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[h] La Femme De Chambre Argonienne


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#1 redolegna

redolegna

    Les vacances de Monsieur Hulot


Posté 09 avril 2006 - 18:33

La Femme de Chambre Argonienne,
Par Crassus Curio

Personnages :
Lève-la-Queue, esclave argonienne
La Maîtresse, propriétaire de Lève-la-Queue, femme du Maître et amante de Crantius Colto
Le Bourreau
Le Maître, propriétaire de Lève-la-Queue et mari de la Maîtresse
Le Prêtre, membre du clergé de Mara
Crantius Colto, administrateur du quartier étranger de Vivec, amant de la Maîtresse
Un Dignitaire des Lanternes Jumelles
Un Membre de la Guilde des Voleurs


L’action se déroule à Vivec et commence le 23 Soufflegivre. Elle est presque uniquement concentrée dans le manoir du Maître : demeure Impériale, montrant une grande richesse de ses habitants, mais sans trop d’ostentation. En revanche, les toilettes de la maîtresse sont très sophistiquées et les vêtements de Crantius Colto sont typiquement ceux d’un récent parvenu impérial.



Acte I : dans la chambre de la Maîtresse


Scène I (la Maîtresse, Lève-la-queue)

La Maîtresse : Je t’y prends encore, sale petite esclave ! Tu as essayé de me voler ma broche une fois de plus !

Lève-la-Queue : Pitié, maîtresse, pitié ! Lève-la-Queue est une bonne esclave ! Elle ne vole pas les objets de sa maîtresse, oh non, pas Lève-la-Queue !

La Maîtresse : Tais-toi, tu mens ! Je t’ai vu faire semblant de nettoyer ma chambre et maintenant ma broche a disparu ! Il n’y a que toi qui as pu la prendre, ne le nie pas. Ça ne te servira à rien de protester de ton innocence, tous les esclaves se valent ! Ah que je regrette ma propriété de Cyrodiil où j’avais de vrais domestiques ! Mais vous autres, les Argoniens et les Khajiits, n’êtes bons qu’à vous emparer de tout ce qui brille ! Ah ! Vous ne méritez pas de vivre, vous n’êtes que des bêtes. Je devrais te vendre à la mine de Caldéra pour t’apprendre à voler.

Lève-la-Queue : Oh, non, maîtresse, non ! Lève-la-Queue a entendu des histoires terribles sur la mine de Caldéra, terribles ! Les Argoniens qui vivent là-bas sont fouettés chaque jour s’ils ne ramènent pas assez de minerai et Lève-la-Queue ne sait pas creuser !

La Maîtresse : Alors comme ça, tu crains les coups de fouets ? Très bien, je ne vais pas t’envoyer à la mine, après tout. Mais par contre…

(Elle claque des mains ; le Bourreau entre, un fouet à la main)

La Maîtresse : Tous les dix coups, je te reposerai la question : qu’as-tu fait de ma broche ? Si tu refuses de répondre, dix coups de plus. Très simple à comprendre, même pour une femme-lézard. Et si vraiment tu t’entêtes, je te ferai fouetter jusqu’à ce que tu en meures.

(Le Bourreau lève son fouet)

Lève-la-Queue : Lève-la-Queue est une bonne esclave ! Lève-la-Queue ne vole pas, non, pas elle ! Pitié, maîtresse !

(Le Bourreau la fouette)

Lève-la-Queue : Lève-la-Queue a mal, oh oui, bien mal, mais Lève-la-Queue ne sait pas où est la broche de la maîtresse, elle ne sait pas, elle le jure par Z’en !

La Maîtresse : Je t’ai interdit de jurer par tes idoles païennes ! Je n’accepterai pas que l’on parle d’autres dieux dans ma maison que les Neuf !

Lève-la-Queue : Mais Lève-la-Queue ne sait pas, ne sait pas ! La maîtresse se trompe !

La Maîtresse : Tu m’insultes, à présent ? Bourreau, donne-lui trente coups de plus ! Et verse du sel sur ses plaies !

Lève-la-Queue : Maîtresse, maîtresse, Lève-la-Queue croit avoir vu la broche, maîtresse !

La Maîtresse : Où ça, misérable voleuse ? Où donc l’as-tu vu ?

Lève-la-Queue : Dans vos cheveux, maîtresse, dans vos cheveux ! Vous la portez et vous faites battre injustement la pauvre Lève-la-Queue !

La Maîtresse : Ah, ah ! Oui, bien sûr, j’avais complètement oublié que je l’avais mise ce matin. Très bien, bourreau, donne-lui encore cinq coups de fouets pour avoir mis ma parole en doute et laisse-la retourner à ses occupations.

(La Maîtresse sort ; le Bourreau donne encore des coups de fouets à Lève-la-Queue, puis sort)


Scène II (Lève-la-Queue)

Lève-la-Queue : Pauvre, pauvre Lève-la-Queue ! Elle souffre beaucoup à cause de sa maîtresse. Mais Lève-la-Queue ne doit pas plaindre, car Lève-la-Queue a bien de la chance de travailler ici plutôt que dans la mine de Caldéra ou pour un des sorciers Telvannis. Le cousin de Lève-la-Queue lui a raconté une histoire terrible sur ce qui arrive aux esclaves des mages ! Une histoire avec de gentils hommes de la légion, tués par une méchante femme, qui s’appelait Xyr ! Alors Lève-la-Queue est bien contente de travailler à Vivec plutôt que chez les mages ou dans les plantations des Hlaalus. Lève-la-Queue a bien entendu raconter des histoires sur le Marais Noir et la mère de Lève-la-Queue lui parlait du pays des hommes-lézards quand elle vivait encore… Mais Lève-la-Queue ne voit pas comment l’on peut vivre dans un marais, sans sol, et humide ! Alors Lève-la-Queue ne regrette pas de ne pas y vivre, parce que la maison de la maîtresse est confortable et chaude, même pendant le mois de Soufflegivre. Mais Lève-la-Queue s’est assez lamentée : elle doit nettoyer la maison de la maîtresse entièrement, parce que la maîtresse attend deux visiteurs très importants. Et la maîtresse a même dit à Lève-la-Queue qui elle attendait ! Un prêtre du Culte et un monsieur très riche et très beau, qui s’appelle Crantius Colto.

