiquant avec des Forces Démoniaques Dépassant l'Entendement Humain ? Les Prêtres Imbus de Leur Personne ? La séduction que dégagent d'Ingénues Jeunes Filles de Noble Lignage ? Les combats épiques ? Les conspirations contre le pouvoir établi ? Les effets spéciaux magiques renversants ? Cette pièce contient tout cela, et bien plus de choses admirables encore ! Tantôt, Mesdames, vous verrez à quelles tragiques extrémités la force irrésistible de l'Amour peut conduire une âme enamourée ! Tantôt, Messieurs, vous assisterez à de mortels combats et à des danses lascives exécutées par de fort accortes jouvencelles !
Et par-dessus le marché, votre serviteur le Prologue vous promet une Fin des Plus Inattendues! Vous pouvez me faire confiance : vous n'êtes pas prêts d'oublier cette soirée.
Bien... je n'ai déjà que trop parlé et les autres acteurs devraient avoir fini de préparer le décor à présent. Ouvrons donc l'intrigue sur les sombres souterrains d'un château en ruine, où deux gardes commencent à s'inquiéter.
(Le Prologue sort.) (Le rideau se lève.)
Scène 2
Un obscur corridor de pierres, le huitième jour de Hautzénith, au soir.
(Entrent précautionneusement deux gardes, portant des torches. Ils chuchotent et regardent nerveusement à l'entour alors qu'ils avancent lentement vers la partie gauche de la scène.)
PREMIER GARDE (claquant des dents) : Je... j’aime pas ça... On n’aurait p-p-pas dû entrer...
SECOND GARDE : La ferme.
(Bref silence.)
PREMIER GARDE : Descendre ici était une m-m-mauvaise idée. Et si on tombe nez à nez avec un
m-m-mort-vivant ?
SECOND GARDE : J'ai dit "la ferme" !
(Bref silence)
PREMIER GARDE : On m'a dit que certains de ces m-m-monstres étaient invulnérables. Que l'acier peut pas les blesser, juste les mettre plus en rogne encore.
SECOND GARDE : Je t'ai pas dit de la fermer ?
PREMIER GARDE (s'arrêtant subitement) : Chut !
SECOND GARDE : Quoi ? quoi ?
PREMIER GARDE (montrant le fond de la scène) : J'ai entendu grincer quelque chose, par là !
(Bref silence.)
SECOND GARDE : J'entends rien.
(Bref silence.)
PREMIER GARDE : Ooooh ! Stendarr ! Aie pitié d'un p-p-pauvre Breton !
SECOND GARDE : Y a rien là-bas.
PREMIER GARDE : Je suis sûr que j'ai entendu quelque chose !
SECOND GARDE (avec un soupir) : Par Julianos ! Tu veux que j'y aille jeter un oeil ?
PREMIER GARDE : Non ! S'il te plaît, non ! M-m-me laisse pas tout seul dans le noir !
SECOND GARDE : Dans le noir ? Tu portes une foutue torche !
PREMIER GARDE : N'y va pas quand même ! Ca... ça déchirerait ton visage et sucerait tes boyaux et je... je... je crois pas que j'arriverai à me frayer un chemin tout seul jusqu'à l'entrée...
SECOND GARDE : Ecoute, mon vieux. D'une, cette saleté d'entrée est juste à cinq mètres d'ici. De deux, il n'y a absolument rien derrière cette colonne. Rien, c'est vu ? De trois, on est entré pour découvrir pourquoi le Chevalier Gaerwing revient pas et on retournera pas en arrière jusqu'à ce qu'on l'ait trouvé. Vivant. Et qu'on se soit chargé de ce nécromancien dont on doit se charger ! De quatre...
PREMIER GARDE : Mais... mais... mais... le Chevalier nous a dit de l'attendre à l'entrée. De n-n-nous assurer que le sorcier file pas par là !
SECOND GARDE (les yeux au ciel) : Ca ! Je m'demande bien pourquoi il nous a pas demandé de l'accompagner.
PREMIER GARDE : On a des ordres ! On devrait re-retourner dehors et l'at-t-tendre !
SECOND GARDE : Tu te souviens pourquoi qu'on est entrés ? Le bruit bizarre que tu as dit avoir entendu dans les bois ? Et les yeux brillants que t'as vu dans les fourrés ? T'as dit que rien ne pouvait être pire qu'attendre dehors sans savoir ce qui était arrivé au Chevalier Gaerwing.
PREMIER GARDE : J'a... j'avais tort ! Tout ce que je veux c'est sortir de cet horrible endroit !
(Un hurlement effrayant s'élève de la gauche.) (Le Premier Garde s'enfuit vers la droite.)
Scène 3
SECOND GARDE (criant à l'adresse du Premier Garde) : Lâche ! Sale lâche ! Reviens ! Reviens tout de suite !
(Bref silence.)
SECOND GARDE (s'adressant à l'extrémité gauche de la scène) : J'ai pas p-p-peur ! Montre-toi si t-t-tu l'oses ! Je... je t-t-t'attends !
(Second hurlement.)
SECOND GARDE (s'enfuyant à son tour et criant au Premier Garde) : Hé ! Attends-moi !
Scène 4
(Troisième hurlement s'achevant sur un gargouillis.) (De la gauche entre Rodastyr Gaerwing, essuyant la lame de sa claymore.)