(On toque à la porte ; Lève-la-Queue va ouvrir ; le Prêtre entre)


Scène III (Lève-la-Queue, le Prêtre)

Le Prêtre : Que Mara bénisse la chaleur de cette maisonnée ! Ce n’est pas un temps à mettre un prêtre dehors, même pour célébrer une fête. Mais je manque à toutes les convenances. Le bonjour, jolie damoiselle.

Lève-la-Queue : Oh, monseigneur veut se moquer, Lève-la-Queue n’est pas jolie. Il n’y a que les Impériales qui soient belles, tous les hommes et les femmes-bêtes sont laids, la maîtresse le répète souvent.

Le Prêtre : Monseigneur ? (Il éclate de rire) En voilà une promotion ! Mais tu te trompes, gentille Argonienne. Il n’y a pas que les Impériales qui soient belles, loin de là ! Tu n’es peut-être pas plaisante aux yeux de ta maîtresse, et elle dit peut-être cela parce qu’elle est jalouse de toi, mais je t’assure que certains de mes amis qui viennent du Marais Noir te trouveraient fort à leur goût.

Lève-la-Queue (méprisante) : Ah, le Marais Noir ! Il n’y a que de la racaille, là-bas ! La maîtresse le dit sans cesse et Lève-la-Queue croit ce que dit la maîtresse.

Le Prêtre (interloqué) : Au nom d’Arkay, comment peut-on dire une chose pareille ! Ta maîtresse t’a appris cela , Alors ta maîtresse ne te veut pas de bien, et elle a mal agi. Le Marais Noir est une province très intéressante pour qui veut la contempler. On l’appelle aussi Argonia (Lève-la-Queue relève la tête, surprise), oui, Argonia, encore que ta race n’aime guère ce nom elfique.

Lève-la-Queue : Ma race ? Qu’est-ce que cela ? Lève-la-Queue n’est pas une humaine, ce n’est qu’une bête.

Le Prêtre (pâle) : Par les Neuf, voilà qui est inconcevable ! Ta maîtresse t’a inculqué des leçons bien peu appropriées ! Tu n’es pas humaine, cela est vrai, mais tu n’es pas un animal, bien au contraire. Tu sais penser, parler un langage, projeter ton esprit dans le futur… Tu as accès au divin, toi aussi. Crois-tu qu’un guar ou un alit en serait capable ?

Lève-la-Queue (les yeux de nouveau baissés) : Lève-la-Queue ne sait pas… Lève-la-Queue ne comprend pas tout ce que lui raconte le gentil prêtre.

Le Prêtre (toujours pâle, mais de fureur) : Hélas, trois fois hélas, mon chapitre n’a pas de quoi te racheter à ta maîtresse. Sans quoi, je pourrais t’arracher à son influence. Mais, qu’est-ce donc que ces traînées blanchâtres sur tes écailles ? On t’a fouettée ?

Lève-la-Queue : Oui, car Lève-la-Queue ne s’est pas bien comportée. Lève-la-Queue a mérité son châtiment.

Le Prêtre (la voix sifflante) : Il suffit, mon enfant. Je ne peux plus supporter de te voir te résigner ainsi à ta servitude. J’étais venu ici car la maîtresse de maison m’avait appelé pour célébrer le Diamant brisé avec son mari et le noble Crantius Colto, et je ne manquerai pas à mon devoir. Mais je reviendrai souvent en cachette et je t’apprendrai à penser par toi-même, qu’en dis-tu ?

Lève-la-Queue : Lève-la-Queue veut bien, si la maîtresse est d’accord.

Le Prêtre : Avec ou sans son autorisation, je reviendrai t’éduquer.

(Ils sortent)


Acte II : dans la chambre de Crantius Colto


Scène I (Lève-la-Queue, le Prêtre)


Le Prêtre : Non, Lève-la-Queue, non. Fais attention à ce que tu lis, articule soigneusement et assure-toi de bien comprendre chaque mot. Inutile de vouloir arriver au bout du livre d’un trait, la lecture est un art difficile à maîtriser pour qui ne l’a pas pratiquée dans sa prime enfance. Reconcentre-toi, et recommence.

Lève-la-Queue : J’ai eu… l’acco… l’occasion de… noter… que… les habitants du cœur de l’empire… dont je fais… partie… et les… citoyens des autres… races… assi… assimilées à l’empire… ont, pour la plupart, une relation inform… informelle… et… et… impersonnelle (elle lève les yeux vers le prêtre pour rechercher son assentiment sur ce mot ; il hoche la tête, approbateur)… avec leurs dieux et leurs esprits.

Le Prêtre : Mes compliments, Lève-la-Queue. Ta diction et ton phrasé font des progrès à chaque minute qui passe. Je dois dire que je n’ai jamais vu un Argonien (ni même un humain ou un Dunmer) apprendre aussi bien l’alphabet cyrodiilique à l’âge adulte et lire aussi vite. Cela ne fait même pas un mois que je te donne des leçons et je suis agréablement surpris.

Lève-la-Queue : Vous êtes trop bon avec Lève-la-Queue, monsieur le prêtre.

Le Prêtre : Pas du tout, ma chère enfant, pas du tout. Julianos en soit loué, tu es dotée d’une intelligence exceptionnelle, mais ta maîtresse s’est attachée à détruire toute ta volonté. Heureusement, elle n’a pas pu t’aliéner tout à fait, sans quoi, tu serais restée ignorante jusqu’à ta mort… Mais tu dois encore faire quelques progrès en grammaire : cesse de parler de toi comme si tu étais un être désincarné. Ose dire « je », ce qu’on t’a si longtemps privé de faire. Tu verras, une fois que tu te seras pensée comme être à part entière, avec un « je », tu ne te mépriseras plus comme tu le fais.

Lève-la-Queue : Lève-la-Queue va essayer (le Prêtre esquisse une grimace comique). Pardon, cela n’est pas naturel à Lève-la-Queue. Lève-la-Queue veut dire : cela ne m’est pas naturel. Oui, Lève-la-Queue a réussi ! Je… j’ai réussi… Oh, merci, monsieur le prêtre, merci, Lève-la-Queue vous remercie… Non, je vous remercie.

(La porte s’entrouvre)

Le Prêtre : Vite, Lève-la-Queue, donne-moi ce livre ! Si on me prend à t’apprendre à lire, tu risques la mort !


Scène II (Lève-la-Queue, le Prêtre, le Maître, Crantius Colto)

Le Maître (sans remarquer Lève-la-Queue et le Prêtre) : Vous avouerez que les agissements criminels de ces… comment dites-vous ? Lanternes Jumelles, c’est cela, ne nous sont guère profitables. Pour l’instant, ces abolitionnistes se contentent de libérer les esclaves (Lève-la-Queue sursaute), mais qui sait s’ils ne décideront pas de s’en prendre aux maîtres ?

Crantius Colto (même jeu) : Assurément, mais si je vous conseille de traiter avec eux, c’est pour que vous connaissiez leurs chefs… De cette façon, rien de plus facile que d’écrire une lettre les dénonçant à Bérel Sala. J’intercéderai en votre faveur auprès de lui (il me doit quelques services) et il fera un magnifique coup de filet en les arrêtant. Le malheureux a bien besoin de redorer son blason depuis que trois prêtres dissidents ont échappé à la vigilance de ses Ordonnateurs et ont placardé leurs prophéties sur les murs.

Le Maître : Certes, cela est juste, mais ces procédés me répugnent. Je ne traitais point mes affaires ainsi à Anvil.

Crantius Colto : Hélas pour vous, nous ne sommes pas dans la province impériale. Autres lieux, autres mœurs : d’ailleurs vous savez ce qu’on chante sur le Morrowind… En Vvardenfell, celui qui montre une faiblesse est perdu. Il vous faut être ferme devant l’adversité et mettre vos principes de côté pour l’instant. (Lève-la-Queue et le Prêtre réussissent à se glisser sans bruit dans un placard)

Le Maître (sèchement) : Les Dunmers doivent alors fortement déteindre sur votre moralité, Colto. Je vous ai vu essayer de lutiner mon esclave argonienne, Lève-la-Queue, à chaque fois que vous la croisiez.

Crantius Colto (gêné) : J’espère que cela ne vous a pas irrité outre mesure…

Le Maître (radouci) : Non. C’est une esclave, après tout, elle doit se plier aux désirs des autres. Faites-en ce que vous voudrez, peu m’importe après tout. Mais n’allez pas l’abîmer, ma femme s’en charge suffisamment.

Crantius Colto (soulagé, et d’une voix paillarde) : Ah, saviez-vous, mon cher, que malgré ma richesse et les fonctions que j’exerce comme administrateur du quartier étranger, je n’ai jamais eu l’occasion de soumettre à mes caprices une Argonienne ? Votre offre me fait grand plaisir, et je compte en profiter dès que possible (Lève-la-Queue étouffe un cri). Je frémis d’excitation à l’idée de serrer contre moi les écailles de cette petite, ah oui, vraiment ! L’idée ne vous émoustille-t-elle pas ?

Le Maître (froidement de nouveau) : Je suis fidèle à ma femme et compte le rester, Colto.

(Il sort)

Crantius Colto (ricanant) : L’inverse n’est pas vrai, petit coq borné ! J’ai dû étreindre le corps de cette charmante garce vingt fois plus que toi. Et ce, dès ta nuit de noces, mari cocu ! Ah ! Tu ne t’es même pas rendu compte que je l’avais défloré avant que tu la rejoignes dans son lit ? Imbécile ! Le sang tâchait les draps et ses cheveux étaient dénoués ! Oh, mais j’y suis, la lumière en un tel moment t’aurait répugné ! Et la petite Lève-la-Queue n’a eu qu’à changer la literie dès votre lever à tous deux pour que mon forfait passe inaperçu. Mignonne petite ! Ma sauveuse, qu’il me tarde d’enfourcher ! (Lève-la-Queue étouffe un nouveau cri ; Crantius Colto dresse l’oreille) Personne ? J’avais pourtant cru entendre… Bah ! Où en étais-je ? Ah oui, la petite Lève-la-Queue ! Un nom bien approprié, ah, ah ! Sa maîtresse ne m’excite plus autant qu’avant, hélas… je l’ai trop possédée, je la connais sous tous ses angles et ses chairs ne sont plus aussi fermes et élastiques que quand nos corps se sont entrelacés pour la première fois… Je m’en suis lassé, c’est vrai, je ne la culbute plus que par routine. Mais à moi le renouveau ! A moi l’Argonienne ! Peut-être même parviendrais-je même à convaincre la maîtresse de la petite de la faire entrer dans notre lit par jeu ? Voilà qui serait amusant ! Mais d’abord, je veux avoir cette Lève-la-Queue au moins une fois à moi tout seul. Je suis sûr qu’elle est vierge comme à sa naissance, et tout aussi innocente, la petite sotte ! Son maître dit sans doute vrai quand il affirme qu’elle ne l’intéresse pas : il n’arrive déjà pas à satisfaire sa chère et tendre ! Ah, bientôt je goûterai des délices insoupçonnées !

(Il sort ; Lève-la-Queue et le Prêtre reviennent au centre de la pièce)


Scène III (Lève-la-Queue, le Prêtre)

Le Prêtre : Quel comportement scandaleux ! Comment ton maître peut-il oser te livrer en pâture à un tel homme, si dénué de morale ?

Lève-la-Queue : Quel homme affreux ! Je ne veux pas faire ce qu’a dit mon maître, non, non, non ! Je suis sûre que j’en mourrais !

Le Prêtre : Mais, mon enfant ! Tu as réussi à te considérer comme un être à part entière ! Tu te définis comme un « je » et tu te rebelles contre l’autorité de ton maître ? Mes efforts aboutissent !

Lève-la-Queue : Ah, oui, je parle normalement, maintenant ! Sans doute la surprise ! Mais que faire contre ce Crantius Colto ? S’il me veut, il m’aura ! Il n’a qu’un mot à dire, et la moitié de Vivec me retiendra sous lui pendant qu’il prendra son plaisir et l’autre moitié l’acclamera !