RODASTYR GAERWING : Ce que ces zombies peuvent être agaçants ! Bon sang ! J'ai même ébréché mon épée sur le dernier. (Soupir.) Je vais devoir rendre une autre visite au forgeron de l'Ordre. (Il s'arrête et regarde à l'entour.) Bon. Quoi qu'il en soit... si je ne fais pas erreur, ce passage secret m'a ramené à l'entrée. Etrange. J'ai exploré avec soin la place forte tout entière, et toujours aucune trace de ce nécromancien. Mmmh... Réfléchissons. Il y avait bien une bouilloire, toujours sur le feu, en bas... et comme je suppose qu'aucun de ses mignons ne consomme de thé à la menthe... Supposons qu'il m'ait entendu lorsque ce gardien squelette s'est écroulé contre la porte de son laboratoire et qu'il se soit enfui... Ce serait très probablement par ce passage secret... et s'il l'a fait, il devrait se trouver quelque part dans les environs.
OMEN (dissimulé derrière une colonne, à l'arrière-plan) : Merde !
RODASTYR GAERWING : Nécromancien Omen, je présume ?
OMEN (s'approchant précautionneusement de l'avant-scène) : Heu... j'espère que vous n'allez pas vous montrer violent à nouveau. Je me rends, vous voyez, alors vous n'avez pas besoin de pointer cette épée vers ma gorge.
RODASTYR GAERWING : Vous vous rendez ?
OMEN : Evidemment que je me rends. Vous avez massacré toute ma maisonnée -ce qui était, indépendamment du fait qu'ils étaient pour la plupart tous déjà morts, une façon plutôt indélicate de vous annoncer. Et maintenant, vous menacer un vieil homme avec votre arme, un autre comportement assez déplacé pour un Chevalier, si vous voulez mon avis. N'importe qui avec un soupçon de bon sens -et aucun moyen de s'enfuir- se rendrait.
RODASTYR GAERWING : Oh, je vous en prie ! Ecoutez-vous parler ! Seriez-vous en train d'essayer de me faire passer pour un criminel ? Vous êtes un nécromancien bien connu ! Et quant à votre maisonnée ils n'étaient rien d'autre qu'un ramassis de mort-vivants assoiffés de chair humaine !
OMEN : Et quoi ? En tant que bon et brave chevalier, cela vous autoriserait donc à fracturer ma serrure, les détruire, et me faire violence ? J'imagine que si j'étais une jeune sorcière, vous m'auriez violentée dans la foulée, le tout au service de la Justice ?
RODASTYR GAERWING : Ecoutez, Omen. J'ai reçu l'rdre de sa seigneurie le Baron Amaury de vous arrêter. Les villageois de Vanborne se plaignent de toutes ces disparitions, des profanations du cimetière local et des hurlements continuels qui résonnent en ces lieux.
OMEN : Qui veut brûler son voisin l'accuse de servir l'usurpateur Camoran.
RODASTYR GAERWING : J'ai vu votre laboratoire et tous ces corps... et ce que vous avez... fait aux villageois que vos serviteurs ont enlevés. Alors je crains qu'une discussion surréaliste et un proverbe dénué de sens ne suffisent pas à me convaincre de votre innocence. Aucun acte ne saurait être plus approprié aux idéaux chevaleresques que de vous empêcher de nuire.
OMEN (applaudissant) : Quel acte noble, en vérité ! Bravo ! Bravo ! (Avec ironie.) Vous ne seriez donc pas venu ici en vue d'obtenir quelque récompense personnelle ? Comme la main de la plus jeune fille du Baron, par exemple ?
RODASTYR GAERWING : Par Arkay ! Comment avez-vous...?
OMEN : Et vous êtes-vous demandé pourquoi le Baron Amaury se soucie si soudainement du sort des gens de Vanborne ? Cela fait des années qu'ils quémandent son aide.
RODASTYR GAERWING : ...
OMEN : Alors, si vous êtes ici pour me livrer aux bourreaux du Baron, je vous prie de ne pas avoir le culot de me dire que vous agissez par amour du Bien, de la Justice et de la Chevalerie, alors que toute cette affaire relève principalement d'intérêts personnels. Oh, ne vous inquiétez pas. Je vous suivrai malgré tout, puisque j'y suis destiné. Mais je doute fortement que cela vous aide à obtenir cette demoiselle dont vous êtes tant épris. Votre Baron se sert de vous, tout comme il se sert des gens de Vanborne. Il reviendra sur sa parole, vous pouvez me croire.
(Exeunt Omen et Rodastyr Gaerwing.) (Rideau.)
Scène 5
Devant le rideau baissé.
(Entrée en scène de l'Epilogue.)
L'EPILOGUE : Et bien il semblerait que nous en ayons fini avec le premier acte. Mouais. Je ne peux pas dire que j'aie été convaincu par cette interprétation. Omen s'était si mal caché derrière sa colonne en carton que j'ai clairement entendu quelqu'un, au sein de notre cher public, demander "Que diable fout ce vieux débris au fond de la scène ?" et ce au tout début de la seconde scène. Et bien, mon ami au regard pénétrant, je crains que vous n'ayez ruiné tout l'effet dramatique de son apparition soudaine deux scène plus tard, attendu que tout le monde avait les yeux fixé sur lui et lui faisait signe de s'en aller.
(Soupir.)
Enfin, j'espère que vous ne vous sentez pas trop coupable si la première partie de notre pièce n'était pas si bonne. Parce que le dramaturge est sans doute bien plus coupable que vous. Vous avez remarqué cette erreur -pourtant fondamentale- qu'il a commise ? Nous avons dû endurer ses dialogues peu inspirés pendant tout un acte sans qu'il nous permette ne serait-ce que d'apercevoir une actrice ! C'est tout simplement honteux. Quoi qu'il en soit, vous ne devriez pas quitter vos places : je sais de source sûre que la pièce va devenir bien plus intéressante dès le second acte.
(Silence embarrassé.)
Du moins, je l'espère.
En toute franchise.
(L'Epilogue sort.)
Ainsi s'achève l'Acte Premier.