Le Prêtre : Voilà un problème qui s’avère ardu, en effet. Je ne vois pas comment te soustraire à l’influence de ce monstre à corps d’homme.

Lève-la-Queue : Mais, bon prêtre, il y a peut-être un moyen !

Le Prêtre : Et lequel donc ?

Lève-la-Queue : Les Lanternes Jumelles ! Si mon maître est dehors ce soir et que Crantius Colto dort ici, nous pourrions demander aux abolitionnistes de l’enlever, en faisant croire à une erreur ! Comme si c’était mon maître qui était visé et non Colto. Vous pensez que cela marcherait ?

Le Prêtre : Par Julianos, je suis fier de toi, Lève-la-Queue ! C’est fort bien raisonné, et il se trouve que je connais bien quelques membres des Lanternes Jumelles. Je devrais bien parvenir à les convaincre. Il pourraient même t’emmener !

Lève-la-Queue : Non, cher prêtre, j’ai bien peur que je ne soit pas faite pour vivre dans le Marais Noir. Je ne sais pas chasser, je ne connais pas les forêts, je n’ai plus les instincts de mes frères… Je préfère rester à Vivec, même si c’est en marge de la loi.

Le Prêtre : Mais comment feras-tu ? Il te faudra des appuis pour vivre dans cette ville ! Ah ! Même nous, les prêtres du Culte, devons payer Bérel Sala pour que sa clique d’Ordonnateurs nous protègent.

Lève-la-Queue (avec un sourire malicieux) : Faites-moi confiance… Pour cela aussi, j’ai une idée…

(Ils sortent)


Acte III : dans la chambre de la Maîtresse, sur la place saint-Délyn et au Cercle de la Craie noire


Scène I (Crantius Colto, la Maîtresse)

(Crantius Colto entre ; la Maîtresse est occupée à brosser ses cheveux)

Crantius Colto (un large sourire aux lèvres) : Madame, votre mari m’a prié de l’excuser auprès de vous pour ce soir. Un de mes amis de Cœurébène avait le besoin pressant de le rencontrer pour une affaire… de la plus haute importance.

La Maîtresse : Que mon mari pense donc au bien-être de notre mariage, et qu’il aille sauver la fortune que je lui ai apportée en dot au plus vite ! Et réjouissons-nous du soin qu’il prête à remplir ses obligations envers moi !

Crantius Colto (dont le sourire s’élargit encore) : Et libérons-le du pénible labeur qu’est pour lui le devoir conjugal, Madame. (Il baise sa main) J’ose espérer vous trouver aussi impudique que jamais.

La Maîtresse : N’ayez crainte, cher ami et bienveillant assistant de mon mari en ses œuvres, Dibella me secondera comme toujours, et Mara détournera le regard, suivant son habitude.

Crantius Colto (le souffle brusquement court et la voix rauque) : Est-il alors besoin que Madame fasse languir sa patronnesse en se coiffant ainsi ? Les dieux ne sourient guère à ceux qui les font attendre.

La Maîtresse : Dibella est femme comme moi, et elle connaît les vertus de la patience pour donner plus libre cours à sa frénésie, cher et prévenant ami.

Crantius Colto (contrefaisant la déception) : Hélas, Madame, je sais votre mari prompt en tout ce qu’il entreprend, chez lui comme chez ses relations en affaires… Et nous risquons de manquer de temps pour remplir son devoir… Aussi, je me permets une suggestion qui, je l’espère, saura vous agréer, Madame.

La Maîtresse : Votre imagination en ces matières me sied toujours, cher et dévoué ami. Proposez, proposez.

Crantius Colto : Si vous m’en priez… J’ai observé avec un intérêt sans cesse croissant votre esclave, Lève-la-Queue… J’imagine que vous vous souvenez du signifié service qu’elle nous rendit à tous deux, il y a cinq ans de cela, quand elle avait à peine douze ans… (la Maîtresse hoche la tête) Elle était déjà saisissante à l’époque, mais maintenant qu’elle est femme, si vous me permettez cette approximation quant à sa nature, elle est d’une beauté ensorcelante. Et votre mari m’a permis d’en user avec elle comme bon me semblerait. Ne serait-il pas plaisant, Madame, que nous partagions cette faveur que votre cher époux me fait ?

La Maîtresse : Cher ami, vous vous égarez, ou vous voulez me dire, bien maladroitement, que je ne vous plais plus.

Crantius Colto : Loin de moi cette pensée sacrilège ! Non, Madame (sa voix se fait tendre), représentez-vous seulement les plaisirs que nous pourrions ressentir à trois au lieu de deux… Madame, je vous ai déjà vu regarder cette esclave avec une étrange lumière dans les yeux… De la concupiscence ? Non, mais du désir pour cette superbe Argonienne aux proportions parfaites. Vous rêvez d’elle, j’en suis persuadé, vous ne pensez qu’à la tenir dans vos bras et à presser vos lèvres brûlantes contre les siennes qui sont de glace, à réchauffer son corps contre le vôtre… Mais vous hésitez encore, Madame ? Serait-ce la pudeur qui vous retient ? Dibella ne vous satisfait-elle plus, retourneriez-vous vers Mara ? En ce cas, je ne vous suis plus rien, je vous quitte de ce pas, car je sens que je vous dérangerais en m’éternisant ici. Ou bien est-ce une ruse pour vous la conserver pour vous seule ? Ne nous étions-nous pourtant pas promis de tout partager ? N’est-ce pas ce que je fais en vous proposant de passer la nuit avec elle et moi, alors qu’il m’aurait été facile de me la réserver ?

La Maîtresse (sa voix halète) : Non, cher compagnon de mes chevauchées nocturnes, non, ne partez pas ! Je le confesse, j’ai désiré cette esclave, j’ai caressé le dessein de l’attirer dans mon lit… Allez vite la chercher, que nous nous unissions tous trois !

(Crantius Colto sort)


Scène II (le Prêtre, un dignitaire des Lanternes Jumelles)

Le Dignitaire : Ce que vous me proposez là est bien risqué, mon père… Attaquer un manoir gardé en plein Vivec ? Et comment me conseilleriez-vous de m’y prendre ?

Le Prêtre (se tordant les mains) : Je n’en ai ma foi aucune idée… N’auriez-vous pas dans vos rangs de puissants illusionnistes qui puissent vous dissimuler à la vue ?

Le Dignitaire : Nous en avons… Mais notre précédent raid a tourné au désastre. L’un d’eux est entre la vie et la mort, un autre est encore sous l’emprise d’un sort qui l’a rendu à moitié fou et le dernier est occupé à les soigner. Je crains fort que nous ne puissions accéder à votre requête, mon père. Mais ne pouvez-vous pas prier vos dieux afin qu’ils intercèdent en votre faveur ?

Le Prêtre (crachant ses mots) : Seule Dibella et sa luxure vivent auprès de la maîtresse de maison qui l’honore bien assez à son goût pour vaincre toutes mes prières.

Le Dignitaire : En ce cas, vos chances de succès me semblent bien compromises…

Le Prêtre : « Vos » ? Est-ce à dire que vous refusez de m’aider ? Que vous reniez le serment que vous avez prêté de secourir tous les esclaves ? N’avez-vous donc pas plus de sentiments que les maîtres…

Le Dignitaire : Mon Père, la situation n’est pas aussi simple que vous semblez vous la représenter… Bérel Sala nous tolère parce qu’il a d’autres chats à fouetter que les plaintes des Telvannis et de la Cammona Tong… Mais un faux pas de notre part, un raid sur Vivec, par exemple, et il nous traquera, même si nous réfugions parmi les pestiférés du Mont Ecarlate !

Le Prêtre : Alors, par les Neuf, achetez cette pauvre Lève-la-Queue et rendez-lui la liberté ! Faites cela, au moins.

Le Dignitaire : Et sortir de notre anonymat ? Vous nous condamneriez à mort et ruineriez l’espoir qui est né dans le cœur de chaque esclave de Morrowind ?

Le Prêtre : Consentiriez-vous alors à me donner assez d’argent pour que je m’occupe du rachat ?

Le Dignitaire : Cela n’est point dans nos habitudes et cela va même à l’encontre de tous nos principes. Nous délivrons les esclaves, nous ne les rachetons pas.

Le Prêtre : Très bien. Je n’aurais pas dû venir, bon Stendarr ! Je me serais épargné cette cruelle déception sur la nature des hommes…

Le Dignitaire : Si je peux vous être utile en quoi que ce soit d’autre…

Le Prêtre : Laissez, Lève-la-Queue ne pourra compter que sur elle-même et mon humble personne pour la tirer de la servitude. Je ne voudrais pas vous de vos services pour tout l’or du monde ! Ah, vous ne valez pas mieux que ce Crantius Colto !

(Il sort)


Scène III (Lève-la-Queue, un Membre de la Guilde des Voleurs)

Le Voleur : Nous n’acceptons pas les esclaves dans la guilde. Nous avons des règles strictes et nous ne comptons pas manquer un cambriolage parce qu’un espion infiltré nous a dénoncés.

Lève-la-Queue : Demain, je ne serai plus une esclave. Mes maîtres ont relâché leur surveillance et les Lanternes Jumelles pourront facilement venir me chercher cette nuit.

Le Voleur : Nos restrictions valent aussi pour les gens libérés par cette… association. Nous sommes en lutte contre la Cammona Tong, nous n’allons pas lui donner un moyen légal de nous combattre en nous occupant des affranchis.

Lève-la-Queue : Réfléchissez bien, ami Voleur (le Voleur lui fait signe de baisser la voix). Ce soir, Crantius Colto dort dans la maison de mes maîtres et probablement pas dans une chambre d’ami, si vous voyez ce que je veux dire… Il me serait facile d’aller fouiller ses possessions tandis que vous vous occuperiez de… visiter son logis. Cette information ne vous paraît-elle pas suffisante pour m’accorder une place dans votre Guilde ?

Le Voleur : Crantius Colto ? L’administrateur du quartier étranger ?

Lève-la-Queue : Celui-là même. Le richississime Crantius Colto. L’homme dont les coffres sont ouverts parce que l’or a fait sauter le verrou ! Que même les Ordonnateurs redoutent ! Et qui ne sera pas en mesure de les avertir demain si tout se déroule conformément à mes plans.

Le Voleur : Qui sont… ?

Lève-la-Queue : Son enlèvement fortuit par les Lanternes Jumelles qui l’auront confondu avec mon maître cette nuit. Après tout, celui qui repose dans le lit de ma maîtresse devrait bien être celui à qui j’appartiens, ne pensez-vous pas ?

Le Voleur (qui sourit de toutes ses dents) : Et vous pensez, chère partenaire, être en mesure de nous apporter quelques-uns de ses bijoux qu’il a coutume de garder avec lui ?

Lève-la-Queue : M’est avis, partenaire, que quand il verra la pauvre petite Lève-la-Queue, si innocente, nettoyer sa chambre, il ne laissera même pas un anneau le gêner.

Le Voleur : Buvons donc à notre accord et à vos providentielles informations ! Et à votre appointement comme membre de la Guilde ! Juste ce qu’il nous fallait pour recréer la Bal Molagmer !

Lève-la-Queue : C’est cela, trinquons !


Acte IV : dans la chambre de Crantius Colto


Scène I (Le Prêtre, Lève-la-Queue)

Le Prêtre : Je suis navré, ma chère enfant. J’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour convaincre mon contact des Lanternes Jumelles, mais il s’est obstiné à refuser de prendre quelques risques pour te faire échapper.

Lève-la-Queue (inquiète) : Pauvre de moi ! J’avais prévenu la Guilde des Voleurs que Colto ne pourrait pas les faire rechercher s’ils s’introduisaient dans son manoir cette nuit ! ils me tueront s’ils se font prendre.

Le Prêtre : Eh bien, en ce cas, nous n’avons pas le choix… Cela va contre mes vœux, mais pour t’aider, je me commettrais avec le Roi des Tréfonds lui-même. Je vais revenir cette nuit et à nous deux, nous capturerons ce maudit Colto.

Lève-la-Queue : Non, non ! C’est trop dangereux pour vous ! Je ne veux pas que vous perdiez votre rang et votre honneur à cause de moi.

Le Prêtre : Bah ! mon honneur, je le perdrais en te laissant ainsi, sans ressources et aux mains de ta maîtresse et de Colto. Quant à la prêtrise… Si les Neuf tolèrent de telles infamies, alors je les renie et ne veux plus les servir !

Lève-la-Queue : Mais à nous deux, nous ne parviendrions jamais à assommer cette brute et à l’emporter !

Le Prêtre (souriant) : J’envisageai de le couper en morceaux et de les jeter à la mer pour nous épargner ce désagrément (voyant Lève-la-Queue pâlir). Non, rassure-toi, douce Lève-la-Queue, je ne médite rien d’aussi horrible. Mais quand j’avais ton âge, j’ai, comme tous les Impériaux, effectué un service militaire dans la légion, et je me suis enrôlé un temps comme aumônier. Nous verrons si mon entraînement me sera utile pour transporter ce… cet homme.

(Il sort)


Scène II (Lève-la-Queue)

Lève-la-Queue (exécutant ce qu’elle dit au fur et à mesure) : Voyons si Colto a placé une serrure sur ses quelques affaires. Non, bien sûr ! Voilà qui me convient tout à fait, je n’ai pas encore eu le temps de m’exercer à les crocheter. Nul doute que ma nouvelle Guilde saura m’apprendre à les manipuler avec précision. Que vois-je ? L’imbécile se déplace donc toujours avec ses bijoux les plus précieux ? A moins qu’il ne compte les offrir à ma maîtresse… Eh bien ! voilà qui me repaiera de tous les maux que j’ai endurés ! Ce collier, pour le fouet ! Cette bague, pour le sel ! et ces boucles ? pour toutes les brimades et les insultes !
Mais j’entends quelqu’un venir… Serait-ce lui ? Pas d’affolement, petite Lève-la-Queue, joue les ingénues jusqu’au bout ! Saisis un balai et astique le plancher ! Minaude et rends-le bouillant de désir ! ralentis ta voix, qu’il ne remarque pas les changements en toi !

Voix de Crantius Colto : Qui est là ? un voleur ?

(Il entre)


Scène III (Lève-la-Queue, Crantius Colto)

Lève-la-Queue : Certainement pas, monsieur ! Je ne suis là que pour faire le ménage dans votre chambre.

Crantius Colto : Est-ce vraiment pour cela que tu es venue, petite ? Pour faire la chambre ?

Lève-la-Queue : Je ne sais ce que vous voulez insinuer, monsieur. Je ne suis qu'une pauvre petite Argonienne.

Crantius Colto : C'est bien vrai, et charmante, en plus. Que tes jambes sont musclées et que ta queue est bien galbée.

Lève-la-Queue : Vous me gênez, monsieur !

Crantius Colto : N'aie pas peur. Tu ne risques rien avec moi.

Lève-la-Queue : Je dois finir mon ménage, monsieur, sans quoi la maîtresse aura ma tête.

Crantius Colto : Ton ménage, hein ? Dans ce cas, j'ai quelque chose pour toi. Tiens, occupe-toi de ma lance.

Lève-la-Queue : Mais c'est qu'elle est énorme, monsieur ! Cela va me prendre toute la nuit !

Crantius Colto : Nous avons tout le temps, mon petit, tout le temps...

Lève-la-Queue : En ce cas… Il en sera fait comme monsieur le veut.

Crantius Colto : (à part) Moment tant attendu et si riche de promesses ! te voici enfin ! Lève-la-Queue, ta maîtresse peut bien attendre quelques heures, jusqu’à minuit s’il le faut ! (à Lève-la-Queue) Eh bien, mignonne petite, viens donc nettoyer cette lance. (Lève-la-Queue s’avance) Holà, pas si vite ! Une bonne petite Argonienne comme toi doit mettre à l’aise les invités de ses maîtres. Retire-moi ma tunique, elle me tient trop chaud. (Lève-la-Queue s’exécute) Voilà qui est bien mieux… Mais je sue encore à grosses gouttes… Enlève aussi le reste de mes vêtements, cela me soulagera. (Lève-la-Queue s’agenouille devant lui et défait la ceinture de son pantalon ; ravi, Crantius Colto s’affale sur son lit)

Lève-la-Queue : Y a-t-il autre chose que je puisse faire pour monsieur ?

Crantius Colto : Oh que oui ! Maintenant, petite, approche-toi de moi, c’est cela… Encore, n’aie pas peur… (Crantius Colto se redresse sur le lit et enserre dans ses bras Lève-la-Queue qui esquisse une grimace de dégoût) Tes écailles sont aussi douces que je l’espérais, mignonne.

Lève-la-Queue : Et vous plus méprisable que je ne le pensais, Colto (avant qu’il réagisse, elle se dégage de son étreinte et le frappe sur la nuque avec le manche de son balai jusqu’à ce qu’il s’écroule, inconscient)


Acte V : dans la chambre de la Maîtresse


Scène I (La Maîtresse, puis Lève-la-Queue et le Prêtre)


La Maîtresse (alanguie dans son lit, à peine vêtue) : Mais que fait donc Crantius ? Ah ça ! Il m’avait pourtant promis de revenir au plus vite et voilà deux heures que je l’attends. M’aurait-il abusée pour profiter seule de Lève-la-Queue ? Par ma protectrice Dibella, si je dois attendre les baisers de la petite Argonienne encore une minute, j’irais le chercher dans ses appartements, et s’il m’a trahie, je le ferais chasser d’ici ! Et Lève-la-Queue sera toute à moi. Quel pensée délicieuse… A la réflexion, je me demande si ce n’est pas ce que je vais faire quoi qu’il arrive. La seule idée de son corps maladroit et sacrilège sur cette esclave si fragile et pure ! Oh, comme j’ai été sotte de la faire fouetter et d’ainsi la rabrouer sans cesse ! Comme elle doit s’en ressentir envers moi et que de caresses il me faudra lui prodiguer pour apaiser sa rancœur ! Mais ce n’est pas si mal après tout. Et, par Dibella ! je suis riche et la Morag Tong pourra bien me débarasser de mon mari et de ce lourdaud de Crantius ! Il me restera bien assez pour passer mes jours à choyer la petite Lève-la-Queue pour mieux la plier à ma volonté. Ah ! quelle attente insupportable ! c’en est assez, je vais voir ce que fait Crantius, et s’il est avec Lève-la-Queue, alors malheur à lui !

(Elle sort ; peu après, Lève-la-Queue et le Prêtre entrent en portant le corps inanimé de Crantius Colto, qu’ils dissimulent derrière le lit, attaché et un bâillon enfoncé dans la bouche)

Le Prêtre : Est-tu sûre que c’est bien ce que tu veux ?

Lève-la-Queue : Oui, cher prêtre. Je sais que la violence ne te réjouit pas, mais je dois me venger d’une manière ou d’une autre et celle-ci me semble idéale.

Le Prêtre : A ta guise, Lève-la-Queue. Je ne te désapprouverai pas car je ne peux que supposer ce que tu as subi et même Stendarr ne pardonnerait pas à tes maîtres et à cet ignoble Colto qui ose se prétendre homme !

Lève-la-Queue : Je compte bien faire regretter à ma maîtresse toutes mes avanies passées. (Elle détache de sa ceinture un fouet) Et ceci sera l’instrument de ma vengeance.

Le Prêtre : Où as-tu pris cela ?

Lève-la-Queue : Chez le bourreau de cette maisonnée dont j’ai souvent eu à me plaindre… Mais qui n’est pas l’objet de ma rancune ce soir.

(La Maîtresse revient dans la pièce)


Scène II (Lève-la-Queue, le Prêtre, la Maîtresse, Crantius Colto, toujours assommé)

La Maîtresse (en poussant la porte) : Aucune trace de lui ou d’elle, ni dans sa chambre, ni dans les quartiers des domestiques, ni dans les caves ni dans les combles ! Où sont-ils donc ? Ce maudit Crantius n’aurait tout de même pas emmenée ma Lève-la-Queue de force chez lui, en me privant d’elle ? La peste du mari de la lui avoir cédée ! Ne pouvait-il m’offrir de partager des nuits de débauche avec cette merveilleuse Argonienne quand il s’absente ? (Les yeux de Lève-la-Queue flamboient ; le visage du Prêtre se contracte en un masque de rage) Que faire ? Que devenir ? Sans elle tout contre moi, je me sens déjà dépérir !

Lève-la-Queue (sortant de l’ombre) : Vous me cherchiez ?

La Maîtresse (folle de joie et se jetant à son cou) : Oh ma petite chérie, tu es là ! ce monstre de Crantius n’a pas osé t’effleurer j’espère ? Un mot, un seul de toi et je le fais écorcher tout vif ! Oh, que cette brute aie seulement sali ton image en t’imaginant à lui, c’est déjà trop ! Il doit périr pour cet affreux crime !

Le Prêtre (la repoussant rudement) : Il suffit, madame, souvenez-vous au moins pour une fois du serment que vous fîtes à votre mari quand vous vous adressez à une jeune fille pure de tous vos péchés.

La Maîtresse (une lueur démente dans le regard) : Pure ? jeune fille ? Ainsi nul ne t’a touchée ? Ah, bon prêtre qui vient célébrer mon union avec la merveilleuse Lève-la-Queue ! Car c’est bien pour cela, n’est-ce pas ? c’est bien pour cela que tu es venu ? Pour que les Neuf approuvent la passion que je porte à cette jeune et belle Argonienne qui a déchaîné en moi les affres de l’amour ? Pour que nous soyions unies l’une à l’autre par des liens sacrés et inébranlables que rien ne saurait rompre et qui surpasseraient en valeur ceux de mon mariage !

Lève-la-Queue (brandissant son fouet) : A genoux, femme perverse, et souviens-toi de tout ce que tu m’as infligé quand la lanière de cuir s’abattra sur tes épaules.

La Maîtresse (se laissant tomber sur le sol) : Oh, amour que j’ai cru perdu et que je retrouve déjà, fouette-moi si cela te plaît et aime-moi encore après cela. J’accepterai tout, tout, pourvu que tu me chérisses plus que tout être au monde ! (Lève-la-Queue recule, effrayée) Ne te dérobe pas ! Deviens et reste mienne à jamais ! Je serai ton esclave !

Le Prêtre : L’idée serait plaisante, madame, mais bien que vous ayez eu nombre d’esclaves, vous ignorez ce qu’est la servitude. Lève-la-Queue est plus charitable que vous : même par vengeance, elle ne vous ferait pas subir ce châtiment. Mais préparez-vous plutôt à regretter vos crimes si vous avez encore assez de raison.

(Lève-la-Queue abat son fouet sur le dos de la Maîtresse qui crie de plaisir et de douleur mêlés)

Lève-la-Queue (sur un ton dégoûté) : Rien à faire, elle est folle. Je suis vengée d’une façon bien différente de celle que je l’imaginais : je la pensais tremblante et m’implorant de l’épargner, voici qu’elle prend plaisir à son supplice.

Le Prêtre : Crois-moi, mon enfant, tu as de quoi être satisfaite. Pour une folie si subite et profonde, il n’est nul espoir de rémission. Mais je sais comment rendre la punition plus exemplaire et douloureuse encore. (Il tend une bouteille à Lève-la-Queue) Fais boire à Colto et à cette femme qui était ta maîtresse une gorgée chacun. Ils dormiront pendant des heures, jusqu’à ce que quelqu’un les réveille, à vrai dire ; Si nous les disposons l’un contre l’autre dans ce lit et peaufinons quelque peu la mise en scène, le mari, quand il rentrera, ne pourra tirer qu’une seule conclusion…

Lève-la-Queue : Idée fort ingénieuse que vous avez eu là, cher prêtre. Peut-être pas des plus communes au sein du culte mais ma liberté nouvelle et ma vengeance t’en remercient. (Elle aide le Prêtre à coucher les corps de Crantius Colto et de la Maîtresse, à présent inanimée, dans le lit, s’étreignant l’un l’autre) A les voir, on jurerait qu’ils s’aiment encore. Belle ironie que ce geste d’affection ! Si votre potion fait rêver, alors nul doute que chacun se voit me palpant et me possédant comme si j’étais encore à eux. Quelle surprise ces deux-là auront à leur réveil !

Scène III et dernière (Le Maître, la Maîtresse, Crantius Colto puis Lève-la-Queue et le Prêtre)

Le Maître (entrant à grandes enjambées) : Hola, femme paresseuse ! Debout, voyons ! Avez-vous passé tout le temps qu’a duré mon absence à dormir ?

Crantius Colto (se réveillant) : On m’appelle ? C’est toi, mignonne Lève-la-Queue qui gît sur mon sein, épuisée de la chevauchée endiablée où je t’ai fait monter en croupe ? Ah, ah !

Le Maître (incrédule) : Crantius ? Que faites-vous dans la chambre de ma femme ?

Crantius Colto (les yeux fermés et d’une voix abrutie de sommeil) : Du large, le jaloux ! Si tu veux ta femme, je te la rends sans regret ! Mais ne t’avise pas de toucher à la petite Lève-la-Queue dont tu m’as fait présent ! Et ne laisse pas ton épouse lubrique rôder autour d’elle ou, par les Neuf ! je lui fait trancher la tête pour l’exposer sur un pieu à l’entrée e mon manoir. (Il secoue la Maîtresse sans la regarder) Réveille-toi ma petite merveille ! Nous avons encore beaucoup à faire ici avant que je t’emmène chez moi !

La Maîtresse (se réveillant) : Qui me demande ? C’est toi, parfaite petite Lève-la-Queue ? Mes baisers et mes caresses m’ont-ils obtenu ta pitié pour que tu me les redemandes de façon si pressante ?

Le Maître (ébahi) : Que signifie cela ? Ma femme, dans les bras de Colto ? Tous deux ne jurant que par mon esclave Lève-la-Queue et qui disent qu’ils l’ont eue toute la nuit et même ensuite ? Alors qu’elle n’est pas là ? Mais je comprends, coquins, pourquoi vous dormiiez si bien ! Votre nuit a due être bien courte !

La Maîtresse (ouvrant les yeux et découvrant Crantius Colto à ses côtés) : Comment ? Comment oses-tu me toucher, misérable ! Où est Lève-la-Queue ? Parle, ou je t’arrache la langue ! (elle frappe de ses poings le torse de Crantius Colto) Allons, réponds, vermine, où est la prunelle de mes yeux, la détentrice de mon cœur ? Qu’en as-tu fait, ordure ? Si tu as osé poser la main sur elle, cette perfection incarnée, je donnerai ton âme en pâture aux nécromanciens pour qu’ils la fassent à jamais souffrir !

Crantius Colto (totalement réveillé par les cris de la Maîtresse et la voyant dans le même lit que lui) : Arrière, mégère, arrière ! Que fais-tu ici, catin, salope, traînée ? Tu t’es insidieusement glissée dans ma couche pour me dérober ma Lève-la-Queue, pour que tu la possèdes par tes artifices ! Tu l’as ensorcelée, oui, par tes incantations démoniaques et tu l’as retournée contre moi car elle m’appartenait tout entière ! Rends-la moi ! Rends-la moi, te dis-je ! Faut-il que je te fasse empaler pour que tu me répondes ?

Le Maître : Je dois devenir fou ! Ce n’est qu’un cauchemar affreux et ridicule !

La Maîtresse (se retournant sauvagement vers son mari et tentant de l’étrangler) : Maudit ! Qu’avais-tu besoin d’allumer les feux impies de ce dépravé en allant lui offrir ma Lève-la-Queue ! Pourquoi m’avoir ainsi blessée, m’avoir ainsi condamnée à mourir !

Crantius Colto : (se jetant à son tour sur le Maître) : Maudit ! Qu’avais-tu besoin de t’absenter quand tu m’a donné Lève-la-Queue ? Ne pouvais-tu pas satisfaire les appétits de ton épouse lubrique en me laissant emmener cette esclave chez moi !

Le Maître (reculant, fou de rage, et tirant son épée) : Ah perfides ! Toi, ma femme, en qui j’avais confiance ! Me trahir de la sorte ! Et toi Colto, tu avais bien raison de m’avertir sur les mœurs de Vvardenfell ! Elles ont infecté l’esprit de tous ceux qui résident en cette maison ! (Il les tue) Par les Neuf, qu’ai-je fait ? Et pourquoi, ô dieux, m’infliger un tel supplice ? (Il se laisse tomber sur son épée)

(Lève-la-Queue et le Prêtre reviennent dans la pièce)

Le Prêtre (avec un faible sourire) : Toutes ces morts pour te posséder, Lève-la-Queue… Tu es une Argonienne aussi désirable que redoutable…

Lève-la-Queue : Mon esprit est en repos maintenant que ma vengeance est accomplie. Je ne risque plus d’être très dangereuse, à part pour les fortunes des esclavagistes.

Le Prêtre (surpris) : Tu vas travailler pour le compte de la Guilde des Voleurs ?

Lève-la-Queue : Ma foi, oui. La paie est bonne, si l’on peut dire cela ainsi, et c’est une profession pleine d’opportunités.

Le Prêtre : Hmm, hmm… Chose amusante, le dieu protecteur des Marchands, Zénithar, a un clergé opposé à celui dont je dépends, la Bienveillance de Mara. Crois-tu qu’un prêtre disposant de quelques sorts de guérison et de compétences martiales pourrait intéresser tes nouvelles relations de travail ?

Lève-la-Queue : Pourquoi pas ? Les bons guérisseurs sont rares et la Guilde aura grand besoin de combattants dans la lutte qui va l’opposer aux Guerriers et à la Cammona.

Le Prêtre : Eh bien, voilà qui règle nos soucis : tu es libre et nous sommes de fidèles serviteurs du maître voleur de Vivec. Il ne nous reste plus qu’à emporter ce que nous pourrons rafler ici avant qu’un domestique un peu trop zélé ne vienne s’enquérir de la raison du vacarme qui vient de s’achever.

Lève-la-Queue : Tu as raison, ami. (Ils sortent en se tenant par la main)

Rideau
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Membre des Fervents Partisans de l'Immuabilité Avatarienne

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